En février 1810, Napoléon promulgue le
nouveau code pénal, qui s'avère très sévère pour les infractions classées comme
crimes.
Le Ministère de la Justice, sous la direction du « Grand-Juge Ministre de la
Justice, le Duc de Massa », en surveille la stricte application, et le
l'ouvrière Marie Finance de Domèvre va en subir les conséquences, dans le choix
de l'application de l'article 386 ou 408 du code.
ARTICLE 386. (Abrogé par Loi n°81-82 du 2 février
1981 )
Sera puni de la peine de la réclusion, tout individu coupable de vol
commis dans l'un des cas ci-après :
[...]
3° Si le voleur est un domestique ou un homme de service à gages, même
lorsqu'il aura commis le vol envers des personnes qu'il ne servait pas,
mais qui se trouvaient soit dans la maison de son maître, soit dans
celle où il l'accompagnait ; ou si c'est un ouvrier, compagnon ou
apprenti, dans la maison, l'atelier ou le magasin de son maître, ou un
individu travaillant habituellement dans l'habitation où il aura volé ; |
ARTICLE 408. (Modifié par la loi loi n°
77-1468 du 30 décembre 1977, et abrogé par la loi n°92-1336 du 16
décembre 1992)
Quiconque aura détourné ou dissipé, au préjudice du propriétaire,
possesseur ou détenteur, des effets, deniers, marchandises, billets,
quittances ou tous autres écrits contenant ou opérant obligation ou
décharge, qui ne lui auraient été remis qu'à titre de dépôt ou pour un
travail salarié, à la charge de les rendre ou représenter, ou d'en faire
un usage ou un emploi déterminé, sera puni des peines portées dans
l'article 406. [...]
[ARTICLE 406.
Quiconque aura abusé des besoins, des faiblesses ou des passions d'un
mineur pour lui faire souscrire, à son préjudice, des obligations,
quittances ou décharges, pour prêt d'argent ou de choses mobilières, ou
d'effets de commerce, ou de tous autres effets obligatoires, sous
quelque forme que cette négociation ait été faite ou déguisée, sera puni
d'un emprisonnement de deux mois au moins, de deux ans au plus, et d'une
amende qui ne pourra excéder le quart des restitutions et des dommages
et intérêts qui seront dus aux parties lésées, ni être moindre de
vingt-cinq francs.] |
Ainsi, l'article 408 conduit à de l'emprisonnement, mais le 386 à la peine de
réclusion, détaillée à l'article 21 du code pénal, et qui est bien plus sévère
que l'emprisonnement :
ARTICLE 21.
Tout individu de l'un ou de l'autre sexe, condamné à la peine de la
réclusion, sera renfermé dans une maison de force, et employé à des
travaux dont le produit pourra être en partie appliqué à son profit,
ainsi qu'il sera réglé par le gouvernement.
La durée de cette peine sera au moins de cinq années, et de dix ans au
plus. |
Journal des audiences de la Cour
de cassation
1812
OUVRIER.-VOL.-MAITRE.
Un ouvrier qui commet un vol dans la maison,
l'atelier ou le magasin de son maître, se rend-il coupable d'un crime emportant
peine afflictive et infamante ? - Rés. aff.
Marie Finance éplucheuse en coton à la manufacture du sieur Marmod à Domevre a
commis dans l'atelier où elle travaillait des vols de coton.
Poursuivie pour ces vols, et la prévention ayant été trouvée suffisante le
tribunal de Lunéville la renvoya devant la Cour impériale de Nancy, comme
prévenue d'un vol qualifié parle §.3 de l'art. 386 du Code pénal, qui prononce
une peine afflictive et infamante.
M. le Procureur général près cette Cour a requis le renvoi de la prévenue à la
Cour d'assises. - Mais la chambre d'accusation au lieu de lui appliquer !e $. 3
de l'article 386 du Code pénal, l'a placée dans le cas prévu par l'art. 408 du
même Code, et l'a renvoyée au tribunal de police correctionnelle, par arrêt du
23 octobre 1811.
M, le Procureur général s'est pourvu en cassation contre cet arrêt, pour fausse
application de l'art. 408 du Code pénal, et violation de l'article 386, §. 3 de
ce Code.
L'art. 408 disait ce magistrat, parle de marchandises qui auraient été remises à
un ouvrier pour un travail salarié à la charge d'en faire un usage ou emploi
déterminé ce qui ne s'entend que d'un ouvrier travaillant chez lui.
Mais lorsque l'ouvrier ne travaille pas chez lui et qu'il travaille dans la
maison l'atelier ou le magasin de son maître alors il ne s'agit plus de
l'article 408, mais bien du $. 3 de l'art. 386.
Or, il est reconnu que Marie Finance était ouvrière comme éplucheuse à la
filature de coton du sieur Marmod, et que c'est dans l'atelier de celui-ci que
les vols de coton imputés à cette femme ont été commis.
Cette double circonstance étant justifiée la fausse application da la loi en est
la conséquence et dès-lors, il y a lieu à cassation.
ARRÊT.
LA COUR, sur les conclusions de M. Lecoutour, avocat général; - Vu l'article
386, §. 3 du Code pénal; - ET CONSIDÉRANT que le procureur général près la Cour
impériale de Nancy avait exposé, dans son réquisitoire du 15 octobre 1811 qu'il
résultait des charges que Marie Finance était suffisamment prévenue d'avoir
soustrait dans les ateliers de Marmod, à Domevre. dans lesquels elle travaillait
habituellement en qualité d'ouvrière à gages, du coton à la grande soie, et
épluchures de coton ; - CONSIDÉRANT que, bien que ce fait soit qualifié crime
par l'article 386 du Code pénal, la Cour impériale a néanmoins annulé
l'ordonnance de prise de corps décernée contre Marie Finance, et a renvoyé cette
femme devant le tribunal correctionnel de Lunéville, pour y être jugée
conformément à l'article 408 du même Code; - CONSIDÉRANT que cette Cour ne
pouvait ainsi qualifier simple délit, !e fait dont Marie Finance est prévenue,
qu'après avoir préalablement reconnu qu'il ne résulte pas des charges que la
soustraction ait été commise dans un atelier où cette femme travaillait
habituellement comme ouvrière à gages; qu'elle a gardé le silence sur cette
circonstance principale, qu'elle devait, d'après l'article cité, apprécier et
préciser - CASSE etc..
Du 22 novembre 1811. - Section criminelle. M. le baron Barres, président.-M.
Oudart rapporteur.
Bulletin des arrêts de la Cour de
cassation rendus en matière criminelle
Mai 1812
(N° 155.): ANNULLATION, sur le pourvoi de M.
le Procureur général près la Cour impériale de Nancy, d'un Arrêt rendu le 23
Octobre 1811, par cette Cour, Chambre de mise en accusation, dans le procès
suivi contre Marie Finance.
Du 22 Novembre 1811.
NOTICE ET MOTIFS,
M. LE PROCUREUR GÉNÉRAL avait exposé dans son réquisitoire, qu'il résulte des
charges que Marie Finance est prévenue d'avoir commis un vol dans une
manufacture où elle travaillait habituellement comme ouvrière à gages, crime
prévu-par l'art. 386 du codé pénal. Cependant cette cour, considérant le fait
comme un simple délit, avait renvoyé Marie Finance devant un tribunal
correctionnel, sans avoir préalablement relevé et apprécié, soit négativement,
soit affirmativement, la circonstance principale prévue par l'art. 386, et
exposée par M. le procureur général.
La violation ainsi commise de cet article, a été réprimée par l'arrêt qui suit :
Ouï M. Oudart, et M. Lecoutour, avocat général;
Vu l'art. 386 du code pénal;
La Cour, considérant que le procureur général près la cour impériale de Nancy
avait exposé dans son réquisitoire du 15 octobre 1811, qu'il résultait des
charges, que Marie Finance était suffisamment prévenue d'avoir soustrait dans
les ateliers de ta manufacture de Marmond à Domèvre, dans lesquels elle
travaillait habituellement en qualité d'ouvrière à gages, du coton à la grande
soie et épluchure de coton;
Considérant que, bien que ce fait soit qualifié crime par l'art. 386 ci-dessus
cité, la cour impériale a néanmoins annullé l'ordonnance de prise de corps
décernée contre Marie Finance, et a renvoyé cette femme devant le tribunal
correctionnel de Lunéville, pour y être jugée conformément à l'art. 408 du même
code;
Considérant que cette cour ne pouvait ainsi qualifier simple délit le fait dont
Marie Finance est prévenue,qu'après, avoir préalablement reconnu qu'il ne
résulte pas des charges que la soustraction ait été commise dans un atelier où
cette femme travaillait habituellement comme ouvrière à gages ; qu'elle a gardé
le silence sur cette circonstance principale, qu'elle devait, d'après l'article
cité, apprécier et préciser ;
Par ces motifs, LA COUR casse et annulle l'arrêt rendu, le 23 octobre 1811, par
la cour impériale de Nancy ;
Ordonne, &c.
Ainsi jugé, &c. Section criminelle. |