(journal de
Jacques Gauthier mis en ligne par Anne Marie Désert sur
http://www.inlibroveritas.net/lire/oeuvre35783.html)
14 août
Départ trois heures du matin, nous passons par Glonville puis sur la gauche d'Azerailles et nous allons jusqu'à Herbéviller, là nous attendons les ordres, qui viennent bientôt car l'ennemi occupe le village de Domèvre-sur-Vezouze ; la veille il occupait Herbéviller nous voyons quelques maisons brûlées à l'entrée du village, puis, une à la sortie où il y a encore du feu, des chevaux et des vaches et boeufs ont brûlé vifs dans leur écurie. L'ordre est donné au bataillon de se porter à l'assaut de Domèvre. En sortant d'Herbéviller le commandant fait déployer les compagnies deux à droite de la route et deux à gauche, il y a de l'avoine et des pommes de terre dans les champs, mais une compagnie la mienne est envoyée soutien d'artillerie à notre droite. A notre sortie d'Herbéviller nous sommes salués par quelques obus qui [ne] nous font aucun mal heureusement les premiers que nous voyons. Puis nous avançons, le commandant reste debout au milieu de la route malgré les balles qui commencent à siffler. Les compagnies avancent déployées puis ouvrent le feu, mais on tire sur des ennemis invisibles qui sont dans des tranchées et l'on voit juste la flamme sortir au bout du canon de leurs fusils, ce qui nous désavantage beaucoup.
Les sections avancent quand même et enfin après un combat de trois heures et demie l'ennemi commence à déménager, notre artillerie nous est d'un grand secours elle a bien repéré et le tir est juste car elle tire d'une distance de huit cents mètres et aussi beaucoup de sections ont chargé à la baïonnette ce qui nous a causé beaucoup de pertes. Environ vingt morts et soixante blessés au bataillon. Le feu de l'ennemi ayant complètement cessé nous indique qu'il est en déroute. Le commandant rassemble le bataillon puis nous entrons en colonne par quatre dans Domèvre où nous sommes très bien reçus par les gens qui donnent tout ce qu'ils peuvent. Après avoir mangé, pendant deux heures environ que nous sommes restés à l'entrée de ce village nous reprenons notre marche, après avoir traversé Domèvre nous tournons à gauche, puis à droite à travers champs et à quelques centaines de mètres nous traversons un ruisseau et remontons une côte, nous nous arrêtons un peu [en] arrière de la crête où est placée l'artillerie. La nuit commence à tomber et nous prenons nos dispositions pour passer la nuit à la belle étoile ; nous sommes très fatigués et après avoir mangé un peu nous nous couchons sur la dure. Pendant la nuit quelques coups de canon, puis une vive fusillade.
15 août
A la pointe du jour nous revenons à Domèvre où nous voyons revenir le 95ème le 85ème qui dans la nuit se sont emparés de Blâmont, puis nous allons nous placer en arrière de Domèvre jusqu'à onze heures. Nous repartons sur Blâmont, tout le long de la route nous pouvons nous rendre compte des travaux de fortification faits par l'ennemi (en particulier des tranchées couvertes).
Nous arrivons à Blâmont où nous sommes très bien reçus par les habitants qui nous donnent tout ce qu'ils ont, ils sont heureux et nous racontent ce qui c'est passé. Nous traversons le pays au son de la Marseillaise jouée à tous les pianos, à la sortie on nous signale à notre droite près de la gare un genre de château où l'état-major a logé et l'on nous dit qu'il doit encore y avoir quelque chose. Une section entoure la maison baïonnette au canon cependant qu'un officier deux sous-officiers et une dizaine d'hommes fouillent la maison de la cave au grenier mais sans résultat, après une heure d'arrêt, nous repartons nous marchons vers la frontière qui n'est plus qu'à quelques kilomètres, à droite et à gauche des tranchées, des cadavres jonchent le sol (ennemis) bientôt la pluie commence à tomber, vers trois heures on s'arrête vers un bois, le commandant attend des ordres et parle de bivouaquer, vers cinq heures l'ordre d'aller cantonner à Richeval
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