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Août
1914 - 13e Régiment de chasseurs à Blâmont
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Historique du 13ème Régiment de Chasseurs à cheval
1920
[...]
Le 4 août 1914, une reconnaissance d'Officier (Lieutenant Graffin) partait à la nuit tombante d'Herbéviller pour se rendre dans la région de Blâmont. Le 5 au matin, son chef chargea le chasseur Arnaud de porter une dépêche au Général commandant la division ; l'itinéraire à suivre était sillonné de patrouilles ennemies. Peu après son départ Arnaud est aperçu par une patrouille allemande, elle le poursuit et tire sur lui des coups de revolver qui blesse son cheval. Arnaud allonge le galop, distance ses ennemis et va leur échapper quand soudain son cheval s'abat. Il n'a qu'une pensée: prendre connaissance de la dépêche et la détruire. Après l'avoir rapidement lue, il l'introduit dans le canon de sa carabine et fait feu sur la patrouille qui, voyant sa chute, a repris la poursuite. Abrité derrière son cheval mort, il tire résolument sur ses adversaires et les oblige à faire demi-tour. Débarrassé d'eux, Arnaud ne perd pas de vue sa mission et s'efforce de la continuer à pied ; il a alors la bonne fortune de rencontrer un Officier de Hussards rentrant de reconnaissance, à qui il répète le contenu clé sa dépêche et lui demande de la faire parvenir sans retard au Général. Il considère alors sa mission comme terminée et cherche à regagner son escadron. Pour échapper à une nouvelle patrouille allemande, il se cache dans une ferme, sous un tas de paille où il reste dissimulé pendant 10 heures. Le lendemain, au petit jour, il se fait donner des habits civils par le propriétaire de la ferme, enterre ses armes et ses effets militaires, se déguise en paysan et, un râteau sur l'épaule, traverse une zone occupée par les avants-postes ennemis. Après quatre heures de marche il rejoint soit régiment. Son premier mot au Général de division qui le félicitait fut celui-ci :
« C'est pas tout çà mon Général, mais je voudrais bien qu'on aille me rechercher mes armes. »
Malgré cette supériorité du moral de nos cavaliers, nos patrouilles envoyées plus loin les jours suivants se heurtèrent à des lisières, des ponts ou points de passage forcés défendus par des cavaliers ennemis à pied qui, bien abrités, les tinrent à distance par le feu de leurs carabines. Il fallut envoyer des détachements plus fortement constitués pour ouvrir le chemin à nos reconnaissances.
L'escadron du Capitaine Thierry part le 6 août d'Herbéviller pour reconnaître Blâmont qu'il trouve inoccupé. Le Capitaine est informé par les habitants qu'une patrouille allemande traverse tous les matins le village ; il décide de la surprendre. Quelques moments après la reconnaissance ennemie est signalée à l'entrée du bourg et rentrant dans ses lignes. Nos chasseurs postés à la lisière abattent deux ou trois cavaliers, les autres sont dispersés à coup de sabre et s'enfuient.
Le Capitaine Thierry pousse son escadron en avant du village pour tendre une nouvelle embuscade et passe la nuit dans un bois. ; Au petit jour il apprend que plusieurs détachements, allemands ont cantonnés à Blâmont et vont lui couper la retraite. Il revient en arrière, bouscule un escadron ennemi qui lui barre la route, recueille dans Blâmont plusieurs chasseurs cyclistes français qu'il ramène accrochés aux selles de ses hommes et rentre dans nos lignes après 36 heures d'absence avec son détachement indemne, des prisonniers, des chevaux capturés et des armes.
Le 6 août, le 1er Escadron en reconnaissance sur Igney
détache sur son flanc gauche une patrouille de quelques
cavaliers dont les chasseurs ROCH et RIFFARD sous le
commandement du maréchal des logis PELLERIN.
En arrivant sur une crête, cette patrouille aperçoit
tout à coup 15 cavaliers allemands à mi-côte. Le
maréchal des logis PELLERIN, malgré l'infériorité
numérique de sa troupe n'hésite pas, il fait mettre
sabre à la main à ses hommes et part devant eux au
galop, fonçant le premier sur l'ennemi.
Le cheval de PELLERIN est renversé par le choc, son
cavalier la jambe prise sous sa monture ne peut se
relever ; PELLERIN est entouré, blessé.
Sommé de se rendre par l'Officier commandant le
détachement ennemi, il tire pour toute réponse son
revolver et le décharge sur son adversaire ; l'Officier
blessé tombe de cheval et est emporté ; PELLERIN ayant
vidé son barillet essaye mais, en vain, de se défendre ;
il est tué sur place.
La patrouille française moins nombreuse est obligée de
se replier.
Le chasseur ROCH blessé grièvement d'un coup de lance
parvient à se maintenir en selle et à rejoindre son
escadron. Son camarade RIFFARD blessé lui-même et tombé
de cheval, se défend pied à pied et ne se laisse prendre
qu'à la dernière extrémité.
Le souvenir du maréchal des logis PELLERIN ne périra pas
au Régiment, il restera comme un bel exemple de bravoure
et de devoir militaire poussée jusqu'au sacrifice.
Le 10 août, les 38 et 48 escadrons et la section de
mitrailleuses du 13e Chasseurs protégeaient à hauteur d'Herbeviller
le retour du Régiment sur Ogeviller.
A la faveur d'un violent bombardement qui avait tué
plusieurs chevaux de mitrailleuses et forcé les servants
à s'abriter, un fort détachement ennemi, s'était avancé
de Domevre jusqu'aux lisières de St-Martin, menaçant de
s'emparer des pièces que le manque de chevaux ne
permettait pas d'emporter.
Le lieutenant CHATEL qui commandait la section de
mitrailleuses revint à pied sous une fusillade intense
avec les maréchaux des logis DURAND et DÉMANGÉ et fut
assez heureux pour ramener- ses pièces et ses hommes à
la barbe de l'ennemi.
Le même jour le peloton d'arrière-garde laissé au Pont
de St-Martin remontait à cheval, sa mission accomplie,
quand le cavalier CHAPUS s'écria : « J'ai encore une
cartouche à brûler, je ne veux pas partir avant » et
comme il se retournait pour tirer., il reçut une balle
dans la tête et tomba mort sur la route.
Du 16 au 21 août, la mission de couverture étant
terminée, l'ordre est donné de se porter en avant.
Les reconnaissances poussées vers St-Georges et Lorquin
signalent que toutes les localités en-deçà sont
inoccupées et que l'ennemi bat en retraite sur
Sarrebourg ; des feux de bivouacs ont été aperçus vers
Lorquin.
La Division se rassemble à Autrepierre.L'entrain des
hommes est magnifique ; malgré le manque de sommeil, la
pluie qui n'a cessé, la fatigue des hommes et des
chevaux après une nuit entière passée bride au bras sur
la route, c'est en chantant que nos Chasseurs passent le
matin du 17 la frontière. Le poteau rouge aux aigles
noirs renversé sur un talus leur apparaît comme un
présage de revanche prochaine. Nos soldats cette fois
sont en Lorraine annexée ; le mot magique de Strasbourg
circule déjà dans les rangs.
La marche en avant sur Strasbourg se poursuit sans
difficulté, l'ennemi fait le vide.
[...]
Le 21 août, la 6e division débouche de la forêt de Réchicourt en Lorraine française ; une violente canonnade qui semble venir du côté français l'accueille. Riposte de notre artillerie. On croit à une surprise. Les renseignements des reconnaissances confirment la présence d'une brigade de uhlans qui, appuyé par deux batteries, nous a devancée et veut nous couper la retraite.
Après une lutte d'artillerie assez vive où deux de nos 75 sont mis hors de service, le 13e Chasseurs qui depuis le matin combat à pied le long de la voie-ferrée reçoit l'ordre de charger pour dégager nos pièces. Au même instant, sans raison apparente, le tir de l'artillerie cesse : la brigade de uhlans s'est retirée. Le Régiment remet sabre au fourreau et repart sur Igney.
Dans la traversée de Réchicourt, deux obus éclatent entre le 1er et le 2e escadron, blessent le capitaine Cristiani et plusieurs cavaliers.
L'Adjudant Prinet laissé seul avec le brigadier Guglienni et deux hommes reçoit l'ordre de ramasser les blessés et de les ramener en lieu sûr. Il les charge sur une voiture réquisitionnée à la hâte, les transporte jusqu'à Foulcrey où il les fait panser par des soeurs dans une ambulance. Une patrouille ennemie qui les a éventés tente de les enfermer dans le village. Aidé de son brigadier, l'Adjudant Prinet recharge dans la voiture ses blessés plus 6 autres trouvés sur place et qu'il n'entend pas laisser aux mains de l'ennemi. Pendant que lui-même et Guiglienni font le coup de feu contre les cavaliers ennemis qui apparaissent à l'issue nord du village, l'Adjudant ordonne à son conducteur de partir à plein galop avec sa charrette dans la direction de Blâmont. Puis, sautant à cheval, il fonce sur la patrouille boche, la bouscule, s'éloigne pour la dépister vers Igney, où il est salué par une grêle de balles, et, rentre après un détour dans Blâmont où il a la joie de retrouver sa charrette et les 14 blessés qu'il a sauvés.
Journal
de marches et opérations du 13ème Régiment de Chasseurs à cheval
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