Retour à la liste des textes - Classement chronologique et thématique

L’origine de cet article sont les curieuses échelles de distance sur la carte de 1704 ci-dessous, mentionnant des « lieues moyennes » de Lorraine, France et Allemagne, et des « grandes lieues » de Lorraine, France et Allemagne.

Le lecteur ne trouvera cependant pas dans cet article de réponse définitive à ce qu’est une lieue, mais une simple approche néophyte qui se conclut par un échec.

Duchez de Lorraine et de Bar 1704

Après mesure selon la carte, et sur la base de la lieue moyenne de France, la plus petite unité mentionnée, on aurait environ les rapports suivants entre chaque unité :

Ces proportions sont elles fantaisistes ?

La lieue est une mesure de distance que l’on retrouve dans de très nombreux pays, notamment d’origine latine, et aurait comme origine la distance qu’un homme à pied peut parcourir en une heure. Sa valeur est cependant très variable, même si une lieue moderne est généralement considérée au XIX^ème siècle comme valant 4 kilomètres.

Que la lieue soit exprimée en toise ou en degré, on ne trouve guère de table de correspondance satisfaisante : lorsqu’elle est une sous-division du degré du parallèle, et puisque la circonférence de la terre varie de 40000 kilomètres à l’équateur à 0 au pôle, la position géographique entraîne une variation constante de la mesure. Lorsqu’elle est exprimée en toise, valant 6 pieds, on se heurte aussi à des variations, même si en mesure française, on considère la toise égale à 6 « pieds du roi ».
Mais ce pied, censé être la longueur du pied de Charlemagne, est égale à 0,326596 mètre avant 1688, puis 0,324839 mètre jusqu’en 1799. La toise ferait donc environ 1,96 mètre avant 1688, puis 1,95 mètre.

Mais avant l’apparition du système métrique (et ses définitions du 19 mars 1791, 1er août 1793, 7 avril 1795, etc), on trouve un grand nombre de dictionnaires ou notices scientifiques mentionnant des correspondances.

Par exemple, la préface du dictionnaire géographique de Michel Antoine Baudrand (1705) propose cet exposé :
« M. l'Abbé Baudrand a employé pour les mesures de la Geographie les milles, les lieues, & les journées suivant la diversité des pays. Il se sert de milles pour l'Italie, la Grece, l'Allemagne, & les Royaumes du Nord, & de lieuës pour la France, l'Espagne, & les autres Etats où on employe ce terme [...].
Les lieuës communes de France sont de 3000 pas, & vingt de ces lieues font un degré, parce que suivant l'opinion commune chaque degré du globe de la terre contient soixante milles, & toute la circonference de la terre 7200 de ces lieuës. Les lieuës de Languedoc & de Gascogne sont de 4000 pas, & quinze font un degré. Les lieuës des Pays-bas contigus à la France sont semblables aux lieuës communes de France ; mais vers l'Allemagne, comme en Lorraine & dans les Provinces-unies, les lieuës sont presque semblables aux milles d'Allemagne. Les lieuës d'Espagne sont presque de 4000 pas, & dix-sept & demie font un degré. [...]
Il ne faut pas néanmoins s'arrêter si scrupuleusement à ces mesures qui sont fort inégales dans les differentes Provinces, & quelquefois dans les mêmes, comme en France où les lieuës communes sont plus petites en quelques endroits, en sorte qu'on en compte jusques à trente au degré. [...]
La lieue de Paris est de 2000 toises & la toise de six pieds. 2282 toises font la lieue moyenne de France, & 2.853 toises la lieuë de marine, d'où on doit conclure que vingt-cinq moyennes lieues de France font un degré, & que toute la circonference du Globe de la terre est de 9000 de ces lieues. »

Mais il y a bien trop d’approximations dans la grande majorité des textes anciens : il semble ainsi qu’il y ait ici confusion entre la « lieue moyenne » (de 2450 toises) et la « lieue commune » (de 2282 toises).
Et selon les sources, même la lieue commune de France est parfois indiquée de 2282 toises et demi, d’environ 2280 toises, 2200, 2283, 2290 toises, ou encore de 2282 toises 2 pieds 4 pouces 9 lignes 3/4 soit le 25^ème de 57060 toises que contient le degré. Elle serait donc de 2282,4 toises, et ferait donc 4448,4752 mètres pour une carte de 1704.

Notre carte mentionne une « lieue moyenne » de France qui serait donc en 1704 de 2450 x 6 x 0,324839, soit de 4775,13 mètres. La distance à vol d’oiseau entre Nancy et Blâmont est d’environ 12 « lieues moyennes de France », pour une réalité d’environ 50 km : l’appellation « lieue moyenne » (qui donnerait 12 x 4,775 = 57,3 km) devrait donc être, au mieux, celle de la « lieu commune » (12 x 4,448 = 53,37 km).

Mais quelle est aussi cette échelle en « grande lieue de France » dont le ratio avec la « lieue moyenne » n’est que de 1,15 ?
Si l’on compare ainsi les ratios donnés par l’échelle de la carte à la lieue moyenne de France de 4,775 km, on arriverait à cet étrange tableau :

Or aucun de ces valeurs ne se retrouve dans les différentes tables trouvées, regroupées dans les quatre premières colonnes du tableau ci-dessous (la cinquième étant notre recalcul sur la base d’une toise de 6 pieds de 0,324839 m). Mais on ignore, dans la plupart de ces sources quelle est la base de chaque calcul : est-ce le nombre de toises, et dans ce cas sur quelle valeur de la toise ? Est-ce la valeur au degré, et dans ce cas, quelle longueur de parallèle est retenue ?
Nous ne donnons donc ce tableau qu'à titre de curiosité, en fonction des diverses allégations trouvées :

En résumé de cet article, nous ne parvenons qu’à émettre un très gros doute sur les échelles de la carte des « Duchez de Lorraine et de Bar » de 1704, et à reconnaître que la valeur des diverses lieues reste une énigme.