| Les fastes de la 
				gloire : ou, Les braves recommandés a la Postérité; monument 
				élevé aux défenseurs de la patrie, par une société d'hommes de 
				lettres, et de militairesLouis François L'Héritier
 Tome II - 1818
 GEOFFROY (François), 
				capitaine à la suite des hussards du Jura, officier de la 
				Légion-d'honneur, né à Amenoncourt, département de la Meurthe.Le 23 septembre 1800, Geoffroy, qui avait à peine atteint sa 
				dix-neuvième année, entra volontairement en qualité de soldat au 
				2e régiment de hussards, où, après avoir obtenu les grades 
				inférieurs, il s'éleva au grade de capitaine, par des actes 
				d'une rare intrépidité. La campagne d'Austerlitz, qu'il fit 
				comme fourrier, lui valut les galons de maréchal-des-logis-chef. 
				Le 17 octobre 1806, à Halle en Prusse, la 2e compagnie, que 
				commandait le brave Becker, aujourd'hui lieutenant-colonel, 
				était d'avant-garde. Elle pénétra pêle-mêle, avec le 9e régiment 
				d'infanterie légère, dans la ville, en sabrant tout ce qui se 
				trouvait devant elle. Impatient de combats et de gloire, le 
				maréchal-des-logis-chef Geoffroy, quittant le gros de la troupe, 
				se jeta dans une petite rue, pour être l'un des premiers à 
				couper la retraite de l'ennemi ; à peine arrive-t-il au détour 
				de cette rue, qu'il aperçoit quatre grenadiers prussiens qui le 
				couchent en joue : aussitôt il leur crie en allemand, en 
				marchant toujours sur eux : «  Vous êtes morts si vous faites 
				feu. » Epouvantés de cette menace, les grenadiers mettent bas 
				les armes, et leur vainqueur les emmène prisonniers. Parvenus 
				sans obstacle jusqu'à la porte par laquelle ils devaient sortir, 
				les Français sont arrêtés par le feu meurtrier de quatre pièces 
				d'artillerie qui vomissent la mitraille, et par la mousqueterie 
				de deux bataillons ennemis. A la vue du péril, les voltigeurs du 
				9e régiment d'infanterie légère montrent de l'hésitation, 
				l'intrépide Geoffroy veut encore être le premier à donner 
				l'exemple ; au milieu d'une grêle de balles, il franchit la 
				porte au galop, en criant en avant !... Au même instant ce mot 
				heureux, qui a plus d'une fois décidé la victoire, est répété 
				avec enthousiasme par les voltigeurs qui chargent avec 
				impétuosité à la baïonnette et culbutent les Prussiens. «  Aux 
				pièces ! camarades, aux pièces ! s'écrie de nouveau » Geoffroy, 
				en s'adressant à quelques hussards de sa compagnie. Quatorze 
				d'entre eux se précipitent sur ses pas, foncent avec lui sur la 
				batterie, sabrent les canonniers, et enlèvent les pièces. 
				Geoffroy s'étant ensuite réuni à son régiment, au moment où il 
				allait effectuer une charge contre les hussards d'Oussudon, 
				forts de huit cents hommes, devança encore ses frères d'armes et 
				s'enfonça au milieu des rangs ennemis, d'où il ne sortit que le 
				dernier, et après avoir sabré le colonel. Dans cette 
				circonstance, il faillit être la victime de son extrême bravoure 
				: entouré par un grand nombre de cavaliers ennemis, il se 
				défendit pendant quelques minutes ; mais un coup de sabre qu'il 
				reçut sur le poignet l'ayant désarmé, il allait être fait 
				prisonnier, lorsqu'il fut heureusement dégagé par des soldats de 
				son régiment qui vinrent à son secours. Cette action lui valut 
				par la suite la décoration de la Légion-d'honneur et le grade de 
				sous-lieutenant dans la compagnie d'élite.
 A Morangue, dans la Vieille-Prusse, il combattit avec la même 
				distinction : quoique grièvement blessé d'an coup de feu au 
				dessus de l'oeil gauche, il prit part à tous les engagemens 
				qu'eut à soutenir le 1er corps d'armée commandé par le maréchal 
				Bernadotte dans sa retraite sur Strasbourg en Pologne.
 Passé en Espagne avec le 2e de hussards, Geoffroy assista à 
				toutes les batailles et combats où se trouva le corps. A 
				Medeline (1), il fit partie de la cavalerie commandée par le 
				brave général Lasalle, et mérita des éloges pour sa belle 
				conduite.
 Le 17 décembre 1809, toute l'armée française étant sur la rive 
				droite du Tage, le sous-lieutenant Geoffroy faisait partie d'un 
				détachement de cent cinquante chevaux, qui, sous les ordres du 
				capitaine Dradziansky, se trouvait l'un des plus rapprochés du 
				fleuve. A 9 heures du soir, l'adjudant-commandant Blancheville, 
				arrivé avec un bataillon d'infanterie et deux cents dragons, 
				demanda un officier intelligent pour passer le Tage, et aller 
				sur la rive gauche s'assurer du mouvement que faisait l'ennemi. 
				Geoffroy s'offrit pour cette expédition. Parti aussitôt avec 
				vingt-cinq hussards et un guide espagnol, il se dirigeait dans 
				l'obscurité et par des sentiers aussi étroits que difficiles, 
				vers Villa-Rubia, distant de plus d'une lieue du point de 
				départ, lorsque parvenu à un quart de lieue de cet endroit, il 
				entendit très-distinctement le bruit d'une forte colonne qui 
				s'avançait. Jugeant alors qu'il était d'autant plus dangereux de 
				continuer sa marche avec tout son monde, qu'il avait derrière 
				lui un long défilé, il fit arrêter son détachement, et, suivi 
				seulement de cinq hussards des mieux montés, il voulut pousser à 
				fond sa reconnaissance. A l'entrée du village, il adressa la 
				parole à trois paysans, qui, l'ayant pris pour un de leurs 
				compatriotes, lui apprirent que l'armée espagnole venait 
				bivouaquer autour de Villa-Rubia, pour se diriger le lendemain 
				sur Aranjuez, où elle se proposait d'effectuer son passage. Il 
				fallait s'assurer de la vérité de ce récit : après s'être 
				transporté jusqu'au lieu où les troupes se mettaient en 
				bataille, Geoffroy r ayant terminé sa mission, revient sur ses 
				pas pour rejoindre son détachement, lorsqu'en traversant une des 
				rues du village, il aperçoit un grand nombre de cavaliers 
				ennemis presque tous officiers d'état-major. Le danger était 
				imminent : mais l'audace ne triomphe-t-elle pas de tous les 
				obstacles ? «  Escadron, en avant, s'écrie » aussitôt le 
				courageux sous-lieutenant. » Surpris, épouvantés de voir des 
				Français si près d'eux, les Espagnols n'ont pas le temps de se 
				reconnaître ; quelques-uns d'entre eux sont sabrés, et le reste 
				s'enfuit au camp, où il répand l'alarme dans l'armée, qui 
				demeura sur pied toute la nuit. Après ce coup hardi, Geoffroy et 
				ses hussards revinrent auprès de l'adjudant-général Blancheville, 
				au moment où on les croyait prisonniers. Informés des 
				dispositions de l'ennemi, les Français se mirent aussitôt en 
				marche, et livrèrent le lendemain la bataille d'Ocagna, où ils 
				remportèrent une des plus éclatantes victoires.
 La belle défense de Honda fournit encore à Geoffroy l'occasion 
				de se signaler par de glorieux exploits. Avec trente cinq 
				hommes, on le vit dans une sortie résister, pendant plus de 
				trois heures, à plus de trois cents insurgés; blessé pendant 
				l'action en cherchant à sauver des hussards qui avaient été 
				démontés, il n'en continua pas moins à combattre. Peu de temps 
				après, le 3 mai 1810, dans la brillante affaire où le colonel 
				Vinot, à la tête d'une poignée de braves, repoussa l'attaque de 
				six mille Espagnols, il déploya la plus grande valeur dans 
				plusieurs charges heureuses qu'il fit avec le capitaine 
				Poitiers, et les deux officiers Leclerc et Covaruvias. (Voy. 
				tom. Ier pag. 515.)
 Le roi Joseph étant venu à Ronda avec quatre cents hommes de la 
				garde, ordonna une reconnaissance sur Agofin, à moitié chemin du 
				fort de Gibraltar. Le sous-lieutenant Geoffroy, choisi pour en 
				commander l'avant-garde, forte de trente chevaux, montra encore 
				dans cette circonstance qu*il était familier avec tous les 
				périls. Le 26 août 1810, à la Palma en l'Andalousie, dans une 
				charge de soixante-six hussards Contre quatre cents cavaliers 
				espagnols, il se précipite au milieu des rangs ennemis, où, 
				quoiqu'ayant reçu trois coups de sabre, il fut, suivant sa 
				coutume, le premier et le dernier à combattre. Après cette 
				affaire, qui coûta aux ennemis quarante hommes tués, cinquante 
				blessés et une grande quantité de chevaux, le colonel Vinot et 
				le prince d'Aremberg, qui tous deux avaient été témoins de sa 
				bravoure, l'embrassèrent et le comblèrent d'éloges (2).
 Vingt jours s'étaient à peine écoulés, qu'il acquit une nouvelle 
				gloire à l'affaire de Fuente-del-Canto, en Estramadure, où il 
				enleva la première pièce de canon; vingt actions éclatantes le 
				signalèrent encore à l'armée comme l'un de ses plus vaillans 
				officiers : mais il ne montra nulle part plus de courage que le 
				5 février 1811, sur les bords de la Gebora. Forcés de se retirer 
				sur la rive gauche de cette rivière, près de Badajoz, les 
				Français furent suivis par l'ennemi qui, fort de près de trois 
				mille hommes de cavalerie et soutenu de onze pièces 
				d'artillerie, passa le pont pour venir les attaquer. Le général 
				Latour-Maubourg, dont les talens égalent la valeur et le 
				sang-froid, après avoir fait retrograder sa cavalerie pendant 
				quelque temps, lui ordonna tout-à-coup de se porter en avant. Le 
				2* de hussards était en tête; surpris de cette manoeuvre 
				audacieuse, l'ennemi chercha à repasser le pont; mais une charge 
				impétueuse mit bientôt le désordre dans ses rangs, et malgré la 
				mitraille que vomissait son artillerie, il fut enfoncé de toutes 
				parts. Un torrent furieux, qui mugissait à dix pas du pont, 
				suspendit un instant la course victorieuse de nos soldats; on ne 
				pouvait le traverser sans s'exposer à être entraîné par ses eaux 
				à la fois rapides et profondes : qui osera le premier tenter une 
				entreprise aussi périlleuse ? Chacun hésite; le sous-lieutenant 
				Geoffroy, qui, un mois auparavant, dans un combat près de 
				Badajoz, avait eu son cheval tué sous lui, s'élance seul dans le 
				torrent. Encouragés par son exemple et ses discours, quelques 
				hussards se précipitent après lui : «  Camarades, leur dit-il, 
				les canons sont de l'autre côté, il faut les enlever. » Mais la 
				force du courant entraîne ces braves; parvenu sur l'autre bord, 
				Geoffroy se trouve seul sur le pont au milieu des ennemis ; en 
				vain, son sabre à la main, se multiplie-t-il pour faire face à 
				tout; il frappe autour de lui des coups mortels, il pare, il 
				riposte avec une adresse extraordinaire ; cependant, accablé par 
				le nombre, mis hors de combat par un coup de sabre, et désarmé, 
				il va succomber, quand le capitaine Dradzianski, avec quelques 
				hussards des plus déterminés, se hasarde à franchir le torrent 
				pour voler à son secours. Geoffroy, heureusement dégagé par cet 
				officier, revient à son régiment, où les éloges qu'il reçoit du 
				général Latour-Maubourg et la joie de ses camarades deviennent 
				pour lui une compensation du regret qu'il éprouve de n'avoir pas 
				été secondé à temps dans sa résolution d'enlever les canons de 
				l'ennemi.
 Nommé lieutenant aide-de-camp du général Baron Gérard, 
				aujourd'hui lieutenant-général, et ancien colonel du 2e régiment 
				de hussards, Geoffroy fit avec lui la campagne de Russie, 
				pendant laquelle il se distingua, surtout aux batailles de la 
				Mozaisk et de Mariolaschlwez. Le lendemain de cette dernière, en 
				allant donner l'ordre aux tirailleurs de se porter en avant, il 
				faillit être la victime de son intrépidité. Ayant aperçu 
				plusieurs chasseurs des 6e et 25e régimens, qui, démontés, 
				étaient sur le point d'être faits prisonniers par les cosaques, 
				sans considérer le nombre des ennemis, il se jette au milieu 
				d'eux, afin de sauver ces militaires. Mais entouré de toutes 
				parts, il lui fut impossible de parer tous les coups qu'on lui 
				portait : il fut percé du fer d'une lance, et ne dut son salut 
				qu'à un officier, qui, par une charge des plus hardies, réussit 
				à l'arracher des mains des barbares. Placé dans une voiture, 
				souffrant cruellement de sa blessure, que l'on jugeait mortelle, 
				ne pouvant obtenir aucun secours, il fit ainsi la retraite de 
				Moscou. Il n'était pas encore guéri, qu'il combattit à Dresde, 
				où il fut fait prisonnier le 2 novembre 1813. Rentré dans sa 
				patrie, après huit mois de captivité, cet officier, dont les 
				longs et glorieux services avaient été récompensés par le grade 
				de capitaine et le brevet d'officier de la Légion-d'honneur, a 
				été nommé, en 1817, capitaine au 5e escadron de remplacement des 
				hussards du Jura, n° 1er. Le capitaine Geoffroy est l'un des 
				guerriers qui combattirent dans les trois immortelles journées 
				d*Austerlitz, d'Iéna et de Friedland.
 (1) La 
				bataille de Medeline est un des plus beaux faits d'armes de la 
				vie militaire du général Lasalle. Il commandait alors toute la 
				cavalerie, et avait en outre sous ses ordres une division 
				d'infanterie allemande qui était formée en carré sur la seconde 
				ligne. Les Espagnols, bien supérieurs en nombre, formaient un 
				demi-cercle qui enveloppait, pour ainsi dire, l'armée française, 
				à qui il ne restait, pour toute retraite, que le long pont de 
				Medeline sur la Guadiana. Nos troupes étaient écrasées par 
				l'artillerie ennemie. Le général, ayant reçu du maréchal Victor 
				l'ordre de battre en retraite, avait commencé sa marche 
				rétrograde, lorsque l'infanterie espagnole encouragée par ce 
				mouvement, et soutenue par une nombreuse cavalerie, s'avança au 
				pas de charge. Le général en chef de l'armée ennemie, se croyant 
				assuré de la victoire, parcourait sa ligne assez près de celle 
				de nos troupes, pour qu'on l'entendît crier à ses soldats de ne 
				faire aucun prisonnier. Indigné de ce qu'il venait d'en- tendre, 
				le général Lasalle, qui déjà avait eu quelques officiers et 
				plusieurs ordonnances tués à ses côtés, toujours à cinquante pas 
				en avant de la première ligne, voyant tout le danger qu'il y 
				aurait à battre en retraite par un défilé aussi étroit que le 
				pont de Médeline, ordonna au 26e régiment de dragons (et non au 
				4e de cuirassiers, comme nous l'avons indiqué par erreur dans 
				notre premier volume, pag. 404), de charger un carré de six 
				mille hommes qui débordait le flanc droit de notre armée. 
				L'armée s'ébranla aussitôt que la ligne, et marcha à l'ennemi 
				qui fut enfoncé et culbuté sur tous les points. Jamais déroute 
				ne fut plus complète : quatorze mille huit cents Espagnols morts 
				sur le champ de bataille, cinq mille prisonniers dont quatre 
				mille périrent des suites de leurs blessures, furent dans cette 
				journée le fruit de l'intrépidité et du génie de Lasalle. (Voy. 
				tom. 1er  pag. 499, la notice sur ce général). Dans le 
				grand nombre d'officiers qui se signalèrent dans cette occasion, 
				on remarqua surtout les braves capitaines Dradziansky, et Braun 
				du 2e de hussards ; le 3e escadron de ce corps, commandé par le 
				premier de ces officiers, fit des prodiges de valeur. Les 
				généraux Villate, Borde-Soult, Latour-Maubourg, Ruffin et le 
				colonel Meunier se couvrirent de gloire.(2) Cette charge qui est, sans contredit, le plus beau fait 
				d'armes dont puisse s'honorer le 2e de hussards pendant la 
				guerre d'Espagne, était commandée par le capitaine Leclerc, cité 
				transitoirement dans le 1er vol. des Fastes, pag. 315, 317 et 
				318.
 
 
					
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