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Nonhigny - Un curé bien naïf - 1891-1899

Mathilde Marchat (1839-1899), prétend dès 1875 voir des apparitions du Christ et de la Vierge, fonde l'Association du Sacré-Coeur de Jésus-Pénitent en 1883, et dès 1887 commence une communauté des Épouses du Sacré-Coeur de Jésus Pénitent, dont l'évêque de Chartres, déclarant les révélations fausses, demande la dissolution en 1888. Elle s'installe alors à Loigny (Eure-et-Loir) dès avril 1888 sous le nom de Marie-Geneviève du Sacré-Coeur pénitent, et organise la vie de la communauté selon ses visions.
Le Saint-Office condamne la communauté en décembre 1888, et renouvelle sa condamnation en 1889. En 1891, les prêtres qui se rendent à Loigny sont «  suspens ».

Ainsi, Joseph Xaé (né à Laronxe le 21 novembre 1844), ordonné le 29 juin 1869, et curé à Nonhigny depuis le 1er janvier 1874, rejoint le groupe de Loigny. Il est frappé d'interdit le 14 mars 1891 pour son adhésion obstinée, et s'installe à Rome pour faire appel à Léon XIII. C'est là que des escrocs roumains l'abusent en 1893 avec la prétendue séquestration du Pape, mais il persistera à les défendre jusqu'à leur procès en 1894.
En 1896, Xaé est toujours à Rome, où il dénonce une nouvelle séquestration du Pape ! Le Saint-Office recondamne la communauté qui compte désormais une vingtaine de membres et recueille de nombreux dons (même après le décès de sa fondatrice en 1899, la communauté se maintiendra jusqu'en 1910).
Le 24 novembre 1899 Joseph Xaé rentrera dans le diocèse, et après avoir été absous à Rome le 20 janvier 1900 suite à sa rétractation, et redeviendra curé le 1er février 1900 à Giriviller, puis à St Rémy-aux-Bois. Il décédera le 6 avril 1919.


La Croix
15 novembre 1893

???
Un décret du Saint-Siège - Léon XIII séquestré - Pour 60 000 francs - La mort de l'archiduc Rodolphe - La comtesse de Saint-Arnaud Délivrance du Pape - Louis XVII - La police, Messieurs !

L'affaire de Loigny vient d'avoir un dénouement aussi grotesque qu'incroyable.
Nos lecteurs savent peut-être qu'une soi-disante voyante, Marie-Geneviève du Coeur Pénitent de Jésus, prétendait être en communication avec la Sainte Vierge et Notre-Seigneur. Le croyait-elle ? C'est possible; mais d'autres le croyaient au moins pour elle, et tout un système de dévotions, de pèlerinages, de quêtes, de publications, s'organisa sur cette base.
En y regardant d'un peu plus près, on aurait dû s'apercevoir de la supercherie, mais nous vivons à une époque où, si la foi a disparu de quelques âmes, la crédulité l'y a largement remplacée, et la voyante se fit facilement un entourage de partisans.
Inutile d'ajouter que la vigilance éclairée de Mgr de Chartres perça à jour, dès le début, ces machinations imbéciles. Le Saint-Siège les condamna, et bientôt l'entreprise périclita, ce qui ne faisait point l'affaire des barnums qui avaient monté le coup.
Ici, dame ! nous entrons en plein Chat Noir.
L'affaire périclitait parce que le Saint-Père l'avait condamnée.
Il fallait donc, pour parer ce coup funeste, prouver que le Saint-Père n'avait pas condamné l'affaire du tout, que c'était une illusion funeste. Ah oui il y avait bien un papier relatif à la question, signé en apparence, par Notre Saint-Père le Pape, mais ce n'était pas bien sûr lui qui l'avait signé, et la preuve, c'est qu'une coalition de cardinaux avait séquestré le Pape dans une cave, depuis un an, l'y tenait enfermé et avait remplacé Sa Sainteté par un misérable, qui lui ressemblait étonnamment
La plupart des membres du Sacré-Collège étaient complices; le reste était dupe.
Ça ne pouvait pas durer comme ça. Il fallait délivrer le Saint-Père, coûte que coûte ! Ça coûta en effet, 60000 francs à deux vieilles dames et à un sieur X. originaire de Nonhigny en Lorraine. Voici l'affaire
Le sieur X. se rendit à Rome en février 1893, tout ému de savoir le Saint-Père en cave et résolu à le déterrer.
Une dame Carolina, s'intitulant comtesse de Saint-Arnaud et petite-nièce de Grégoire XVI, lui assura que toute cette histoire était vraie et lui fit faire la connaissance de ses deux complices qui prirent, pour la circonstance, les noms et titres, l'un de comte de Bustelli-Foscolo, général en retraite, ancien plénipotentiaire, commandeur de Saint-Grégoire le Grand, et au mieux avec le haut personnel du Vatican ; l'autre, de Ubalducci, ancien secrétaire de feu le prince Alexandre Tolonia, et intimement lié avec tout le bas personnel du même Vatican.
On tenait donc l'oeuf par les deux bouts.
Bien entendu, le sieur X. n'a rien vu ni entendu. Mais le comte et l'ex-secrétaire se chargeront de voir, d'entendre et même d'agir pour lui.
J'ai sous les yeux une brochure publiée en juin dernier par le sieur X. Tout y est funambulesque, grotesque, torsif, pour parler argot.
Ainsi, figurez-vous que le prince Rodolphe d'Autriche serait mort à Meyerling, empoisonné par l'archiduc Jean Salvatore dont la disparition inexpliquée a fait tant de bruit. Le revolver déchargé auprès du prince n'aurait été placé là que pour dérouter l'opinion.
Alors, l'empereur d'Autriche aurait fait venir l'archiduc Jean Salvatore et lui aurait dit «  Tu sais, ça n'est pas gentil d'avoir suicidé ton cousin. Fiche-moi le camp et que je ne te revois plus ! »
Le malheureux archiduc aurait, de désespoir, été trouver le roi des Belges, qui lui aurait conseillé d'aller demander pardon au Pape. Le Pape, prévenu par une carte-postale du roi des Belges, aurait fait mettre l'archiduc Jean en prison.
Cela durait depuis 3 ans, quand, à son tour, le cardinal Monaco La Valetta aurait mis le Pape en prison et aurait institué comme geôlier du Pape l'archiduc Jean.
Le lecteur sera étonné d'apprendre que les survivants de Louis XVII sont impliqués dans l'affaire mais n'embrouillons pas le récit en le compliquant.
Bref, pour délivrer le Pape, le prince Jean Salvatore exigeait 20 000 francs, et chaque geôlier 1000 francs par tour de clé donné à chacune des portes conduisant à la cave.
Après mille et mille péripéties (coût 60 000 francs) le Saint-Père fut délivré de son cachot, comme la Sainte Vierge l'avait demandé. Cela serait trop long à raconter par le menu. Retenons seulement ce fait : c'est que quand Léon XIII rentra dans sa chambre à coucher, le pseudo-pape qui s'y trouvait s'évapora prestement. Plus de doute, non seulement Louis XVII, l'archiduc Rodolphe et le roi des Belges avaient joué leur rôle dans ce drame, mais Lucifer y était pour un coup !
Le cardinal Apolloni, qui avait conspiré contre Léon XIII, mourut foudroyé en apprenant la nouvelle de la délivrance du Pape.
Maintenant encore, le pseudo-pape revient de temps à autre se promener au Vatican. Il n'en disparaitra définitivement que quand l'interdit aura été levé sur Loigny.
Tel est le contenu de la brochure du sieur X.
Le lecteur va maintenant nous poser une question «  Eh bien le Pape doit avoir immédiatement réformé les actes faits en son nom par le diable ? Le Pape doit avoir levé le pseudo-interdit qui pèse sur Loigny ? »
Mais non Le Pape ne veut ni guerre ni scandale or, si on savait ce qui s'est passé, il y aurait l'un et l'autre.
Le Saint-Père aime bien Loigny, mais il ne peut lever l'interdit sans reconnaître publiquement l'horrible schisme qui a divisé l'Eglise. Ayez quelque patience !

La police, elle, n'a pas eu de patience. Elle a coffré Carolina, Ubalducci et le comte. Et nous osons dire qu'elle a bien fait.
Seulement, où le lecteur ne voudra plus nous croire, c'est quand nous lui dirons que les deux vieilles dames et le sieur X. n'en démordent pas d'avoir contribué, en la personne de leur porte-monnaie, à délivrer le Saint-Père, et viennent de charger un avocat de rédiger une protestation contre l'arrestation de l'ingénieux trio.
Les attrape-gogos de l'avenir ont encore du pain sur la planche.


La Croix
14 octobre 1899

Déclaration
L'Osservatore Romano publie la déclaration suivante
«  Le prêtre Joseph Xaé, ancien curé de la paroisse de Nonhigny (France), fait connaître à tous avoir rétracté devant l'autorité ecclésiastique son adhésion à la prétendue voyante, Mme Marchat, et aux publications insérées dans les Annales de Loigny, mises à l'Index par le Saint-Office. Il déplore sa longue aberration, déclare se trouver heureux d'avoir obtenu son pardon du Saint-Siège et de s'être soumis de sa propre volonté, par la grâce du Seigneur. » Rome, 10 octobre 1899.
» JOSEPH XAE. »
 

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