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Histoire de l'abbaye de Saint-Sauveur et de Domèvre  (6/10)

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Mémoires de la Société d'archéologie lorraine - 1898

HISTOIRE DE L'ABBAYE DE SAINT-SAUVEUR ET DE DOMEVRE 1010-1789
Par M. l'abbé CHATTON

QUATRIÈME PARTIE
L'abbaye de Domèvre depuis la réforme de saint Pierre Fourier jusqu'à la grande Révolution (1625-1789)


CHAPITRE III
RÉFORME DE SAINT PIERRE FOURIER. - VIE ET DISCIPLINE DES CHANOINES DE DOMÈVRE (1625-1789) (1)

Sommaire :
§ 1er. - La Réforme. - I. Date de son introduction à Domèvre ; sa nécessité relative ; changements qu'elle amène. - II. Du texte des règlements ou constitutions. - III. Organisation de la communauté et place qu'elle occupe dans la congrégation.
§ II.- Les Abbés.- I. Leur élection. - II. Leurs insignes. - III. Leur genre de vie.
§ III. - Vie des Chanoines réguliers dans le cloître. - I. Exercices qui remplissaient la journée et la semaine. - II. Procès -verbaux des visites annuelles. - III. Rétablissement de la discipline; regrettables exceptions. - IV. Période la plus florissante de la vie religieuse. - V. Décadence ; conclusion.
§ IV. - Vie des Chanoines exerçant le ministère pastoral. - I. Quels sujets étaient éligibles pour administrer les paroisses ; règlement imposé aux élus. - II. Difficulté pour un bon nombre de Chanoines de devenir paisibles possesseurs de leurs cures (conflits avec les évêques du voisinage). - III. Jouissance qu'avaient, du temporel de leurs bénéfices, les Chanoines qui desservaient les cures unies ou régulières. - IV. Pauvreté du plus grand nombre des Chanoines desservants. - V. Principales sources de difficultés pour les curés de l'ancien régime. - VI. Retraite des desservants âgés ; vicaires ; ministère pastoral. - VII. Nombre des Chanoines vivant dans le cloître et dans les paroisses. - VIII. Personnalités qui ont jeté quelque lustre sur l'abbaye de Domèvre.

§ I. - La Réforme.
L'Ordre des Chanoines réguliers de Saint-Augustin fut régénéré, en Lorraine, sous le nom de Congrégation de Notre-Sauveur, par le P. Fourier, dont la canonisation vient d'être prononcée solennellement à Rome le 27 mai 1897, en présence d'un grand concours de pèlerins. Les différents monastères de l'Ordre acceptèrent successivement la réforme dont ce saint chanoine fut le promoteur dans notre pays, et l'abbaye de Domèvre y acquiesça dès l'an 1623 (2). Après plusieurs instances, l'abbé Fabry avait obtenu de Pierre Fourier une petite colonie formée des frères Perpète, Maretz, Dombrot, et des frères Cropsal et Thiébaut, dès le 3 avril ; il s'était employé lui-même à servir les ouvriers pour approprier le logement de ses nouveaux confrères, et, le 28 août, fête de saint Augustin, «  il bénit ce très beau lieu avec un grand concours de peuple, force prières, et un riche sermon du R. P. Fagot le jeune, de la Compagnie de Jésus (3) ». Une nouvelle ère pour la communauté venait d'être inaugurée solennellement (4).
Pour mieux montrer la nécessité d'une réforme, plusieurs auteurs ont, ce me semble, un peu trop noirci le tableau de la vie des anciens Chanoines (5). L'auteur du Mémoire destiné à l'abbé Hugo n'est pas si sévère pour ceux qui habitaient Domèvre. «  Il faut supposer, dit-il, qu'il y a eu beaucoup, de conduite et de régularité dans cette abbaye, puisqu'elle a subsisté pendant plus de sept siècles (6), toujours entre les mains des Chanoines réguliers du même Ordre de Saint-Augustin, sans qu'on s'aperçoive qu'il y ait jamais eu de plaintes contre eux, ou aucun intervalle de désordre et de relâchement, ni qu'il y ait eu besoin de réforme jusqu'en l'année 1623 où celle des Chanoines réguliers y fut introduite. Encore fut-ce moins par défaut de régularité dans les anciens qu'à cause du petit nombre auquel ils se trouvaient réduits, ne pouvant suffire pour remplir les charges de l'abbaye, et surtout pour fournir des curés réguliers à toutes les paroisses de leur nomination. L'abbé Fabry, personnage d'une piété singulière et très docte, témoigne, dans l'exposé de la bulle qu'il obtint, que c'est la grande réputation des Chanoines réguliers qui le porta à les appeler dans son abbaye. » - Même en soupçonnant que beaucoup d'indulgence se soit glissée dans ce jugement, il s'en dégage un témoignage assez sérieux pour que nous soyons autorisés à croire que, s'il y eut des désordres à Domèvre, ils ne furent ni graves ni généraux. D'ailleurs le même abbé Fabry, qui eut assez de zèle pour demander au Bon Père des disciples formés à son école, témoigne assez, par un monument public (7), en quelle estime il tenait le talent, la science et la vertu de ses trois prédécesseurs immédiats. Il est à présumer qu'il n'eût pas si fort célébré leurs mérites s'ils n'eussent gouverné leur communauté avec quelque succès. Chez le plus grand nombre des Chanoines, ce qu'il fallait combattre, c'était plutôt la tiédeur que de grands vices. On a toujours observé que les Ordres religieux, à leurs débuts, se sont fait remarquer par une grande ferveur et une plus grande sainteté que dans les âges suivants. C'est que leurs fondateurs étaient des hommes extraordinaires par leur zèle et leur piété : ayant des convictions profondes, ils avaient le don de les communiquer ; ayant une foi vive, ils avaient des paroles aussi persuasives et pratiquaient des vertus qui entraînaient par l'éloquence de l'exemple. Pour restaurer l'Ordre des Chanoines réguliers, un homme de cette trempe, éclairé, ayant dans l'âme cette flamme ardente pour le bien, était plus nécessaire qu'un nouveau règlement. Cet homme s'est rencontré : ce fut Pierre Fourier.
Par sa réforme, il introduisit néanmoins quelques changements dans l'organisation des communautés et dans la discipline.
D'abord l'habit fut légèrement modifié. «  L'habit, dit le P. Bedel, est une soutane noire chargée d'un petit rochet (ou banderole) de lin large d'environ cinq doigts, dont les extrémités sont joinctes du costé gauche en forme d'une escharpe, à quoy nous adjoustons, pour assister au choeur, le surplis et l'aumusse en esté, et le grand rochet et la chape noire en hyver qui est l'habit d'église des chanoines et du clergé. Le Père se contenta donc d'oster la dentelle et autres enjolivements de ces rochets, les boutons et la soie de la soutane, et retint la soutane noire tant pour, estre la plus commune que pour luy fournir plusieurs belles moralités (8). »
Un autre changement important apporté par la réforme, c'est que les nouveaux Chanoines durent s'appliquer plus que les anciens à l'instruction du peuple et au ministère paroissial. Le but que le Bon Père s'était d'abord proposé, c'était «  spécialement de faire la guerre à l'ignorance et aux vices de la jeunesse, enseignans pour rien les jeunes garçons, comme les religieuses enseignent les filles (9) ». Et s'il ne mit pas davantage à exécution ce projet qui lui était cher, c'est qu'il fut arrêté par des difficultés qu'il n'était pas libre de vaincre (10). Dans cette vue ses disciples créèrent plus tard des collèges à Metz, à Pont-à-Mousson, à Nancy et même à Verrez, dans le duché d'Aoste (11). Dans la préface de sa Bibliothèque lorraine (p. XIII), D. Calmet dit : «  Les Pères Chanoines réguliers réformés de la Congrégation de Notre-Sauveur ont aussi ouvert des écoles pour l'instruction de la jeunesse et se sont acquis beaucoup de réputation dans le pays par leur bonne manière d'enseigner les humanités ; ils ont même érigé dans la ville de Metz une académie qui leur fait beaucoup d'honneur. » A Domèvre il n'y eut jamais d'école ouverte indistinctement à toute la jeunesse du voisinage ; il n'y eut qu'un scolasticat pour la formation des novices.
De même les anciens Chanoines n'exerçaient le ministère paroissial qu'autant qu'il le fallait pour occuper les bénéfices à charge d'âmes concédés au monastère; le désir du saint réformateur fut que, désormais, on recherchât moins les bénéfices, qu'on s'occupât plus de donner des missions dans les campagnes, de faire du bien au peuple en l'éclairant et en lui faisant goûter la religion ; et il souhaitait qu'autant que possible on se passât de toute rétribution pour les services rendus (12).
Enfin, le grand changement à noter dans l'existence de la maison, c'est que toutes les communautés nouvellement réformées, autrefois absolument indépendantes l'une de l'autre, furent réunies désormais sous l'autorité d'un seul supérieur qui portait le nom de général.

II. - Maintenant, pour mieux faire entendre ce que devait être et ce que fut la vie des Chanoines de Domèvre, nous croyons utile, après avoir dit quelques mots du texte des nouveaux règlements ou constitutions, de donner un aperçu sommaire de l'organisation de la communauté et de la place qu'elle occupait dans la Congrégation.
C'était toujours la règle de saint Augustin qui continuait à être observée, comme par le passé, dans les différentes maisons de la Congrégation, mais d'une façon plus uniforme. Pour arriver à mettre mieux en pratique cette règle directrice, qui indiquait seulement d'une façon générale ce qu'il fallait faire pour être un bon religieux et un bon prêtre, il fallait en outre un corps de prescriptions qui entrassent dans le détail de la vie, qui réglassent l'emploi des heures de la journée, la durée et le moment précis de chaque genre d'occupations, la distribution des différentes fonctions des membres de la communauté, et leurs rapports avec l'autorité supérieure ; en un mot, qui déterminassent la manière détaillée d'observer les trois voeux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance. Cet ensemble de règlements nécessaires porte le nom de Constitutions. Les Constitutions de l'Ordre réformé furent soigneusement élaborées parle Bon Père dans un travail appelé le Summarium, et qui comprend cinquante-huit articles. Mais ce fut au chapitre général que le pape Urbain VIII, dans sa bulle d'approbation (1628), donna le pouvoir de porter ces sortes d'ordonnances, sans même se réserver le droit de les examiner. Comme c'était juste, les membres du chapitre, en se mettant à l'oeuvre, s'inspirèrent de la rédaction du Père Fourier pour formuler leurs statuts, et le premier recueil manuscrit qui sortit de ce travail collectif fut longtemps conservé au séminaire de Pont-à Mousson (13). Il portait la date de 1641. Le texte fut plusieurs fois revu, corrigé et augmenté dans les séances subséquentes du chapitre général, particulièrement en 1657, en 1667 et en 1676. Il fut imprimé pour la première fois vers 1703. Cet ouvrage, format petit in-4° de 152 pages, a pour titre : Statuta Canonicorum regularium Congregationis Salvatoris nostri, et renferme la règle de saint Augustin, le Summarium du Bon Père, les statuts proprement dits et cinq décrets pontificaux sur la réforme.
La deuxième édition, revue et augmentée, est de l'année 1763, et forme un petit in-4° de 182 pages ; c'est celle qui vaut le mieux parce qu'elle a été plus étudiée et rédigée dans un meilleur esprit. Cette édition ne fut pas longtemps en usage. Dès que la Lorraine fut annexée définitivement à la France par la mort de Stanislas (1766), Louis XV n'eut rien de plus pressé que d'obliger les Congrégations religieuses (par un édit de mars 1768) à reviser leurs statuts de manière à les rendre dignes de l'approbation royale, et cela pour obtenir une existence légale.
Les Chanoines se soumirent «  avec actions de grâces au pieux décret du prince très chrétien ».
L'édition qui sortit de ce travail de revision et de remaniement forme 156 pages in-8° (1769) et porte l'approbation royale, datée du 6 juillet de cette année (14). Ce recueil, qui fut le dernier imprimé avant la Révolution, se fait remarquer par le relâchement du nerf de l'obéissance, par une regrettable servilité vis-à-vis du pouvoir civil, qui ordonnait d'enseigner les quatre articles de la Déclaration du clergé, par l'infiltration de l'esprit gallican et philosophique ; on y reconnaissait l'obligation de ne rien changer aux statuts sans le bon plaisir non du pape, mais du roi.

III. - L'organisation de chaque communauté était modelée sur celle de la Congrégation. L'autorité était représentée par le prieur, deux assistants ou conseillers, et le procureur.
Depuis la réforme de l'Ordre, en effet, le vrai supérieur local de la communauté était le prieur du monastère. La dignité abbatiale n'était plus guère qu'un titre honorifique et lucratif à cause des revenus de la mense abbatiale. Le P. Fourier et plusieurs de ses collaborateurs avaient essayé de faire supprimer les abbés comme des dignitaires parasites, et ce sont des considérations humaines qui semblent seules avoir empêché la réalisation de ce projet. La bulle d'approbation les passe sous silence. Donc, à Domèvre comme dans les autres maisons de l'Ordre, le supérieur jouissant de la plénitude du pouvoir était le général de la Congrégation ; et, après lui, le supérieur résident était le prieur. L'abbé n'avait aucune autorité sur les religieux : il pontifiait, il avait sa mense séparée et pouvait ne pas vivre de la vie commune ; de droit, il était membre du chapitre général : mais il est juste d'ajouter que celui qui était abbé pouvait être en même temps prieur, et ce cas était assez fréquent (15).
En vertu d'une décision du chapitre général de 1685, un prieur ne devait rester eu fonctions que six ans consécutifs, même s'il changeait de communauté ; passé ce terme, il devait être au moins un an sans emploi ; cependant, pour des raisons sérieuses, le chapitre général pouvait lui conserver plus longtemps sa charge ; et, en fait, plusieurs prieurs ont passé presque toute leur vie dans la même maison, comme plusieurs autres, dans l'espace de six années que durait leur mandat, changeaient fréquemment de résidence. Ces derniers étaient les prieurs ubiquistes, dont parle Chatrian dans son langage habituellement caustique. Le prieur était nommé par le général de la Congrégation, ainsi que son suppléant (le sous-prieur), et était membre de droit du chapitre général.
Le conseil du prieur était composé de deux assistants nommés aussi par le général, et d'un troisième, appelé le procureur, lorsqu'on avait à traiter d'affaires temporelles.
Ce dernier faisait les fonctions d'économe, c'est-à-dire tenait la comptabilité.
Il est important de noter qu'à partir de 1748 le généralat de la Congrégation fut uni définitivement à la mense abbatiale de Domèvre, c'est-à-dire que, désormais, celui qui était élu général était en même temps abbé de Domèvre.
Cette disposition fut approuvée officiellement par le pape et agréée par lettres patentes de Louis XV et de Stanislas (16).

§ II. - Les Abbés.

I. - De tout temps les abbés de Domèvre et de Saint-Sauveur furent créés par la voie du suffrage. Jusqu'à la réforme (1625) les candidats étaient pris au sein du chapitre, bien qu'ils eussent pu, comme ailleurs, être choisis au dehors. Mais le monastère eut le rare privilège d'échapper toujours au fléau de la commende.
Sous le régime de la Congrégation de Notre-Sauveur, les diverses abbayes ne formant qu'un seul et même corps, tous les Chanoines réguliers profès étaient éligibles dans chacune. Cependant, parce que les jeunes profès qui avaient à émettre un vote étaient censés ne pas connaître suffisamment le mérite de leurs confrères, il fut décrété, en 1682, que le général proposerait trois candidats sur l'un desquels devraient se porter les suffrages. Sept ans plus tard ce décret fut rapporté, comme attentatoire à la liberté.
Bientôt il fut remis en vigueur en portant à six le nombre des candidats ; il fut encore rapporté vers 1705, et jamais, en fait, le principe d'éligibilité ne fut restreint.
Toujours sous le régime de la Congrégation, le chapitre, s'inspirant des anciens usages, élut son prieur pour abbé toutes les fois qu'il ne subit pas d'influence étrangère, jusqu'à ce qu'il fut privé de son droit d'élection par le traité d'union de l'abbaye au généralat (1748).
Le corps des électeurs était composé de tous les Chanoines résidant au cloître qui étaient au moins sous-diacres, et de tous ceux qui occupaient les cures à la nomination de l'abbaye.
Sous la réforme, la liberté d'élire fut maintenue dans de justes bornes par deux lois très opportunes : la première imposait le serment de donner son suffrage au sujet qu'on croyait le plus digne ; la deuxième était une menace d'excommunication régulière ipso facto portée contre ceux qui se livreraient à des intrigues pour diriger les suffrages, et contre ceux qui, les connaissant, ne les dénonceraient pas. Le P. A. d'Hangest, membre du chapitre, se plaint amèrement de la façon fort peu scrupuleuse dont ses plusieurs de ses confrères violèrent ces deux lois, surtout à l'occasion de l'élection du P. Allaine. Quelques-uns, en effet, rédigèrent et répandirent un mémoire calomnieux contre les supérieurs et les principaux membres de la Congrégation ; ils renvoyèrent même au ministre Louvois, afin de jeter le discrédit sur les meilleures candidatures. Mais le ministre eut le bon esprit de jeter impitoyablement au panier les délations des religieux contre leurs supérieurs. Quoi qu'il en soit, le Père Georges, général, qui avait posé sa candidature, ne fut pas élu. L'auteur du mémoire quitta la Congrégation. Etait-il du chapitre ? Je ne le sais.
Le scrutin aussi avait sa réglementation spéciale, indépendamment du cérémonial relatif à l'affichage, à la convocation, à l'émission des suffrages, etc. Il fallait, pour y procéder, la permission du général, et même sa présence ou celle de son délégué; autrement, il pouvait invalider l'élection, ce qui n'eut jamais lieu (17).
Il fallait en outre, sous la domination française, la permission du roi, qui avait le privilège d'envoyer des commissaires aux élections et même de faire élire trois candidats lorrains ou français, parmi lesquels il choisissait pour abbé celui qui lui agréait davantage.
En avril 1769, lorsque le chapitre général se réunit à Pont-à-Mousson pour donner un successeur au P. Pillerel, c'est-à-dire un général à la Congrégation et, en même temps, un abbé à Domèvre, le commissaire royal commença la séance par un discours pathétique sur l'attention que les électeurs devaient avoir de choisir un sujet agréable à Dieu et au roi. Au premier tour de scrutin, François Raguet avait été élu canoniquement, mais le commissaire déclara, de la part du roi, qu'il annulait ce vote à cause du grand Age du titulaire. Au second tour de scrutin, le P. Lallemand recueillit la majorité des suffrages ; mais le commissaire l'exclut encore de la dignité que ses confrères voulaient lui conférer sans alléguer aucune raison. Ce ne fut que dans la session suivante qu'il avoua que cette exclusion ne blessait en rien la réputation, la probité dudit curé, et que le candidat n'était ni odieux ni suspect à Sa Majesté. Enfin, à la troisième émission des votes, le P. Leroy fut élu et confirmé parce que ce choix plaisait au roi (18).
Quand la Lorraine eut le bonheur de revoir ses ducs (1697), Léopold aurait voulu imiter le roi de France, mais le chapitre ne fut astreint qu'à demander sa permission et à recevoir ses commissaires, soi-disant pour sauvegarder la liberté du scrutin. En réalité, bien qu'ils consentissent parfois à se retirer au moment du vote, ils influencèrent plus d'une fois les électeurs au nom de Son Altesse, et si les PP. Collignon et Serrier, élus d'abord en place des PP. Allaine et Piart, donnèrent bientôt leur démission, c'est à eux qu'il faut l'attribuer (19).
L'abbaye prétendant être immédiatement soumise au Saint-Siège, tous les élus sous la réforme demandèrent la confirmation du Pape, pour mieux sauvegarder leurs droits quasi-épiscopaux. Les bulles de confirmation coûtaient ordinairement fort cher. L'Ordinaire les vérifiait et en procurait la fulmination (20).
Un arrêt de la Cour souveraine ou du Parlement était indispensable pour mettre l'élu en possession du temporel de l'abbaye. Il se donnait quelquefois avant la confirmation pontificale, et l'élu jouissait provisoirement de la mense ; mais il était réitéré, après la fulmination des bulles, par une prise de possession définitive, qui se faisait selon les prescriptions du droit et plusieurs lois par procureur (21).
Venait ensuite la bénédiction du nouveau prélat par un évêque de son choix et au lieu qui lui convenait. Ainsi les PP. Le Bègue et Collin furent bénits à Toul ; le P. Allaine à Molsheim (22) ; le P. Piart à Annecy (23). La cérémonie était ordinairement très solennelle.

II. - De par un usage immémorial, les abbés portaient la mitre, la crosse et l'anneau. Ceux de Domèvre, au commencement du XVIIe siècle, désirèrent posséder un titre écrit de ce privilège. Ils firent commencer des démarches à Rome dans ce sens; mais leur mandataire leur répondit, à la date du 20 mai 1609, qu'il valait mieux s'en tenir aux droits que leur accordait un usage immémorial, parce que le pape ne confirmait aucun privilège sans y apporter des restrictions, ainsi que feu M. de Belchamp aurait pu le leur témoigner par son expérience personnelle (24).
Après la réforme, les abbés continuèrent à porter ces insignes sans difficulté. Toutefois ils ne devaient officier pontificalement hors de leurs monastères qu'avec la permission de l'évêque diocésain. Mgr de Bissy trouvait que l'abbé de Domèvre s'affranchissait trop facilement de cette formalité, et lui écrivit une lettre de remontrances à ce sujet (25).
(Arch. dép., H. 1498.)
La question était tout autre pour les généraux de la Congrégation, car leur création était nouvelle, et ces distinctions honorifiques avaient été passées sous silence dans les bulles obtenues du Saint-Siège. Pour cette raison, pendant longtemps ils figurèrent dans les cérémonies d'une façon moins pompeuse que leurs inférieurs les abbés qui les accompagnaient. On s'efforça de remédier à cet inconvénient. Avec l'avis favorable des évêques de Metz, Toul et Verdun, Innocent II, par un induit daté du 3 des calendes de mai, accorda aux généraux l'usage de la mitre, de la crosse et de l'anneau, ainsi que des autres ornements pontificaux. Cependant il fallait concilier le texte de cet induit avec le décret d'Alexandre VII (27 septembre 1659), qui ne permettait cette faveur aux prélats inférieurs à l'évêque que trois fois l'an.
A la fin Nicolas Verlet, procureur général des Chanoines réguliers de Lorraine, étant à Rome, crut devoir exposer la difficulté à plusieurs cardinaux. Ceux-ci répondirent qu'il ne fallait pas interpréter si strictement le décret d'Alexandre VII, et que les généraux de la Congrégation pouvaient user de la crosse, de la mitre, du rochet et de la mozette (camail) dans toutes les cérémonies solennelles, processions, etc., et qu'ils n'étaient pas censés officier pontificalement s'ils ne siégeaient pas sous le baldaquin et ne donnaient pas la bénédiction solennelle au peuple.
Nicolas Verlet rapporta cette réponse à Pont-à-Mousson le 10 septembre 1771, et on s'empressa d'en profiter (26).
Sous les derniers abbés de l'ancien régime, on vit des coadjuteurs ; le P. Clément Philippe en eut aussi. Cette mesure avait été prise comme moyen de prévenir l'intrusion de la commende à la mort des titulaires réguliers.
Alors c'était l'abbé qui présentait son candidat, mais il fallait qu'il fût accepté par le chapitre, et, à la mort de l'abbé en titre, il faisait valoir encore son droit d'élection eu renouvelant l'acte de son acceptation. Au reste, toutes les autres formalités requises dans une élection d'abbé, l'étaient aussi dans la création d'un coadjuteur, comme on le remarque au sujet du P. Le Bègue.

III. - Beaucoup d'historiens, en faisant la peinture des moeurs de cette époque, nous représentent les prélats, soit évêques, soit abbés, presque uniquement occupés des vanités de la vie mondaine : «  Ils ont de bonnes façons, dit Taine, ils sont riches, ils ne sont pas austères, et leur palais épiscopal ou leur abbaye est, pour eux, une maison de campagne qu'ils restaurent ou embellissent en vue de la résidence qu'ils y font ou de la compagnie qu'ils y accueillent (27). L'abbé Mathieu (28), en limitant le champ de ses observations à notre pays, ne nous fait pas un tableau moins sombre de la vie des grands seigneurs ecclésiastiques en Lorraine.
Les écrits du temps s'accordent trop bien à reconnaître qu'en général les abbés ne passaient pas pour des hommes mortifiés et bien édifiants pour que l'accusation ne soit pas fondée dans notre province aussi bien qu'en France. Un de nos compatriotes, dom Romain Colson, profès de l'abbaye de Saint-Evre les-Toul, mort en 1712 près de Remiremont, a composé, dans le même sens, un poème satirique où il met en scène l'ombre de Louis V et Louis XIV (29).
Pour ce qui regarde les abbés de Domèvre, nous croyons qu'il y aurait une grande exagération à nous les représenter, au XVII siècle et au commencement du XVIIIe sous des couleurs aussi peu flatteuses pour des gens qui faisaient profession de tendre à la perfection. Ainsi le P. Fourier, qui ne faisait certainement pas le métier d'adulateur, parle de l'abbé Fabry en des termes qui témoignent une grande estime et une véritable vénération. Pendant la guerre de Trente ans, il portait le mortier aux maçons qui réparaient quelques murailles de son monastère. Le P. Clément Philippe demanda à l'évêque de Metz la permission d'aller offrir lui-même les secours de la religion aux pauvres et lointaines paroisses de Blémerey et de Leintrey, qui ne pouvaient même le dédommager de ses peines par une maigre rétribution, et s'il était dur pour les autres, il était aussi dur pour lui-même. L'abbé Collin (1704-1722) fit preuve d'une grande régularité, d'une grande piété en même temps que d'une grande science (30). L'abbé Piart eut la manie des procès ; mais, nulle part dans les écrits nombreux que nous avons de lui et sur son administration, on ne remarque qu'il ait mené une vie molle, luxueuse et sensuelle, à la façon de tant d'autres abbés de cour. Le P. Pillerel montra un rare désintéressement, et Chatrian, qui n'était pas tendre pour les abbés mondains, fait le plus bel éloge du P. Leroy.
Mais à mesure que nous approchons de la date néfaste de 1789, nous constatons que l'atmosphère ambiante a de plus en plus pénétré dans le cloître ; la décadence commence seulement vers le milieu du XVIIIe siècle, mais elle s'accentue rapidement. En 1781, Chatrian écrit : «  Il reste encore quelques chanoines du vieux chrême. Le P. Saintignon (abbé de Domèvre) est allé visiter à Belchamp le P. Petitjean, vieux et infirme, qui s'y est retiré pour y mourir. Le Père ayant demandé à son général une grâce et l'ayant obtenue, lui a articulé qu'il désirait de voir, avant de mourir, la Congrégation comme elle était autrefois, parce qu'on ne la reconnaissait plus. L'abbé de Domèvre a tourné le talon et rangé sa frisure factice, mais il s'est bien gardé de répondre (31). » Et cependant cet abbé de Saintignon, à qui l'on reproche des allures mondaines, trop peu d'énergie pour faire respecter la règle par ses religieux, avait un bon coeur pour les malheureux, car les habitants de Domèvre adressent une pétition en sa faveur à l'Assemblée nationale ; ils y rappellent qu'ayant 23.000 livres de rente, dont 6.066 livres de pension payée par le gouvernement en récompense de ses services, il avait été en état, dans l'espace de onze ans, de distribuer 250.000 livres tant aux pauvres qu'aux ouvriers (32).
Celui de tous les abbés de Domèvre qui semble avoir le plus prêté flanc à la critique pour sa vie mondaine et luxueuse de grand seigneur, c'est l'abbé Le Bègue. Pour nous confirmer dans cette idée, il nous suffit de parcourir l'inventaire de ses meubles, qu'on fut obligé de vendre après sa mort pour payer ses dettes. Voici seulement le titre des principaux articles qui, dans la minute, sont accompagnés du détail de tous les objets à vendre.
Inventaire, des meubles trouvés en la maison abbatiale appartenant à M. Lebégue, abbé dudit lieu, 14 juin 1688 (33) :
1° A la salle d'entrée...
2° A la chambre de M. l'abbé...
3° Dans le cabinet...
4° A l'antichambre...
5° A la chambre où loge Mlle Rennel...
6° En la salle...
7° Dans le cabinet où couche Merlin...
8° A la chambre de M. de Chantreinne...
9° A la chambre rouge...
10° A la chambre verte...
11° A la chambre de la petite alcôve...
12° A la chambre où couchent les valets...
13° A la chambre où l'on met les linages...
14° A l'écurie où couche François...
15° A l'écurie d'en bas où couche Biaise...
16° A l'office où couche Fanchon...
17° A la chambre du four...
18° Vaisselle d'argent et d'étain...
Cette longue énumération de pièces meublées et l'indication de ce personnel nombreux qui résidait au quartier abbatial ne semblent elles pas assez attester que l'abbé défunt menait grand train et avait des habitudes peu conformes à celles qu'avait recommandées le Bon Père ?

§ III. - Vie des chanoines réguliers dans le cloître.

I. - On devine facilement quelles étaient les occupations habituelles des religieux au cloître. En dehors de l'office canonial récité ou chanté au choeur, si c'était possible, le temps s'employait pour celui-ci au soin assez absorbant des affaires temporelles ; pour un autre, à la formation des novices, quand il y en eut ; pour d'autres, selon les temps, à l'instruction des scholastiques, des pensionnaires et souvent d'un certain nombre d'abécédaires. Dans les meilleurs jours, il y en eut qui se livrèrent au ministère de la prédication.
Il y avait du reste à Saint-Sauveur et à Domèvre la paroisse à desservir, et même des paroisses voisines, d'autres fort éloignées, auxquelles ils ne purent toujours suffire, car on rencontre avant la réforme un prêtre séculier faisant les fonctions pastorales à Domèvre même, aux portes de l'abbaye.

Voici les lignes principales de leur règlement de vie.
Sous le vieux régime, personne autre que l'abbé ou le prieur n'avait de chambre particulière ; la constitution de Benoît XII pour la réforme des Chanoines réguliers le défendait formellement. Tous, par conséquent, logeaient en un dortoir commun. Le B. P. Fourier autorisa les cellules où chacun eut la sienne de bonne heure, mais longtemps le prieur seul eut le droit d'avoir une serrure à sa porte.
Chacun était obligé de faire son petit ménage, c'est-à-dire son lit, ses chaussures, sa barbe, sa tonsure ; les cheveux se faisaient à des jours déterminés, autant que possible par un membre de la maison, mais quelquefois par un étranger, quelquefois même au village, mais en temps extraordinaire comme pendant les grandes calamités. Il était permis de poudrer ses cheveux, et quelques-uns portaient perruque. On lit, à la date de 1666 : «  Conformément à nos statuts, personne ne pourra se faire le poil ni garder en sa chambre rasoir ou miroir à cet effet, à part celui qui sera député par le R. P. Prieur. Chaque religieux portera un chapelet, et le R. P. Prieur tiendra la main à ce qu'aucun ne porte des souliers, casaques, montres, chapeaux et autres choses approchantes de la vanité du siècle. Que personne ne fasse faire son poil au village, mais que l'on convienne avec un barbier qui le fasse tous les mois à tous les religieux ensemble. C'est une honte qu'en religion ceux qui ne doivent avoir par ensemble qu'un coeur et qu'une âme en Dieu se querellent et picotent même en présence des séculiers qui en sont scandalisés : c'est pourquoi nous recommandons particulièrement la charité fraternelle qui est la seule et vraye marque que nous sommes disciples et enfants de J.-C. qui est un Dieu de paix » (1676) (34).
En hiver, lors même que chacun avait sa cellule, personne n'y faisait du feu ; ce privilège était réservé à ceux qui avaient professé ou prêché pendant dix ans. Il y avait un chauffoir commun où tous pouvaient lire et étudier en silence. Cette règle fut-elle maintenue jusqu'à la fin ? Il est permis d'en douter.
Les principaux exercices de piété étaient la méditation, deux fois par jour dans la réforme ; l'office canonial, la messe conventuelle, le chapelet, la lecture spirituelle, une instruction chaque huit ou quinze jours faite par le prieur ou par un autre à son choix, la confession hebdomadaire près d'un confesseur désigné à cette fin.
Les pénitences, plus sévères primitivement, consistaient sous la réforme : dans le lever à quatre heures du matin ; le jeûne hebdomadaire (hormis le temps pascal), et celui que prescrit l'Eglise ; l'abstinence, trois jours par semaine en temps ordinaire, et tous les jours pendant l'Avent et le Carême ; le chapitre des coulpes tous les huit jours ; le silence en dehors des heures de récréation ; la clôture, en ce sens que personne ne pouvait sortir sans permission, même pour aller à la basse-cour ; la défense de boire ou manger en dehors des repas chez les étrangers.
Cependant il y avait des récréations après les repas de midi et du soir; certains jeux, comme celui de quilles, étaient permis ; les jeunes scholastiques surtout ne pouvaient guère s'en passer; on tolérait chez quelques uns l'usage du tabac à priser, mais défense était portée d'en prendre à l'église, du moins ostensiblement. Il y eut même parfois interdiction d'en user devant les étrangers comme chose peu séante.

II. - Nous possédons les procès-verbaux des visites que le général faisait chaque année par lui-même ou par un délégué dans toutes les résidences. Ils ont été conservés (35) presque tous depuis 1640 jusqu'en 1743, époque à partir de laquelle l'abbaye fut unie au généralat. Rien ne saurait donner une plus juste idée de la conduite des religieux de Domèvre. Naturellement, la ferveur régna au début ; les jeunes réformés méritèrent les éloges du B. P. Fourier, mais les malheurs de la guerre et de la peste dispersèrent le petit troupeau.
Après quelques années, il revint diminué et trouva la maison délabrée. Dans ces conditions le relâchement était inévitable, et on fut assez longtemps avant de pouvoir ramener une régularité satisfaisante dans le cloître ; on s'en aperçoit à la lecture des procès-verbaux des visites annuelles.
En 1641: «  Avons veu avec regrets que, par le malheur des temps, les ordonnances faites par notre prédécesseur immédiat n'avaient pas été gardées selon qu'on aurait peu désirer. C'est pourquoi espérant quelque chose de mieux de l'advenir, nous avons renouvelé et conservé les dictes ordonnances Il ne sera plus permis d'admettre aucune femme pour faire la sentinelle au clocher, on fera incessamment remettre les vitres qui manquent derrière le grand autel, une porte cassée au dortoir, et le toict et la bergerie voisine des granges, on advisera sérieusement réparer le toict de l'église qui répond à la chapelle de Saint-Augustin qui menace une grande ruine s'il n'y est diligeamment pourveu. »
En 1647 : «  Il est très-sèvèrement défendu à tous, mesme supérieurs, de hanter tant soit peu la chambre des servantes que la nécessité nous contraint de souffrir en la basse-cour. On se gardera de prendre du tabac devant les séculiers, cela sentant la dissolution et débauche. »
En 1650, 20 octobre, la visite est faite par le P. Terrel et le P. Bédel : «  Quiconque entrera dans une maison du village ou sortira du cloître pour aller à la basse-cour sans congé exprès ou une nécessité inévitable, dès le mesme jour il sera châtié comme désobéissant et contumace. - Tous se coucheront à l'heure prescrite en l'ordre domestique afin que sans excuse on se lève pour la méditation du matin. »
En 1654, 12 août on ordonnera: «  que la nuict on fermera à clef la porte qui va depuis l'église jusqu'à la maison abbatiale, afin que toutes les advenues étant soigneusement verroyées, les lieux réguliers soient dans une plus parfaite clôture. Personne n'admettra ny filles ny femmes pour travailler au jardin et à la cuisine, ny en autres lieux où elles puissent estre en vue de la chambre des religieux. »
En 1661: «  Nous défendons expressément de se tenir sur le parapet devant l'église, ny s'entretenir avec les paysans devant et après les vespres, autrement le supérieur donnera une bonne pénitence à ceux qui l'auront fait. « 
Les exigences de la clôture étaient alors très sévères, parfois exagérées. Ainsi un Père allait-il faire une fonction du saint ministère, prêcher ou confesser dans le voisinage, il ne devait ni manger ni boire en cet endroit, et si c'était trop loin pour revenir prendre son repas au cloître, il ne devait pas y aller. Disons-le, cette défense du P. Terrel, probablement opportune à cette date, n'entra jamais dans le corps des statuts.
Chose assez surprenante, l'horloge de la maison demeura détraquée pendant plus d'un an malgré l'ordre de la faire réparer, ce qui occasionnait un grand trouble dans les exercices journaliers.

III. - C'est à partir de l'année 1664 que l'on commence à voir des procès-verbaux de visites qui témoignent d'un progrès réel. On y rencontre toujours des recommandations contre les sorties, quelquefois contre la précipitation à l'office du choeur, les murmures, les infractions à la règle du silence, les manquements à la charité, la mondanité dans les vêtements, mais il n'est pas rare d'y rencontrer des éloges. Les temps devenaient meilleurs, la communauté croissait en nombre, elle recevait une section de scholastiques, c'est-à-dire de jeunes religieux encore dans la première ferveur dirigés par des professeurs d'élite. Toutes ces circonstances favorisèrent la vie intérieure; aussi en 1674 on constata «  que la règle était bien gardée ».
Elle le fut de mieux en mieux, au moins pendant un siècle, ce qui n'empêcha pas l'ivraie de se mêler au bon grain. Par deux différentes fois, le général visiteur prit un ton sévère à l'adresse de certains sujets sans conscience.
En 1687, le P. Georges disait : «  Pour empêcher le cours des désordres qui se sont glissés dans cette maison et qui nous ont fait gémir, avons jugé de faire les ordonnances suivantes : nous défendons à tous les particuliers de sortir de nuict de la maison sous peine d'excommunication (régulière). »
Le général visait un incorrigible que pas une maison ne pouvait garder et qui se trouvait alors à Domèvre. Plusieurs fois apostat mais gracié, il fut encore envoyé à l'abbaye sept ou huit ans plus tard parce que le prieur était son compatriote et son ami ; on espérait qu'il le guérirait plus facilement, mais le malheureux retomba dans les mêmes excès et continua de montrer une audace inouïe.
Ce qu'il y a de plus déplorable dans sa triste odyssée, c'est qu'il ne savait quel mal dire de ses supérieurs aux autorités civiles, même à des notabilités puissantes qui prenaient de bonne foi sa défense et demandaient au général de le traiter avec plus de modération. Celui ci se montra disposé à la clémence, mais attira l'attention du duc du Maine sur les conséquences de l'impunité dans une congrégation religieuse. A la fin, ce misérable fut expulsé (36).
Une autre fois, c'est le P. Huguin qui, en 1726, terminait sa visite en disant : «  Nous ne faisons pas d'autres règlements puisque ceux qui existent déjà sont plus que suffisants pour rectifier nos voies, remédier aux désordres, réprimer le vice, corriger les excès, détruire les erreurs et faux préjugés de cette espèce de religieux qui n'ont que de faibles idées de la grandeur de leurs engagements et de la délicatesse de leurs devoirs ; mais c'est à quoi on ne parviendra jamais si l'amour de tant de bonnes et saintes lois n'accompagne les lumières que nous avons et qui nous rendent complètement inexcusables (37) ».
Il s'agissait de deux sujets coupables du même délit que le précédent ; l'un jeune scholastique, l'autre simple sous-diacre quoique déjà ancien. Le premier apostasia et le second fut expulsé, mais il obtint de la cour romaine le droit de rentrer. A partir de cette époque les expulsions ne furent plus permises.
Ce sont les seuls graves scandales venus à notre connaissance. Mais, quand ces exceptions ont un grand retentissement, elles font une impression durable dans l'esprit du peuple et créent à toute une communauté une réputation imméritée. Nous croyons que ce cas se présenta pour Domèvre. Les mêmes désordres, dans une communauté tout à fait séculière, eussent passé inaperçus, et eussent été bien vite oubliés; mais le monde a toujours été d'autant plus sévère et exigeant envers les hommes revêtus d'un habit religieux, qu'il est lui-même moins scrupuleux dans l'accomplissement des mêmes devoirs.

IV. - En 1715, Nicolas Verlet ordonne que les livres défendus, hérétiques ou suspects d'hérésie et qui favorisent le jansénisme ou une autre erreur et relâchement des moeurs, seront enfermés sous clef, gardés par le supérieur et ne seront jamais distribués dans les chambres (38).
Entre temps, et après la béatification du saint réformateur (1730), malgré le trouble occasionné parla reconstruction de l'abbaye et de longs démêlés avec le P. Piart, les éloges deviennent plus fréquents. C'est presque chaque année qu'on trouve des notes comme celles ci : «  Règles et constitutions bien observées » ; «  union entière et parfaite, exacte application à l'étude (1713) » ; «  règle fidèlement observée (1723)-(1734) » ; «  beaucoup d'ordre (1737) » ; «  tout en bon état (1738-(1746) » (39).
Aussi la réputation du chapitre était alors excellente dans le voisinage. L'un des héritiers de Bouchard de Gémingotte, seigneur de Herbéviller-Lanoy, témoignait au prieur «  l'estime » qu'il professait pour ses religieux, et vantait le fruit que les habitants de sa paroisse recueillaient «  de leurs fréquentes instructions, et plus encore du bon exemple qu'ils leur montraient d'une vie chrétienne et édifiante. » (40). (1736). Or, celui qui leur rendait ce témoignage était en procès avec eux depuis plusieurs années.
En 1746 de fait, en 1748 officiellement, le général de la congrégation devint abbé de Domèvre et y fit sa résidence. C'est pourquoi il n'est pas surprenant de ne plus rencontrer de procès-verbaux de visites; mais il est à présumer que la présence du supérieur majeur ne nuisit pas au maintien du bon ordre qui régnait auparavant.

V. - Vint le fameux édit de mars (1768) qui jeta le trouble dans les ordres monastiques. Jusqu'à quel point l'abbaye en souffrit-elle ? Il serait malaisé de le dire. Mais on sait que le dernier général, J. de Saintignon, élu sous la pression du commissaire royal, était imbu d'un faux libéralisme, et laissa se détendre le nerf de la Règle, qui du reste, comme toutes les autres, avait été passablement altérée par ordre du gouvernement. Chatrian lui reproche d'avoir fait retarder le lever d'une heure (au moins dans les dernières années).
Pour conclure, on peut dire que les religieux de Domèvre, en général, tirent honneur à la vie religieuse jusqu'au milieu du XVIIIe siècle. Dans la suite, ils déclinèrent au point d'être tous décidés à sortir du cloître quand l'Assemblée nationale leur accorda cette liberté sans les obliger à en profiter (Décret du 13 février 1790). Cependant il est juste d'ajouter que, même pendant cette période de décadence (fin du XVIIIe siècle), ils furent toujours une providence affectueuse et bienfaisante pour la population. Il y eut des pétitions très motivées pour obtenir leur maintien quand les Ordres réguliers durent être supprimés par la Révolution. Les habitants écrivirent en effet aux représentants de la nation : «  Les Chanoines de Domèvre en Lorraine nourrissent 60 pauvres deux fois par semaine ; il faut les conserver par pitié et compassion pour le pauvre peuple dont la misère est au-dessus de l'imagination ; où il n'y a pas de couvents réguliers et de Chanoines de leur dépendance, les pauvres crient misère (41). »

§ IV. - Vie des Chanoines exerçant le ministère pastoral.

I. - Les titulaires des paroisses dépendant de l'abbaye furent de tout temps nommés par l'abbé ou par le chapitre qui jouissaient du droit de patronage suivant des conventions passées entre eux et assez fréquemment modifiées. Les candidats étaient primitivement les prêtres profès du monastère, et ensuite ceux de la Congrégation tout entière.
Les sujets venaient-ils à manquer, on recourait à des prêtres séculiers à qui on faisait prendre l'habit et même émettre des voeux ad effectum possidendi, et on leur envoyait un avis par huissier avec menace de destitution s'ils ne gardaient pas leurs engagements (Richard de Sornéville (1669-1702)) (42). C'était une mesure prise pour sauvegarder la régularité des bénéfices que l'occupation successive de trois séculiers aurait fait perdre en cas de conflit devant les tribunaux.
Sous la réforme, pour mieux favoriser les bons choix, il était réglé qu'outre l'agrément du général tout candidat aurait au moins dix ans de prêtrise, soit une quinzaine d'années de profession, ce qui supposait environ trente-cinq ans d'âge. D'autres mesures restrictives qui suivirent ne furent pas maintenues, on en vint même bientôt à ne plus fixer d'âge. Mais cette attitude produisit de mauvais résultats et donna lieu à une réaction. En 1778 il fut décidé que nul ne deviendrait curé avant la vingtième année de sa profession, ce qui représentait quarante ans d'âge. Ces mesures visaient l'ambition qui ne négligeait aucun moyen pour arriver à ses fins (43).
En général, du moins sous la réforme, on accordait les bénéfices comme récompense de bons et loyaux services. Les principaux élus étaient des prieurs, des professeurs, d'anciens vicaires mûris par le travail, et par conséquent des hommes d'une capacité reconnue, d'une vertu éprouvée, des hommes sérieux et expérimentés qui donnaient des garanties de régularité et de zèle. On compte même, parmi ceux de Domèvre, des candidats aux abbayes et au généralat de la Congrégation (44).
L'élection rendait membre du chapitre collateur celui qui ne l'était pas encore, et le relevait des fonctions qu'il exerçait. Cependant il arriva que des élus, n'étant pas libres de régir immédiatement leurs bénéfices, se faisaient autoriser à jouir des revenus, à charge de pourvoir au service des âmes en leur nom et à leurs frais (45).
L'abbaye pourvoyait à l'ameublement du presbytère des réguliers. Le mobilier devait être modeste mais convenable. On ne rencontre aucune dérogation à cette règle, mais le curé était obligé de rembourser petit à petit à la communauté et à des termes fixés d'avance. Plusieurs parvenaient difficilement à s'acquitter de cette redevance (46).
Le ménage devait être, autant que possible, tenu par un domestique ; ce n'est qu'à la rigueur et moyennant une permission écrite du général, que le curé pouvait prendre à son service une femme de 50 ans. Par le fait, presque tous eurent des servantes dont on n'exigea plus que quarante ans d'âge. Quelques-uns eurent simultanément domestique et servante pour l'exploitation des terres attachées à la cure (47).
La règle interdisait formellement aux curés d'avoir chez eux, comme hôtes habituels, des parents à quelque degré que ce fût. Cependant la chose devenait possible avec la permission écrite du général. Elle eut lieu, en effet, plus d'une fois.
En leur qualité de religieux, les bénéficiers demeuraient astreints au règlement de la communauté pour le lever, le coucher, les exercices de piété, le jeûne, l'abstinence, le vêtement, etc... Ils ne pouvaient s'absenter deux jours de suite sans la permission de l'abbé ou du prieur. L'obligation de faire une retraite chaque année dans la maison que leur indiquait le général se transforma dans la suite en une simple exhortation.
Les revenus d'une cure devaient servir à l'entretien du titulaire. Ce qui leur restait après une faible contribution payée à la bourse commune passait aux pauvres et aux oeuvres de paroisse. Pour assurer cette gestion, il était expressément défendu au bénéficiaire d'acheter ou de vendre des immeubles, de bâtir ou de démolir, d'engager des capitaux, d'intenter des procès, de faire des cadeaux, de contracter des dettes sans une autorisation expresse soit du général, soit du prieur.
Chaque année ou chaque trois ans, il devait rendre ses comptes à qui de droit et recevoir la visite de l'abbé ou du général.

II. - Un certain nombre ne parvinrent à s'installer définitivement dans leurs paroisses qu'après de longues revendications devant les tribunaux. Ce trouble leur venait de la législation alors en vigueur. - Il y avait en effet à cette époque, parmi les cures qui étaient à la nomination de l'abbé ou du chapitre, celles qui étaient dites unies ou régulières (dont nous parlerons plus loin), et celles qui étaient dites séculières. Quand l'abbé nommait à l'une ou à l'autre de ces cures dont il était patron (48), l'évêque était obligé de donner l'institution canonique au candidat présenté, à moins que celui-ci ne fût notoirement incapable ou indigne ; mais l'abbé ne pouvait présenter l'un de ses religieux que quand la cure en question était régulière, c'est-à-dire unie à son abbaye ; si la cure vacante était séculière, il ne pouvait présenter qu'un prêtre séculier (49). Tel était le droit, mais, en pratique, les choses se passaient un peu différemment.
A plusieurs reprises, en effet, des Chanoines réguliers avaient été admis à occuper des cures séculières à cause sans doute de la pénurie des prêtres diocésains, et réciproquement nous voyons des cures régulières, comme celles de Cirey et de Domèvre, parfois détenues avant la réforme par des prêtres séculiers. Cet échange de bons procédés avait amené à la longue de la confusion sur la nature du titre de certains bénéfices, surtout après la guerre de Trente ans qui avait anéanti tant d'archives et qui avait dispersé tant de témoins des usages anciens. Ce fut là une matière fertile en correspondances aigres-douces entre les Chanoines de Domèvre et les évêques du voisinage. Chose curieuse, c'étaient les tribunaux laïques qui décidaient du conflit en dernier ressort, dans ce sens que plus d'une fois le parlement déclara abusives les sentences soit du métropolitain, soit du pape, et faisait exécuter les siennes.
Une des cures de cette catégorie qui fut des plus disputées est celle de Destry, dans le diocèse de Metz (50). Le titulaire de cette paroisse, le P. Paul Maupassant, venait de mourir le 24 août 1727. L'abbé Piart lui avait donné pour successeur le 23 février 1728 un autre Chanoine régulier, le P. Philippe de Beausire. Mais quand le candidat nommé se présenta le 3mars devant Mgr du Cambout de Coislin, évêque de Metz, pour lui demander ses institutions, celui-ci les lui refusa catégoriquement sous prétexte que cette cure était séculière ; et presque aussitôt il y nomma un de ses prêtres, Jean Bonaventure, prétendant pouvoir le faire par droit de dévolu, parce que la première présentation avait été nulle. Sans perdre de temps le P. de Beausire adressa une requête au duc de Lorraine pour demander l'autorisation de prendre possession provisoire du temporel de la cure (51).
Léopold, par brevet du 6 mars 1728, agréa sa requête et l'autorisa à demander ses institutions au métropolitain de Trêves, vu le refus de l'Ordinaire. Le P. de Beausire engagea d'abord un procès devant la Cour souveraine qui déclara par un arrêt du 9 avril que la cure de Destry était régulière. Ensuite, de concert avec l'abbé de Domèvre, il pensa qu'il valait mieux recourir directement au Saint Siège que de s'adresser au métropolitain ; et de fait il obtint de Benoit XIII une bulle datée des nones de juillet 1728, laquelle le nommait à la cure de Destry et lui conférait tous les pouvoirs dont il avait besoin. Mais la bulle, pour avoir son exécution, devait être fulminée, et, selon l'usage, la fulmination était faite par un prélat, ou l'official d'un diocèse.
L'évêque de Metz ne pouvant être disposé à fulminer ces lettres pontificales, et M. de l'Aigle, official de Toul, s'y étant refusé, les prétendant subreptices, on eut soin de les faire adresser à Claude Sommier, grand-prévôt de Saint-Dié, qui avait le titre d'archevêque de Césarée. Mais cette préférence le mit dans le plus grand embarras.
L'évêque de Metz en effet lui écrivit à la date du 27 septembre 1728 (52) :
«  Je reçus hier au soir, monseigneur, la lettre dont vous m'avez honoré le 23 de ce mois, par laquelle vous me marquez que la Cour de Rome vous a commis pour fulminer des bulles que les Pères Urguet et Beausire ont obtenues pour les cures de Reillon et de Destrich (53). Il est vrai que j'ai refusé à ces deux religieux de leur donner des institutions sur la présentation de l'abbé de Domèvre parce que ces deux bénéfices sont séculiers et non réguliers et que je ne puis en conscience faire ce tort au clergé séculier. Comme ces gens-là ont beaucoup de crédit à Rome, on leur a donné des bulles sans aucun examen. M. de Toul en a refusé la fulmination avec raison, car nous n'admettrons jamais que des rescripts de Rome puissent être adressés à d'autres qu'aux Ordinaires. J'espère que vous ferez la même chose et que vous renverrés ces religieux qui sont trop avides de bénéfices.
«  Je sçais que vous êtes instruit des grandes règles ; le Roy vient de faire rendre des arrêts à cet égard (54) et je ne crois pas qu'il souffrz que l'on en use ainsy envers des évêques qui sont sous sa protection. Je vous rend au reste mille grâces de vos politesses et suis avec respect, monseigneur, vostre très humble et très obéissant serviteur.
«  Le duc de Coislin. »

D'autre part le grand-prévôt de Saint-Dié était pressé par l'abbé de Domèvre d'exécuter le mandat qu'il avait reçu de Rome.
Il lui répondit le 19 décembre (1728) :
«  Je suis très disposé à faire ce que vous souhaitez de moi à l'égard de MM. Urguet et Beausire dont le mérite m'est connu ; mais permettez-moi de prendre une précaution qui m'est absolument nécessaire dans les conjonctures où je me trouve. On m'accuse de Toul en France que je ne garde aucune mesure à l'égard des évêques de mon voisinage et entre autres choses on m'objecte une commission pareille à celle dont il est question. Je suis très bien dans l'esprit de M. de Metz, qui dans toute occasion me donne des preuves d'amitié et de bienveillance. Son Altesse Royale me dit, il n'y a pas un mois, que je devais user de grande retenue dans tout ce qui regardait messieurs les évêques de France et ne rien faire qui pût me compromettre avec eux.
Tout cela m'oblige, avant de passer outre dans l'affaire qui m'est envoyée, de savoir les sentiments de S. A. R. et d'en faire civilité à M. de Metz qui en a tant pour moy (55) »

Comme on le pense bien, les PP. Urguet et de Beausire usèrent de toutes les influences possibles pour déterminer S. A. R. le duc Léopold à parler en leur faveur à l'abbé Sommier qui était son obligé. La politique ducale devait s'accorder d'ailleurs avec les vues des Chanoines solliciteurs, puisque Reillon et Destry étaient situés en terre lorraine. Léopold fit écrire à l'archevêque de Césarée par M. Olivier, son secrétaire d'Etat, qui en reçut la réponse suivante, le 8 janvier 1729 :
«  Monsieur,
«  Je viens de recevoir la lettre dont vous m'avez honoré le 29 décembre dernier au sujet de certaines bulles dont le pape m'a renvoyé la fulmination. Je les ai examiné et j'ai trouvé dans celles qui me sont adressées, qu'on y avait fait des ratures dans deux ou trois endroits de chacune et qu'on y avait ajouté des mots d'un caractère différent des autres. Ainsy comme je dois attester qu'elles m'ont été présentées saines et sans aucun vice, ne pouvant le faire, je me trouve arrêté tout court. D'ailleurs j'ai reçu une lettre de M. l'évêque de Metz qui dit bien des choses ; je vous l'envoie en original, vous priant monsieur de l'examiner, de faire attention aux suites qui peuvent nous regarder et de faire voir cette lettre à S. A. R
«  P. S. Si les deux Chanoines réguliers nommés aux cures controversées avaient pris des actes de refus de monsieur de Metz et s'étaient ensuite pourvus à Trêves au métropolitain, ils auraient pris le canal naturel et la voie la plus abrégée que je leur conseillerais de prendre, plutôt que de renvoyer à Rome s'il le faut, pour remédier à ce qu'il y a de vicié dans leurs bulles, que je leur ai dit de vous faire voir. »
Le même jour, 8 janvier 1729, le P. de Beausire écrivait à l'abbé de Domèvre pour lui rendre compte de sa visite à Claude Sommier, archevêque de Césarée. Il lui mande qu'il a été assez mal reçu par l'archevêque qui n'a pas voulu fulminer les bulles obtenues de Rome sous prétexte qu'elles avaient été subreptices, qu'elles contenaient des ratures, et parce qu'il serait très mal vu par les évêques de France, en particulier par celui de Metz ; « . que M. de Toul absent (à Paris) le ferait regarder comme un hibou » s'il fulminait en son absence des bulles que lui-même n'eût pas fulminées.
Cependant quelques jours plus tard, le 17 janvier, déterminé, nous ne savons par quelle raison ni par quelle influence, Claude Sommier fulmina les bulles en question, et le conflit fut apaisé pour cette fois.
Mais en 1766 la cure de Destry fut vacante de nouveau (56). L'abbé de Domèvre y nomma un de ses Chanoines, Dominique Bigarel. L'évêque de Metz lui refusa ses institutions (22 juillet) et y nomma un de ses prêtres, Nicolas Colchen. Les deux candidats obtinrent du pouvoir séculier la permission de prendre possession du temporel. Il fallut plaider de nouveau. Après une multitude d'actes d'assignation, d'oppositions, d'exploits de parties intervenantes ; après de longs débats au consistoire métropolitain de Trêves ; après onze grandes audiences de la Cour souveraine, celle ci se prononça enfin le 4 juillet 1768 ; mais cette fois, rapportant son arrêt du 9 avril 1728, elle déclara que la cure de Destry était séculière et maintint par conséquent le candidat de l'évêque de Metz. La jurisprudence des tribunaux avait évolué rapidement sur ce point (57).
A la même époque la cure de Réchicourt la Petite fut à plusieurs reprises l'objet de démêlés analogues qu'il serait trop long d'analyser. En 1757 l'évêque de Metz, Mgr de Saint-Simon, avait fini par accorder des pouvoirs au P. Malherbe, mais pour un an seulement et en faisant insérer dans les lettres d'institution cette clause inaccoutumée : «  Salva natura beneficii, salvo jure nostro et cujuslibet alterius. » Le Chanoine régulier écrivait qu'il n'avait osé protester contre cette nouveauté, «  parce que, disait-il, je craignais de le fâcher beaucoup par là, ce que je devais extrêmement craindre, non seulement pour moi, mais pour notre Congrégation, contre laquelle il est extrêmement indisposé ». (58)

III - Pour laisser voir dans un jour plus complet ce qu'avait de précaire et de pénible la situation des Chanoines qui desservaient les cures unies et qui étaient de beaucoup les plus nombreux parmi les curés dépendant de Domèvre, il est nécessaire de dire un mot de leur origine. Avant le concile de Trente (1545-1563) et quelquefois depuis, les papes et les évêques avaient uni un certain nombre de cures à des abbayes et à des chapitres pour leur faire l'aumône. St-Sauveur, Domèvre, Barbas, Val de Bon Moutier, Petit Mont, Raon-les-Leau, Cirey, Harbouey, Bauzemont, Sornéville, Lupcourt (1460) passaient pour des cures unies à l'abbaye de St-Sauveur. De cette union, il était résulté que tous les revenus de ces cures, appelées cures unies, appartenaient à l'abbaye, laquelle n'avait que la charge d'entretenir un prêtre pour exercer le ministère pastoral dans ces paroisses. Pour cette raison elle gardait le titre de curé primitif et ne donnait que celui de vicaire (amovible) aux Chanoines qui étaient pasteurs en fait. Par unabus qui était assez général, le choix du desservant se faisait pour ainsi dire au rabais, ou on ne lui abandonnait qu'une pension qui était à peine suffisante pour vivre honorablement; et quand il n'était pas content, on le remerciait. En sorte que, dit un canoniste (59), l'emploi du curé primitif «  se réduisait à tondre la laine du troupeau et à en manger le lait pendant qu'on ne donnait que médiocrement la subsistance à ceux qui le menaient paître et qui portaient le poids du jour et de la chaleur ».
Le pouvoir séculier s'émut de cette situation qui inspirait la pitié et travailla à la relever. Louis XIV, par un édit de janvier 1686 qu'il rendit obligatoire pour la Lorraine, décida que les desservants des cures unies ne seraient plus révocables à volonté et porteraient le titre de vicaires perpétuels (60). Cet édit donnait également droit aux vicaires perpétuels de vivre séparément de la communauté et d'avoir des biens auxquels celle-ci ne pouvait prétendre.
Voici comme les abbés de Domèvre s'y prirent pour se soumettre apparemment à cette ordonnance et en même temps pour en éluder les conséquences désavantageuses pour eux (61). Sur la proposition du supérieur général, ils déclarèrent qu'ils ne confieraient leurs paroisses qu'aux Chanoines qui s'engageraient volontairement par serment (62) à ne s'approprier aucun revenu de leur cure et à abandonner sans réserve tous leurs émoluments à la communauté. Tous les Chanoines desservants, pour ne pas être dépossédés de leurs paroisses, prêtèrent, la main sur l'évangile, le serment qu'on leur disait être libre.
Mais l'un d'entre eux, que nous croyons être le curé de Lupcourt (63), regrettant le serment qu'il avait prononcé à contre-coeur, songea à en faire annuler les effets. Il écrivit un mémoire circonstancié à plusieurs docteurs de Sorbonne pour leur exposer son cas de conscience et leur demander de répondre à ces deux questions :
1° Le susdit serment est-il obligatoire et le religieux qui l'a prononcé peut il encore tirer les revenus dépendant de sa cure ?
2° Ce procédé des supérieurs n'est-il pas entaché de simonie, et l'abbé ou le supérieur général a-t-il raison d'exiger ce serment ?
La raison que l'on a de poser la première question, dit-il en substance, c'est que les Chanoines réguliers étant capables de desservir les cures avec la permission du général, et un article de leurs statuts permettant aux curés institués l'administration du temporel de ces cures, il semble que le général, au préjudice de ce statut, n'a pu les obliger à renoncer à leurs droits ni leur faire prêter un serment qui ne peut être qu'un lien d'iniquité contre le privilège de leur Ordre. -- Une autre raison, c'est l'ordonnance du roi, celle de Louis XIII, publiée le 15 janvier 1629, faite d'après les cahiers des États tenus à Paris en 1614, laquelle est conçue en ces termes :
«  Les cures unies à abbayes, prieurés, églises cathédrales ou collégiales, seront doresnavant tenues à part, à titre de vicariat perpétuel, avec tout le revenu, sans que les dites églises y puissent prétendre autres droits que les honoraires. »
De plus, le Droit canon veut que les curés et vicaires perpétuels aient une portion suffisante, «  unde jura possint episcopalia solvere, et hospitalitatem tenere ». (Cap. xii apud Gregorium, de praebendis et dignit. ; et Clément., cap. I, de jure patronatus.)
Pour la seconde question : Il semble qu'il y a simonie, parce que ce serment prêté ressemble à un pacte par lequel on cède un bien temporel pour obtenir un bien spirituel (un bénéfice). De plus, il y a un statut des Chanoines réguliers ainsi conçu : «  Cui de beneficio provisum fuerit, statim se a superioris et procuratoris officio exclusum sciat... »
Les docteurs de Sorbonne consultés, G. Fromagieux, C. de Précelles, A. Salmon et R. Noblet, après une mûre délibération, renvoyèrent une réponse signée et datée du 27 août 1693, dans laquelle ils concluaient :
1° Que le supérieur avait eu tort d'exiger ce serment, parce qu'il était contraire au droit commun et à un statut de l'Ordre ;
2° Que le serment prêté n'obligeait pas, parce que le supérieur n'avait pas le droit de changer un statut fait dans un chapitre général et conforme au droit commun ;
3° Qu'il y avait, dans le serment exigé, une clause sous-entendue qui était simoniaque : c'est comme si un supérieur promettait de ne donner des bénéfices-cures qu'à ceux qui s'engageraient à mettre les revenus en commun ; ce qui est contre le droit. Ce serment, ajoutaient-ils, pourrait cependant obliger, si on pouvait le garder sans péché et sans faire tort à un tiers.
Il faut bien le reconnaître, la bonne intention du pouvoir public de soulager une classe de prêtres que des abus trop communs réduisaient à une indigence extrême et peu séante à leur état avait le grave inconvénient d'entamer l'un des voeux de religion, celui de pauvreté. En donnant des droits aux desservants, on affaiblissait d'autant ceux de la communauté sur eux. En pratique, l'alliance de ces deux règles directives, le respect des droits individuels conférés par les lois civiles, et le respect des obligations du voeu de pauvreté (lequel voeu donnait à la communauté tous les droits de propriété attribuables à ses membres), était très difficile et très délicate ; mais cette brèche faite à la discipline n'était-elle pas imputable aux supérieurs, qui avaient poussé trop loin leurs exigences sous prétexte de travailler au bien commun ? Il n'est pas étonnant que, sur le terrain de la vie pratique, on ait glissé plus que de raison du côté qui était favorable aux droits individuels. Et cette consultation des savants docteurs de Sorbonne, dontnous venons de parler, n'a peut-être pas peu contribué à généraliser un usage qui n'a cessé d'être blâmé par les supérieurs, et qui n'en a pas moins prévalu. Le P. Massu se plaint, en effet, dans ses Mémoires, que les remontrances incessantes des supérieurs sur ce point soient restées lettre morte. Parlant des statuts de la Congrégation, publiés vers 1704, il écrivait : «  On y ajouta une petite dissertation sur la vie des curés réguliers, dont la plupart se croyaient dispensés de l'observation des règles et disposaient des revenus de leurs bénéfices avec autant de liberté que s'ils en avaient été les propriétaires. On essaya, par ce discours, de leur faire comprendre leurs devoirs et de les rappeler de l'égarement où ils étaient. Fasse le ciel qu'il ait l'effet qu'on s'est proposé, et que les bénéfices cessent d'être des pièges qui font périr beaucoup de réguliers (64). »

IV. - Presque tous les Chanoines versés dans le ministère ont vécu pauvrement ; plusieurs même n'ont pas fait honneur à leurs affaires et ont contracté des dettes plus ou moins considérables. Hâtons-nous de le dire, l'amour du bien-être ou la prodigalité n'en furent pas la cause. Ici c'était la reconstruction d'un presbytère incendié, l'ornementation du saint lieu, ailleurs des charités excessives, des charges trop lourdes, et peut-être aussi une administration inexpérimentée.
Nous remarquons qu'en général la part des revenus qui était laissée aux Chanoines administrateurs des paroisses était tellement réduite, qu'un assez grand nombre se trouvaient dans un état de gêne extrême. Trop souvent l'administration du couvent les pressurait autant qu'elle pouvait quand la limite de ses droits était contestable ; plutôt que d'abandonner ces droits douteux à des prêtres besogneux, elle s'engageait dans de longs procès pour soutenir ses prétentions. Le curé de Repaix en 1746 n'ayant pu payer les dîmes qu'il avait prises à ferme est menacé de saisie. Le P. Lebel, curé de Sornéville en 1739, par suite de transactions malhabiles de plusieurs de ses prédécesseurs avec un procureur de l'abbaye très entendu dans les affaires, ne peut plus trouver une subsistance suffisante. L'inflexibilité du conseil de l'abbaye obligea ce Chanoine à recourir aux tribunaux et ceux-ci lui donnèrent raison. Il a laissé un mémoire touchant de sincérité qui nous paraît d'autant plus digne d'être reproduit qu'il nous retrace par des chiffres éloquents la situation de beaucoup peut-être de ses confrères qui n'ont pas eu comme lui l'idée de consigner leurs justes doléances. Nous sommes d'autant plus surpris de le voir dans cette situation pénible qu'il était un sujet méritant puisqu'il faillit devenir général de la Congrégation.
Le Père Lebel prit possession de la cure de Sornéville en 1758. Il donne l'état de ses dettes le 13 juin 1764 :
«  Si la divine Providence avait terminé ma vie par la maladie que je viens de faire, on aurait été frappé sans doute de trouver dans mes papiers l'état de mes dettes porté à un point qui m'effraye moy même. Sans examiner si les dettes ont été nécessaires, on n'aurait point balancé à m'accuser de dissipation, et après ma mort je serais devenu un objet d'anathème pour le plus grand nombre qui ne sçait se décider que sur les apparences.
«  Ces réflexions, qui m'ont occupé quelques moments pendant les instants les plus critiques de ma maladie, ont répandu quelque affliction dans mon âme que j'ay réussi cependant à calmer par le témoignage de ma conscience. Elle m'a rassuré sur le jugement que le Seigneur aurait à porter sur cet objet, et celuy des hommes a paru peu de chose à mes yeux ; je ne me suis plus livré qu'aux sentiments de confiance qui m'étaient inspirés par l'étendue de son infinie miséricorde, et j'ay retrouvé toute ma tranquillité.
«  Rappelé à la vie et ramené à la santé, mes inquiétudes ont recommencé ; elles m'ont fait conclure que ce n'était pas assez du témoignage de sa conscience, mais qu'il fallait encore ôter tout sujet de scandale lorsqu'on était en état de le faire.
«  C'est pour satisfaire à cette obligation que je me suis déterminé à rendre compte des motifs qui m'ont forcé à contracter des dettes qu'on trouvera détaillées dans le présent état.
«  Je suis entré dans mon bénéfice comme les autres Chanoines réguliers, c'est-à-dire sans aucun argent, avec cette différence cependant, qu'on laisse au plus grand nombre les meubles qui leur sont nécessaires en leur accordant du temps pour en payer le prix, au lieu qu'à mon égard on ne s'est pas contenté de m'imposer pour payement de ces meubles des dépenses considérables, qui devaient se faire sans aucun retard, mais encore on a retenu les revenus des trois premiers mois de mon bénéfice ; on m'a laissé sans bled, sans avoine, sans foin et sans bois, et on m'a chargé des réparations du presbytère que j'ai été obligé de faire dans le courant de la première année que je suis entré dans mon bénéfice (65).

«  Pour faire concevoir toute l'étendue des dépenses qu'on m'a rendues inévitables, j'en donnerai l'état détaillé :
COURS DE FRANCE COURS DE LORRAINE
Mes institutions 18 -
Pour contrôle et insinuations à Metz 8 8
Pour arrêt de prise de possession 36 -
Pour nomination et contrôle à Nancy 6 16
Pour le secrétaire de la Cour 6 -
Pour l'huissier qui m'a mis en possession 6 -
Pour retirer les papiers de la cure qui étaient au greffe de Nancy 24 -
Total 105 4
Cours de Lorraine 135 11

«  On m'a imposé l'obligation de payer deux années et demie de don gratuit, et, en outre, six mois qui étaient à ma charge qu'il a fallu payer la même année, à 74 fr.l'une, soit 222 fr.
Les réparations de la maison de cure et des murs du jardin, compte relevé, montent 286 6
Les années suivantes, mon don gratuit a été de 113 fr. au cours de France ; actuellement il est réduit à 87 fr. 10. Les deux années et demie qui étaient à la charge de Domèvre et qu'on m'a obligé de payer, étaient pour le prix d'une partie des meubles 735

Total 1156 17

Je remarque que ce bon Chanoine régulier avait simultanément à son service un homme et une femme, nécessaires sans doute à l'exploitation des terres attachées à son bénéfice. Ainsi son mémoire porte encore :
Antoine Durion est entré à mon service le 7 novembre 1763 ; Christine est entrée à mon service le 14 novembre 1763. Je lui ai promis 20 écus de gage et une paire de souliers. Bichon ou Barbe Gény est entrée à mon service le 16 novembre 1764 et lui ai promis 17 écus de gages. Marie-Anne Pelletier est entrée à mon service le 23 novembre 1763; je lui ai promis 17 écus.
Le 22 juin 1764, je suis convenu de doner au cosson nommé Burtin 7 fr. 15 pour les commissions qu'il a fait pour moy à Nancy pendant le cours de l'année.
J'ai payé au prêtre chargé de l'administration de ma paroisse : 50 fr.
J'ai été obligé d'acheter, en arrivant, du foin, de la paille, de l'orge, du bois, des fagots, etc. : 300 fr.
De plus, j'ai fait un calice qui était à la charge de Domèvre et qu'on a exigé que je fisse en payement des meubles qu'on m'avait laissés. Ce calice a coûté 62 fr.
Voilà, par conséquent, 1.296 livres que j'ai été obligé de débourser dans les six premiers mois de mon bénéfice, et, pour surcroît d'embarras, le procureur de Domèvre avait touché les revenus des trois premiers mois, montant à 275 livres.
Peut-on concevoir que, n'ayant pas d'argent, j'aurais pu payer 1.571 fr. 17 s. sans faire aucun emprunt ? Le bled et le vin étaient très chers la première année que je suis venu à Sornéville. Mon frère m'en a fourni pour plus de 400 livres.
Mon frère m'a rendu ce service : il m'a envoyé du bled et du vin et toutes les autres choses dont j'avais besoin ; il m'a fait faire un lit, 6 couverts d'argent, une grande cuillère du même métal ; il m'a fourni d'assiettes, de plats, de cruches, gobelets, sucre, etc.
C'est ce qui fait que, malgré l'argent que je lui ay envoyé, je lui dois encore une somme considérable, et afin qu'il n'y ait aucune contestation ny difficulté si la mort me séparait de ce monde, je vais en donner le détail, bien résolu de travailler de toutes mes forces à éteindre ces dettes le plus tôt qu'il me sera possible (66).
Réduits à une très modeste portion congrue, les desservants des cures unies avaient parfois bien de la peine d'obtenir même le minimum de la rétribution que le pouvoir séculier s'était cru obligé d'imposer aux abbayes.
Cette rétribution était due tantôt par la mense abbatiale, tantôt par la mense conventuelle, suivant les conventions faites entre les parties intéressées. Or, il n'était pas rare de voir s'élever de longues contestations au sujet de l'exécution de ces traités, qui étaient modifiés perpétuellement. Le chapitre, qui se prétendait lésé, s'obstinait à ne point payer à tel curé sa pension, sous prétexte qu'elle était à la charge de l'abbé, à la suite de telle transaction dont les clauses étaient compliquées et obscures. L'abbé, de son côté, prétendait que cette obligation incombait au chapitre et se montrait encore plus obstiné que lui. Pendant ces débats, dont on ne pouvait prévoir la lin, le desservant n'avait même plus de quoi vivre pauvrement ; pour ne pas mourir de faim, il se trouvait obligé de s'adresser soit aux tribunaux séculiers, soit au Saint-Siège, et de dépenser ainsi, pour se faire rendre justice, des sommes considérables qu'il ne pouvait avoir que par emprunt. Ce fut le cas d'un curé de Saint-Sauveur, entre autres. Le degré de dénûment auquel il avait été réduit par la dureté persévérante de ses supérieurs lui inspira d'écrire brièvement son histoire, pour laisser entrevoir sa pénible situation et celle de ses consorts, et pour inviter la postérité à flétrir les auteurs de l'abus dont il était victime.

En voici les lignes principales :
«  Explication comme le sieur Bellier, Chanoine régulier, natif de Nancy, a obtenu des bulles en Cour de Rome et comme il a été le premier curé institué à Saint-Sauveur :
«  Comme les Chanoines réguliers ses devanciers, ayant été envoyé seulement pour desservir le peu d'habitants qui étaient à Saint-Sauveur comme fermiers et censiers du sieur abbé de Domèvre, et ne pouvant (ses devanciers) rien tirer ny pour leur nourriture, ni pour leur vêtement, ni de la part du sieur de Domèvre qui voulait se décharger de ses obligations sur les religieux, ni de la part des habitants de Saint-Sauveur qui ne pouvaient pas fournir le nécessaire au presbytère soit par pauvreté, soit par modicité du peuple et par l'insuffisance de la dîme, il a fallu que ces prêtres se retirassent, ne pouvant vivre ny s'entretenir dans ce hameau avec rien, surtout sans titre et sans droit de pouvoir exiger du sieur abbé de Domèvre (qui en était le collateur) ce qui lui était nécessaire. Et le sieur Bellier après 33 ans de service spirituel à Saint-Sauveur ne pouvant comme les autres tirer sa desserte ni devoir de fondation, après l'avoir plusieurs fois demandé amiablement, s'est pourvu en Cour de Rome, et après avoir exposé ses raisons qui ont été admissibles par Toul, il a obtenu en Cour de Rome des bulles du pape Clément XIV en 1769, le 6 des ides de juin, qui l'établissent et instituent curé de Saint-Sauveur ; et comme ledit St-Père en a remis l'examen, l'approbation et fulmination au sieur évêque de Toul, le sieur Bellier s'y est présenté, et après examen juridique fait le 23 juin 1771, ledit seigneur évêque les a fulminées et a renvoyé ledit sieur Bellier à la Cour souveraine de Lorraine pour le faire recevoir et agréer pour le spirituel et temporel ; et après avoir prêté à la Cour le serment ordinaire en pareille occasion, et cela le 23 juillet 1771, il s'est retiré à Saint-Sauveur et a pris possession du spirituel et temporel de la cure le 3 juillet 1771 par Gautier, notaire à Blâmont..., ce qui a coûté audit sr' curé 662 livres tant pour bulles que frais de voyages et écrits, sans compter les peines (67). »
Non seulement le pouvoir séculier intervint pour assurer l'inamovibilité aux desservants des cures unies en leur donnant le titre de vicaires perpétuels, mais il s'appliqua à plusieurs reprises à fixer le minimum de la portion congrue qui devait leur être délivrée (68).
Ils avaient pourtant le choix entre cette portion congrue et les conditions qui leur étaient faites par l'abbaye. C'est ainsi que pendant longtemps les cures de Harbouey et de Cirey furent affermées aux titulaires qui jouissaient de tous les revenus de leur bénéfice en payant annuellement au chapitre la somme de 40 fr. (69). C'est cette liberté qu'avaient les desservants d'opter entre le fixe de la portion congrue et le tiers des dîmes, qui fit que quelques rares Chanoines, installés dans de riches paroisses, jouirent d'une aisance relative. On en cite qui donnèrent à l'église de l'abbaye des objets artistiques d'un grand prix, comme le P. Collignon de Leintrey ; d'autres qui laissèrent après leur mort des sommes considérables, comme le P. Bauquel qui amassa 22.000 fr., le P. Hallot, 5.000 fr. et le P. Huyn, 7.200 ; on en cite d'autres enfin qui établirent des fondations de messes dans leur cloître. On se demande, dit l'abbé Collin, comment tout cela s'alliait avec le véritable esprit de désappropriation, et les exigences des voeux de pauvreté religieuse. Preuve que le pécule dans une certaine mesure fut toléré en fait par la Congrégation.
Dans les autres provinces du royaume la cote-morte (spolium), c'est-à-dire la quotité des économies réalisées par un desservant décédé, appartenait pour un tiers à l'abbé, pour un tiers à la fabrique et pour un tiers aux pauvres ; en Lorraine elle revenait tout entière à l'abbaye dont le défunt avait dépendu (70).

V. - On ne sera pas surpris d'apprendre que les Chanoines, même les meilleurs, soit imprudence, soit culpabilité ou autre raison, ont subi des tracasseries de la part des autorités locales, des particuliers, voire même de certains confrères ; qu'ils ont eu des luttes à soutenir, de longs procès à vider, de graves accusations à repousser, des ingratitudes à essuyer : c'est le sort commun des ministres d'un maître crucifié. Mais laissons de côté les difficultés qui leur sont venues de l'incurable imperfection des hommes, et parlons seulement de celles qui tenaient plus particulièrement à la constitution de l'ancien régime.
La perception des dîmes, la jouissance du bouverot et l'entretien des églises furent les occasions les plus fécondes en chicanes et en procès.
Certains cantons de terre qui autrefois n'avaient pas été mis en culture n'étaient pas sujets à la dîme proprement dite ; ils étaient soumis à une redevance égale qu'on appelait les dîmes novales, ou même simplement les novales. Il y avait même certaines parcelles qui étaient entièrement franches en vertu de privilèges qui se perdaient dans la nuit des temps. Souvent le curé avait droit aux novales à l'exclusion de l'abbaye. Mais quelles étaient les terres qui étaient chargées de cette dernière imposition ? Il y avait des héritages qui avaient été tellement transformés et démembrés qu'il était bien difficile d'avoir conservé le souvenir de leurs premières limites. Beaucoup d'anciens titres ayant disparu, il fallait s'en rapporter aux témoignages des vieillards ; or plusieurs, pour leurs parents ou amis, étaient intéressés à se prononcer dans un sens ou dans un autre. On devine tout ce qu'il pouvait surgir de contestations d'une matière aussi incertaine (71). Là (sans parler des admodiations de dîmes et autres complications), le conflit était imminent entre le curé et l'abbaye. Les procès des curés de Sornéville et de Burthecourt, en particulier, forment de volumineux manuscrits à épuiser la patience des plus opiniâtres investigateurs (72).
Plus souvent le conflit éclatait avec les paroissiens. Beaucoup d'entre eux n'étaient pas scrupuleux pour payer les dîmes. Il suffit de parcourir les ordonnances de nos ducs pour reconnaître que leurs injonctions réitérées supposaient chez le peuple des fraudes nombreuses et une résistance permanente. Les habitants de Domèvre et de Barbas se sont fait remarquer entre tous par leur peu d'empressement à s'acquitter d'un tribut qui cependant était à peu près le seul qui pût faire vivre leurs pasteurs. En 1436, l'interdit fut même jeté pour cette raison sur l'église de Barbas, et l'excommunication prononcée contre les coupables (73).
A Burthecourt-aux Chênes, pendant une vacance de la cure, des malveillants avaient dérobé en 1726 les papiers qui indiquaient les terres composant le bouverot du desservant. On fut obligé de publier un monitoire. Du haut de la chaire à Burthecourt et dans toutes les églises de la région, avec l'autorisation de la Cour souveraine et au nom de l'Official de Toul, on déclara par trois dimanches consécutifs que l'excommunication serait encourue par tous ceux qui, possédant les titres en question, ne les rendraient pas ; ou qui ayant appris le dénombrement des propriétés du bouverot, ne le révéleraient pas. - D'assez nombreuses dépositions furent recueillies, et l'on parvint à reconstituer l'état des biens qui revenaient au curé.
L'entretien de l'église et de son mobilier était en partie à la charge des gros décimateurs (c'est-à-dire de l'abbaye), en partie à la charge du curé, en partie à la charge des habitants.
La mesure des obligations respectives des uns et des autres variait de diocèse à diocèse ; elle était modifiée dans le même diocèse par des coutumes locales, par des transactions anciennes. Le concours des trois parties intéressées était nécessaire pour aboutir à une réparation importante et convenable d'une église. Souvent l'une ou l'autre, soit par pauvreté, soit par esprit de chicane, soit sous l'impulsion de quelque petite passion, refusait de s'entendre et de contribuer aux dépenses. Il fallait forcer les récalcitrants par la voie des tribunaux. Quelquefois même c'était le chancelier de la Galaizière qui imposait une restauration urgente aux trois parties qui cherchaient à s'y dérober.
D'autres fois le curé voyant son église menacée d'interdit, comme par exemple à Petitmont (1772), se voyait obligé d'actionner ses supérieurs de Domèvre pour les contraindre à fournir les livres de chant et les objets du culte. Rien n'était plus fréquent que ces sortes de procès au siècle dernier. L'un des plus remarquables dans le genre est celui de la communauté de Blémerey (74). Les démêlés durèrent vingt années (1737-1757), et l'abbaye supporta pour sa part plus de 3,000 fr. de frais dans l'espace de trois ans (75).
Voici seulement l'indication de l'objet litigieux :
A l'origine, l'église de Blémerey paraît avoir été église-mère avec Gondrexon, Chazelles et Reillon pour annexes. Pendant la guerre de Trente ans, Blémerey se dépeupla si fort qu'il n'y resta qu'une quinzaine d'habitants. La cure fut transportée à Reillon qui supplanta Blémerey et acquit les droits d'église principale (1669). Des réparations coûteuses étant devenues nécessaires à l'église de Reillon vers 1727, les habitants de Blémerey, pour se soustraire à la contribution imposée aux annexes, demandèrent à l'évêque de Metz et obtinrent que leur église fût désunie de celle de Reillon et fût érigée en cure, comme anciennement. Les habitants de Reillon, Chazelles, Gondrexon et les religieux de Domèvre comme collateurs, s'y opposèrent de toutes leurs forces. Alexandre Marchal, curé d'Emberménil, fut d'abord délégué par l'évêque de Metz pour apaiser le conflit. Il n'obtint aucun succès, après de nombreuses audiences accordées aux parties, pendant plusieurs années, au domicile de François Chaton, à Domjevin. On épuisa toutes les juridictions ecclésiastiques et civiles. Par un bref du 22 août 1752, Benoit XIV délégua l'évêque de Bâle pour examiner l'affaire. Nous n'avons pas rencontré les dernières pièces du procès, mais nous croyons que les chanoines de Domèvre unis au curé de Reillon, aux habitants de ce dernier village, à ceux de Chazelles et de Gondrexon, contre ceux de Blémerey et l'évêque de Metz, furent condamnés par les autorités ecclésiastiques et séculières (76).

VI. - La retraite devait se prendre au cloître, mais les habitudes de la vie privée inspiraient à beaucoup une sorte d'aversion pour la vie commune, surtout à l'âge où les infirmités et les besoins de tous genres se font sentir.
Rares étaient ceux qui se faisaient un bonheur de se préparer à la mort au milieu du silence et du recueillement de l'abbaye. Les autres arrangeaient leurs petites affaires de manière à rester à la charge de leurs résignataires, qui, généralement, se montraient bons, excellents pour eux.
Le desservant de la paroisse de Domèvre vivait en communauté et devait, autant que possible, en suivre tous les exercices. Chaque mois il rendait compte de ses recettes et de ses dépenses. Il était soumis au prieur, même pour l'exercice des fonctions pastorales, qu'il devait lui céder quand celui-ci le demandait, surtout aux fêtes solennelles si l'abbé n'était pas là. Cette situation n'était pas sans de graves difficultés, aussi on y restait peu de temps, surtout sous certains prieurs peu accommodants comme il s'en rencontra.
Les vicaires résidents étaient soumis aux mêmes obligations que les curés, sinon qu'ils n'étaient pas tributaires de la procure générale. Ils recevaient un traitement du titulaire de l'annexe.
Les vicaires commensaux étaient à la charge du curé, entretenus par lui, vêtus à neuf et défrayés pour la route quand ils s'en allaient ailleurs (77).
Dès que le pays put retrouver un peu de tranquillité, on vit refleurir la religion dans les paroisses, grâce au zèle des nouveaux pasteurs. Plusieurs ont laissé un souvenir très durable dans l'esprit du peuple, qu'ils avaient formé à la vie chrétienne. On aime à voir la diversité et le nombre de leurs oeuvres de zèle : érections de paroisses, institution de pieuses confréries, de sociétés charitables, d'écoles, de gardes-malades, constructions d'églises et de presbytères, soins hygiéniques et médicaux, etc. (78). Aujourd'hui encore la mémoire de certains curés est en bénédiction dans leur paroisse, après plus d'un siècle écoulé. Il en est même un que l'on dit mort en odeur de sainteté à Leintrey (le Père Collignon) (79). Son successeur ne lui cédait guère en mérite.

VII. - Pendant la période calamiteuse qui fut occupée par la guerre de Trente ans, l'abbaye ne comptait que quatre ou cinq habitants, savoir : l'abbé Clément Philippe, Antoine Cousson, prieur, Pierre Pierre, Claude Balliot et le P. Hallot (80).
Vers 1670, la Congrégation ayant transféré son noviciat de Lunéville au séminaire de Pont-à Mousson, les étudiants en philosophie et en théologie qui l'occupaient auparavant furent répartis dans les autres maisons de l'Ordre, et ainsi Domèvre vit s'accroître son personnel pour quelques années.
En 1690, il n'y avait que 12 religieux, y compris la section des étudiants; mais sous le règne florissant de Léopold, sous l'administration de l'abbé Collin, il y en eut jusqu'à 18 et 20, sans compter ceux qui desservaient les paroisses, et même, sous l'abbé Piart, jusqu'à 32, dont 20 étaient scholastiques (81). Ce fut l'apogée de l'abbaye au point de vue du nombre.
Disons de suite que l'abbaye de Saint-Sauveur et de Domèvre ne mérite pas de figurer parmi les plus distinguées par les travaux scientifiques, littéraires ou théologiques de ses religieux. Dans la volumineuse Bibliothèque lorraine de D. Calmet, on ne trouve guère qu'une douzaine de noms fournis par les Chanoines réguliers, et, parmi ces douze Chanoines, il n'en est que deux qui appartiennent à Domèvre : le P. Collin et le P. Piart ; encore n'ont-ils que quelques lignes à leur adresse (82). Il ne faut pas s'étonner de cette pénurie de sujets célèbres par leurs mérites littéraires ou leurs talents artistiques, car cet Ordre a toujours eu pour but de former des hommes qui soient à la fois religieux et prêtres exerçant le ministère pastoral. Le temps de la plupart des Chanoines était absorbé par les exercices de la vie religieuse et par leurs fonctions pastorales ; ils n'avaient point le loisir de se perfectionner dans les lettres, dans l'histoire et dans les sciences.
Mais si les Chanoines de Saint-Sauveur et de Domèvre n'ont pas brillé dans les sciences humaines autant que certaines autres maisons, nous croyons que beaucoup d'entre eux, par leurs vertus modestes et leur zèle à procurer le salut des âmes, ont conquis devant Dieu un mérite supérieur à celui que donne la réputation d'homme savant.
Ceux-là sont moins connus, parce que la vraie vertu ne cherche pas à paraître. Quelquefois, cependant, le degré éminent de leur sainteté n'a pu échapper complètement aux regards ; nous en sommes heureux pour l'édification des autres.

VIII. - Citons, parmi ces derniers, le vénérable Chanoine qui fut curé de Leintrey, et qui mourut dans cette paroisse le 21 février 1734. A cette occasion, le P. Piart crut devoir écrire une circulaire dont voici le résumé et quelques extraits (83) :
«  Gratia vobis et pax a D.P. et D.J.C. Salv. nostro.
«  Messieurs et Révérends Pères,
«  La mort vient de nous ravir le R. P. Joseph Collignon, notre cher confrère, cy-devant curé de Leintrey, âgé de 90 ans. Il en a vu 70 dans notre Congrégation, et il s'y est toujours comporté avec tant de régularité et d'une manière si exemplaire et si édifiante, qu'il ne peut qu'être intéressant d'en conserver le souvernir. Nous ne pouvons y rélléchir sans en être touchés et portés à exposer sous vos yeux les traits principaux qui l'ont rendu si recommandable et digne d'une vraie vénération
«  Le Val d'Aoste, Mattaincourt, le Tholy, furent les premiers endroits où il se montra infatigable dans la prière et dans le travail pour l'instruction de la jeunesse et le salut des âmes. Il fut ensuite sous-prieur de Verdun, puis prieur de Domèvre. Lorsqu'une vacance arriva, il réunit le plus grand nombre des suffrages pour la dignité abbatiale ; excellent choix que certaines circonstances ne permirent pas de ratifier. Sa vertu n'en fut que mieux reconnue. On l'envoya à Leintrey, où pendant 40 ans il remplit les fonctions de chanoine-curé avec une édification et des succès qu'on ne saurait assez louer. Sa paroisse devint une des plus exemplaires du diocèse. L'évêque de Metz et ses vicaires généraux avaient pour ce bon pasteur plus que de l'estime ; les nombreuses lettres qu'ils lui ont écrites montrent qu'ils professaient pour lui une vraie et profonde vénération. Il donna quantité de beaux et bons livres à la bibliothèque du monastère, plusieurs objets artistiques (84) à l'église abbatiale, pour le service du culte. «  Son caractère propre était une. humilité profonde, une piété solide, et un zèle infatigable pour la gloire de Dieu et le salut des âmes. On eût pu faire un volume en recueillant les paroles remarquables et profondément touchantes qu'il proféra dans sa dernière maladie. - Cinq ans avant sa mort il avait résigné sa cure, mais avait continué à habiter avec son successeur au milieu des paroissiens qu'il avait dirigés pendant 40 années. »
Citons encore, parmi ceux qui jetèrent quelque lustre sur l'abbaye de Domèvre, Dominique Gauthier, né à Chaumousey en 1716 - profès le 17 octobre 1734 - prêtre en 1739. - Assez longtemps procureur à Lunéville et à Domèvre, il fut curé d'Igney de 1760 à 1788. 11 dirigea cette paroisse avec zèle, sagesse et succès.
On a de lui : 1° Une relation de ce qui s'est passé à la fête de la rosière de Réchicourt-le-Château le 11 juin 1780, imprimée à Dieuze chez S. Lambelet, imprimeur-libraire, 28 pages in- 12 - 2° Quinze conférences sur les sept dons du Saint-Esprit (manuscrites) (85).

Elève à l'abbaye de Chaumousey, lecteur au réfectoire, ses moeurs relevaient beaucoup son pouvoir ; elles étaient douces et pures, sa piété solide, sa charité bienfaisante. Il ne savait rien refuser, mais en secourant les misérables qui mendiaient plutôt par paresse que par besoin, il leur disait : «  Vous pourriez bien travailler pour gagner votre vie, l'homme est né pour le travail comme l'oiseau est fait pour voler (86). »
Joseph-Mathias Guillemin, fils de Nicolas Guillemin, conseiller à Pont-à-Mousson, et de Marie-Anne Dumoulin, entra de bonne heure chez les Chanoines réguliers. Novice à 18 ans sous le P. Mion, profès le 19 oct. 1732, il étudia la philosophie sous le P. Desjardins à Domèvre la même année. Il fut prêtre en 1738, professa la philosophie à Chaumousey en 1745, puis devint conventuel de Domèvre en 1747 et prieur-curé en 1750. Enfin il fut pourvu de la cure de Bauzemont en 1751, en place du P. Boudot. C'est là qu'il composa plusieurs nobiliaires dont l'un est encore conservé à la bibliothèque publique de Nancy. Il est intitulé : Nobiliaire de Lorraine (ex libris Josephi Mathiae Guillemin canonici regularis pastoris Bauzemont) (87). »
Le second ouvrage qu'il rédigea et dont nous ignorons la destinée était connu sous le nom de «  Nobiliaire de M. Guillemin, gentilhomme lorrain, chanoine et curé de Bauzemont, fait sur les mémoires fournis par Leurs Altesses Madame et le prince Charles » (2 vol. in-4°) (88).

(A suivre)


(1) Arch. dép., H. 1383.
(2) Les trois premiers articles de ce chapitre ont été rédigés avec la collaboration du P. Rogie.
(3) En 1625, la réforme fut également introduite à Saint-Pierremont et à Saint-Nicolas de Verdun ; en 1626, à Belchamp ; en 1627, à Saint-Léon de Toul, à Saint-Nicolas de Pont-à-Mousson, et au prieuré de Viviers. - L'abbaye de Saint-Remy de Lunéville, en 1623, avait été le berceau de la nouvelle congrégation.
(4) Lettres du R. P. Fourier, t. II, p. 182-184-222-236, publiées par le P. Rogie ; Histoire du B. P. Fourier, par le même, t. II, p. 52.
(5) Arch. dép., H. 1382.
(6) «  Comme il n'y a si grand feu qui ne se ralentisse avec le temps, toutes ces belles abbayes (de Chanoines), ne gardant plus que le nom de régulières, sont, en moins de cinq ans, tellement désolées, que le vice commandait en la pluspart et la vertu n'y paraissait que pour y estre persécutée, chascun n'ayant de règle que sa volonté, ny autre maistre que sa teste. » (Vie du P. Fourier, par le P. Bedel, édition de 1870, p. 160.) - «  (Ces abbayes), depuis quelque temps déjà, montraient des signes d'affaiblissement, de décrépitude, si l'on veut, mais non de corruption, comme on l'a dit avec une exagération qui mérite d'être relevée.» (P. Rogie, Vie du B. P. Fourier, t. L, p. 39.). Cependant, voir la lettre de l'abbé de Haute-Seille qui, en 1602, accuse les Chanoines de négligence en ce qui concerne le culte ; et aussi la lettre du P. Clément Philippe, qui constate que les paroisses gouvernées par les Chanoines croupissaient dans une grande ignorance des vérités religieuses (v. plus haut, chap. I de la IV partie : biographie du P. Philippe).
(7) L'auteur suppose à tort que les Chanoines ne furent pas précédés, à Saint-Sauveur, par des Bénédictins. (Voir, plus haut, le chap. III de la Ire partie, p. 20 à 33.)
(8) Voir plus haut, chapitre II de la IIIe partie, p. 134, l'inscription qu'il fit graver à l'église abbatiale en l'honneur de ces trois prélats.
(9) Bedel, Hist. du P. Fourier, édition de 1870, p. 174. - A la fin du XVIIe siècle, il y avait à Rome, dans la sacristie de l'abbaye de Saint-Laurent extra muros, un tableau, nouvellement composé, qui représentait tous les Chanoines réguliers avec les difïérents costumes de chaque congrégation. L'on voyait, d'un côté, un chanoine de Notre-Sauveur de Lorraine en posture de suppliant, le bonnet carré à la main, qui demandait d'entrer dans l'assemblée des autres, et un chanoine de Latran lui faisant signe de la main que cela ne se pouvait. D'un autre côté se trouvait un chanoine à la banderole comme on en voyait en France et en Allemagn, qui, à force d'adresse, avait réussi à s'introduire dans le groupe ; apparaissait un chanoine de Latran qui le chassait en le poussant par les épaules. (Cf. Migne, Dictionnaire des Ordres religieux, t. III, p. 469. - Représentation du costume de Chanoines de Notre-Sauveur, ibidem planches nos 79 et 80.) Rogie, t. I, p. 486,
(10) Bedel, p. 177. «  Demander de l'argent à un pauvre, c'est lui fermer les portes de la science et le condamner aux ténèbres pour sa vie faute de quatre doubles par sepmaine, qui est une grande cruauté. L'instruction gratuite ne se voit que dans les grands collèges et universités, où il faut déjà savoir queque chose avant que d'estre escolier ; si que voilà un pauvre garçon, un Sixte IV, un Edmond Auger, lequel, doué d'un bon esprit, serait un jour capable de rendre mille services au public s'il estoit poli par les lettres ; lequel, faute de trouver une personne qui l'enseigne gratuitement, est contrainct de passer le reste de ses jours dans l'ignorance, qui est une des cruautés les plus inhumaines que Julian l'Apostat aye peu inventer pour tourmenter les hommes. » (Ibid.)
(11) A Pont-à-Mousson les Chanoines dirigèrent une école gratuite pour les entants (Statistique, t. Il, p. 468).
(12) Arch. dép., H. 1391.
(13) Cf. Rogie, t. I, p. 335.
(14) Il s'agit du séminaire des Chanoines réguliers.
(15) Cette édition se trouve aux arch. dép. H. 1501.
(16) Il n'était choisi comme prieur que s'il consentait à vivre de la vie commune.
(17) Voir à l'Appendice : Catalogue des lettres royales.
(18) Constitutions, arch. dép., H. 1501.
(19) Arch. dép., H. 1511.
(20) Arch. dép., H. 1385.
(21) Ces bulles, qui ne coûtèrent d'abord que 800 livres parce que l'abbaye restait inscrite à Rome sous son ancien titre de St-Sauveur, ne tardèrent pas à être taxées plus fortement par la chancellerie romaine, car celles du P. Pillerel, avec les menus frais, coûtèrent près de 3.000 livres dont voici le détail : «  Donné au banquier pour les bulles de M. le général : 2.132 livres, - pour la fulmination à Toul ; 65 livres, - pour l'arrêt de prise de possession : 445 livres, - pour la requête et lettres d'attache : 13 livres, - à M. Meynier pour argent avancé pour l'arrêt : 7 livres. » (Compte de fév. 1734 - arch. dép., H. 1493.)
(22) Le Bègue, Collin, Piart, de Saintignon.
(23) Arch. dép., H. 1382.
(24) Arch. dép., H. 1382.
(25) Arch. dép., H. 1383.
(26) Mathias Allaine avait assisté avec ses insignes à la cérémonie de l'entrée solennelle de Léopold dans ses États. L'évêque de Toul lui adressa ce petit mot : «  Vous me connaissez assez, Monsieur, pour être persuadé que j'ai fort approuvé tous les honneurs que vous avez rendus avec Messieurs les Abbés à Son Altesse à son arrivée, et vous avez eu raison d'interpréter ainsi ma pensée, ne l'honorant pas moins que si j'étais son sujet. Mais comme j'ai appris qu'on continuait à oflîcier pontificalement en sa présence, et qu'on le devait faire à la Fête-Dieu sans qu'on m'en parlât en aucune manière, c'est, ce qui m'a donné un juste fondement, Monsieur, de vous écrire la lettre que le petit père vous a portée. - Je consens donc du meilleur de mon coeur que vous et messieurs vos abbés officiiez pontificalement demain à la cérémonie, pour la rendre plus auguste, en présence d'un aussi grand prince et dont j'ai été tout à fait charmé. Je suis, Monsieur, avec toute la considération possible... «  Henry de Thiard-Bissy,
«  Évêque de Toul.
«  28 mai 1698. »
(27) Taine, Ancien régime, p. 131
(28) Aujourd'hui Mgr l'archevêque de Toulouse, : l'Ancien régime dans les provinces de Lorraine et de Barrois, chap. III et V.
(29) D. Calmet, Bibliothèque lorraine, col. 297-298.
(30) Ce qui ne l'empêchait sans doute pas de rouler carrosse comme les autres abbés de l'époque, puisque le duc Léopold, pour le récompenser d'un carême qu'il avait prêché à la cour en 1707, lui avait donné un carrosse et deux chevaux de selle.
(31) L'abbé Mathieu, Ancien régime, p. 85.
(32) Taine, Ancien régime, p. 44.
(33) Arch. dép., H. 1472.
(34) Arch. dép., H. 1384. - Constitutions et H. 1301.
(35) Arch. dép., H. 1384-1379.
(36) Il était protégé par le duc du Maine qui en avait fait un aumônier de son armée ; il se nommait Antoine-Hyacinthe Husson (né à Verdun, - profès le 1er juin 1681....). Cf. Arch. dép., H. 1498-1499.
(37) Arch. dép., H. 1384 et H. 1386.
(38) Arch. dép., H. 1384.
(39) Arch. dép., H. 1739-1384.
(40) Arch. dép., H. 1378.
(41) Taine, Ancien régimr, p. 44. - Archives Nationales, D. XIX, carton 11.
(42) Arch. dép., H. 1361.
(43) Constitutions (Arch. dép., H. 1501).
(44) Les PP. Lebel, Collignon, Serrier.
(45) Les PP. Raymond, Dieudonné.
(46) Arch. dép., H. 1495.
(47) Un Chanoine régulier de Paris de la Congrégation de Sainte-Geneviève écrivait à ce sujet au supérieur général de la Congrégation de Notre-Sauveur en Lorraine : «  Souffrez que je m'explique avec vous sur le point des religieux curés qui est le plus important de tous dans l'ordre des Chanoines réguliers. Je trouve tous vos statuts très beaux, très propres à maintenir l'ordre. Il n'y a que celui qui regarde les servantes que vous me permettrez de vous dire que nous ne pouvons approuver. Nous les défendons absolument par tous les décrets de nos chapitres généraux. Nous ne nous sommes relâchés qu'à permettre au plus les mères et les soeurs, mais dans des circonstances extraordinaires et avec une permission expresse et signée du Rme P. général à qui l'on marque dans les décrets qu'il ne la doit accorder que très rarement et que pour des besoins tout particuliers Un de vos révérends pères qui a été aumônier d'un régiment a emporté un de mes livres sur les religieux curés que je lui ai donné pour vous le présenter. Il est en 2 vol. in-12.... - Un de nos pères vient de faire un ouvrage latin in-4° sur l'antiquité et les prérogatives de l'ordre des Chanoines réguliers. (16 août 1697.) (Arch. dép., H. 1498.)
(48) L'abbé ne présentait pas son candidat directement à l'évéque, mais à l'archidiacre sous la juridiction duquel la paroisse était située. L'archidiacre (ordinairement celui de Port) le représentait à l'évéque, et percevait un droit à cette occasion, à moins que lui ou l'un de ses prédécesseurs n'en eût fait remise par donation ou par contrat. Le prêtre nommé, après avoir reçu l'institution canonique, non seulement prenait possession du spirituel comme on le fait encore aujourd'hui, mais prenait aussi possession du temporel en parcourant les appartements du presbytère, en faisant du feu à l'âtre et en soulevant une motte du jardin en présence de plusieurs témoins et d'un tabellion qui en dressait procès-verbal.
(49) Cette règle exprimée par cette formule du droit : regularia regrilaribus ; saecularia saecularibus, fut contestée par les Chanoines réguliers qui perdirent leur procès contre l'évêque de Toul devant la Cour souveraine en 1765. - (Voir plus haut la biographie de l'abbé Pillerel.)
(50) Destry, dans le comté de Morhange, entre Château-Salins et Saint-Avold. Louis le Débonnaire passait pour y avoir possédé deux maisons royales (Dom Calmet : Notice A, 1, col. 913).
(51) Il promet en même temps de se faire naturaliser Lorrain; étant né à Toul, par son origine il était sujet du roi de France.
(52) Arch. dép., H. 1384.
(53) Le Père Urguet venait d'être nommé à Reillon dans les mêmes circonstances que le P. de Beausire à Destry.
(54) Le roi venait de défendre de recevoir et de mettre à exécution des bulles qui n'étaient pas adressées aux Ordinaires.
(55) Ibid. Arch.. dép., H. 1384.
(56) Arch. dép., H. 1447-1448.
(57) En 1765 les Chanoines réguliers avaient perdu devant la Cour souveraine le procès dans lequel ils se prétendaient capables (de par le droit) de posséder des cures séculières. (Voir plus haut, biographie de l'abbé Pillerel.) De plus un édit de mars 1768 venait de défendre d'aspirer au titre de curé primitif, à moins d'un titre canonique certain ou d'une possession centenaire. - En 1768, le procès de Destry coûta à l'abbaye 2.685 livres (Arch. dép., H. 1494).
(58) Arch. dép., H. 1436 et 1384.
(59) Fuet, Traité des matières bénéficiales (1721, liv. II, chap. X).
(60) Arch. dép., H. 1501. Cependant une loi, sollicitée en 1739, autorisait les supérieurs à rappeler, avec le consentement de l'évêque diocésain, les curés qui étaient ou d'une utilité prouvée pour leur paroisse, ou d'une utilité prouvée pour la congrégation. (Plaidoyer pour les Chanoines en 1765, p. 33.)
(61) Les abbés des autres monastères de la Congrégation de N.-S. firent de même.
(62) Voici le texte du serment exigé : «  Ego N. Canonicus regularis professus Congregationis S. N., tactis sacrosanctis Dei evangeliis, promitto et juro Deo omnipotenti, Jesu Christo S. N. coram Beatissima ejus Matre Virgine Maria, Sanctis apostolis, beato pâtre nostro Augustino, et universa coelesti curia et tibi Revme Patri N. praeposito generali praefatae congregationis et successoribus tuis, me nunquam discessurum a communi societate vivendi, et si rector alicujus ecclesiae parochialis, ante hoc monasterii et ejusdem Congrerqtionis per bullas pontificias aut aliter quomodo cumque unitae, institutus et de ea provisus fuerim, dictaeque ecclesiae parochialis fructus, redditux, proventus oblationes, ailiaque emolumenta me non retenturum, nec de iis ullo modo in privatos usus sine expressa superioris licentià me dispositurum, sed consensurum, ut jara de praesenti consentio, ut communitas cui addictus fuero, ea percipiat et in sui commodum convertat, sicut ante edicta regia de die 28 ultimi mensis februarii in suprema metensi curia publicata solitum erat. Actum in monastcrio D. Die 29 aprilis anno Domini 1686. » (Arch. dép., H. 1410.)
(63) Parce que dans son mémoire il expose que sa cure était unie à l'abbaye depuis environ deux siècles. Lupcourt fut unie à l'abbaye de St-Sauveur en 1460. (Arch. dép., H 1410.)
(64) Mémoire du P. Massu (Bibliothèque publique de Nancy, n° 25, p. 216).
(65) Ces dépenses dont on m'a chargé pour prix de quelques vieux meubles étaient deux années et demie de don gratuit dont on verra le détail plus bas. - Le Procureur avait eu soin de détourner les meubles passables et les avait vendus de même que le blé.
(66) Compte arrêté le 23 mars 1763 avec mon frère. Il s'est trouvé que je lui étais redevable de 1.081 livres. Je dois à Mlle Rcmy, de Nancy, 400 fr. que je lui ay empruntés à 4 1/2 pour cent sur le cautionnement de MM. de Domèvre, etc., etc.
(67) Archives communales de Saint-Sauveur.
(68) Voir les Ordonnances de Léopold, 30 septembre 1698 - 20 février 1699 - 14 juin 1720 - 18 novembre 1721 - 3 janvier 1727; - Ordonnances de Louis XV, mai 1760.
(69) En 1601, c'est un prêtre séculier, Pierre Nicolas de Moyenvic, qui prend à ferme le bénéfice de Cirey pour neuf ans moyennant une redevance annuelle de 30 fr. Ce bénéfice consistait dans les trois quarts des grosses dîmes, la totalité des meoues dîmes et le casuel qui pouvait provenir du service divin, le tout à charge, pour le sieur preneur, de travailler consciencieusement «  au plus grand profit du pauvre peuple, autant que possible sera, nous déchargeant du devoir pastoral au dit lieu, au contentement de Dieu et du peuple, en sorte que nous n'en ayons doléance. » (Arch. dép., H. 1443.)
(70) En 1778, on demanda ù un conseil d'avocats si l'abbaye était nécessairement héritière de ses curés, et si elle était tenue indéfiniment aux dettes que ceux-ci auraient pu contracter. Il fut répondu que l'abbaye pouvait accepter leur succession sous bénéfice d'inventaire et même y renoncer purement et simplement, parce qu'autrement un religieux pourrait par ses folies absorber le patrimoine de toute une maison. (Arch. dép., H. 1427.)
(71) «  Nous nous sommes déterminés à faire cesser les contestations ruineuses et multiples qu'excite la perception des dixmes novales entre les curés et les décimateurs, en réunissant à l'avenir cette espèce de dixme ordinaire... En conséquence, les dixmes de toutes les terres qui seront défrichées dans la suite, lorsqu'elles auront lieu, suivant notre Déclaration du 13 août 1766, comme aussi les dixmes des terres remises en valeur, appartiendront aux gros décimateurs de la paroisse... N'entendons néanmoins que les curés qui n'opteront point la portion congrue soient troublés dans la jouissance des novales dont ils seront en possession lors de la publication du présent édit. » (Édit de Louis XV pour toute l'étendue du royaume, mai 1768.)
(72) Arch. dép., G. 1026.
(73) Voir pièces justificatives, p. XXVIII.
(74) Arch. dép., G. 1049.
(75) Arch. dép., H. 1493.
(76) Il est vrai que le consistoire de Trêves, par sentence du 9 septembre 1757, obligea l'évêque de Metz à donner des institutions à Nicolas Marchal, Chanoine régulier, pour la cure de Blémerey ; mais cette condamnation prouve que le point principal qui était en question à l'origine, et auquel les Chanoines de Domèvre s'opposaient, à savoir l'érection de Blémerey en cure, emporta définitivement les suffrages des juges compétents.
(77) Constitutions. (Arch. dép. II. 1301.)
(78) Chatrian.
(79) Arch. dép., H. 1386. Voir plus bas quelques notes biographiques sur ce chanoine (n° VIII)
(80) Accord du 22 août 1645. (Arch. dép., H. 1375.)
(81) Arch. dép., H. 1377 et 1886.
(82) Voir leur biographie au chapitre des abbés de Domèvre (IV partie).
(83) Arch. dép., H. 1386.
(84) Voir chapitre du mobilier de l'abbaye (IVe partie p. 14).
(85) Cf. D. Calmet et Chatrian.
(86) M. Chariot, ms. du grand séminaire de Nancy.
(87) Catalogue de la bibl. publ. de Nancy, n° 990 (112). - Il compte 187 feuillets, 325 sur 205 mill., reliure veau.
(88) Voir : Bibliographie nobiliaire de la Lorraine, par M. le vicomte A. de Bizemont (Nancy, 1897, nos 259 et 352).

 

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