Le Baron de Saint Odile (Dominique
Mathieu Charles Poirot de la Blandinière
(1)) serait né à Blâmont en Lorraine au début du dix-huitième siècle (1715 ?).
Nous n'avons cependant pas retrouvé d'éléments permettant de
confirmer cette affirmation, tant sur le lieu que sur la date
(1717 étant sans doute plus probable, vu l'acte de mariage
ci-contre de ses parents en 1716).
Le fief de Sainte-Odile, au village d'Athienville, fut
érigé par lettres Patentes du duc François III de
Lorraine en 1736 (Registre des entérinements faits à
Chambre des Comptes, 7 mai 1736) en faveur de François
Poirot (né le 31 août 1692 à Pagny-sur-Moselle, décédé
en 1752), alors conseiller- secrétaire du duc (il
avait déjà été conseiller et secrétaire intime du duc
Léopold Ier, au moins depuis 1721). Le 30 juin 1716, François Poirot, alors
commis de l'extraordinaire des guerres, avait épousé, à Sainte-Croix de Metz, Sébastienne Dorion
(1694-1752), dont il eut : Dominique
Mathieu, Jean-François (1721-), Nicolas François
(1723-), Marie Marguerite (1726-), Louise Sébastienne
(1729-1801) et Anne Louise (1730-1789).
Dominique
Mathieu Charles Poirot est au service du duc François
III à Lunéville, lorsqu'après que ce duc de Habsbourg-Lorraine ait repris la Toscane (2) en échange de
la Lorraine (donnée au Roi polonais Stanislas Leszczynski),
il sert au Conseil
toscan à Vienne, et en
devient son secrétaire de 1744 à 1752.
Le 22 décembre 1751, le duc François l'avait fait Baron de
Saint-Odile. Le 16 mai 1752, il est envoyé comme ambassadeur toscan
(Ministre de Toscane auprès du Saint-Siège) à Rome, où il vit en grande pompe à la villa Médicis (propriété des ducs de Toscane, dont il a restauré les jardins)
(3). |
Nobiliaire ou Armorial général de la Lorraine - Dom
Pelletier - 1758
Acte de Mariage de François Poirot
- Metz-Ste Croix - 1716
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Il y restera
jusqu'au 3 mars 1774, lorsque le duc Léopold Ier le
démet de ses fonctions (apparemment pour des
intrigues secrètes avec la cour de Vienne).
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« VILLA MEDICIS : grande
& belle maison des Grands Ducs de Toscane qui est au nord de Rome sur le mont
Pincio. [...]
Le Baron de Santodile, Ministre de l'Empereur à Rome, s'est occupé à la rétablir, à y faire les réparations & l'entretien convenable, et même à y ajouter de nouvelles
décorations ; il en a ouvert des jardins à tout le monde, & c'est la plus belle promenade de Rome pour le peuple.
» |
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Joseph-Jérôme le Français de
Lalande,
Voyage d'un François en Italie, fait dans les années 1765 & 1766
-
Tome 4 - Paris, 1769 |
Le Duc de Choiseul n'est porte pas sur lui des appréciations flatteuses ; dans un courrier du 25
octobre 1767 à l'ambassadeur Henry-Joseph d'Aubeterre, il écrit : « J'ai rendu compte au Roi de la conversation que M. de Saint-Odile a eue avec vous sur le cardinal
Torrégiani. Ce monsieur de Saint-Odile dans le temps de mon ambassade était une très-ennuyeuse espèce, qui n'avait et ne pouvait avoir aucun crédit à sa cour : je doute qu'il ait reçu des instructions conformes à ce qu'il vous a dit, et quand même il les aurait reçues, le roi a trouvé qu'il n'était pas de sa dignité de se mêler d'une tracasserie subalterne, et qu'il était ridicule de faire mouvoir trois grandes puissances pour déplacer un vieux cardinal. Au fait, le Pape est maître de son ministre, et c'est à Sa Sainteté, et non pas à son ministre, à qui les cours doivent s'en prendre quand les affaires vont mal. Ainsi, Monsieur, en cas que M. de Saint-Odile vienne de nouveau vous entretenir à ce sujet, vous lui répondrez que le Roi n'a pas d'objets particuliers de mécontentement du cardinal
Torrégiani; que Sa Majesté verra cependant sans peine qu'il soit déplacé, mais que dans cet état d'indifférence, l'animadversion de Sa Majesté Impériale sera suffisante pour le déplacer, à ce que pense le Roi, sans qu'il soit besoin d'une ligue des grandes puissances pour cet effet. D'ailleurs, il n'est pas vraisemblable que l'Empereur arrive de sitôt à Rome, et les idées violentes de M. de Saint-Odile auront le temps de se calmer.
»
Confident de plusieurs papes et des cardinaux tels qu'Alessandro Albani, grand collectionneur d'antiquités, employeur de Johann Joachim Winckelmann
(4), Saint Odile
est le premier à excaver le site de la villa Licenza (maison de campagne du poète Horace), qu'il avait découverte en parcourant la région en compagnie de l'abbé Bertrand Capmartin de Chaupy (qui publiera en 1767 trois volumes sur la « Découverte de la maison de campagne d'Horace »)
Le travail de Saint-Odile est peu connu, tout comme la période de ces travaux (1760-61 ?) parce qu'il n'a pas publié de compte-rendu
; les excavations sont mentionnées pour la première fois par Domenico De Sanctis dans sa
Dissertazione sopra la villa d'Orazio (Rome 1761).
Saint-Odile est renvoyé par l'Archiduc Toscan Pietro Leopoldo (Pierre Leopold 1er de Lorraine) en 1774 pour les diverses inconvenances, et
décède en retraite à Aix-en-Provence l'année suivante.
(1) Propriété située à la
Chapelle-Largeau, dans les Deux-Sèvres. Dominique Poirot (oncle
de Dominique Mathieu Charles Poirot) est conseiller du roi et
directeur général des aides de la province de Poitou, où est
employé aussi son frère Dominique. Seul François, l'aîné des
trois frères, est en Lorraine.
(2) Jean Gaston de Médicis, dernier Grand-Duc de Toscane de la Maison de Médicis meurt en 1737 sans laisser d'héritier.
Après de nombreuses tractations européennes, la Toscane échoit finalement au Duc
de Lorraine, François Etienne de Habsbourg-Lorraine (1708-1765,
régnant en Lorraine sous le nom de François III, en Toscane sous
celui de François II), gendre de l'Empereur Charles VI et lui-même futur Empereur François Ier. Le duc de Lorraine avait en premier lieu refusé d'abandonner ses sujets et son patrimoine. Le 3
octobre 1735, dans un accord appelé « les Préliminaires de Vienne », il fut convenu que Stanislas recevrait en viager les duchés de Lorraine et de Bar (qui reviendraient à la France à sa mort), et que le duc de Lorraine François III recevrait à titre de compensation le grand-duché de Toscane au décès du grand-duc régnant. François III, réticent mais contraint par l'Empereur, signa le 24 septembre1736 l'acte de cession du duché de Bar mais attendit jusqu'au 13 février 1737 pour renoncer au duché de Lorraine.
Lui succéderont, en Toscane, Leopold 1er (de 1765 à 1790), puis Ferdinand III (de 1790 à 1801), qui sera contraint en 1801 par Napoléon de céder son trône. Dès 1814, la Toscane retrouvera les ducs de Habsbourg-Lorraine
: Ferdinand III (de 1814 à 1824), Léopold II (de 1824-1859, avec une interruption de février à avril 1849,
où le gouvernement provisoire mis en place par une révolution cédera devant l'intervention militaire autrichienne) et Ferdinand IV (de 1859 à 1860).
Les troupes piémontaises de Cavour renversèrent le grand-duc : un gouvernement provisoire fut mis en place, et le 11 mars 1860, les habitants du grand-duché de Toscane se prononcèrent par plébiscite pour le rattachement au royaume de Piémont-Sardaigne à compter du 23 mars 1860.
(3) Citons pour l'anecdote cet extrait d'une lettre du
conseiller Mathias du Bourg à sa mère, du 4 octobre 1769 : « Je
viens de chez M. de Saint-Odile où j'ai fait de la musique avec
un petit allemand (Mozart) qui, à l'âge de 13 ans, joue les
concertos et les sonates les plus difficiles avec une aisance,
une justesse et un goût que je n'ai encore vu réunis qu'en lui.
Ce petit favori de la nature est de la plus jolie figure du
monde et on ne peut mieux élevé. » Cette présence de la
famille Mozart auprès de Saint-Odile se reproduira, puisque dans
une lettre à sa femme du 4 juillet 1770, Léopold Mozart écrit :
« Nous avons deux grands dîners, demain chez le cardinal
Pallavicini, après demain chez l'ambassadeur de Toscane, baron
de Saint-Odile. »
(4) Johann Joachim Winckelmann (1717-1768) est un archéologue, antiquaire et historien de l'art
allemand. Après une première publication en 1755, il est invité à Rome, où il travaille à la cour pontificale comme Bibliothécaire du cardinal Albani, puis comme prélat des Antiquités et scripteur de la bibliothèque vaticane. Il visite les fouilles de Herculanum et de Pompéi. Il sera
assassiné à Trieste, le 8 juin 1768, par un repris de justice à qui il avait montré des médailles antiques.
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