Cahier de
doléances - 1789 - Avricourt
Cahiers de
doléances des bailliages des généralités de Metz et de
Nancy pour les Etats généraux de 1789
Charles Etienne
Ed. 1907
Baillage de Vic
AVRICOURT (partie
France)
« Procès-verbal d'assemblée du village de la communauté
pour la nomination des députés. »
« 15 mars 1789, sont comparus par-devant Joseph Benoît,
syndic de ladite communauté, et tous les députés dudit
lieu... composé de 63 feux. »
Députés Joseph Benoît,
Joseph Benard.
Signatures J. Benoît, syndic ; Joseph Benard ; P.
Geoffroy ; P. Etienne
Doléances et remontrances de la communauté de la partie
de France d'Avricourt, au Roi et aux États généraux, 15
mars 1789
1° Forêts. - Remontrent très humblement les habitants de
la communauté d'Avricourt disant qu'étant environnés de
forêts considérables, ils sont néanmoins obligés d'aller
chercher leurs bois de chauffage et de bâtiment à trois,
quatre et cinq lieues, parce que ces forêts sont
réservées aux salines de Moyenvic ce qui leur coûte
beaucoup de frais de voiture, et ce qui met les pauvres
dans l'impossibilité d'en avoir ; ce qui empêche aussi
plusieurs particuliers de rétablir leurs maisons qui
tombent en ruines. Que la mesure du bois de chauffage
étant par tout le pays de quatre pieds, et les salines
leur faisant défense, sous de très grandes peines, d'en
user de quatre amendes exorbitantes.
Sel. - Que quoiqu'on leur enlève le bois qui est à leur
proximité pour les salines, ils ne laissent pas de payer
le sel trois fois plus cher que les provinces voisines.
Que leur village étant composé de France et de Lorraine,
et le sel de la partie de France étant de moindre valeur
et néanmoins plus cher qu'en celle de Lorraine,
plusieurs particuliers en envoient chercher en Lorraine,
et même plusieurs pauvres qui n'ont pas moyen d'en avoir
au dépôt en achètent de contrebande ; de sorte qu'il se
fait tous les jours beaucoup de reprises : ce qui
accable un grand nombre de particuliers.
Raisons communes. - Plusieurs de ces raisons leur sont
communes avec une grande partie du pays de l'Évêché de
Metz et de la Lorraine, c'est pourquoi ils supplient Sa
Majesté de supprimer les salines, de rendre le sel
marchand, et de leur procurer du sel de mer qui est,
leur dit-on, bien meilleur que celui dont ils usent.
2° Tabac. - La cherté du tabac marchand, et les reprises
multipliées du tabac défendu empêchent un grand nombre
d'en user, quoiqu'il soit utile à plusieurs comme remède
; c'est pourquoi ils demandent que le tabac soit
marchand.
3° Nécessité de réprimer les acquits. - Le pays des
Trois-Evêchés étant mêlé et entrecoupé de villages
lorrains, Avricourt étant même moitié français et moitié
lorrain, la nécessité des acquits et passages les met
dans une très grande gêne, et leur cause beaucoup de
reprises et de frais. Il serait nécessaire que nous ne
formions qu'un corps de communauté parce que le clocher
et l'église est sur Lorraine.
Plaques. - Les plaques que tout voiturier est obligé
d'avoir à sa voiture les mettent dans le même embarras.
C'est pourquoi ils sollicitent la suppression des
acquits et de tous droits qui les tiennent dans la
servitude sous un si bon prince.
4° Impôts. - Les impôts sur le fer, sur les cuirs, etc.,
les gabelles pour le grain et pour le vin retombent sur
le peuple qui est épuisé comment augmenter les autres
impôts de la taille, etc. ?
5° Troupeaux. - Nos seigneurs de Lorraine ont un
troupeau de moutons sur le finage qui est partie de
France, partie de Lorraine le seigneur de France prétend
avoir le même droit, et fait pâturer sur notre finage
deux troupeaux à la fois, celui de Réchicourt et celui
de Moussey de sorte qu'il y en a ordinairement trois ce
qui l'épuise et le ruine. Les plus grands dommages
qu'ils nous causent, ce sont dans nos prés qui depuis 15
à 20 ans qu'ils sont ainsi surchargés ne produisent
presque plus d'herbe, ce qui nous cause un tort
considérable ; nous ne pouvons plus faire de nourris
comme auparavant ; nous sommes par conséquent obligés
d'acheter chevaux et vaches, etc. ; nous ne pouvons plus
en avoir en assez grande quantité et les nourrir assez
bien pour cultiver et engraisser nos terres qui, étant
très souvent dévastées par les inondations, et dégradées
par les arrachages de pierres que l'on fait
continuellement pour les chaussées et bâtiments, le
produit en est bien diminué.
Il faut observer qu'un seul troupeau de moutons dans nos
prairies suffirait pour les ruiner, parce que, dans le
temps de pluies et de dégel, ils arrachent jusqu'à la
racine de l'herbe et empêchent la recrute.
Nous demandons donc qu'il soit défendu de faire pâturer
en aucun temps les troupeaux de moutons dans les prés.
Mais comme les amendes appartiennent au seigneur, leurs
fermiers ne gardent rien et ne craignent pas les
reprises, étant assurés de n'en point payer ; il est
donc de la justice d'appliquer leurs amendes à tous
autres qu'aux seigneurs et à leurs fermiers nous les
désirons moitié à l'Église, moitié aux communautés.
6° Récoltes. - Il serait à souhaiter que chaque
particulier ait droit de faire deux récoltes dans ses
prés, sans être obligé de faire des clôtures parce que
les clôtures dessèchent et ruinent les prés, et
diminuent considérablement la quantité du terrain qui
est déjà en petites parties, étant partagées en
différentes portions.
7° Délits. - Les plus grands délits et dommages se font
de nuit, et les dimanches et fêtes pendant les offices
de la paroisse c'est pourquoi il faut faire défense de
pâturer depuis le soleil couché jusqu'à deux heures du
matin, même dans ses prés et les dimanches et fêtes
pendant les offices de la paroisse.
8° Gens de justice. - Les frais excessifs des gens de
justice sont cause que l'on abandonne son bon droit
plutôt que d'avoir recours à eux. Il faut passer par
tant de tribunaux que l'on craint souvent de ne pas voir
la fin des affaires. Souvent les justices subalternes
traînent les affaires en longueur pour multiplier les
frais, abus auxquels il faut remédier.
Nous voyons souvent des procureurs du bailliage
solliciter les causes et animer les parties : principes
de la ruine de plusieurs particuliers. Ne serait-il pas
de l'utilité publique de remettre aux municipalités de
chaque lieu le soin et la charge de terminer les petites
et moindres affaires, avec droit d'appel au parlement ?
Les priseurs-jurés se font payer par vacation, et en
même temps par journée ; il faut encore leur fournir la
nourriture pour les exciter au travail. Tout le profit
des ventes est pour eux ils causent un si grand
préjudice aux mineurs que souvent ils ne retirent rien
de l'inventaire de leurs effets. Plusieurs même n'ont
pas eu assez pour les payer, et ont été obligés
d'ajouter d'ailleurs. Il faut les supprimer.
9° Affouages. - Nos ancêtres avaient leurs bois
d'affouage dans les bois du comté de Réchicourt. On leur
a ôté et donné en place les bois mort et mort-bois. Nous
avons joui de ce droit pendant quelque temps on nous l'a
ensuite ravi et cédé en place quelques branchages de
fagots et les ételles des bois de salines. L'on vient de
nous enlever les ételles. L'on nous fait payer bien des
droits pour nous accorder ces branchages encore nous
menace-t-on de nous les enlever ; de sorte que nos
droits se réduiront bientôt à rien. Néanmoins, le
seigneur de la France ne laisse pas de nous faire faire
quantité de corvées, soit pour cultiver ses terres, soit
pour bâtir et entretenir ses bâtiments et chaussées
d'étang. Les fermiers nous font aussi délivrer fort
rigidement différents cens par feux, sans nous donner
connaissance d'aucun titre.
L'on n'a dans notre village aucun droit de colombier ;
cependant, notre finage est souvent couvert de pigeons
duvoisinage. Ils nous causent de très grands préjudices,
surtout dans le temps des semailles et des récoltes.
Chaque année, différents particuliers sont obligés
d'ensemencer de nouveau quelques terrains, parce que les
seigneurs voisins ne tiennent pas leurs colombiers
fermés au temps de la semaille : injustices contre
lesquelles nous réclamons la justice du Souverain et de
la Nation. Nos plaintes ont été méprisées jusqu'à
présent.
10° Devis. - Les frais que nous sommes obligés de faire
pour les devis et enchères, tant pour les corvées
royales, chemins et ponts du finage, que pour les autres
ouvrages de la communauté, pourraient nous être épargnés
en remettant ces devis, etc., à la municipalité, sauf à
les faire vérifier.
11° Des États provinciaux qui seraient chargés de la
distribution des impôts et de l'administration de la
province, remédieraient à beaucoup d'abus.
12°Communauté. - Notre communauté est composée de 63
feux, dont 5 laboureurs qui ne font qu'une charrue
chacun,. tous fermiers possédant chacun trois à quatre
jours ; 35 vivant du travail de leurs mains, et le reste
mendiants.
13° Nous payons au Roi 1449# pour toutes impositions,
excepté le vingtième qui est payé en partie par les
habitants de la partie de Lorraine et autres. Nous
payons le vingtième de nos maisons que nous occupons
nous-mêmes.
14° Toutes ces différentes représentations n'empêchent
pas que nous ne soyons disposés à faire tous nos efforts
pour contribuer au besoin de l'État mais nous espérons
que notre bon Roi, et les États généraux feront
contribuer tous seigneurs, nobles, exempts du Tiers
état, et ecclésiastiques possédant biens-fonds. Leurs
fermes et gagnages sont augmentés d'un tiers depuis neuf
à dix ans ce qui est cause que les fermiers ont peine à
subsister, et ils sont obligés à vendre leur petit bien
à leurs maîtres pour les payer.
La Noblesse, le Clergé et les exempts du Tiers usent
plus les routes que le commun ; il convient donc qu'ils
payent les réfections des routes comme le commun.
Fait et rédigé en la communauté d'Avricourt, assemblée
en la manière ordinaire les jour, mois et an avant dits.
P. Geoffroy ; P. Etienne ; Joseph Benard ; J. Benoît,
syndic. |