On trouve dans les biographies canadiennes
une référence à « Célestin Thomas, né à Blamont (Moselle) en 1837 » :
Les Français dans l'Ouest
canadien
Donatien Frémont,
Ed. du Blé - Saint-Boniface 1980
Deux Lorrains, anciens brasseurs
Voici maintenant deux Lorrains qui
vont prendre une part active au développement de la jeune colonie.
Entre 1860 et 1862 s’établit à Middlechurch, dans la banlieue de
Winnipeg, une brasserie assez primitive. Le propriétaire en était un
homme petit et maigre, Célestin Thomas, né à Blamont (Moselle) en 1837.
Dès qu’il fut question d’ériger la bourgade de Fort-Garry en ville, le
Lorrain s’empressa d’acquérir un terrain sur le bord du ruisseau Colony,
qui serpentait dans la prairie là où se déroulent aujourd’hui le
boulevard Memorial et la rue Colony, avant de se jeter dans
l’Assiniboine toute proche. En plein coeur de la capitale actuelle,
alors que celle-ci attendait encore sa charte, Thomas se mit à fabriquer
de la bière dans une installation modeste qui allait croître rapidement.
Il en fut le seul propriétaire jusqu’en 1887. C’est aujourd’hui la
brasserie Shea, la plus importante du Manitoba.
Célestin Thomas vécut un temps à Pembina, sur la frontière américaine,
puis fixa sa résidence permanente à Saint-Boniface, où il mourut en
1927, à l’âge de 89 ans. Il avait épousé une fille du capitaine Jean
Mager.
C’était un autre Lorrain, venu à la même époque de Saint-Avold
(Moselle), où il était brasseur, avec sa femme, ses quatre enfants et un
cinquième, Victor, son petit-fils. La famille passa le premier hiver à
Saint-Paul (Minnesota) et se mit en route au printemps pour la
Rivière-Rouge. Ce fut une expédition de vingt-quatre jours, très
périlleuse à cause des bandes de Sioux qui rôdaient ici et là. La nuit,
on couchait à l’intérieur du cercle de charrettes formant barricade,
pendant que des sentinelles montaient la garde pour parer à toute
surprise.
A Saint-Boniface, les Mager vécurent la vie du temps, le père faisant le
roulage des marchandises de Saint-Paul, les garçons et les filles
fréquentant l’école. Au bout de quelques années, ils allèrent se fixer
au-delà de la frontière, à Saint-Joseph de Walhalla (Dakota-Nord), dont
ils sont considérés comme les fondateurs. Cependant, Victor Mager
demeura à Saint-Boniface et se livra à la culture maraîchère, face à la
jonction de l’Assiniboine et de la rivière Rouge. Au cours de sa longue
existence, il connut toutes les péripéties des débuts de la colonie:
inondations, épidémies de sauterelles, soulèvement des Métis, “boom” de
1881. Il vit le petit poste de Fort-Garry grandir par bonds et devenir
la vaste métropole de l’Ouest. A partir de 1900, il vit monter la valeur
de ses biens et passa certain temps pour le plus riche propriétaire
foncier de la rive sud.
Victor Mager resta fidèle toute sa vie à son occupation de maraîcher,
justement fier de ses primeurs et de ses produits de haute qualité. A 21
ans, il avait épousé Elizabeth Emerling, nièce du Bavarois George
Emerling. Celui-ci, déjà allié à la famille par son mariage avec une
fille de Jean Mager, eut son heure de célébrité au titre de premier
hôtelier de Winnipeg. Devenu veuf, Victor Mager convola en secondes
noces avec une fille de Célestin Thomas. Lorsqu’il mourut en 1930, ce
doyen des Français vivait à Saint-Boniface depuis soixante et onze ans.
Jusqu’à la fin il pilota son auto avec la même aisance que la charrette
à boeufs du temps de sa jeunesse. L’une de ses petites-filles, Priscilla
Guilbault, épousa J.-C. Davis, ingénieur électricien, qui fut sénateur
du Manitoba. |
Célestin Thomas est-il blâmontais comme
l’affirme l’article ci-dessus ? Le journal La Liberté donne une information
essentielle au décès de Célestin Thomas en 1927 :
La liberté - Winnipeg - 2
février 1927
Mort de M. Célestin Thomas
Le jeudi 27 janvier s'éteignait douce dans le Seigneur Célestin Thomas,
dans sa 90me année. Né en 1837 à Frémonville, département de la Meurthe,
France, il s'embarqua au Havre en novembre 1854 pour la Nouvelle
Orléans, Etats-Unis. Il vint ensuite au Manitoba en 1859 et l'on peut
dire qu'il fut vraiment un des pionniers de la Rivière Rouge.
M. Thomas, malgré son grand âge, possédait une très bonne mémoire et se
faisait un grand plaisir de raconter les traits disparus du pays.
Les funérailles ont eu lieu samedi matin dans la cathédrale de
Saint-Boniface. M. l'abbé Brunet chanta le service funèbre, assisté dé
M. l'abbé Boulet et de M. l'abbé Deschambault. Le deuil était conduit
par Aurêle Joyal, petit-fils, et Louis Delisle, arrière-petit-fils, MM.
Joyal et Mager. Les porteurs étaient MM. H. Constant, A Lemay, H.
Painchaud, M. Baril et M. L. Roy. A. Miller et M. Renaud
M. Thomas laisse deux filles, Mme Emile Joyal (Irène), Sidonie, Aurèle,
Corinne et Victorine, et six arrièré-petits-enfants, Cécile, Aurélie,
Louis. Berthe, Benoît, tous de Saint-Norbert |
Célestin Auguste Thomas est né à Frémonville le 29 mars 1837. Il est le fils de Joseph Thomas (décédé en 1874 à
Bloomington, Hennepin, Minnesota) et Marguerite Aimé (décédée à St Paul, Ramsey,
Minnesota)
Il décède affectivement le 27 janvier 1927 à Saint-Boniface, Greater Winnipeg,
Manitoba.
Son activité de brasseur est citée par de nombreux ouvrages : |
|
Winnipeg landmarks + Vol.
2
Murray Peterson
1961
BLACKWOOD’S BEVERAGE COMPANY BUILDING
409-421 MULVEY AVENUE EAST
Celestin Thomas is credited with starting the first large-scale brewery
in Western Canada, opening a facility in 1862 near the present-day
Middlechurch Home. In 1873, he moved his business into what would soon
become the City of Winnipeg, locating on Colony Creek near the present-day
corner of Broadway and Osborne Street (Great-West Life Building). This
became McDonagh and Shea’s Brewery and finally Shea’s Brewery.
|
La
société historique de
Manitoba publie une biographie malheureusement erronée sur plusieurs points :
Memorable Manitobans: Celestin
“Whisky” Thomas (1837-1927)
Brewer.
Born at Biamont, Lorraine, France on 29 March
1837, he moved to New Orleans, Louisiana with his wife, baby son, and
parents. Not liking the conditions there, they moved to St. Paul,
Minnesota then to the Red River Settlement. He farmed for a short time
at St. Boniface before moving to Sturgeon Creek, then to a farm between
Middlechurch and West Kildonan. He imported beer and whisky from the
United States, thereby acquiring the nickname “Whisky” and, in 1862, he
established what is believed to be the first brewery in the region,
outside the Hudson’s Bay Company. He later moved the brewery to a site
in Winnipeg, at what is now the intersection of Broadway and Colony
Street. He and wife Sidonie Mager (1836-1917) had three children: a son
(?-?), Ernestine Thomas (1863-1947, wife of Victor Mager), and Victorine
Thomas (1867-1949, wife of Emile Joyal). He died at his St. Boniface
home, 509 Ritchot Street, on 27 January 1927. |
Hormis le faux lieu de naissance, cette
biographie indique qu’il serait arrivé à la Nouvelle-Orléans avec sa femme
(Sidonie Mager, décédée en 1892 à Walhalla), son fils, et ses parents.
Mais la liste d’arrivée à la Nouvelle Orléans, depuis le Havre, des 107
passagers du navire Shawmut le 1er avril 1857, mentionne uniquement ses parents
(indiqués comme fermiers) et cinq de leurs enfants,
Prénom du registre |
Âge du registre |
Prénom |
Date de naissance |
Décès |
Joseph |
60 |
|
29 juillet 1798 - Frémonville |
1874 - Bloomington, Hennepin, Minnesota |
Aimée |
52 |
|
6 juin 1804 - Val et Chatillon |
St Paul, Ramsey, Minnesota |
Catherine |
22 |
Marie Catherine |
19 décembre 1833 - Fremonville |
2 juin 1892 - St Cloud, Stearns, Minnesota |
Charles |
17 |
Charles Edouard |
24 mai 1839 - Frémonville |
1846 - Minnesota, ? |
Marianne |
12 |
|
29 mai 1841 - Frémonville |
18 octobre 1914 - St Paul, Ramsey, Minnesota, |
Célestine |
10 |
|
26 avril 1844 - Frémonville |
1909 |
Apolinaire |
7 |
Alphonse Apolinaire |
19 juin 1847 - Frémonville |
|
Ce registre ne mentionne en rien la présence de
Célestin (ou même sous le prénom Auguste), dont on ne trouve d’ailleurs
pas la trace dans d’autres registres d’émigration : un des précédents
articles indiquait pourtant un départ du Havre pour la Nouvelle-Orléans
en novembre 1854. On ne sait donc ni quand ni comment Célestin est
arrivé aux Etats-Unis.
Quant au mariage avec Sidonie Mager, il semble plutôt qu’il soit intervenu bien
plus tardivement à Saint-Boniface, avec la fille d’une autre famille lorraine
émigrée de Saint-Avold. |
|
L’histoire de la famille Thomas de Frémonville, et celle notamment de Célestin,
marque cependant une page importante de l’émigration Lorraine sous le second
Empire, vers les Etats-Unis, notamment vers l’état jadis francophone
de Louisiane, puis vers les provinces canadiennes (en notant qu’avant 1870, les
descendants des Français et métis francophones formaient 40 % de la population
du Manitoba, la population autochtone 45 %, et les anglophones seulement 5 %).
The Winnipeg Tribune
Winnipeg, Manitoba, Canada - Friday, January 28, 1927 |