Annales de la
propagation de la foi : recueil périodique des lettres des
évêques et des missionnaires des missions des deux mondes
1860
Extrait d'une lettre de Mgr
Guillemin, Vicaire apostolique de Canton, à MM. les Directeurs
de l'OEuvre de la Propagation de la Foi, à Lyon et à Paris.
Canton, le 25 novembre 1860.
« MESSIEURS,
« Après toutes les épreuves par lesquelles a passé la mission de
Canton je suis heureux de pouvoir vous annoncer aujourd'hui la
faveur insigne qui vient de lui être accordée. Nous voici en
possession d'un magnifique terrain, pour y bâtir une église que
Sa Majesté l'empereur a bien voulu nous promettre: c'est
l'emplacement occupé naguère par le palais de Yêh, vice-roi de
la province, espace couvert de ruines, mais vaste et bien situé, lequel redira le nom et les bienfaits de la France, en même
temps qu'il sera un hommage solennel rendu à la gloire du vrai
Dieu.
« Ce n'est pas sans peine que nous sommes arrivés à ce résultat.
Depuis près de deux ans la question était mise sur le tapis, et
toujours elle était écartée par l'habileté du mandarin, qui,
tout en reconnaissant nos droits, savait trouver mille moyens de
la faire traîner en longueur. Cet état de choses se serait
prolongé fort longtemps encore, si M. de Bourboulon, ministre
plénipotentiaire de France en Chine, n'eût donné à M. Coupvent
des Bois, commandant supérieur à Canton, l'ordre d'en finir, en
exigeant du vice-roi qu'il énonçât un refus formel et par écrit,
ou qu'il cédât à nos justes réclamations. Cette manière
catégorique de procéder eut un plein succès. Le mandarin, voyant
qu'il n'y avait plus à tergiverser, offrit de lui-même le palais
de Yêh, bien préférable pour nous aux divers emplacements dont
nous lui avions proposé le choix.
« Aussitôt les négociateurs français, heureux de la concession
qui leur était faite, et qui était scellée du grand sceau de
l'empire, vinrent reconnaître le terrain, suivis de leur
escorte, de l'évêque de la province et de deux mandarins envoyés
par le vice-roi pour les accompagner. Ce fut un beau moment que
celui où M. le commandant, poussant son cheval sur le point le
plus élevé de l'avenue, déclara hautement qu'il en prenait
possession au nom de la France. On plaça immédiatement aux
Quatre coins de la propriété des poteaux portant ces mots:
Terrain français ; puis cette inscription en caractères chinois
: Restitution faite au gouvernement français pour les églises
enlevées aux anciens missionnaires. Le lendemain, à la demande
de nos commandants, je faisais environner la propriété d'une
palissade de bambous ; je venais moi-même m'y installer avec mon
petit bagage ; et, voulant prendre possession de ce terrain au
nom du Seigneur du ciel, comme nos officiers en avaient pris
possession au nom du souverain de la France, le 1er novembre j'y
célébrai la sainte messe au milieu des décombres; dans une pièce
ouverte de tous côtés, demandant à Dieu, par l'intercession de
tous les saints du ciel, de vouloir bien faire de ce sanctuaire
nouveau une pépinière d'élus pour en peupler la Jérusalem
céleste.
« Il serait difficile de comprendre la joie qui remplissait mon
coeur, et celle de mes bien-aimés confrères, en présence d'un
événement si heureux. Après deux ans d'oppositions sans cesse
renaissantes, nous voyions enfin s'ouvrir devant nous une ère
nouvelle, où la croix du Sauveur ne sera plus foulée aux pieds
par ces peuples aveugles, qui en méconnaissent encore la vertu
divine. Désormais la religion de Jésus-Christ ne sera plus
méprisée, bannie de l'empire, et regardée comme le culte des
parias : quand on verra son temple occuper le sol même où
trônait naguère le premier magistrat de la province, on concevra
une autre idée de sa grandeur; on voudra la connaître, on
apprendra à l'aimer, et ceux qui avaient été ses contempteurs
deviendront ses disciples et ses enfants. De ce point élevé elle
répandra les célestes influences de sa doctrine et de sa morale,
pour instruire et civiliser les quarante millions d'habitants
qui forment la population de cette seule mission, et qui sont
encore ensevelis sous les ombres du paganisme et de la mort. Oh
! comme nos chrétiens l'ont bien compris ! Lorsque, réunis dans
leur humble chapelle, comme le troupeau chéri du Sauveur, je
leur fis annoncer cette heureuse nouvelle, tandis que, de mon
côté, je célébrais la sainte messe au milieu de ces ruinés comme
au sein des catacombes de la primitive Eglise, un frémissement
de joie courût dans l'assemblée, des. larmes d'attendrissement
coulèrent de tous les yeux, et ces bons néophytes ne savaient
comment témoigner à Dieu leur reconnaissance pour un bienfait
aussi signalé. En vérité, quelle gloire rendue à Dieu ! que de
grâces répandues par là sûr ce pauvre peuple ! que d'âmes
sauvées! Puissent les accents de notre gratitude parvenir
jusqu'au pied du trône de l'empereur par qui nous arrive un don
si précieux ! Il est beau, après avoir triomphé de ses ennemis,
de leur laisser, comme prix de la victoire, le plus grand
bienfait qui puisse leur être procuré, celui de connaître Dieu
et d'embrasser sa religion sainte, seul moyen pour les individus
comme pour les nations d'acquérir le vrai bonheur.
« De plus, cette importante concession est aussi un service
rendu à la cause de la civilisation et aux intérêts de tous les
Européens qui habitent ces contrées, car elle consacre et
maintient l'ouverture des portes de la ville. Qui ignore que
jusqu'ici nul étranger ne pouvait pénétrer dans l'intérieur de
la cité? On était saisi de je ne sais quel sentiment d'effroi en
voyant ces portes redoutables, noircies par leurs mille ans
d'existence, et d'où sortait une foule compacte, toujours prête
à se jeter sur nous, comme la bête féroce qui garde le seuil de
son antre. Combien de fois n'ai-je pas vu des pierres lancées et
des hurlements poussés contre ceux qui osaient en approcher ! Si
quelquefois nous étions obligés de les franchir afin de porter
les secours de la religion à quelque chrétien mourant, ce
n'était qu'au moyen de précautions infinies, soit en nous
cachant au fond d'un palanquin qui ne pouvait passer qu'à la
faveur du crépuscule, soit en nous glissant dans quelque barque
qui nous portait à travers les canaux jusqu'au lieu indiqué. Cet
état de choses, il est vrai, avait cessé depuis l'occupation de
Canton ; mais nos troupes ne seront pas toujours ici; et si, à
leur départ, nous n'eussions pas été en possession légale du
droit de cité, je ne doute pas qu'avant deux ans l'ancienne
exclusion des étrangers n'aurait repris son cours; tandis
qu'avec un édifice européen dans l'intérieur de la ville, on a
le bénéfice d'un fait accompli qui se maintient de lui-même, et
contre lequel le bon sens chinois ne s'élèvera jamais, pas plus
qu'il ne proteste contre les factoreries, avec lesquelles
désormais il forme une communauté d'intérêts. Et cela est si
vrai que le général anglais, remerciant M. le commandant
supérieur de la communication qu'il lui avait faite de notre
concession, lui dit qu'il s'en réjouissait spécialement, parce
que c'était à ses yeux la meilleure garantie que les portes de
Canton resteraient ouvertes.
« La réclamation qui a produit tous ces avantages était, du
reste, fondée sur les droits de la plus exacte justice. D'après
la tradition constante et unanime de nos néophytes, d'après les
lettres et pièces authentiques que nous avons entre les mains,
d'après les monuments qui existent encore, les anciens
missionnaires ne possédaient pas moins de neuf édifices
religieux dans la seule ville de Canton, et quinze dans le reste
de la province, sans parler de beaucoup d'autres que l'histoire
mentionne, mais dont la position n'a pu être déterminée d'une
manière bien précise. Parmi eux se trouvait le beau temple de
Taï-Fate-Su, bâti avec les libéralités de Louis XIV, et regardé
comme le principal ornement de la ville. Une autre église,
changée aujourd'hui en prison, a servi naguère à détenir le P.
Renou, le P. Navarro et le P. Leturdu, lorsque ces
missionnaires, surpris dans leurs différents districts, furent,
ramenés à Canton sous l'escorte des mandarins. Partout nous
retrouvons la trace des progrès que la religion chrétienne avait
faits dans ce pays, et des monuments qu'elle y a laissés. Les
rappeler tous serait l'objet d'un travail spécial et fort
intéressant; mais, au moins, ne saurais-je passer sous silence
le beau mausolée qui se trouve à une lieue au nord-est de
Canton, et que l'empereur Kang-Hi fit élever pour recevoir la
dépouille mortelle du P. Provana, son ambassadeur à la cour de
France ; monument qui excitait la curiosité des étrangers avant
que les rebelles n'y eussent fait des brèches considérables.
Certes, c'étaient plus de titres qu'il n'en fallait pour exiger
et obtenir une compensation de tant de pertes; et, quand on a su
dans le public sur quels droits était fondée notre réclamation,
il n'y a eu qu'une voix pour y applaudir.
« Il ne nous reste maintenant qu'à nous occuper de l'église.
Déjà la première pierre fondamentale est prête. Venue de
Jérusalem, prise à peu de distance du Cédron et du Jardin des
Oliviers, près du lieu d'où, selon la tradition, le corps de
l'auguste Vierge Marie s'est élevé vers les cieux, elle reliera,
en quelque sorte, ce pays idolâtre avec le berceau de la
religion chrétienne. Le concours le plus généreux est assuré à
la construction de ce temple béni. S. M. l'empereur veut bien en
faire les frais; S. M. l'impératrice nous a promis les vases
sacrés qui doivent servir à la célébration des saints mystères.
Je n'attends plus qu'un officier du génie, que le général de
Montauban doit nous envoyer pour arrêter les plans et diriger
les travaux ; et alors nous aurons la consolation de voir
Relever dans cette ville païenne, au milieu des nombreuses
pagodes dont elle est remplie, un sanctuaire qui redira la
gloire du vrai Dieu, qui le fera connaître aux gentils, et qui
sera aussi, je l'espère, pour tous ses bienfaiteurs, la source
des plus abondantes bénédictions.
« Veuillez agréer, etc.
« Zéphirin GUILLEMIN,
évêque missionnaire. »
Annales
Franc-Comtoises - 1864
ALLOCUTION DE Mgr GUILLEMIN.
A L'OCCASION DE LA POSE DE LA PREMIERE PIERRE DE L'ÉGLISE DE
CANTON.
[8 décembre 1863]
Excellence, Monsieur le Consul et Messieurs,
Il me serait difficile d'exprimer tous les sentiments qui se
pressent dans mon coeur à la vue de cette imposante assemblée et
du motif qui l'amène ici.. D'où vient donc qu'aujourd'hui, dans
la même enceinte, à la même heure, se trouvent réunis et cet
illustre vice-roi de la province, environné du brillant cortège
de ses mandarins et de sa milice, et tous ces nobles
représentants des nations européennes, et cette foule d'amis qui
viennent s'associer à nos voeux, et cette troupe de chrétiens,
qui se pressent autour de nous, tous dans l'attitude du respect
et l'expansion d'une douce et pieuse joie ? Evidemment, ce
n'est pas une fête profane qui nous réunit ; il s'agit de
quelque chose de plus. Il s'agit d'élever au souverain Seigneur
des nations, à celui qui a créé toutes choses, qui dirige à son
gré le ciel, la terre, les astres, et qui en même temps veille
sur nous avec l'amour d'un père, il s'agit, dis-je, de lui
élever un temple digne de lui : temple vénérable, destiné à
proclamer sa gloire et ses grandeurs, en même temps qu'il sera
pour nous la source des plus abondantes bénédictions.
Oui, Messieurs, d'après les hautes et magnifiques idées que Dieu
a bien voulu nous donner de lui-même, un temple n'est point
seulement un hommage rendu à sa divinité ; c'est encore un
asile, un lieu d'indulgence et de faveurs ouvert à la pauvre et
faible humanité. C'est là que le Dieu trois fois saint réside
par sa présence; c'est là qu'il se communique à nous, qu'il
reçoit nos prières et nos voeux, et qu'en retour il nous fait
part des richesses infinies renfermées dans son divin coeur. Ah
! disons- le donc, qu'il est beau, qu'il est consolant pour
l'homme, dans les jours de son court pèlerinage sur la terre, de
trouver un sanctuaire où quelque- fois il puisse se reposer des
-labeurs de la vie, incliner son front devant sou Dieu, lui
exposer ses besoins, implorer sa clémence pour un père, une
mère, un enfant malade, pleurer une faute échappée à sa
faiblesse, et, comme le prodigue de l'Evangile, recevoir
l'assurance de son pardon et les gages précieux de son bonheur à
venir.
Telle est, noble et puissant vice-roi, telle est la consolante
destinée d'un temple catholique ; tel est celui que nous élevons
au milieu de la cité, et à l'érection duquel Votre Excellence
veut bien prêter le concours de son haut et bienveillant
patronage. Aussi, sommes-nous heureux aujourd'hui d'en poser la
première pierre, et nous voudrions que les accents de notre
reconnaissance pussent arriver à tous les insignes bienfaiteurs
qui nous ont aidés dans cette oeuvre de prédilection. Gloire,
honneur et reconnaissance soient d'abord au pontife auguste, au
chef de la religion catholique, qui, il y a six ans, comme a
bien voulu le rappeler notre honorable consul, faisait couler
sur mon front l'huile sacrée, et, m'embrassant avec la bonté
d'un père, me renvoyait en Chine avec ces paroles
d'encouragement : Allez maintenant, fils bien-aimé, allez porter
au loin les bénédictions dont vous êtes le dépositaire ! Pontife
vénéré, qui porte avec une si douce majesté le poids de
l'autorité qui lui est confiée, et vers lequel s'inclinent avec
tant de respect nos pensées, notre amour et nos coeurs! Gloire,
honneur, après lui, à notre auguste empereur, qui, dans
l'étendue de sa bienfaisance et la vaste portée de ses vues, a
daigné accueillir l'humble demande que je lui faisais, lorsqu'au
moment de quitter pour toujours la terre de la patrie, je lui
disais : Sire, je serais heureux, en retournant en Chine, si je
pouvais emporter avec moi l'assurance que nous aurons un jour
une église à Canton. - Oui, me répondit-il aussitôt, avec cette
prompte détermination qui ne peut venir que d'un souverain, vous
pouvez y compter, vous aurez une église à Canton ! Et, comme si
cette faveur n'était point suffisante pour combler mes voeux,
notre auguste souveraine, avec cette grâce parfaite qui donne
tant de prix à un bienfait, ajoutait ces paroles - Et pour moi,
Monseigneur, je me réserve de donner à l'église ses vases
sacrés. Aimable promesse, que Sa Majesté a bien voulu me faire
renouveler depuis ! Doux encouragement pour le coeur d'un évêque
missionnaire ! Précieux augure pour la mission confiée à ses
soins, et dont le souvenir restera profondément gravé dans mon
coeur ! Déjà nous voyons ces magnifiques promesses se réaliser,
et du sol de ce temple qui s'élève, nous demandons à Dieu qu'il
bénisse notre glorieux empereur, notre bien-aimée souveraine, et
que, pour leur bonheur et le nôtre, il orne de vertus, de
courage et de mérites l'auguste enfant dans les mains duquel un
jour seront remises les destinées de la France.
Et pourrais-je oublier ceux qui ont si bien secondé les pieuses
intentions de leurs Majestés : M. de Bourboulon, notre ministre
plénipotentiaire, et ses dignes secrétaires, MM. de Kleczkowski,
de Méritens, de Vernouillet, qui, tous, ont poursuivi cette
oeuvre avec un zèle et une constance que je ne saurais assez
louer; M. l'amiral Charner, M. le capitaine de vaisseau du
Quilio, MM. les commandants Coupvent des Bois et de Tanouarn
et leur interprète M. Fontanier, qui lui ont prêté leur
puissante et active coopération; nos architectes, MM. Vautrin et
Humbert, qui lui consacrent leur science et leur talent, M.
l'amiral Jaurez qui, dernièrement encore, nous donnait des
preuves de son entier dévouement. Et enfin, pour clore la
nomenclature de ces hauts et puissants protecteurs, qu'il me
soit permis de remercier d'une manière spéciale notre honorable
consul, M. le baron de Trenqualye, que notre ministre
plénipotentiaire, M. Berthemy, dans sa vive sollicitude pour
nous, a nommé pour le remplacer à cette cérémonie. Après nous
avoir si souvent appuyés dans l'exécution de cette tâche
laborieuse, c'est encore à lui comme à l'aide empressée de son
interprète, M. Blancheton, que nous devons la brillante réunion
qui vient aujourd'hui partager nos joies et relever l'éclat de
cette solennité.
Mais, en rappelant les noms de nos insignes bienfaiteurs, je ne
saurais passer sous silence le gouvernement de qui nous tenons
le vaste emplacement sur lequel s'élèvent nos oeuvres, et je suis
heureux de pouvoir aujourd'hui lui offrir l'expression de ma
gratitude dans la personne de son premier représentant, le
vice-roi des deux Quangs. Oui, Excellence, c'est un droit
d'hospitalité que vous nous avez donné, mais un droit qui ne
fera que relier plus intimement la France et la Chine, et qui
nous donnera à nous-mêmes les moyens de montrer les sentiments
dont nous sommes animés envers les habitants de ce noble empire.
Autant le terrain qui nous a été cédé est beau et spacieux,
autant nous nous efforcerons de lui faire produire des fruits de
grâce et de charité. Ici, dans cette église dont nous foulons le
sol, nous apprendrons à nos chrétiens à vous aimer, à vous
obéir, à garder les lois de l'empire, et à sacrifier, s'il était
nécessaire, leurs biens et leur vie à la défense du prince que
le Ciel leur a donné; car tels sont les principes de la religion
sainte que nous professons. Plus loin, dans cet établissement
bâti naguère sous la direction d'un de nos capitaines du génie,
de M. Dreysset, nous recueillerons les jeunes orphelins à qui la
mort ou la misère a enlevé les auteurs de leurs jours; déjà une
centaine y reçoivent le pain et les habillements qui leur
manquent. Ailleurs s'élèvera la maison destinée à recevoir les
enfants trouvés : précieux asile dû à la touchante sollicitude
de nos chers enfants d'Europe, qui, chaque jour, se privent de
quelque chose pour venir au secours de leurs jeunes frères qui
gémissent abandonnés dans quelque partie du monde. Et ainsi, on
verra se réaliser ce principe, un des plus beaux de la religion
chrétienne, à savoir, que nous sommes tous les enfants d'un même
Père qui est Dieu, que nous devons nous aimer comme des frères,
et que si nous venons en Chine, c'est uniquement pour nous
consacrer à votre service, sans autre désir que de vous faire du
bien, sans autre récompense que de contribuer à votre bonheur.
Telles sont nos vues, nos pensées, les motifs qui nous animent;
et nous serons heureux si jamais nous pouvons les voir couronnés
d'un résultat si digne de tous nos efforts.
Vous le voyez, Excellence et Messieurs, c'est une fête toute
religieuse et de famille que celle qui nous réunit, et qui à
chacun de nous présente quelque avantage. La France, qui déjà
sous le grand Kang-hy avait son église à Pékin, se félicite d'en
élever une autre sur ces rivages lointains, au milieu de cette
seconde capitale de la Chine; notre religieux empereur y
attachera son nom, notre auguste souveraine le souvenir de sa
délicatesse et de sa pieuse générosité; les pauvres et les
orphelins y trouveront un asile, nos chrétiens une instruction
qui leur enseignera le chemin du vrai bonheur; et nous, exilés
volontaires, nous serons heureux, sur la terre étrangère, de
rencontrer les tabernacles de notre Dieu et de répandre notre
âme devant lui. Ce jour n'aura-t-il pas aussi quelque
consolation pour vous, dignes et nobles consuls des nations que
vous représentez ? Et vous tous, que je puis appeler nos amis,
qui avez répondu avec tant de bonté à notre appel, qui n'avez
pas craint de quitter vos graves occupations et de faire une
longue course pour venir participer à cette fête, comment vous
témoigner assez dignement ma reconnaissance ? En vous remerciant
d'une démarche si touchante, laissez-moi unir à votre souvenir
celui de tant d'autres amis que nous avons laissés dans la terre
de la patrie, et qui, par leur dévouement et leur pieux
concours, ont une si grande part aux travaux et aux succès de
notre lointain apostolat. Nous vous remercions tous du fond de
notre coeur; nous demandons au Dieu suprême, très bon, très
clément, qui voit la sincérité de nos sentiments, nous lui
demandons qu'il vous bénisse, vous, vos familles, vos
entreprises, qu'il vous rende au centuple le bien que vous nous
faites, et de même que nos noms seront inscrits et renfermés
dans la première pierre de ce temple, de même ils soient
inscrits sur le livre de vie, et qu'un jour nous soyons tous
réunis dans le temple de sa gloire, dans cette Jérusalem
céleste, dont nos temples ici-bas sont la plus belle et la plus
touchante image !
Zéphyrin GUILLEMIN, év. de Cybistra,
Préf. apost. du Quang-Tong et Quang-Si.
Annales de
l'Assemblée Nationale - Séance du 28 juin 1873
M. le duc de Broglie, vice
président du conseil, ministre des affaires étrangères. J'ai
l'honneur de déposer sur le bureau de l'Assemblée deux projets
de lois.
Le 1er, portant ouverture au budget du ministère des affaires
étrangères pour l'exercice 1873, d'un crédit de 75.000 francs à
inscrire au service extraordinaire dudit budget sous ce titre «
Chapitre XVII, Subvention pour l'achèvement de la cathédrale de
Canton »
La semaine du
clergé - 16 juillet 1873
Un crédit de 75,000 fr. a été
voté par l'Assemblée nationale pour l'achèvement de la
cathédrale de Canton. Dans la pensée du gouvernement, la
construction de cette cathédrale, en aidant à la propagation de
la foi catholique en Chine, est le plus excellent moyen d'y
développer l'influence française. Voilà au moins une saine
appréciation des choses.
De Marseille à
Shanghaï et Yedo, récits d'une Parisienne
Mme Laure Durand-Fardel
1881
[...]
J'aime mieux celui de la cathédrale, que l'évêque de Canton,
monseigneur Guillemin, a obtenu la permission de construire sur
le point le plus élevé du sol. L'édifice domine la ville et la
campagne ; c'est la première chose qu'on aperçoit à une distance
considérable, en approchant de Canton. Il fait concurrence, pour
la hauteur, à la Pagode aux cinq étages. Les Chinois commencent
à s'en offusquer et s'opposent formellement, aujourd'hui, à la
construction des tours, sous le prétexte que, devant être encore
plus élevées, elles gêneraient dans l'air la circulation des
esprits et les indisposeraient contre les habitants. Mais c'est
en réalité parce qu'ils ne souffrent pas volontiers que nous
prenions sur eux des airs de domination. Monseigneur pourra bien
trouver là une résistance qu'il serait peut-être prudent de ne
pas chercher à vaincre, s'il tient à conserver son église, qui,
je le crains, ne sera jamais remplie.
Nous sommes allés tous, hier matin, à la messe, à la petite
chapelle des Missions. Les catholiques européens s'y trouvaient
réunis à peu près au complet, et aussi les Chinois, ce qui ne
veut pas dire qu'il y eût beaucoup de monde, car les conversions
ne sont pas encore bien nombreuses; mais, si c'est la foi qui
sauve, c'est aussi l'espoir qui soutient.
Monseigneur a eu la gracieuseté, après la messe, de nous offrir
un petit verre d'excellent xérès, et ensuite il nous a fait
visiter ses grands travaux. La cathédrale est couverte et paraît
finie au dehors; elle est immense. On travaille aux rosaces, et
l'intérieur est tout en échafaudages, sur lesquels il fallait
grimper pour aller admirer ces dernières de près. J'avoue qu'à
ces hauteurs prodigieuses, lorsque, au lieu de planches, on n'a
sous les pieds que des feuilles sèches de bambous enchevêtrées
les unes dans les autres, et qui laissent voir le sol au
travers, il est permis de penser à avoir le vertige. Mais, comme
on m'assurait qu'il n'y avait aucun danger, j'ai marché de
confiance.
Cette entreprise est grandiose; il y a douze ans qu'elle est
commencée, on n'entrevoit pas encore très, bien son utilité, qui
se fera peut-être jour dans quelques siècles, si les esprits
chinois n'en exigent pas la démolition. Mais, en attendant, elle
nécessite beaucoup d'argent, et ce n'est pas la Chine qui en
fournira, car les missions, dont les progrès ne paraissent pas
très actifs, n'ont guère d'action jusqu'ici que sur les pauvres,
attendu que les gens riches qui se convertissent se voient
aussitôt dépossédés de leurs biens, sur l'ordre du gouvernement,
par les vice-rois, c'est-à-dire de hauts mandarins chargés de
gouverner les provinces.
D'un autre côté, le Chinois n'a guère de religion, et, par
caractère, il ne s'en sent pas le besoin ; il cherche toujours
un profit ou un bénéfice et ne s'occupe pas du reste. Il a des
superstitions, mais peu de croyances; sa véritable religion,
c'est le culte des ancêtres, dont l'esprit est censé n'avoir pas
quitté la famille. La vie éternelle n'est pas bien définie pour
eux, mais ils s'en inquiètent peu et ne craignent pas la mort.
Bouddah doit les juger et les punir ou les récompenser. Comment
? Ils ne le savent pas. Cependant ils ont un enfer, avec des
supplices de toutes sortes, et, lorsqu'ils vont aux pagodes,
c'est toujours pour demander au diable ou aux mauvais génies de
les épargner. Ils trouvent inutile de prier le bon Bouddah, qui
ne leur veut que du bien ; ils se contentent d'aller lui porter
une tasse de thé de temps en temps avec quelques autres
comestibles à l'usage des bonzes. Ils y ajoutent souvent de
petits cierges tout à fait pareils à ceux que, dans nos églises,
on fait brûler à l'entrée des chapelles. Ces précautions prises,
ils dorment tranquilles.
Etat de la mission
du Kouang-Tong (Canton) Chine exposé au S.P. Léon XIII, dans la
séance du 20 février 1881
Ed. Rome - 19 mars 1881
Rome, 24 février 1831.
Dimanche dernier, 20 février, jour anniversaire de l'élévation
de S. S. Léon XIII au Souverain Pontificat, il y a eu au Vatican
Réception solennelle, à laquelle assistaient tous les Cardinaux
de Rome, une vingtaine d'Évêques de tous les pays du monde, et
où l'oeuvre des Missions n'a pas été oubliée.
Après avoir adresse la parole à quelques-uns des Cardinaux et
Évêques présents, voyant à ses côtés deux grands Vases chinois,
et en bronze, qui, la veille, lui avaient été offerts par un de
nos compatriotes, Mgr Guillemin, Évêque du Kouang-tong (Canton),
Chine, sa Sainteté fait appeler le donateur, qui vient se jeter
à ses pieds, les baisant avec respect, et alors entre le Chef de
l'Église et l'Évêque Missionnaire s'établit une conversation qui
avait surtout pour but de bien faire connaître l'oeuvre des
Missions, et qui nous a tous fort intéressés.
Monseigneur! Lui dit le Saint-Père, je vous remercie du beau
Présent que vous m'apportez du fond de la Chine, et qui est
admiré de nous tous.
Très Saint-Père ! Répond l'Evêque, c'est à moi bien plutôt à
remercier Votre Sainteté de la bonté avec laquelle Elle veut
bien accueillir ce faible témoignage de la vénération et de
rattachement dont nos Missionnaires et nos Chrétiens sont
pénétrés pour Elle; et ils seraient heureux, si en retour, je
pouvais leur porter, de la part de Votre Sainteté, une
Bénédiction qu'ils recevraient comme un gage et une assurance de
la bénédiction même du Ciel.
D. Oh! oui, bien volontiers, je vous la donnerai à tous, et au
premier Pasteur du troupeau et à toutes les ouailles confiées a
ses soins. Mais auparavant, il faut que nous parlions un peu de
nos Missions, qui nous intéressent tous si vivement, ces
vénérables Pères et Moi; et d'abord, dites-nous, depuis combien
d'années êtes-vous dans ces pays lointains ?
Départ pour la Chine.
R. Très Saint-Père ! II y a 88 ans que je suis parti pour les
Missions, et quand je partais, comme aussi pendant notre longue
traversée, qui a duré 6 mois, j'entendais dire généralement, à
cause de l'état de ma santé, que je n'arriverais pas au rivage
Chinois : ce qui me montre la protection toute spéciale dont la
divine Providence a bien voulu m'environner pendant ce long
espace de temps !
D. Eh ! oui, voila ce que c'est que de mettre sa confiance en
Dieu ; on n'est jamais confondu! Et depuis combien d'années
portez-vous le fardeau épiscopal ?
Fondation de la Mission.
R. Très Saint-Père ! II y a 21 ans que j'ai été nommé Préfet
Apostolique de la Mission. D'abord soumis a la juridiction de
Macao, nous avons été, pendant 10 ans, exposés à toutes les
misères et à tous les dangers qu'on peut rencontrer en ces pays
infidèles, jusque-là que 8 de nos Missionnaires ont été jetés
dans les fers; 4 sont morts a la suite des coups et des mauvais
traitements qu'ils avaient reçus, et un 5e, le Vénérable P.
Chapdelaine, a eu la tête tranchée, et a été littéralement coupé
par morceaux. Dans une position si difficile, tous les Confrères
demandant que l'un de nous partit pour Rome, afin d'exposer au
Saint-Siège le véritable état des choses, j'ai été choisi pour
remplir ce message, et c'est alors que la province du
Kouang-tong a été séparée du Diocèse de Macao, érigée en Mission
particulière, et que, malgré mon indignité, j'en ai été nommé le
premier Évêque, et, a ce titre, sacré par les mains du Souverain
Pontife, Pie IX, qui a bien voulu nous donner cette marque de
bienveillance et d'encouragement.
D, Oh ! il est bien juste que le Père soutienne ses Enfants, et
le Pontife les Apôtres de la vérité ! Et, pendant cette longue
période d'années, au milieu de ces Contrées payennes, quelles
sont les conquêtes que vous avez faites à l'Evangile ?
Conversion des Payens.
R. Très Saint-Père ! En arrivant dans la mission de Canton, dans
cette mission qui compte 200 lieues de long sur 100 lieues de
large, et environ 30 millions de payens, nous y trouvions a
peine 3 ou 4 mille Chrétiens, et aujourd'hui, grâces a Dieu,
nous en comptons 26 mille. L'année dernière seule nous donnait
1,262 Baptêmes d'adultes, l'année précédente 1,060, et ainsi,
depuis notre entrée dans la mission jusqu'à ce jour, chaque
année, sans exception, nous a fourni un chiffre de conversions
supérieur au chiffre de l'année précédente.
Et, ce que je puis dire également, c'est que ces nouveaux
Chrétiens connaissent bien leur religion et ou remplissent
fidèlement les devoirs. Car, nous ne les admettons au saint
baptême, que lorsqu'ils sont bien instruits des vérités du
Christianisme et bien décidés à en observer tous les préceptes,
ce qui est pour nous un gage de leur persévérance à l'avenir.
D. Oui! Voilà de beaux résultats, et qui doivent être bien
consolants pour votre coeur d'apôtre ! Mais combien de
Missionnaires comptez-vous pour faire face à un travail aussi
considérable ?
Missionnaires, Séminaire, Clergé indigène.
R. Très Saint-Père ! Au jour de notre entrée dans la mission,
nous étions 6 Missionnaires seulement; aujourd'hui, nous sommes
36, répartis sur cet immense territoire, et placés à la distance
de 20 à 30 lieues les uns des autres : tous Missionnaires
européens, mais pour l'habit, la nourriture, le langage et les
autres habitudes du pays, se faisant complètement Chinois, et
surtout, se montrant pleins de zèle et de dévouement pour leur
oeuvre !
C'est un nombre d'ouvriers encore bien insuffisant, mais, à
défaut de Prêtres européens, nous travaillons à former un Clergé
indigène, et déjà, dans la province, nous avons un Séminaire
avec une quarantaine d'Elèves, entretenus par l'oeuvre de la
Sainte-Enfance, puis 5 jeunes Prêtre chinois, et enfin plusieurs
Diacres et Sous-diacres, comme celui qui m'accompagne, et que
j'aurai l'honneur de présenter à Votre Sainteté, si Elle veut
bien me le permettre !
D. Oh! oui! Je le verrai avec grand plaisir ! Et alors, sur un
signe de l'Évêque, le jeune sous-diacre chinois, portant la robe
et la longue tresse de cheveux de son pays, vient se jeter aux
pieds du Saint-Père, qui l'accueille avec bonté et lui adresse
ces paroles encourageantes : Eh! Oui, cher Fils en
Notre-Seigneur, soyez l'Apôtre de vos chers Compatriotes, et
puissiez-vous en amener au vrai Dieu un grand nombre, qui
formeront les fleurons de votre brillante couronne pour la
bienheureuse éternité ! Puis, s'adressant à l'Évêque : En
vérité, dit le Saint-Père, voilà une oeuvre bien comprise et qui
ne peut manquer de produire tout le bien que vous en attendez.
Mais, avec le Clergé indigène, ne trouvez-vous pas encore dans
le pays d'autres Auxiliaires pour travailler à la conversion des
payens.
Oeuvre des Catéchistes.
R. Oui ! Très Saint-Père ! Nous avons d'abord nos Chrétiens,
dont nous nous servons pour amener à la connaissance du vrai
Dieu ceux de leurs parents et amis qui sont encore plongés dans
les ténèbres du paganisme, et par là nous voyons, chaque aunée,
un certain nombre d'âmes entrer dans le giron de l'Eglise !
Mais, nous avons surtout nos Catéchistes, pieux et fidèles
serviteurs de Dieu, qui se consacrent uniquement à cette oeuvre,
et dont le zèle est couronné de résultats plus satisfaisants
encore. Un bon catéchiste, dans le cours d'une année, pourra
facilement gagner à la Religion chrétienne de 20 à 30 Payens,
quelquefois plus, rarement moins, en sorte que si nous pouvions
multiplier ces messagers de la bonne nouvelle, nous
multiplierions dans la même proportion les heureux résultats
obtenus par eux.
Mais, en employant le secours de ces bons et dignes auxiliaires,
il faut bien également leur donner une certaine rétribution,
pour subvenir à leurs besoins et aux besoins de leurs familles
(à chacun environ 600 fr. par an), et là malheureusement se
trouve la difficulté pour nous, qui avons nous-mêmes si peu de
ressources à notre disposition. Mais qu'une personne en Europe
veuille bien se charger de l'entretien d'un Catéchiste, ce sera
elle, en réalité et devant Dieu, qui aura le mérite de toutes
les conversions obtenues par là, tout aussi bien que si elle
venait dans ces pays lointains pour y prêcher l'Evangile. Et,
comme déjà plusieurs pieux et dignes Chrétiens, en France,
veulent bien me donner ce précieux concours, qu'il me soit
permis, Très Saint-Père, de demander à Votre Sainteté une
Bénédiction particulière pour ces généreux collaborateurs et
pour leurs familles.
D. Oui ! Je comprends toute la portée de cette oeuvre; je
l'approuve, je la bénis, et je vous autorise à dire aux
Personnes qui vous mettent entre les mains ces puissants moyens
de salut, qu'à elles aussi je donne une Bénédiction particulière
pour Elles et pour tous ceux qui leur sont chers !
Mais, avec les baptêmes d'Adultes, vous avez aussi ceux de ces
pauvres Petits Enfants de la Chine si cruellement rejetés par la
brutalité de leurs parents, ou qui naturellement se trouvent en
danger de mort ?
Baptêmes des petits Enfants, Orphelinats.
A Oui ! Très Saint-Père ! Le baptême de ces pauvres Petits
Enfants est aussi une des oeuvres qui nous occupent le plus, et
qui n'est pas moins bénie du Ciel, Chaque année nous donne plus
de 3 mille de ces baptêmes, et comme il y a 33 ans que nous
obtenons ce chiffre, c'est une légion de plus de 100 mille Anges
que la mission de Canton, depuis sa fondation, a envoyés au
séjour des Bienheureux.
Puis, en baptisant les petits moribonds, il fallait bien
également pourvoir aux besoins de ceux qui survivent, et leur
trouver quelques moyens d'existence. Aussi, au milieu du beau
terrain que nous occupons dans la ville de Canton, nous avons
élevé a grands Orphelinats, l'un pour les petits Garçons, qui y
sont au nombre de 100 à 120; l'autre pour les petites Filles, au
nombre de 60 à 80: deux beaux établissements avec arcades et
colonnes sur la façade, mais surtout qui marchent bien, et qui
produisent une bonne impression, soit sur les Chinois, soit sur
les Européens, qui viennent les visiter. Honneur et
reconnaissance à l'oeuvre de la Sainte-Enfance, qui nous permet,
au milieu de ces Contrées payennes, de faire un bien Si utile en
soi et si honorable à la religion chrétienne !
D. Oui ! Honneur et reconnaissance à l'oeuvre de la
Sainte-Enfance, qui envoie tant d'enfants en Paradis, et qui
vous aide si puissamment à établir la Religion du vrai Dieu au
milieu des ces pays infidèles ! Mais avec les orphelinats élevés
dans la ville de Canton, vous avez sans doute aussi des Écoles
érigées dans le reste de la Province ?
Écoles dans l'intérieur de la Province.
A. Oui ! Très Saint-Père ! Nous y tenons d'autant plus que les
Écoles sont plus appréciées en Chine, et qu'elles sont un moyen
plus sur de gagner les Enfants et les Parents et de les amener,
les uns et les autres à la connaissance de l'Évangile. Or, quand
nous avons pris possession de la Mission, n'y trouvant que 3 ou
4 Écoles chrétiennes, à peine fréquentées chacune par une
dizaine d'enfants, aujourd'hui nous en comptons 90, parmi
lesquelles 70 sont pour les Garçons et une vingtaine pour les
Filles : ce qui nous donne 3 Écoles pour chaque missionnaire, et
environ 9 mille Petits Enfants, qui y reçoivent une instruction
chrétienne,
L'École une fois bien établie, nous permettons volontiers aux
enfants Payens de les fréquenter, et nous les voyons assez
ordinairement plus tard venir eux-mêmes demander le saint
Baptême et leur admission dans une Religion qu'ils ont appris à
connaître et à aimer dès leur enfance !
D. Vous avez raison ! S'occuper des Enfants et établir des
Écoles, excellent moyen de régénérer un pays, et déjà
aujourd'hui vous en recueillez les précieux avantages ! Mais
avec les Écoles, vous pouvez également élever des Chapelles, et
l'on dit que déjà vous en avez un bon nombre dans toute la
Mission.
Chapelles dans la Mission.
R. Oui ! Très Saint-Père ! Lorsque, dans un rayon un peu étendu,
nous avons un certain nombre de néophytes, 200 ou même une 100°,
là aussi nous tenons à établir une Chapelle ou Oratoire, comme
moyen de soutenir ces nouveaux Fidèles dans la foi, et en
quelque sorte d'attacher la Religion chrétienne au sol même du
pays. Or, au jour de notre arrivée dans la Province, n'y
trouvant que 8 Chapelles à demi ruinées et détruites,
aujourd'hui nous en comptons plus de 100, chaque Missionnaire eu
ayant au moins trois, qui ne servent qu'à la prière, et bien
chères à nos Chrétiens qui aiment à venir y répandre leurs âmes
devant Dieu !
La plupart sont encore bien pauvres et bien nues, mais néanmoins
chaque année, leur petit mobilier s'enrichit de quelques
ornements ou objets donnés par nos amis de France, et ces bonnes
Dames de l'Oeuvre apostolique qui, en Europe, s'occupent avec
tant de dévouement de l'oeuvre des Missions ; et aussi, Très
Saint-Père, que Votre Sainteté veuille bien me permettre de lui
demander une bénédiction particulière pour tous ces Bienfaiteurs
et leurs Familles !
D. Le principal est que vous puissiez multiplier ces pieux
Sanctuaires, si favorables à l'établissement du Christianisme au
milieu de ces pays payens, et le reste, comme vous le. dites,
viendra ensuite avec le concours de nos pieux chrétiens de
France et de ces bonnes Dames de l'Oeuvre apostolique, tous si
dévoués à l'oeuvre des Missions, et à qui de bien bon coeur
aussi, je donne une Bénédiction spéciale pour eux et pour tous
ceux qui leur appartiennent !
Mais, parmi vos chapelles, vous avez sur tout celle de Sancian,
dont vous m'avez donné une si belle photographie (1).
Chapelle de Sancian.
B. Très Saint-Père ! La Mission renfermant l'île et le Rocher où
est mort saint François-Xavier, à 50 lieues de la ville de
Canton, nous désirions tout naturellement élever au même endroit
une Chapelle en l'honneur de ce grand Saint, patron des
Missions, et en particulier de la Mission de Canton, mais il y
avait bien des difficultés à l'exécution de ce projet.
1° Il fallait, d'abord, nous faire recevoir par les Habitants,
formant une population de 10 mille âmes et répandus dans 92
villages : gens peu civilisés, et en générai hostiles à tout ce
qui est étranger. Or, un jour, me jetant sur une barque de
pêcheurs, et, à mon arrivée sur le rivage, me voyant environné
d'une troupe d'enfants, attirés par ma figure et mon air
inconnu, je leur demande si déjà ils étaient bien savants en
caractères chinois, et s'ils seraient bientôt de grands
Mandarins du pays ? Et comme ils me répondent qu'ils n'ont ni
Écoles ni Maîtres, parce que leurs parents sont trop pauvres
pour fournir aux frais d'une semblable dépense, eh! bien, mes
petits Amis, leur dis-je, écoutez bien ce que je vais vous dire
!
« Comme vous le voyez à mon air et à mon langage, je ne suis pas
de ce pays, mais du pays du Grand-Homme, qui autrefois est venu
mourir sur ce rocher, et auquel on a élevé une Pagode ou
Chapelle, qui aujourd'hui est en ruines. Mon désir est de
rétablir ce petit sanctuaire, et quand ce travail sera terminé,
alors si vous êtes bien sages, et si vos Parents y consentent,
pour vous aussi j'établirai une École, où vous pourrez étudier
les caractères chinois, et tout ce qu'il faut pour devenir un
jour de grands Mandarins du pays ! » Et à peine cette parole
est-elle prononcée, qu'elle est aussitôt portée aux quatre coins
du village, et attire auprès de nous bon nombre de Chinois,
curieux de voir l'Etranger en question, et de s'assurer de la
vérité des paroles qu'on lui attribuait : chose que je
m'empressai de confirmer, et qui nous valut une bonne et
cordiale réception de la part de ces pauvres Insulaires.
2° Une fois admis par les Habitants, il nous fallait un Terrain
pour nous y établir, et 15 jours après, envoyant un Catéchiste
sur les lieux, il nous acheta un bel emplacement, situé au
centre du premier village et comprenant un espace de 300 pieds
de long, sur 100 pieds de large.
3° Il nous fallait, en 3e lieu, des Matériaux et des Ouvriers,
et n'en trouvant pas dans l'île, de là la nécessité pour Nous
d'aller en chercher dans les environs, c'est-à-dire à 40 lieues
de distance, malgré les Tempêtes et les Pirates, qui rendent ces
mers si dangereuses, et contre lesquels plusieurs fois nous
eûmes à lutter. Une fois entre autres, conduisant moi-même une
barque de pierres, et un violent ouragan venant nous assaillir,
déjà les nautoniers effrayés se disposaient à jeter à la mer le
chargement que nous portions, et j'eus assez de peine à obtenir
d'eux quelques moments de sursis, pendant lesquels priant saint
François-Xavier de vouloir bien venir à notre secours, nous
vîmes bientôt l'orage se dissiper, et nous pûmes arriver
heureusement au rivage désiré !
Une autre fois, c'est une Barque de Pirates qui vient nous
attaquer, et contre laquelle je dus décharger deux petites
pièces de canon que nous avions à bord, visant la partie
Inférieure de leur barque, de manière à leur inspirer une
salutaire frayeur, sans cependant leur causer aucun mal : ce qui
nous réussit à merveille et les fit s'éloigner rapidement !
Enfin, après 3 ans de travaux exécutés sous la direction d'un de
nos Missionnaires, résidant dans l'île, toutes nos constructions
étaient achevées, et nous avions à Sancian :
1° Une Chapelle gothique, en granit et avec sa tour, élevée sur
le rocher où est mort saint François-Xavier, avec une petite
habitation adjacente pour le gardien ; Chapelle, qui porte sa
croix bien haut dans les airs, et qui, souvent, est saluée par
les barques chinoises qui passent à ses pieds, et qui, alors,
abaissent leurs voiles en signe de considération et de respect !
2° Une autre Chapelle, genre roman, construite au milieu des
villages, à une lieue de distance de la première, et plus
spécialement destinée à l'instruction des Payens.
3° L'Ecole que j'avais promise aux enfants, lors de mon premier
voyage dans l'île, et qui forme comme une aile de la chapelle
précédent.
4° Une Habitation pour le Missionnaire, faisant face à l'école,
et formant la 2e aile de la Chapelle, avec un mur à enceinte, et
un beau Portail placé à l'entrée de la propriété, et qui se fait
remarquer au loin.
5° Enfin, au sommet de la montagne la plus rapprochée du
Tombeau, et à la demande des Marins européens qui suivent la
pleine mer, nous avons élevé une Pyramide destinée à leur
indiquer le lieu approximatif de la sépulture du saint; Pyramide
en granit, de 30 pieds de haut, surmontée d'une croix, et dont
ils s'offrirent à payer eux-mêmes la dépense !
Toutes ces constructions étant terminées, on en fit la
Bénédiction, à laquelle bon nombre d'Européens, résidant à
Canton, Hong-Kong et Macao, témoignèrent le désir d'assister,
s'y rendant en vapeur, comme aussi les Habitants de l'île
eux-mêmes voulurent y prendre part, apportant solennellement ces
6 Porcs, rôtis dune seule pièce et environnés de fleurs, qu'ils
présentaient comme un témoignage de leur participation à la fête
: démonstration qui frappa si vivement les étrangers, et eu
particulier les Anglais, qui en étaient témoins, que le Grand
Juge de Hong-Kong m'adressant la parole devant tout le monde :
Monseigneur, me dit-il, c'est le plus beau succès que tout
puissiez espérer, et quoique Protestant, je vous en fait mon
compliment bien sincère ! Enfin, au jour de notre arrivée dans
l'île, au milieu de cette population de 3 mille habitants, n'y
trouvant pas un seul chrétien, aujourd'hui nous comptons plus de
300, et tout nous fait espérer que leur nombre ne fera que
s'augmenter à l'avenir.
D. Oh ! Oui, voilà de beaux résultats, et qui montrent bien la
protection du glorieux saint François-Xavier sur vous et sur la
Mission; mais avec les Écoles et les Chapelles, vous avez
surtout l'Eglise de Canton, dont on dit des merveilles ? En
prononçant ces dernières paroles, Sa Sainteté aperçoit à ses
côtés deux Évêques étrangers qui avaient à lui parler, et alors
interrompant la conversation, voici, dit le Saint-Père, deux
Evêques auxquels il faut que je dise deux mots, mais le Cardinal
Préfet de la Propagande continuera les interrogations, et
aussitôt s'approchant de moi et d'un ton un peu malin, eh !
bien, me dit Son Eminence, votre Église est donc une merveille ?
Eglise de Canton.
Eminence ! Sans que ce soit aussi beau qu'on veut bien le dire,
cependant dans une ville d'un million d'habitants, capitale
d'une province de 30 millions, où l'on voit de belles et grandes
Pagodes, et qui venait de tomber au pouvoir des armées
Françaises, il fallait bien que là aussi il y eût un Temple
chrétien, qui fit honneur à la France, mais surtout qui montrât
la gloire et la puissance du Très-Haut aux yeux de ces pauvres
Payens, prosternés aux pieds de leurs Idoles. Et c'est ce qu?
j'ai taché de réaliser avec le secours de la divine Providence,
qui a bien voulu nous aider d'une manière spéciale dans
l'exécution de ce projet.
Et, en effet, lors de mon premier voyage en France, en 1857, au
moment de la guerre Franco-chinoise, ayant exposé ces vues à
l'Empereur Napoléon, et reçu de sa munificence impériale la
somme 500 mille francs à consacrer à cette oeuvre et à prendre
sur l'indemnité chinoise, ayant aussi reçu un subside spécial de
la Propagation de la Foi et delà Sainte-Enfance, puis quelques
dons des Fidèles et une bonne Bénédiction de Pie IX, avec ces
secours temporels et spirituels, où apparaît si visiblement le
doigt de Dieu, nous avons bâti une Eglise ogivale et en granit,
qui, sous bien des rapports, peut être comparée à
Sainte-Clotilde de Paris, si elle n'est pas plus grande, ayant
une belle façade, 2 tours, 3 nefs, 12 chapelles latérales, et
mesurant 300 pieds de long sur 100 pieds de large et 40 pieds
d'élévation sous voûte : Eglise placée sous le vocable du
Sacré-Coeur, et environnée du respect de nos chrétiens et même
des Payens, qui aiment à y recourir dans leurs besoins, et qui,
souvent, y reçoivent la récompense de leur confiance on Dieu (2)
!
D. Voilà qui est bien beau en soi, et bien consolant pour vous !
Mais vous avez sans doute rencontré bien des difficultés dans
l'exécution de ce projet ?
Difficultés à surmonter.
R. Oui ! Eminence ! Dans les commencements surtout, les
difficultés se présentaient en si grand nombre et avec un
caractère si grave, que l'entreprise généralement était regardée
comme une oeuvre téméraire et même impossible; mais, enfin, Dieu
aidant, nous avons pu en venir à bout !
Ainsi, il nous fallait : 1° une bonne Somme d'argent, que j'ai
pu recueillir, comme on l'a vu plus haut !
Il nous fallait, en 2e lieu, un Emplacement convenable : chose
difficile à obtenir dans une ville d'un million d'habitants et
toute payenne. Mais, les derniers traités, passés entre la
France et la Chine, nous autorisant à réclamer les anciens
terrains, enlevés jadis à la Religion chrétienne au temps des
persécutions, j'ai pu en indiquer un certain nombre, placés dans
ces conditions. Et, d'une autre part, comme au temps de la
dernière guerre avec la France, en 1857, l'ancien Palais du
Vice-Roi à Canton avait été complètement détruit, et était
regardé comme un terrain néfaste, parce que sur lui était tombée
la 1re bombe, lancée sur la ville, c'est aussi celui que je
demandai comme compensation de tous les autres, et que les
Autorités Chinoises nous accordèrent, afin de faire retomber sur
nous la Malédiction, dont il avait été frappé; malédiction, que
nous recevions bien volontiers, et qui nous valait un magnifique
emplacement, situé au centre même de la ville, et comprenant un
espace de mille pieds de long sur 600 pieds de large !
Il nous fallait, en 3e lieu, des Plans et un Architecte pour les
exécuter. Aussi, dans mes différents voyages en Europe,
examinant avec soin toutes les Eglises gothiques qui se
construisaient, et prenant dans chacune les différentes parties,
qui me paraissaient mieux convenir à l'exécution de notre
projet, j'en fis faire un plan, que je présentai à M.
Violet-le-Duc,un de nos premiers architectes de France, dont je
voulais avoir le sentiment, et qui l'approuva en entier, Puis,
pour son exécution, nous eûmes successivement deux autres
architectes, aussi français, M, Humbert, de Nancy, et M.
Hermite,dc Paris, qui perfectionnèrent encore les plans, et
conduisirent l'oeuvre au point où elle se trouve aujourd'hui.
Il nous fallait, en 4e lieu, un certain nombre d'Ouvriers, et
nous eu avons eu jusqu'à 300 et plus à la fois, tous ouvriers
Chinois et Payens, et qui, par conséquent, demandaient de notre
part une attention et une surveillance spéciale. Or, les
traitant convenablement et avec bonté, nous avons pu, non
seulement en tirer bon parti, mais encore les instruire des
vérités de notre sainte Religion, et pour la plupart les faire
entrer par le baptême dans le giron de la sainte Eglise !
Et, 5e enfin, il nous fallait des Matériaux, c'est-à-dire des
Pierres de granit, que nous prenions sur les bords de la mer, en
des lieux déserts et à 40 lieues de Canton. Mais, après 1 an
d'une exploitation tranquille, un jour le Vice-Roi de la
Province me fait savoir, que des ordres venus de Péking me
défendent désormais de prendre aucune pierre en ce lieu,
ajoutant qu'il ne peut rien changer à cette mesure, et de là la
nécessité pour moi d'aller jusqu'à la Capitale da
Céleste-Empire, à 300 lieues de Canton, pour y traiter cette
grave difficulté.
Là, le ministre plénipotentiaire français refusant de se charger
de cette question, et me disant que tout ce qu'il pouvait faire
pour moi, était de me donner son secrétaire, pour me présenter
au Conseil des Ministres, où j'aurais moi-même à défendre notre
cause, il fallait bien, bon gré, mal gré, se soumettre à une
semblable décision.
Conduit au Palais impérial, en présence des cinq grands
Mandarins de l'Empire « Grand Maître de la Religion chrétienne,
me dit l'un d'eux, déjà nous connaissons le motif qui vous amène
dans cette ville, mais sachez aussi que vous n'avez aucun droit
à la chose que vous venez demander, et Nous aucune obligation à
l'accorder ! »
La réception était peu gracieuse et l'assertion complètement
fausse, puisque dans les traités passés entre la France et la
Chine, se trouve un article concernant les constructions que les
Européens auront à élever dans l'intérieur de l'Empire et les
matériaux que les Chinois devront leur fournir. J'aurais pu le
rappeler à nos grands Diplomates, mais une autre idée se
présentant à moi, et me paraissant venir d'en Haut, je la leur
exposai de suite.
'Grands Hommes, leur dis-je, si je n'ai aucun droit à la chose
que je viens demander, ce que je n'examine pas ici, au moins
qu'il me soit permis de vous citer un fait, qui se passait
naguère dans la ville de Canton, et qui vous expliquera la
confiance, avec laquelle, aujourd'hui, je me présente devant
Vous !
D. Oui! Parlez!
R. « Il y a 2 ans, lorsque les Rebelles, au nombre de 20 mille,
sont venus assiéger la ville de Canton, et l'ont tenue cernée
pendant 6 mois, ils ont fait leur possible pour m'attirer dans
leur parti, sachant bien qu'avec l'Évêque, ils auraient tous les
Chrétiens de la Province et bon nombre d'Européens résidant dans
le pays ! Or, non seulement j'ai repoussé toutes les
propositions qu'ils me faisaient, mais encore envoyant une
circulaire à tous nos Chrétiens, je leur ai rappelé l'obéissance
qu'ils devaient au chef de l'Empire, comme au représentant de
Dieu à leur égard, leur défendant d'avoir aucun rapport avec les
Rebelles, et je puis dire, qu'en
réalité, ils ont été fidèles à l'ordre que je leur donnais.
Maintenant, après celle marque de fidélité et de dévouement de
ma part, qui, je crois, n'a pas été inutile à la cause
impériale, c'est à vous, Grands Hommes, de voir si, aujourd'hui,
vous voulez me permettre de prendre sur les bords de la mer
quelques pierres inutiles, afin d'élever au Vrai Dieu, au Dieu
du Ciel et de la Terre, un Temple, qui sera, en même temps, une
Bénédiction pour tous, pour vos familles et pour tout l'Empirer
? »
J'achevais à peine ces mots que le Ministre du Commerce,
chuchotant quelques paroles à voix basse : Mais, c'est un brave
homme, dit-il, que cet homme-là ! Nous ne pouvant lui refuser la
permission qu'il a si bien méritée, et qu'il tient chercher de
si loin! Et alors, après quelques moments de délibération, d'une
voix unanime, m'est accordée l'autorisation que je demandais, et
qui produisit la meilleure impression, non seulement sur nos
Chrétiens, mais encore sur les Payens de la Province, fort
curieux de connaître le résultat de mon voyage, et qui, en cela,
virent une nouvelle marque de la protection du Ciel sur l'Eglise
qui se construisait. A Dieu, et à Dieu seul en soient l'honneur
et la gloire, et qu'il soit également béni de toutes les
difficultés et de toutes les peines que nous rencontrâmes dans
l'exécution de cette belle et grande entreprise !
D. Tout cela est fort intéressant, et montre bien l'assistance
particulière du Ciel; mais aujourd'hui cette belle Eglise
est-elle complètement achevée, et où en êtes-vous à cet égard ?
Achèvement de l'Eglise.
B. Éminence ! Si l'on considère les grands travaux de
construction, comme la Maçonnerie, les Voûtes, les Tours et la
Toiture, on peut regarder l'ouvrage comme terminé. Mais au point
de vue de l'ornementation, il lui manque plusieurs choses encore
qui doivent en faire le complément, et qu'il faudra bien tôt ou
tard, y ajouter, comme un Portail en face de l'Eglise, des
Vitraux, des Cloches et une Horloge.
D. Et que désireriez-vous pour ces différents objets ?
Portail.
B. D'abord pour le Portail, l'Eglise étant construite dans le
genre ogival cl avec des pierres de granit, il faudrait
également en face de l'Eglise Un Portail élevé dans les mêmes
conditions, c'est-à-dire un Portait dans le style gothique, en
granit, à 3 compartiments, et surmonté d'une Croix qui
présenterait le signe adorable de notre sainte Religion à
l'entrée de la propriété!
Et comme l'initiative et le paiement de nos oeuvres viennent en
grande partie du concours de la France, entre le Portail et la
façade de l'Eglise, je désirerais placer une belle et grande
Statue de saint Louis, et en fonte, laquelle serait là comme un
souvenir de la Patrie, et de tout ce qu'Elle fait pour
l'établissement du Christianisme au milieu de ces Contrées
payennes de l'extrême Orient !
Déjà, pour ce dernier objet, c'est-à-dire pour une Statue de
saint Louis, j'ai reçu une promesse importante d'un des
principaux Chefs du gouvernement français, et j'ai tout lieu
d'espérer qu'elle se réalisera fidèlement.
Vitraux.
Pour les Vitraux, l'Eglise devant être dédiée au Coeur adorable
de Notre-Seigneur, et le sanctuaire se terminant par une grande
fenêtre ogivale, ce serait là tout naturellement la place d'une
belle et grande figure du Sauveur, debout, environné de lumière,
et présentant son divin Coeur; puis dans les deux fenêtres
voisines serait représenté un Ange adorateur, le tout dans des
dimensions assez fortes pour dominer tout le sanctuaire, et être
bien vu, si c'est possible, de tous les points de l'Eglise !
Dans les autres fenêtres du Sanctuaire et dans les fenêtres de
la grande nef, nous mettrions simplement des Verres en grisaille
avec une grande Croix rouge au milieu et un pourtour aussi en
couleur rouge, ce qui, je crois, produirait à l'extérieur un
beau coup d'oeil, et à l'intérieur un effet de lumière
remarquable !
Les chapelles des Transepts devant être dédiées, l'une à
l'auguste Mère de Dieu, l'autre à saint Joseph, patron de la
Chine, dans les fenêtres adjacentes se placeraient, d'un côté,
la figure de la Bienheureuse Vierge-Marie, tenant le divin
Enfant entre ses bras, et de l'autre, la figure de saint Joseph,
le conduisant par la main.
Enfin, dans les fenêtres des autres Chapelles viendraient se
ranger les différents sujets, qui doivent naturellement y
trouver leur place suivant la destination de chaque Chapelle,
comme :
1° Saint Michel, Chef de la milice céleste.
2° L'Ange gardien, avec son jeune Pupille à ses côtés.
3° Saint Pierre, Chef de l'Eglise militante.
4° Saint Paul, l'Apôtre des nations.
5° Saint François-Xavier, Patron de la Mission.
6° Saint Louis, Roi de France.
7° Une âme, au milieu des flammes du Purgatoire.
8° Une autre, au moment de sa délivrance et de son départ pour
le Ciel; deux sujets qui nous rappelleraient le souvenir de nos
Parents et Amis décèdes, et également intéressants pour les
Chinois, qui ont un culte particulier pour les Morts !
Et ces différentes représentations, en grandes figures et bien
exécutées, feraient, je crois, une heureuse impression sur nos
Chrétiens, et même sur les Payens, qui, en tout cela, verraient
quelque chose des grandeurs et des beautés de la Religion
chrétienne, si élevées au-dessus des ridicules fictions du
Paganisme !
D. Oui! Tout cela serait fort intéressant en soi, et produirait
sans doute un bon effet sur les Chinois. Mais, la question des
Cloches est-elle aussi facile, et êtes-vous bien rassuré de ce
côté-là ?
Cloches. Horloge. Jacquemard.
A. C'est vrai ! Eminence ! La question des Cloches est une
affaire assez délicate, vu qu'aujourd'hui, à Canton, on ne voit
point encore de grosses cloches se sonnant à la volée, comme en
Europe, et je ne sais quel effet produira sur la population une
nouveauté aussi surprenante que celle-là !
Mais, d'une autre part, comme à Canton, dans cette ville d'un
million d'habitants, il n'y a point encore d'Horloge publique,
donnant l'heure à la population, si nous en établissions une
dans ce but et ces proportions, ce serait bien le plus grand
service rendu aux habitants, et par là même, j'en suis persuadé,
la plus grande garantie que nous puissions donner à nos cloches,
qui se trouveraient ainsi sauvées en contribuant au bien public
!
Déjà pour cette oeuvre, nous avons un beau Canon, pris sur un
navire de pirates, et qui m'a été donné pour cet objet par un
Amiral français passant par Canton; canon en cuivre, pesant 8
mille kilos, et qui envoyé en France, paiera une bonne partie du
prix de l'Horloge !
Enfin, Eminence ! Que votre bonté veuille bien me permettre ces
détails, si avec les Cloches et une Horloge nous avions un
Jacquemard, ou automate sonnant les heures, puis avant et après
faisant une profonde inclination à la population, comme on en
voit dans plusieurs villes d'Europe, ce serait bien la merveille
du pays, un sujet de curiosité pour tous nos Chinois, qui ne
pourraient se lasser de l'admirer, et le plus beau couronnement
que nous puissions mettre à toutes nos oeuvres!
Alors, un petit éclat de rire se manifestant dans rassemblée :
Eh! bien, oui, dit le Cardinal Préfet, voilà qui est bien
trouvé, et qui ne peut manquer de produire le bon effet que vous
en attendez! Dieu soit béni de cette heureuse invention, que je
vous engage à mettre à exécution, et alors l'Eglise de Canton
apparaîtra dans toute sa splendeur et sa gloire !
Mais, avec une Eglise pour réunir les Chrétiens pendant leur
vie, il faut bien également un Cimetière, pour recevoir leur
dépouille mortelle après leur mort, et déjà, sans doute, vous
avez pu vous occuper de ce point de la liturgie catholique !
Cimetière.
B. Oui ! Eminence ! Le culte des morts étant une chose sacrée en
Chine, c'était pour nous une raison de plus de donner une
attention spéciale à ce point du culte catholique. Or, nos
anciens Chrétiens possédant jadis à une demi-lieue de la ville
un vaste Cimetière, qui leur avait été enlevé au temps des
persécutions, j'ai pu, pendant la dernière guerre de la France
avec la Chine, le réclamer, l'agrandir, l'environner d'une haie
et de grands arbres, et en former une petite Vallée qui,
aujourd'hui, n'a pas moins de 3 mille pas de circonférence.
A l'entrée s'élève un beau Portail en granit, à trois
compartiments, et surmonté de la croix ; au centre, un Monument
érigé à la mémoire de nos soldats français morts à la prise de
Canton, et pour l'érection duquel j'ai obtenu de notre
Gouvernement la somme de 25 mille francs : monument ogival et en
granit, composé d'une base, de 4 colonnes, d'une flèche, et
présentant à l'intérieur un bel Ange en fonte, de 8 pieds de
haut, lequel d'une main montre le Ciel, et de l'autre dépose une
couronne sur les restes dont il est le gardien.
A l'extrémité de la vallée, se trouve un petit Village
renfermant une Chapelle et 3 ou 4 familles chrétiennes, chargées
de la garde du Cimetière et de la culture de quelques terres
environnantes et appartenant à la mission. Enfin, chaque année,
à la fête des Morts, il se forme en ce lieu une réunion de 3 ou
4 cents Chrétiens, et d'une centaine de Payens, qui viennent
honorer les restes de leurs Parents défunts. On y célèbre la
messe eu plein air : puis il s'y fait une Procession solennelle,
qui parcourt toutes les allées de cette pieuse enceinte, et je
ne saurais dire combien cette cérémonie, exécutée avec piété et
recueillement, produit une bonne impression sur tous ceux qui en
sont témoins!
D. Très bien! Nous ne saurions trop nous intéresser au sort de
ces pauvres âmes, qui n'attendent souvent qu'un souvenir de
notre part pour leur délivrance, cl qui seront éternellement
reconnaissantes de ce que nous aurons fait pour elles ! Mais, au
milieu de tout cela, nous n'avons pas encore vu le lieu de votre
Demeure, et nous ne savons pas en quoi elle consiste. Dites-nous
donc un dernier mot à cet égard.
Demeure des Missionnaires.
B. Eminence ! Possédant dans la ville de Canton le beau et vaste
terrain qui nous a été cédé au temps de la dernière guerre,
l'ancien Palais du Vice-Roi, c'est là tout naturellement que se
trouvent notre habitation et les différents établissements que
nous avons élevés. Mais, comme tout ne peut pas se faire à la
fois, notre Demeure n'est encore qu'un pauvre hangar, à demi
ruiné et exposé à tous les vents ; ce qui, du reste, produit un
très bon effet sur les Chinois et sur les Européens, qui voient
que nous ne venons pas en Chine pour nous, mais bien pour un but
plus élevé et plus digne de nos efforts. Aussi, un jour, le
Gouverneur anglais de Hong-Kong, Mac Donald, venant me voir dans
ma chambre, comme je lui faisais mes excuses de le recevoir en
un lieu si pauvre et si peu digne de lui, c'est-à-dire sur la
terre nue, sous la tuile, et avec un siège en bambous s Non, mon
cher Évêque, me dit-il, en me frappant familièrement sur
l'épaule, ne me faites pas d excuses pour cela. J'aime bien vous
voir ainsi, Vous, l'Apôtre de la Vérité, ne venant dans ces pays
lointains que pour y répandre la connaissance du vrai Dieu, et
méprisant tout le reste; je voudrais bien pouvoir en dire autant
de nos Ministre Protestants!
D'autre part, comme il faut bien pourvoir à la santé des
Missionnaires, quand nos grands travaux seront achevés, alors
pour nous aussi, nous tâcherons d'élever une Demeure suffisante,
convenable, mais toujours en rapport arec la simplicité et la
pauvreté qui doit être le partage des Ouvriers évangéliques.
D. Oui! Voilà qui est rien voir les choses ! Mais, en
entreprenant ces nouveaux travaux, n'avez-vous pas à craindre
l'opposition du Gouvernement chinois, et aujourd'hui où en
êtes-vous à cet égard?
Dispositions actuelles du Gouvernement.
Eminence ! Depuis les derniers traités passés entre la France et
la Chine, nous jouissons bien d'une certaine liberté, que nous
n'avions pas précédemment, surtout dans les villes de Péking,
Chang-Hay et Canton, où résident des Consuls européens. Mais, en
général, les Chinois sont toujours fort opposés à l'introduction
du Christianisme dans l'Empire, et, dès lors, il faut que
nous-mêmes, dans l'exercice de notre ministère, nous mettions
toute la prudence et la discrétion possibles. Pour moi, en
particulier, un de mes premiers soins, à Canton, est
d'entretenir de bons rapports avec le Vice-Roi, chaque année, au
1er jour de l'an chinois, lui envoyant un petit présent, comme
un Fusil double et à piston, un revolver à 6 coups, une Canne à
épée, une Montre en or et à répétition, un Réveille-matin, une
Lanterne magique, une Machine pneumatique, un Télescope, un
Microscope, une douzaine de Services d'argent, enfin quelques
Bouteilles de liqueur fine ou de Champagne, qu'on fait sauter
avec bruit, toutes choses qui sont toujours bien reçues, et qui
portent la joie chez les Mandarins et dans leur entourage !
Je tâcherai également, et dans toutes les circonstances, de
témoigner au Vice-Roi toute la considération et les égards qu'il
peut attendre de moi. Un jour, par exemple, traversant la ville
de Canton en palanquin, et l'entendant venir lui-même dans le
sens opposé, porté par huit hommes et précédé du Tam-tam et des
gongs chinois, je suis assez embarrassé an sujet de la conduite
que je dois tenir, ne sachant pas si je dois rebrousser chemin,
ce qui serait une sorte de défaite et une honte aux yeux des
Chinois, ou bien aller de l'avant, ce qui pourrait froisser le
grand Homme, et l'indisposer contre moi. Dans cette impasse, je
me recommande à mon bon Ange, puis, poursuivant ma course
jusqu'à 20 pas en avant du grand Mandarin, là je mets pied à
terre, et je vais droit à Son Excellence, que je salue par une
profonde inclination, répétée trois fois, selon l'usage du pays.
Or, touché de cette marque publique de déférence de ma part, le Vice-Roi fait aussi arrêter son palanquin, me sourit
agréablement, et me présente la main, pour me saluer à
l'européenne, comme je l'avais salué à la manière chinoise;
toutes choses qui furent bien remarquées de la foule des
passants, et qui produisirent une bonne impression en notre
faveur !
Néanmoins, malgré la teneur des Traités et ces attentions de
notre part, il n'est pas d'année où nous n'ayons à déplorer
quelque acte de violence exercé contre les chrétiens ou les
objets de notre sainte Religion. Ainsi, l'année dernière, nous
avons vu brûler ou renverser une vingtaine de Maisons qui
servaient au culte religieux, et où nos pieux Néophytes se
préparaient à la réception du saint Baptême. Mais, enfin, ce
sont de ces misères auxquelles il faut bien s'attendre au milieu
de ces Contrées payennes, et si nous ne pouvons pas les éviter
entièrement, au moins nous tâchons d'en diminuer le nombre
autant que possible, sans jamais nous décourager !
Dans ce moment, Sa Sainteté revenant à Nous, eh! bien, me
dit-Elle, malgré les difficultés que vous avez rencontrées et
que vous rencontrerez encore, on peut dire néanmoins que l'état
de la mission est satisfaisant : le bien s'y fait, les
conversions s'y multiplient, des Chapelles et des Eglises s'y
construisent pour honorer le vrai Dieu et maintenir la foi et la
piété dans le coeur des Fidèles, et enfin, il s'y forme un
clergé indigène, pour donner des Prêtres à ces immenses
populations et continuer le bien commencé : toutes choses qui
démontrent un secours spécial de la divine Providence, et qui
demandent de notre part toute la reconnaissance que nous pouvons
lui témoigner!
B, Oui ! Très Saint-Père ! Je le comprends ; naturellement et de
nous-mêmes nous ne pouvions pas faire ce qui a été fait dans la
mission, il nous fallait pour cela une assistance particulière
du Ciel, et je remercie l'Auteur de tout bien d'avoir bien voulu
nous l'accorder, Mais, maintenant il nous faudrait une
Bénédiction nouvelle pour l'avenir, Bénédiction, qui confirme le
bien déjà fait, et nous donne la force d'entreprendre
courageusement celui qui reste à faire ! Bénédiction pour nos
bons Chrétiens et nos pauvres Payens de la Chine qui en out un
si grand besoin ! Bénédiction pour tous les Confrères de la
Mission qui travaillent avec tant de dévouement à la propagation
de l'Evangile au milieu de ces pays infidèles ! Bénédiction pour
nos parents, amis et bienfaiteurs, qui nous aident si
puissamment dans cette oeuvre de salut! Bénédiction enfin pour
moi, qui me ramène au sein de ma Mission, pour y continuer
jusqu'au bout le travail commencé ! Et cette bénédiction, Très
Saint-Père, qu'il me soit permis de la demander aujourd'hui
même, par l'intermédiaire de Votre Sainteté et passant par ses
mains sacrées. Et alors, je n'aurai qu'à remercier Votre
Sainteté de toutes ses bontés, et à me féliciter de ce voyage de
Rome, qui me rappelle celui que je fis pour la première fois, en
1857, et qui laissera également de si précieux souvenirs dans
mon esprit et dans mon coeur!
Bénédiction du Saint-Père.
Oui ! Cher Evêque ! Accédant aux voeux que vous m'exprimez en ce
moment et avec tant de coeur, je prie le Seigneur de bénir, et
je bénis moi-même, en son nom et de sa part, cette Mission, qui
m'en parait si digne, ces chers Missionnaires qui y travaillent
avec tant de zèle et de dévouement, leurs pieuses Familles, qui
font un sacrifice si pénible et si long, en s'en privant pour
toujours, ces nouveaux Chrétiens si intéressants et si fidèles,
la belle oeuvre de la Propagation de la Foi et celle de la
Sainte-Enfance, les Personnes qui, en Europe, vous aident si
puissamment du concours de leurs prières et de leurs généreuses
charités, et, en particulier, cette multitude innombrable de
Payens, qui croupissent encore dans les ténèbres du Paganisme,
afin qu'ils ouvrent les yeux à la lumière de la vérité, et
reconnaissent le souverain Maître de toutes choses ! Mais
surtout. Seigneur, bénissez ce cher Evêque-Missionnaire, qui
nous donne une preuve si touchante de son dévouement, en
retournant au milieu de ces contrées loin! Unes. Ayez pour
agréable ce qu'il fait dans ces pays payens, pour y répandre la
connaissance de votre saint Nom : bénissez ses oeuvres, et, en
particulier, cette Eglise élevée avec tant de peines et tant de
soins ! Et enfin, après vous avoir servi fidèlement sur la
terre, puissions-nous tous un jour aller recevoir de vos mains
divines la récompense promise au serviteur fidèle, et qui sera
l'accomplissement de la belle devise, qui préside aux destinées
de la mission de Canton s In morte vita !
Conclusion
Alors, tous s'agenouillant reçurent pieusement la bénédiction du
Chef de l'Eglise, et ainsi se termina cette séance, qui, en nous
montrant l'extrême bienveillance du Souverain Pontife, a été
pour nous tous une vraie consolation pour le passé, et sera
encore, nous l'espérons, un puissant encouragement pour
l'avenir. Puissions-nous en profiter, pour continuer avec ardeur
l'oeuvre commencée, et répandre de plus en plus la connaissance
du vrai Dieu au milieu de ces pays payens; oeuvre si digne de
tous nos efforts et du concours des fidèles qui veulent bien
nous aider, à qui nous en offrons nos bien sincères et
religieuses actions de grâces, et qui, un jour, en recevront
l'éternelle récompense avec nous !
Un missionnaire de Canton, assistant à la séance, et avec
approbation de l'Evêque de la Province.
Vu et approuvé par nous,
ZÉPHIRIN GUILLEMIN, Ev. Miss.
Kouang-Tong (Canton)
Chine.
ETAT COMPARATIF
DE LA MISSION DU KOUANG-TONG, CANTON (CHINE)
En 1848
1. Evêque à Macao 1
2. Anciens Prêtres Chinois 1
3. Jeunes Prêtres Chinois 0
4. Catéchistes 0
5. Nombre de chrétiens 4,000
6. Séminaire avec 8 élèves 1
8. Eglise à canton 0
9. Orphelinat de petits Garçons 0
10. Orphelinat de petites filles 0
11. Chapelles dans la Province 8
12. Ecoles de Garçons dans la Province 4
13. Ecoles de filles 0
14. Cimetière à Canton 0
15. Cimetières dans la Province 4
16. Tombeaux près Canton 0
17. Baptêmes d'Adultes 30
18. Baptêmes d'Enfants exposés 160
19. Nombre de confessions Inconnu
20. Nombre de communions Inconnu
En 1881
Evêques à Macao 2
Missionnaires Français 34
Jeunes Prêtres Chinois 5
Catéchistes soldés par nous 50
Nombre de chrétiens aujourd'hui 26,000
Séminaires 1 à Canton, 1 à Pinang (50 élèves) 2
Ancien Palais du Vice-Roi (mille pieds de long, 600 de large) 1
Grande Eglise ogivale 1
Orphelinat avec 120 petits Garçons 1
Orphelinat avec 60 petites filles 1
Chapelles A Sancian 2, ailleurs 110 112
Ecoles de Garçons 70
Ecoles de filles 20
Cimetière à Canton - Grande vallée à ½ lieue de Canton (3 mille
pas de circuit) 1
Cimetières dans la Province, aujourd'hui 10
Grand Terrain pour Villa 1
Baptêmes d'Adultes en l'année 1881 1,262
Baptêmes d'Enfants exposés en l'année 1881 4,324
Nombre de confessions en l'année 1881 41,300
Nombre de communions en l'année 1881 40,108
NOMS DES MISSIONNAIRES
ACTUELLEMENT EMPLOYÉS LA MISSION DE CANTON
Diocèse Année de départ
Evêque : Mgr GUILLEMIN, Philippe-Franç,-Zéphirin, Evêque de
Cybistra en 1837. Besançon 1848
Coadjuteur : Mgr CHAUSSE, Augustin, évêque de Capse en 1880 Le
Puy 1862
Pro-préfet : M. BÉAL Antoins Clermont 1849
Missionnaires : MM. BERNON André Bordeaux 1849
JACQUEMIN, Charles-J.-Bapt. Nancy 1851
CHAGOT, Michel-Gaspard Limoges 1851
DELSAULT, Jacques Cahors 1858
GOUTAGNY, Fleury Lyon 1859
MOUROUX, Charles.M.-L. Orélans 1863
HOUERY, Victor-Jean Nantes 1863
VERCHERE, Jean-M.-Ph Autun 1863
GERARDIN, Joseph Nancy 1863
DEJEAN, Jean-Fr.Joseph Lyon 1867
BOUSSAC, Jean-G.-Jul.-M. Albi 1868
BAROIS, Louis-Octave Poitiers 1869
GRIMAUD, Avit-Ad.-A, Gap 1870
GENOUD, Marie-Jos.-Fr. Annecy 1870
MIIOUX, Emile-Alphonse Grenoble 1872
GUILLAUME, Charles-Al. Nancy 1872
BERTHON, Jean-Bapt.Erm. Poitiers 1872
GAUTHIER, Jean Auntun 1873
DENIS, Dominique-Jules Angers 1873
SORIN, Henri Nantes 1874
CODIS, Antoine.-J.-Val. Rodez 1874
DELETRAT, Piere-Casimir Annecy 1875
TEURTRIE, Hules Coutances 1875
BRUGNON, Eugène-Charles Reims 1876
GRANDPIERRE, Jos. Alb.-A. Besançon 1876
HERVEL, Donatien-M.-Tous. Nantes 1876
FERRAND, Auguste-P.-V.-Fl. Mende 1876
VACQUEREL, Henri-Constant Bayeux 1878
SERDET, Léandre-Félix Besançon 1879
LAURENT, Ferdinand-Henri Paris 1880
FLEUREAU, Désiré Louis Orléans 1881
MEREL, Jean-Marie Nantes 1881
LANOUE, Auguste-Joseph Besançon 1881
NOUVELLES OEUVRES A ÉTABLIR
I. Achèvement de l'Eglise,
Comprenant 1° les Autels, 2° Les Vitraux, 3° Cloches, et
4°Horloge
II. Grand Portail en faon de l'Eglise,
Genre ogival, à 3 compartiments, avec une Croix au sommet
III. Érection d'un Séminaire.
A côté et en avant de l'Eglise, pouvant contenir de 60 à 80
Elèves, avec une imprimerie chinoise dirigée par les élèves.
IV. Maison pour les Missionnaires,
A côté de l'Eglise et faisant face au Séminaire.
V. Chapelle du Cimetière,
Chapelle ogivale, à placer au centre de la vallée.
VI.. Chapelle de Pèlerinage,
En l'honneur de la Sainte Vierge, à 3 ou 4 lieues de Canton.
VII. Petite Maison de campagne,
A Provana, à une lieue de Canton.
Nota. - Déjà les cloches sont fondues et en grande partie payée
avec un Canon qui nous a été donné par un amiral français à
Canton et vendu 10 mille francs. J'ai reçu aussi de notre
Gouvernement la promesse d'une statue de Saint-Louis, en fonte,
de 6 pieds de haut, à mettre en avant de l'Eglise. Les autres
oeuvres se feront également, je l'espère, avec le secours de la
divine providence, et formeront ainsi les principaux fondements
de la Mission.
Nunc et in posterum Deus nos benedicere velit
Sicut antea benedicere dignatus est !
(1) Bien des personne me
demandant une vue ou seulement un croquis de l'île de Sancian,
dans une de mes courses dans ce pays, j'ai pu tirer le plan et
en faire faire une photographie, représentant les principaux
points de l'île avec les constructions que nous y avons élevées
et le procession des procs sacrés : photographie qui donne une
idée assez juste du pays, et dont une des premières feuilles
revenait tout naturellement à celui qui nous envoie et de qui
nous tenons tous nos pouvoirs.
(2) Comme on vient de le voir plus haut, la construction de
l'Eglise de Canton est due en grande partie aux libéralités de
l'Empereur Napoléon III, et dès lors c'était un devoir pour moi
de lui en témoigner ma reconnaissance. Aussi, après la prise de
Canton par les troupes françaises, ayant pu me procurer le
Brûle-parfums, où la veille même, le vice-roi avait offert un
dernier sacrifice à ses dieux, j'ai cru devoir en faire
l'acquisition, affin de l'offrir à sa Majesté comme une pièce
capable de l'intéresser. Composé d'un grand bassin, posé sur
quatre pieds, puis surmonté de quatre colonnes et d'un petit
clocheton, qui s'élève à la hauteur de 4 mètres, le tout en
fonte et entremêlé de moulures habilement travaillées, c'est un
ouvrage qui, avec des formes gracieuses, présente un genre
complètement chinois, et qu'on ne trouverait pas ailleurs.
J'ai également envoyé à sa Majesté l'Impératrice une vie des
environs de Canton, faite en filigrane d'argent et représentant
un jardin chinois avec une tour, une pagode à ses pieds, une
nappe d'eau, des oiseaux et des fleurs, le tout formant un
paysage curieux, et dont Leurs Majestés voulurent bien me
remercier, me disant gracieusement que placés au musée de
Versailles, c'étaient deux des plus beaux objets de cette riche
collection. Au moins pour moi c'était un devoir de
reconnaissance à remplir envers Leurs Majestés et j'étais
content d'avoir pu m'en acquitter le moins mal possible !
De Paris au Tibet
: Notes de voyage
Francis Garnier
1882
Les Missionnaires catholiques
d'aujourd'hui sont sans doute bien loin des Jésuites du siècle
dernier. On peut regretter que leur nombreuse phalange n'ait
produit que fort peu de travaux comparables à ceux des savants
prédicateurs anglais ou américains. On leur reproche une
préoccupation de dominer, une tendance fâcheuse à se mettre en
dehors et au-dessus des lois et des moeurs du pays qu'ils
habitent, dont la preuve la plus frappante est leur zèle à bâtir
de hautes cathédrales, chez un peuple qui attribue aux
constructions élevées les influences les plus malfaisantes (1).
Ce n'est point ainsi qu'il faut traiter les préjugés d'une
nation de 400 millions d'âmes. Les excès de zèle, dont se sont
rendus coupables les Missionnaires catholiques, ont été
habilement résumés, exploités et travestis dans un document
diplomatique rédigé par le gouvernement chinois à la suite du
massacre de Tien-tsin. M. Gicquel en a reproduit de nombreux
passages. Le fait le plus grave reproché par le mémorandum aux
Missions catholiques, c'est la conversion au christianisme d'une
bande de voleurs qui aurait pu, grâce au baptême, échapper à un
châtiment légal et mérité. Il va sans dire que cette accusation
ne repose sur aucune donnée sérieuse (2). Il en est de même du
plus grand nombre des griefs imputés aux Missions. Fondées au
point de vue européen, ces accusations sont absolument injustes
et fausses au point de vue chinois. Rédigées par la main d'un
étranger, elles ont été habilement calculées pour faire
impression sur des lecteurs français.. Il ne serait, par
exemple, jamais venu à la pensée d'un Céleste de faire un crime
aux évêques d'intervenir auprès des mandarins dans toutes les
affaires où se trouvent mêlés des chrétiens indigènes. La
solidarité qui unit en Chine tous les membres d'une corporation
ou d'une communauté est à la fois dans la loi et dans les moeurs
: on ne peut y échapper. C'est un contre-poids indispensable à
la corruption et à la vénalité des juges ; elle contribue
puissamment à maintenir la sécurité publique, à assurer l'équité
des transactions. Dans une pareille civilisation, le prêtre
manquerait à son devoir s'il se refusait à faire pour ses
ouailles ce que le maître d'école fait pour ses élèves, ce que
le patron fait pour ses ouvriers.
Et que sont d'ailleurs les agissements excessifs de nos
Missionnaires au prix du crime de l'opium que les Anglais
éclairés condamnent aujourd'hui et dont leur commerce continue
pourtant à profiter ? Que sont ces fautes, réelles parfois, je
l'avoue, mais si grossièrement et si visiblement amplifiées, en
comparaison de certains actes du commerce européen cités au
commencement de cette étude.
En résumé, les Missions catholiques font un bien considérable
que proclament leurs adversaires eux-mêmes. C'est surtout dans
l'intérieur du pays, loin des souvenirs irritants laissés par
les dernières guerres, que l'on peut apprécier l'heureuse action
qu'elles exercent. Tous les voyageurs qui ont pénétré en Chine
leur rendent hautement ce témoignage. Quant à moi, je me suis
toujours retrouvé avec le plaisir le plus vif au sein de ces
chrétientés qui font à l'étranger un accueil si bienveillant, et
au milieu desquelles on respire une atmosphère dégagée des
pratiques puériles de la vie chinoise. C'est comme une aurore de
civilisation européenne qui commence à éclairer le vieux monde
oriental et prélude à son rapprochement avec le nouveau monde de
l'Occident. Le bon accord qui règne presque partout entre les
pasteurs de ces petits troupeaux et les autorités locales,
l'empressement que les agents du gouvernement mettent à réclamer
le concours des Missions dans les circonstances difficiles,
étonnent et charment à la fois. C'est le nom de la France qui
est surtout connu des mandarins chinois et aimé des chrétiens
indigènes. Pékin nous en fait un crime. Pourquoi ne comprend-il
pas qu'en entrant franchement dans les voies de la civilisation
il transformerait cette influence et ferait des Missionnaires
les plus solides auxiliaires du gouvernement central ?
Et, en défendant cette opinion, nous sommes cependant bien loin
de partager les espérances religieuses qui soutiennent dans les
pays lointains les apôtres du christianisme. Nous ne croyons pas
à la conversion de la Chine et nous considérons du reste comme
inutile d'en poursuivre la réalisation. Le sentiment religieux
est une faculté qui manque au peuple chinois. Il n'est
accessible qu'à des considérations d'intérêt matériel. Nous
n'avons jamais rencontré chez lui ce fanatisme que M. Gicquel
représente comme surexcité par la prédication d'une croyance
nouvelle. La métaphysique et le dogme laissent le Chinois
profondément indifférent. Absorbé tout entier par la lutte
acharnée de l'existence, par la préoccupation toujours
renaissante du lendemain, éternel souci de sa nation laborieuse,
il ne cède qu'exceptionnellement aux considérations d'un ordre
plus élevé. Mais, si les doctrines chrétiennes n'ont pas grande
chance de se répandre et de germer dans le pays de Confucius,
ceux qui les prêchent ne rendent pas moins les plus signalés
services à la cause de la civilisation européenne en en faisant
connaître l'étendue et apprécier la portée.
(1) Parmi les
dissentiments les plus graves qui se soient élevés entre le
gouvernement chinois et la légation de France, plusieurs n'ont
pas eu d'autres motifs que l'érection par les Missionnaires de
monuments de ce genre. L'Assemblée nationale a voté, il y a
quelque temps, un crédit de 75 000 francs pour l'achèvement de
la cathédrale de Canton. Ce bel édifice, presque entièrement
construit au frais du gouvernement français, témoigne, avec plus
de faste que d'habileté politique, de l'intérêt que la France
porte à la religion. Hors de proportion avec le nombre des
chrétiens de Canton, il est condamné à rester toujours à peu
près vide, défi permanent et inutile aux préjugés d'une populace
particulièrement hostile aux Européens. : Puisse-t-il ne pas
attirer sur les Chinois catholiques et sur nos Missionnaires une
catastrophe analogue à celle de Tien-Tsin !
(Note de l'auteur.)
(2). Voici très en raccourci les événements qui lui ont donné
naissance. On sait qu'à l'intérieur de la province du
Kouei-tchéou vivent des populations indépendantes, désignées
sous le nom générique de Miao-tse. Elles sont, depuis des
siècles, en état de lutte perpétuelle avec le gouvernement
chinois. En 1864, une de leurs bandes, cernée dans les
montagnes, mais dans une situation inaccessible qui la rendait
impossible à réduire, commettait, malgré l'armée chinoise,
d'horribles déprédations. Le commerce de la province souffrait
cruellement. Menaces, promesses d'amnistie, tout avait échoué.
Dans, cette extrémité, le vice-roi eut la pensée d'employer les
Missionnaires comme médiateurs, et il pria M. Vielmon, prêtre
français, qui résidait depuis plusieurs années dans le
Kouei-tchéou, d'aller porter à ces barbares des conditions
acceptables pour les deux parties. La négociation eut un plein
succès. Plus confiants dans la parole du Français que dans les
serments, toujours violés en pareil cas, des autorités
chinoises, les Miao-tse se retirèrent par la route qui leur fut
désignée et renoncèrent à leurs brigandages. M. Vielmon se
servit plus tard de l'influence que lui avait donnée auprès
d'eux la réussite de sa mission pour en convertir un grand
nombre au christianisme. Tel est, dans toute sa vérité, le fait
travesti par le mémorandum. Cela donne la mesure de la bonne foi
de la diplomatie chinoise !
(Note de l'auteur.)
Annales de la
propagation de la foi : recueil périodique des lettres des
évêques et des missionnaires des missions des deux mondes
1883
PREFECTURE APOSTOLIQUE DU
KOUANG-TONG.
Mgr Guillemin, le vrai fondateur de la mission du Kouang-Tong,
fatigué par ses longs travaux, affaibli par l'âge et les
maladies, a été forcé, depuis quelques années, d'aller demander
au climat plus doux de l'Europe une santé qui dépérissait sous
le soleil des Tropiques. Désirant lui venir eu aide, le -
Saint-Siège a nommé pour coadjuteur à l'évêque de Cybistra. Mgr
Augustin Chausse, depuis vingt ans missionnaire au Kouang-Tong.
Quelque temps après son sacre, le nouvel évêque écrivait à MM.
les directeurs de l'OEuvre de la Propagation de la Foi. Cette
lettre résume fidèlement l'état de la préfecture apostolique et
donne des détails sur divers événements dont nous avons
entretenu nos lecteurs. Nous en citons quelques passages :
[...]
« C'est ainsi qu'aujourd'hui la terrible secousse que nous
avions éprouvée est à peu près oubliée. Nous avons repris nos
oeuvres et nos travaux. Le marteau retentit de nouveau au- tour
de nos constructions; l'église de Canton avance toujours, mais
lentement, l'état de nos finances ne nous permettant pas d'aller
plus vite. Voilà vingt ans qu'on y travaille ; il faudrait
encore plus de cent mille francs pour la terminer : les croisées
attendent des vitraux et l'intérieur une ornementation
quelconque. En ce moment, j'essaie de soustraire au vent et à la
pluie les ouvertures supérieures de la grande nef ; c'est un
provisoire qui pourra, je l'espère, résister aux typhons
épouvantables de ces contrées. Quand la fortune viendra, nous
tâcherons de faire quelque chose de plus brillant ; aujourd'hui
nous visons à l'économie et à la rapidité.
« Quand donc les belles cérémonies catholiques pourront- elles
se dérouler dans notre cathédrale ? Hélas, nos charges
s'accroissent avec nos oeuvres, et nos ressources diminuent au
lieu d'augmenter !
La Hiérarchie
catholique en Chine, en Corée et au Japon (1307-1914)
Essai par le Père Joseph de Moidrey, S.J.
1914
Philippe-François-Zèphyrin
Guillemin,, M.E.,
né à Vuillafans, dioc. de Besançon, 16 mars 1814; prêtre, 1839;
entré aux M.E, 1848 ; parti, 9 août 1848 ; arrivé à Canton, 12
oct. 1849 ; nommé préfet apostolique du Koang-Tong, Koang-Si et
Hai-nan par bref du 16 nov. 1853. Ce territoire n'était
cependant pas soustrait à la juridiction de Macao. Nommé év. de
Cybistra. en IIe Cappadoce (Cybistren.), par bref du 8 août 1856
; se rend à Rome au début de 1857, et est sacré par Pie IX dans
sa chapelle privée, le 25 janv. 1857.
Le 17 sept. 1858, un bref de séparation érige la préfecture du
Koang-tong, Koang-si et Hai-nan.
En 1875, Hai-nan est rendu à Macao, ainsi que le district de
Hiang-chan. Accord signé 23 mars 1876. Voir Boletim de Macau.
mai 1909 p. 258; + à Besançon, 5 avril 1886 (L. p. 47
seqq.).
Rem. Le concordat de février 1857 ne fut pas ratifié par Pie IX
(X 1886 p. 155)
La Semaine
religieuse de Nancy - 7 septembre 1884 - n° 36 - p. 711
CANTON. - D'après une dépêche
de l'agence Havas, le 28 août :
La cathédrale de Canton a été envahie par la populace et dégagée
ensuite par les soldats chinois, sur la demande des consuls, qui
ont engagé l'évêque et les missionnaires à quitter la ville.
La Semaine
religieuse de Nancy - 19 octobre 1884 - n° 42 - p. 627
CANTON. - Le Yang-Tse, des
Messageries maritimes. est arrivé le 7 octobre à Marseille.
venant de l'Indo-Chine.
A Hong- Kong, le Yang-Tse a pris comme passagers les Pères
missionnaires français et les jeunes catéchistes chassés de
Canton par les autorités chinoises. à la suite des derniers
évènements.
Ces missionnaires ont raconté à bord que la belle église
catholique de Canton. la cathédrale comme on l'appelle,
construite par les soins de Mgr Guillemin, a été entièrement
saccagée. mais non détruite. Elle est en granit très dur. Les
Chinois ont également bouleversé le monument funèbre élevé, dans
le cimetière de Canton, à la mémoire des soldats français morts
en Chine après la campagne de 1860. Le Yang-Tse qui avait pris
les missionnaires et les catéchistes à Hong-Kong. les a déposés
à Singapore, d'où ils ont gagné Penangh, où ils ont un noviciat
très important. Ces Pères de la Mission, qui exercent en Chine
leur apostolat, ont le costume du pays et ressemblent à des
mandarins avec la robe bariolée et la longue tresse de cheveux
derrière la tête. Les catéchistes qu'ils ont amenés sont de
jeunes Chinois couvertis au catholicisme et qui seront, à leur
tour, d'excellents propagateurs de la foi chrétienne dans leur
propre pays.
Actuellement, cinq cents missionnaires catholiques sont répandus
en Chine pour propager l'Evangile, mais toujours au milieu des
difficultés soulevées par le gouvernement chinois. qui s'imagine
que les missionnaires sont des agents politiques français et
part de là pour les persécuter. Les récentes opérations de
l'amiral Courbet n'ont fait que surexciter l'animosité de la
population et du gouvernement de la Chine contre les
missionnaires de notre pays, qui ne se découragent pas pour cela
et qui sont prêts à reprendre leur apostolat dès que les
hostilités de la France et du Céleste-Empire auront pris fin
Annales de la propagation de la foi - 1889
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