167ème régiment d'infanterie
pendant la grande guerre 1914-1918
Librairie Chapelot, Paris
Séjour en Lorraine.
Reillon. (Décembre 1915 -Juin 1916.)
Les 25 et 26 décembre, les officiers
procèdent à la reconnaissance du secteur de Reillon et la relève s'opère dans la
nuit du 26 au 27.
Le front nouvellement occupé par le régiment s'étend entre le ruisseau de
Leintrey, à l'ouest, et la région de Saint-Martin au sud-est.
Chaque bataillon occupe les points d'appui dits du « Bois-Boué » (1er
bataillon), du « Zeppelin » (2e bataillon) et du « Carrefour » (3e bataillon).
La première ligne, passant sur une petite ligne de crêtes, forme un angle
légèrement obtus, faisant face, au nord, au village de Leintrey; à l'est, aux
villages de Gondrexon et Chazelles.
La région Bois-Zeppelin, cote 293, forme le sommet de l'angle. Le sol,
légèrement ondulé, est formé de terre grasse et argileuse où les travaux, sous
l'action des pluies et des neiges, s'affaissent et se nivellent constamment.
Aussi, le secteur manque-t-il totalement d'organisations.
Ce sera l'œuvre de quatre mois de travail acharné que d'organiser une première
position très forte, reliée à l'arrière par des tunnels passant sous la crête de
Reillon et doublée d'une deuxième position aux lisières de la forêt de Mondon.
L'ennemi s'efforce de gêner nos travaux par un harcèlement continu et par de
violents bombardements.
Fin janvier, un bombardement ennemi bouleverse les abris occupés par des hommes
de la 1re compagnie; quelques-uns sont ensevelis. Leurs camarades n'hésitent
pas, sous les obus, ils travaillent avec rage et les déterrent, sauvant la vie à
ceux qui n'ont pas été tués sur le coup.
Les 19 et 20 février 1916, au moment de leur offensive sur Verdun, les Allemands
bombardent violemment le secteur. Les 3e et 4e compagnies, en première ligne à
gauche, subissent le 20, de 12 à 16 heures, un tir d'artillerie lourde
extrêmement violent. Le soldat Poirson (4e compagnie), agent de liaison, se
distingue particulièrement en assurant sa mission au plus fort du bombardement.
Le soldat Denizet (4e compagnie), blessé à la tête, refuse de se laisser
évacuer.
Le caporal Beltramond (4e compagnie), chef d'un petit poste avancé, exalte, sous
un feu intense, le courage de ses hommes.
Le 21 février, l'ennemi attaque. Le sergent Feterly tient, avec 8 hommes, un
poste avancé. Il se défend furieusement à la grenade et reste maître de la
position.
Nulle part, l'ennemi ne peut mordre sur nos tranchées.
Le 9 mai, un bombardement ennemi bouleverse l'abri occupé par l'aspirant Des
Etangs (2e compagnie) et sa section. Plusieurs hommes sont tués et blessés; le
reste est enseveli. Sous les obus, un groupe de volontaires travaille à délivrer
les malheureux; sous les restes de son abri, au milieu des morts et des blessés,
l'aspirant Des Etangs travaille et encourage les survivants qui réussissent à se
dégager.
Le 20 mai, vers 19 heures, violent tir d'artillerie allemande suivi d'une action
d'infanterie, vers 21 heures, sur le secteur de Saint-Martin occupé par le 37e
d'infanterie territoriale. Quelques éléments de tranchées où l'ennemi s'était
infiltré, sont repris par une compagnie du 3e bataillon.
Au début de juin; le régiment est relevé par des chasseurs à pied et part au
repos dans la région de Vathiménil-Chenevières, puis de Magnières-Saint-Pierremont.
Le lieutenant-colonel Laucagne vient d'être remplacé par le lieutenant-colonel
Décageux, chef bienveillant, très aimé des hommes.
Les trois bataillons sont commandés respectivement : le 1er, par le commandant
Gérard; le 2e, par le commandant Le Brun, remplaçant le commandant Pierrard,
grièvement blessé le 27 mai; le 3e, par le capitaine Menettrier, qui va
incessamment recevoir son quatrième galon.
[...]
Période du bois Banal. [décembre 1917]
Le régiment occupe le sous-secteur d'Hablainville,
qui comprend deux rentres de résistance : à droite le village d'Ancerviller, à
gauche, le bois Banal, jusqu'à la Vezouze. Les lignes sont distantes de 800 à
1.200 mètres. Ce point du front est relativement calme.
La division aura pour mission de lui donner une allure plus agitée pour retenir
de ce côté le plus de troupes ennemies possible et d'organiser 'en profondeur ce
terrain où rien, ou à peu près, n'a été fait. Dès les premiers jours, des
patrouilles nombreuses reconnaissent les points principaux de la ligne ennemie.
Ce fut l'œuvre des lieutenants et sous-lieutenants Hermané, Veillon, Durr,
Siboulet, Bouget, Fabre, pour le 1er bataillon; les sous-lieutenants Demay,
Carlier, Ducarme, les aspirants Bouyala et Bonnefoy, pour le 2e bataillon;
lieutenants et sous-lieutenants Dubois, de Bentzmann, Laborie, Colletaz, Denis ;
aspirants Bories, Jacquinot, Barbarin, de Leuglay, pour le 3e bataillon.
Le service de surveillance excessivement vigilant de l'ennemi ne permit pas à
ces patrouilles de donner des résultats; néanmoins, nous acquîmes la maîtrise du
« no man's land».
Il fallait cependant identifier les troupes ennemies. Pour faire des
prisonniers, on envisageait la nécessité d'un coup de main important sur le
hameau d'Ancerviller, quand, au cours de reconnaissances faites du 22 au 29
janvier, le sous-lieutenant Siboulet, de la 2e compagnie, cherchant des passages
pour s'infiltrer dans la ligne ennemie entre la Croupe et Domèvre, tomba sur un
emplacement de petit poste où se trouvait un réchaud plein de cendre encore
chaude. Laissant les choses en place, le sous-lieutenant Siboulet profila d'un
épais brouillard qui était tombé dans la journée et alla s'installer au petit
poste en plein jour. A la tombée de la nuit, l'ennemi venant prendre ses
emplacements, tomba dans l'embuscade qui lui tua 2 hommes et lui fit 2
prisonniers dont 1 sous-officier. Le sous-lieutenant Siboulet qui, par son
audace et son esprit d'initiative, avait évité la nécessité d'une opération
coûteuse, fut fait Chevalier de la Légion d'honneur. Ses hommes furent cités à
l'ordre de la division.
Néanmoins, les identifications sont de plus en plus nécessaires et nos
patrouilles continuent à être actives. Au cours de l'une d'elles, exécutée sur
le bois dés Chiens, par les aspirants Bouyala et Bonnefoy, ce dernier est blessé
après être tombés dans une embuscade allemande tendue dans l'oseraie des Vernes.
Il reçoit la médaille militaire.
Du 6 au 21 février, a lieu une série de relèves qui a pour but de donner le
centre de résistance Ancerviller au 167e régiment d'infanterie américain, venu
faire son éducation guerrière à la 128e division.
Le régiment ne conserve en ligne qu'un bataillon dans le bois Banal; il a un
bataillon au repos dans la région Herbéviller, Ogéviller, Migneville et un
bataillon en réserve de division à Denœuvre.
La grande offensive allemande du 20 mars, dans la Somme, eut son contre-coup en
Lorraine. Une activité inaccoutumée d'artillerie s'était manifestée depuis
plusieurs jours. L'effort allemand se traduisit devant nous, après une canonnade
assez violente, par une série de coups de main effectués sur plusieurs points du
front par de vigoureux « stosstrupen ».
Le 31 mars, le 3e bataillon, qui occupait le centre de résistance « Bois Banal
», fut attaqué assez violemment. Par chance, la veille, le chef de bataillon
avait rectifié et changé les emplacements de mitrailleuses, tous connus de
l'ennemi par suite des tirs indirects faits des positions de combat.
Le gros de l'attaque allemande vint donner sur une section de mitrailleuses
postée en flanquement de deux de nos groupes de combat de première ligne et qui
faucha les assaillants. Pour compléter la surprise de l'ennemi, le sergent
Serrés, de la 2e C. M., les soldats Theyvaud et Beau, contre-attaquent
immédiatement à la grenade. Bien que supérieurs en nombre, croyant, devant
l'audace de ces trois braves, avoir à faire à une troupe plus forte, les
Allemands fuient devant eux, laissant deux cadavres et de nombreuses traces de
sang sur le terrain.
Peu de temps après, le régiment prenait à sa charge le secteur de
N.-D.-de-Lorette, au nord de la Vezouze, en abandonnant aux Américains le
secteur d'Ancerviller.
On s'attend à une nouvelle poussée allemande, aussi recherche-t-on encore des
identifications fréquentes. Le 3e bataillon qui se trouve dans le centre de
résistance du bois Banal, opère de nombreuses patrouilles dans la région de la
Vezouze et prépare une incursion dans Domèvre, à proximité de la rivière où une
chute d'eau empêche d'entendre le cisaillement des réseaux.
L'opération, conduite par le sous-lieutenant Denis, échoue une première fois par
suite d'une méprise. Elle est reprise le 10 avril par le sous-lieutenant
Siboulet qui, répétant son bel exploit du mois précédent, tombait en ce point
sur une patrouille de surveillance allemande, en jetait une partie à la Vezouze,
tuait et prenait le reste.
Le sous-lieutenant Siboulet était cité à l'ordre de l'armée et ses hommes à
l'ordre de la division.
Dans le secteur du 2e bataillon, le sous-lieutenant Durarme réussit également un
coup de main. Au nord de la Vezouze les deux partis adverses occupaient chacun
une hauteur boisée : le bois des Prêtres du côté allemand, le bois des Haies d
Albe du côté français, ces deux saillants étant séparés par le vallon profond
marécageux du ruisseau d'Albe. Un petit poste ennemi se trouvait au saillant
su-est du bois des Prêtres ; on résolut d'enlever ce poste.
Le 16, a la fin de la nuit le sous-lieutenant Ducarme, suivi du sergent Prévost,
des caporaux Dudon, Cléret, des soldats Perruchot et Tinoult, gagnent, en
rampant à travers le marais, un buisson à environ 200 mètres du poste. A 5 h. 45
ils s'élancent : des mitrailleuses postées à la crête des Hayes d'Albe ouvrent
le feu pour faire terrer l'ennemi qui riposte néanmoins vivement sur les
assaillants avec une mitrailleuse légère. Un allemand est tué, un autre est
ramené grièvement blessé. Le sous-lieutenant Ducarme fut cité à l'ordre de
l'armée, le sergent Prévost, à l'ordre du corps d'armée; les caporaux Dudon,
Cléret, le soldat Perruchot, à l'ordre de la division; le soldat Tinoult, à
l'ordre du régiment.
Il faut enfin mentionner au 3e bataillon la patrouille hardie exécutée en plein
jour par le lieutenant Monier, dans le bois de Chazelles, après avoir cisaillé
plusieurs réseaux ennemis.
Dans la nuit du 22 au 23, le régiment, relevé, se concentrait dans la région
Magnières, Saint-Pierremont.
Il était complètement réencadré. Le colonel Galbrunert, de qui, depuis le début
de mars, le commandant Le Brun était devenu l'adjoint, avait profité de cette
période favorable pour porter au plus haut point l'instruction de détail, le
mordant et l'esprit combatif de tous. Les trois chefs de bataillon, commandant
Miquel, commandant Michel, commandant Molinié, avaient eu le temps de connaître
à fond leurs jeunes officiers. Les quelques jours dont on allait disposer
devaient permettre de reprendre l'instruction d'ensemble. |