La Deuxième République est
proclamée le 24 février 1848 à Paris. Après la promulgation de
sa constitution le 4 novembre 1848, Louis Napoléon Bonaparte
devient, avec l’élection du 10 décembre 1848, président de la
République pour 4 ans. Mais la constitution prévoyant la
non-rééligibilité du président (art.45), Louis-Napoléon devrait
légalement quitter le pouvoir en décembre 1852.
La première moitié de l’année 1851 est alors consacrée à
proposer des réformes de la constitution afin de devenir
rééligible et que son mandat soit porté de 4 ans à 10 ans.
À la suite d'une vaste campagne de pétition recueillant 1 457
832 signatures (dont 50616 inconstitutionnelles et 9042 croix ou
signatures non légalisées), le duc Victor de Broglie, chef de la
droite au Palais Bourbon, dépose le 31 mai 1851 à l'Assemblée
une proposition de loi, soutenue par 233 députés, pour réviser
la constitution et rendre ainsi rééligible le président de la
République.
L’Assemblée nationale se prononce le 21 juillet, par 446 voix
pour et 278 voix contre : mais l’article 111 de la constitution
exige une majorité des trois quarts de l’assemblée.
Ce refus de révision constitutionnelle entrainera alors le coup
d’État le 2 décembre 1851, qui confèrera de grands pouvoirs au
président par la constitution du 14 janvier 1852, jusqu’au
rétablissement de l’Empire
Les articles ci-dessous évoquent le peu d’engouement dans le
Blâmontois pour cette pétition de mai 1851...
Et pourtant on lit dans Histoire de la République de 1848. vol.
2 de Victor Pierre (Ed Plon Paris, 1873-1878) sur la
répartition des signataires :
« Au premier rang marchaient les départements de la Marne, de
la Dordogne, des Charentes, de la Haute-Saône, de la Seine et de
la Seine-Inférieure; au deuxième, la Corse ; puis dans l'est,
l'Aisne, la Meurthe, les Vosges, la Moselle, l'Aube, l'Yonne, la
Côte-d'Or, le Doubs, Saône-et-Loire ; au nord, les Ardennes, le
Nord et la Somme; vers le centre, Seine-et-Marne, Seine-et-Oise,
Eure-et-Loir, Loiret: dans l'ouest, le Calvados, l'Eure et la
Manche ; dans le sud, le Rhône, l'Isère, la Haute-Vienne, la
Gironde, la Haute-Garonne, l'Ardèche, l'Aude, le Lot, le
Lot-et-Garonne, le Puy-de-Dôme et les Hautes-Pyrénées. En regard
de ces départements, où l'ardeur révisionniste avait atteint son
apogée, ceux de la Bretagne et de la Vendée, comme quelques
départements du Languedoc et de la Provence, avaient manifesté
une indifférence ou une hostilité profonde. ».
Le Travail : journal de la
Meurthe, des Vosges et de la Moselle
12 juin 1851
On nous écrit de Blâmont, le
9 juin 1851 :
Mes chers concitoyens, Permettez moi de vous donner quelques
renseignements sur les manœuvres révisionnistes dans nos
environs:
A Cirey, canton de Lorquin, où la fameuse pétition est couverte
d’un grand nombre de signatures, on a dit aux ouvriers que
c’était pour le maintien de la République qu’ils signaient ; des
jeunes gens de 15 à 18 ans, on m’a même dit de 8 ans, l’ont
signée; il s’en trouve dans le nombre des villages de
Tanconville et de Bertrambois, qui ont signé deux fois, à Cirey
et dans leur commune.
Dans le canton de Blâmont, une seule commune a jusqu’ici
pétitionné, c’est celle de Domêvres; le citoyen Colin, maire, a
fait circuler la pétition par l’appariteur et a aussi recueilli
toute espèce de signatures; des femmes ont signé en l’absence
des maris.
Voici un autre fait qui s’est passé à Blâmont et que je vous
livre sans commentaire comme les autres, le témoignage de 25
spectateurs est là pour attester le fait.
Le lundi 2 juin, 25 prêtres du canton étaient réunis avec le
citoyen curé de Blâmont pour y prendre les saintes huiles;
quelle ne fut pas leur surprise et ensuite leur indignation
quand ils ont vu entrer le brigadier de gendarmerie de Blâmont,
qui leur demanda quelles étaient les opinions de leurs
paroissiens sur la révision de la Constitution. Ils répondirent
unanimement que, ne se mêlant pas de politique, ils ne pouvaient
le satisfaire à cet égard ; là-dessus le brigadier se retira,
comme dit la fable, honteux et confus.
Emile BENTZ.
10 juillet 1851
On nous écrit de Blâmont, le
6 juillet :
Mes chers concitoyens, Environ 4 jours, après l’insertion que
vous avez faite dans votre journal de mon article sur les
manœuvres révisionnistes, M. le. sous-préfet, est arrivé ici ;
et le lendemain les pétitions qui n’avaient encore vu le jour
que dans la commune de Domêvres, ont été adressées par notre
conseiller général, à tous les maires du canton. Plusieurs d'entr'eux
les renvoyèrent à l’expéditeur, d’autres les conservèrent sans
pour cela les faire signer; de ce nombre sont les citoyens
maires de Blâmont, Fremonville, Repaix, Ogéviller, Ancerviller,
Herbéviller, Barbas, etc., etc. Verdenal a fourni 2 signatures
et Autrepierre 25; cependant là, le maire avait donné l’élan. A
la maison commune, où il avait assemblé tous les électeurs, il
disait: ne craignez-pas, je signe le premier. Les amis de la
Constitution doivent des remerciements au citoyen Dedenon
(Emile), pour avoir éclairé la masse des électeurs, qui ne
voulurent pas goûter de la marchandise que vantait si bien M. le
maire.
Le brigadier de gendarmerie a été peu flatté de la publicité que
j’ai donnée à sa réception de la part des 23 prêtres, car il a
dit à M. le sous-préfet que j’étais un homme dangereux, faisant
de la propagande dans les campagnes ; puis s’adressant au
citoyen maire, comment conservez-vous, lui dit-il, une c...., un
b...., de cette espèce dans votre conseil municipal ? Il lui fut
répondu par un démenti formel à toutes ses allégations.
Dès que M. le sous préfet fut parti, M. le brigadier alla de son
chef ou par ordre faire une enquête à Domèvres, afin de savoir
s’il était vrai que des femmes eussent signé la pétition
révisionniste. Je ne connais pas encore le résultat de cette
fameuse enquête, mais je liens toujours les noms de ces dames à
la disposition du magistrat armé.
Salut amical,
Emile Bentz.
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