Du champ de bataille au ciel
Chanoine Stéphen Coubé
1916
AUTOUR DE L HOSTIE
Et vous comprenez bien que de pareils hommes, en dehors même de
la communion, font fête à l'hostie toutes les fois qu'ils la
rencontrent; et, si elle est en danger, ils s'élancent dans les
flammes pour la sauver. Au mois de juin 1915, ils célèbrent la
Fête-Dieu avec dévotion ; partout où ils le peuvent, ils
dressent des reposoirs et organisent des processions. Un jeune
séminariste décrit une de ces cérémonies :
« A la place des belles processions du saint Sacrement au milieu
des étendards et des fleurs, nous avons eu la procession des
différentes compagnies qui sont venues successivement monter
leur heure de garde auprès du bon Dieu, exposé toute la journée
dans la petite église du village. Quatre drapeaux tricolores et
deux bouquets de fleurs sont les seules parures de la maison du
bon Dieu. Mais des centaines de coeurs purs, tout embaumés
encore du souffle de Jésus qu'ils ont reçu le matin, sont venus
célébrer sa gloire et chanter ses bienfaits (1) ! »
Quand, par hasard, ils trouvent une hostie dans une église en
ruines, de quel respect ils l'entourent ! Un lieutenant de
hussards de Marseille entre un matin avec ses hommes dans
l'église de Blémerey, en pays lorrain. Un ciboire est là
abandonné et qui contient une hostie. Que faire ?.. . Les
soldats ont compris ce qui se passe, et tous se sont arrêtés,
attentifs. Le lieutenant s'est agenouillé, silencieux, ému,
certes, et peut-être hésitant sur ce qu'il doit l'aire. Peut- il
confier une hostie à un de ses
hussards ? Peut-il même la mettre sur lui, à côté de son
revolver ?
Puis, se relevant, très calme, il fait longuement le salut
militaire, s'incline en prenant l'hostie de ses doigts qui
tremblent un peu, et, lentement, se donne à lui-même la
communion... L'avant -veille, pour Noël, en effet, n' a-t-il pas
communié ? Et, comme il est parti tôt dans la nuit, il se trouve
à jeun. Ensuite, quelques minutes, il est resté à genoux dans le
silence de cette pauvre église morte. Ses hussards n'ont pas
bougé, le regardant, émus, à genoux eux aussi.
Quand il partit, tous se relevèrent et, d'un geste unanime,
portèrent la main à leur shako...
(1) Semaine religieuse de Poitiers, 21 juin 1915.
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