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Les vieux Châteaux de la Vesouze

Emile AMBROISE
Le Pays Lorrain - 1909

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Chapitre XII - Chapitre XIII

L'étude d'Emile AMBROISE a été publiée par "Le Pays Lorrain", répartie en 15 parties, sur les années 1908 et 1909. Si les dix-huit chapitres du texte ne concernent pas uniquement Blâmont, nous avons cependant choisi d'en reprendre ici l'intégralité. 

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La Vesouze à Blâmont (dessin de O. FISCHER)

CHAPITRE XII

LE DOMAINE DE BLAMONT. - LES-VASSAUX. - BARBAS. - HERBÊVILLER,
DOMJEVIN. - LA TOUR DE FRËMONVILLE

Le domaine que la branche cadette des comtes de Salm s'est taillé autour de Blâmont, est peut être de toutes les seigneuries lorraines, la plus compacte, la plus homogène, la mieux organisée; et l'on peut trouver dans la supériorité de cette organisation intérieure, l'une des raisons qui ont élevé si haut la fortune de la maison de Blâmont aux XIVe et XVe siècles.
Le noyau principal du comté se compose tout d'abord de douze villages bien
groupés autour du chef-lieu : Amenoncourt, Autrepierre, BIémerey, Chazelles, Gogney, Gondrexon, la Haute rue de Halloville, Igney, Leintrey, Reillon, Remoncourt et Repaix (1), plus une part de Buriville (2), de Frémonville, quelques sujets à Domèvre et à Domjevin ainsi qu'à Vého, qui est terre d'évêché.
Ce vaste territoire est régi par des usages presque identiques, qui y ont institué cet état mixte qui rappelle la servitude ancienne par le régime des tailles et des corvées, mais qui se rapproche pourtant de la liberté par la fixation uniforme et permanente des redevances.
La première obligation communes à tous les gens du comté est de coopérer à la garde et à la défense du château de Blâmont. «  Ils doivent. de leurs enfants


Vue de Repaix (dessin de MOREY).

pour servir de guet au château, s'ils ne sont clercs ou de métiers. Aucun village n'en est exempt, et la même obligation s'étendait aussi à des villages étrangers à la seigneurie, qu'elle avait attirés dans son orbite comme Mignéville qui est de Metz (3), ou Verdenal dont les hommes «  ne laissent de venir en armes toutes les fois que l'on fait justice à Blâmont, et ce, à raison de la sauvegarde qu'ils ont obtenue moyennant finance, comme les communes du Ban le Moine.
La main-morte avait existé dans le comté de Blâmont, car on sait qu'en 1347, une petite fille du fondateur de cette maison, Marguerite, épouse de Jean comte de Salm, en affranchit les sujets qu'elle avait dans la ville de Blâmont (4). C'est la seule mention que nous ayons rencontrée de la servitude personnelle. Mais la main-morte y était aussi en usage sous une autre forme. En créant la collégiale de Deneuvre, le comte Henry Ier s'était réservé le droit d'appréhender tout ce que les chanoines laisseraient en mourant, et cette institution vexatoire subsista jusqu'en 1421 (5).
L'impôt principal est la taille. Elle est jetée tous les ans «  au bon plaisir du seigneur » une fois au moins, à la Saint-Remy.
Presque dans chaque village le comte possède un gagnage qu'il fait cultiver par ses sujets. Ordinairement la corvée de labourage comporte trois journées par an «  au sommeurt, aux tremois et aux erres » (6). Tous ne doivent pas de corvée de charrue (7), mais tous doivent des faucheurs et faneurs aux breuils que le seigneur possède dans toute l'étendue du comté, plus, des hommes pour fauciller blés et avoines. Ceux qui restent, c'est-à-dire ceux qui n'y sont pas employés, doivent un gros pour la corvée des blés, douze deniers pour celle des avoines.
Tous sont également astreints à une redevance spéciale, appelée le droit de graisse, qui consiste en une bête à prendre tous les ans dans le troupeau, ou qui est convertie en argent; un franc à Autrepierre, six francs à Saint-Martin, «  d'autant que les sujets ne pouvaient s'entendre pour la cotisation de cette bête ».
Ce prélèvement sur le troupeau n'empêche pas une taxe sur le bétail de chaque particulier. A Frémonville, la vache qui fait profit doit deux blancs, et la «  neuve bête » un denier fort ; à Gogney, Halloville, Verdenal, Chazelles, Igney, chaque cheval tirant doit deux gros, le boeuf un gros; à Gondrexon le boeuf paie deux blancs.
Dans certains villages il y a aussi des rentes en grains ou en argent: à Autrepierre, à Repaix, chaque charrue doit quatre resaux, moitié blé et avoine; à Blémerey, quatre sols forts et quatre resaux ; à Halloville, chaque conduit paie un sol fort; à Leintrey «  chacun conduit deux blancs ; sur chacune leur maison y demeurant et faisant feu en une cheminée seulement, et ceux qui en font en deux lieus doivent un gros ». - Reillon est surchargé de dix deniers par conduit à la Saint Jean-Baptiste et autant a Noël (8).
Partout aussi la seule juridiction reconnue est celle du prévot de Blâmont ; les communes qui nomment un maire revêtu d'attributions judiciaires constituent une exception.
A Frémonville, on plaide devant le maire qui est nommé par l'abbé de Lunéville, tandis que le prévot de Blâmont fait l'échevin et le doyen.
Reillon est la seule localité mentionnée comme jouissant de la loi de Beaumont. Les habitants y font le maire par élection, le jour de la Pentecôte (9).
Dans quelques localités, il b'y a d'autre fonctionnaire qu'un doyen qui recueille les taxes.
A Remoncourt le comptable met cette fonction aux enchères «  à qui plus » (10).

LES VASSAUX

On voit que, si on le compare aux petits états voisins, le comté de Blâmont était doté d'une administration centralisée, agissante, énergique. Il puisait une autre raison de sa puissance dans le nombre et l'importance des seigneuries vassales dont il avait su s'entourer, et dont les principales sont Barbas et Herbéviller,
La seigneurie de Barbas (11) embrasse le village de Montreux avec son château qui parait avoir été originairement un franc-alleu, et une partie de Nonhigny (le reste étant du domaine de Salm), La famille de Barbas est fort ancienne; elle joua un rôle au moyen âge et plusieurs de ses membres avaient leur sépulture a Saint-Sauveur. Au XVe siècle, elle possédait même la partie d'Herbéviller appelée la Tourr (12).
Comme souvenir de l'indépendance primitive de Montreux et Nonhjgny, les habitants de ces villages étaient encore au XVIIe siècle «  réputés francs » (13).
Ils avaient leur justice particulière «  attenus seulement à se rendre à Blâmont quand l'enseigne marche et qu'on y fait justice »,
Il en était de même au spirituel. Montreux dépendait de l'abbaye d'Etival, et était soustrait à la juridiction de l'ordinaire de Toul.
Barbas parait au contraire avoir toujours été un fief soumis aux redevances ordinaires du comté, à quelques différences prés.
Les habitants doivent par exemple la seille deux fois l'an, aux blés et aux avoines, hormis ceux qui ont leur femme en couche pendant le mois de juillet et ils sont spécialement chargés du guet dans l'une des tours de Blâmont «  pour prendre garde au feu ».
Sur le territoire de Barbas, avait été créé l'étang de Vilvaucourt, dont la pêche se fait par corvée, mais avec privilège d'y jouir exclusivement de la vaine pâture, quand il est en terrage. Ce sont les gens de Barbas qui doivent entretenir la loge et le murol, conduire les alevins moyennant une gratification de «  six jeunes poissons par voiture », ainsi que tout le bois qui se brûle pendant la pêche. Ils ramènent au château «  ledit étang pêché, tous les ustensiles comme bateaux, ratz, filets, tonneaux, et autres nécessaires à ladite pêche, moyennant six jeunes poissons par char ».
Herbéviller était primitivement un fief de l'église de Metz (14). Un évêque l'avait engagé aux sires de Blâmont, un autre leur en avait cédé la suzeraineté en 1331, à condition qu'en cas de guerre, le château ne serait livré ni à l'évêque, ni au comte de Blâmont, et cette seigneurie s'étendait sur Fréménîl (15).
Les seigneurs particuliers de ce fief, attachèrent naturellement leur fortune à celle de Blâmont.
Des mariages réunirent leur famille à celle des comtes et à celle de Barbas. Mais la loi des partages, s'imposant là comme ailleurs, la terre fut divisée. On y connut deux seigneuries, l'une appelée la Tour qui eut son château dont un pan de mur soutenant une échauguette se voyait encore il y a une trentaine d'années, près du chemin de Saint-Martin, On la trouve entre les mains des seigneurs de Barbas.
L'autre seigneurie qui a nom Lannoy avait son siège dans le château que l'on voit encore aujourd'hui, d'aspect tout féodal et rustique, et dans lequel subsiste une immense salle carrée, terminée par une chapelle gothique, curieuse par la belle ordonnance des nervures entrecroisées de la voûte.
L'alleu primitif dont parait issue la famille d'Herbéviller est Verdenal. Dans ce village, il y avait encore au XVIIe siècle une rue franche dite d'Herbéviller, et le surplus ne fit jamais partie du comté de Blâmont. Il appartint de très bonne heure aux ducs de Lorraine, peut-être à titre de seigneurs conservateurs de l'abbaye de Domèvre, Ils l'inféodèrent aux comtes de Blâmont, mais ceux-ci à leur tour l'engagèrent au chapitre de Saint-Dié, qui ne le rendit qu'au cours du XVIIIe siècle (1724) lorsque fut constitué le marquisat de Grandseille.
Mais le voisinage de Blâmont, la nécessité de s'y retirer avec leurs biens en cas d'alerte, avaient lié le sort de ses habitants à celui de Blâmont. Ils étaient tenus d'y venir en armes, toutes les fois qu'on y faisait justice, moyennant deux miches de douze onces, comme les gens de Montreux.
Le village de Domjevin (16) avait deux mairies.
L'une, la rue Haute, l'autre, celle d'Haussonville. Chacune d'elles avait ses gens à part; les habitants élisaient leur maire le jour de la Pentecôte:
Nous connaissons déjà l'origine de cette division d'un même village. Henri II de Salm et Joathe de Lorraine sa femme avaient fait donation d'une part de ce fief, c'est-à-dire de la cour ou métairie, qui faisait partie de leur alleu à l'église de Senones (1219).
Ils s'étaient réservé les sujets, la pêche et le pré du Breuil. Ferry III, pour trouver des ressources et répondre aux menaces de ses créanciers, avait cédé le reste au duc de Lorraine, et en avait repris la moitie à titre de fief, ainsi que la ville de Lafrimbolle (17), et en reconnaissance, il y avait ajouté Frizonviller, localité détruite depuis longtemps, mais dont plusieurs documents nous révèlent l'existence (18).
La rue haute attachée au comté de Blâmont eut les coutumes de celui-ci, et participa à la garde du château. L'autre, celle des ducs de Lorraine, reçut la loi de Beaumont, (19) passa dans la famille des d'Haussonville, et devint une dépendance de leur domaine de Châtillon-Turquestein, curieuse en ce sens qu'ils en avaient fait une sorte de relais ou d'étape entre leur seigneurie patrimoniale d'Haussonville-Tonnoy, sur la Moselle, et leur domaine forestier de la Vôge (20).
«  Les habitants de la chatellenie de Turquestein sont tenus de «  charroyer tous les bois nécessaires aux réfections du château de Tonnoy, jusqu'a Domjevin, en donnant pour chacun char dix gros et les sujets de Domjevin sont tenus de les mener audit Tonnoy, moyennant leur nourriture comme aux charrois de grains. »
La position de Domjevin avait son importance à cause du pont établi très anciennement sur la Vesouze, et qui, sans faire concurrence à celui de Lunéville, était un des débouchés des salines de Moyenvic (21). On le réparait avec soin, même au milieu du désordre des guerres (1650), et les habitants de Vého et de Fréménil étaient tenus «  d'aller chercher jusqu'à Cirey » les bois nécessaires aux réparations de ce pont. En échange ils ne payaient pas le passage (22).
Aux fiefs dépendant de Blâmont il faut ajouter la tour de Frémonville.
C'est sans doute cette construction massive qui se voit encore près de l'église, et qui, sous les transformations qu'elle a subies depuis cinq siècles, conserve cependant en partie les traces de sa destination féodale.
Les épaisses murailles ont été éventrées et garnies de fenêtres tantôt ogivales, tantôt carrées. La porte sculptée qui s'ouvre sur un perron moderne parait dater du XVe siècle ; enfin une sorte de guérite en saillie, percée d'une double fenêtre en ogive, évidemment ajoutée après coup donne à cette construction un aspect particulier qui ne manque pas de pittoresque.
La tour de Frémonville attestait dans le village l'autorité des seigneurs de Blâmont, à côté de celle des chanoines de Lunéville auxquels une partie de la localité «  six menses et l'église » avait été donnée par le comte Folmar, fondateur de l'abbaye.
Elle passa en bien des mains. La duchesse douairière Christine de Danemarck, la donna à son conseiller Melchior Henry; elle appartint a un chambellan de Charles III, Pompeo Gallo, puis à un conseiller d'Etat, Octavian de Lampugnon.
Le reste du village de Frémonville était terre d'église, nous l'avons rencontré en parlant du domaine de l'abbaye de Saint-Remy

CHAPITRE XIII

APOGÉE ET DÉCADENCE DU COMTE DE BLAMONT. - APRES LA BATAILLE
DE BULGNÉVILLE. - OLRY DERNIER COMTE DE BLAMONT

Une des graves préoccupations des seigneurs féodaux était d'assurer l'avenir de leur famille et la puissance de leur maison, par le partage de leurs domaines entre leurs enfants. Henry Ier en avait eu huit, dont deux fils.
L'aîné devait être l'héritier du nom et des titres. Mais la coutume en Lorraine, ne reconnaissait pas le droit d'aînesse, ou du moins en réduisait les avantages à la seule possession du château familial et de ses dépendances immédiates, «  fossés et pourpris  »
Pour ne pas démembrer la seigneurie principale les filles autant que possible étaient dotées en argent, c'est-à-dire en rentes pécuniaires assignées sur certaines terres désignées. - Si l'on ne pouvait échapper à la nécessité de leur donner des terres, on choisissait naturellement. des domaines éloignés, et encore avait-on soin de stipuler pour les fils, le droit de les racheter moyennant un prix fixé d'avance.
C'est ainsi que, des six filles d'Henry Ier l'une, Alix, mariée à un comte de Habsbourg alors simple hobereau d'Alsace, reçut des droits à Blâmont, sous réserve de rachat par l'un de ses frères pour quatre cents livres.
Jeanne avait reçu Magnières et Mazerulles qu'elle apporta à son mari Burniques des Ristes, guerrier fameux de la maison des comtes de Lunéville, et que nous avons rencontré en faisant l'histoire de ce comté.
Son père avait réservé qu'il aurait le droit d'être reçu à son gré, dans le château de Magnières, et que son fils Eyme conserverait la faculté de le racheter (23).
Une autre fille était devenue comtesse de Férette et de Montaigu. - La quatrième avait épousé un comte de Bourgogne, les deux dernières n'étaient point mariées. Restaient les deux fils : Henry l'aîné devait avoir Barbas, Cirey, Châtillon, Ibigny, Gogney, Saint-Sauveur, Domèvre, et les rentes dues par les comtes de Namur et de Hainaut.
Le second, Eyme ou. Ernequin, peur satisfaire aux traités passés avec· le duc de Lorraine, devait être nanti de Deneuvre, des localités relevant de l'évêché et que frappaient les droits d'entre court, et des fiefs relevant de la Lorraine, Domjevin, Azerailles, etc. (24)
Ces dispositions compliquées avaient fait l'objet d'un partage accepté en 1311 par tous les enfants, Mais il en fut de ce traité comme de tant d'autres projets du même genre. Non seulement Henry, qui vécut jusqu'en 1331, avait dû le modifier de son vivant, mais encore ses héritiers ne le respectèrent pas après sa mort.
Chaque enfant tenant à conserver quelque droit sur Blâmont, chef-lieu de la seigneurie, on ne maintint même pas à l'aîné la possession exclusive du château, et l'on transforma ce droit d'aînesse pourtant bien réduit, en une rente de cinq cents francs.
Bien plus, dans la crainte que l'un quelconque des enfants ne se rendit maître des forteresses, on en vint a un traité bizarre qui trahit la jalousie et la méfiance, et qui contenait en germe pour un avenir prochains la destruction de l'oeuvre d'Henry Ier, et la décadence du comté :
«  Les clefs de Blâmont seront remises aux mains d'un gouverneur qui prêtera serment, - tous les enfants mettront ensemble un chapelain à Deneuvre et à Châtillon, avec un portier et des gardes. »
Un peu plus tard, en 1342. on fit une timide révision de ce pacte dangereux. On laissa le château de Blâmont à l'aîné, mais son frère eut une moitié de la Ville (25).

HENRI III ET THIÉBAUT

La valeur personnelle des premiers successeurs d'Henry Ier, la renommée qu'ils s'acquirent, les agrandissements qu'ils donnèrent au comté par des conquêtes lointaines, masquèrent pendant longtemps les vices de cette indivision.
Mais, en dépit des apparences, une partie de l'activité et de. la puissance des comtes, absorbée par les difficultés de cette situation, se dépensa dés lors en discussions de famille, dont les effets immédiats et trop certains furent le ravage périodique des campagnes. Ces conditions n'aboutirent qu'à des traités de circonstance, laborieusement conclus, rarement exécutés, toujours à la merci des entreprises de la force et des succès éphémères des coups d'épée. - L'échange, le rachat des seigneuries, leur mise en gage, se succèdent pendant plus d'un siècle, perpétuant dans le pays un état d'incertitude et de gêne désastreux mais sans intérêt.
Les deux premiers successeurs d'Henry Ier, furent successivement ses petits fils : Henri III qui mourut en 1342, et Thièbaut Ier, son frère, dont le règne beaucoup plus long, se prolongea jusqu'en 1363. Une de ses filles fut accusée de l'avoir abrégé par une tentative criminelle (26).
Henri III s'était hâté de faire sa paix avec l'évêque Adhémar de Montil, au moyen d'un arbitrage confié à Simon, comte de Salm (27). Thièbaut guerroya comme son grand-pére, sans plus de scrupule, et avec non moins de succès, Mais il fut un administrateur plus que médiocre, contracta de grosses dettes, et engagea plusieurs de ses domaines (28). Cependant il eut l'habileté d'exercer sur l'évêque de Metz une influence intéressée dont il tira grand profit. Adhémar de Montil est-le fondateur de Baccarat, dont il affectionna la résidence, Il y était attiré, a-t-on dit, par l'amitié qui le lia toute sa vie à Thiébaut de Blâmont (29).
Cependant si, oubliant leurs querelles, ils ont amicalement voisiné entre les châteaux tout proches de Baccarat et de Deneuvre, le comte ne perdit pas de vue les intérêts politiques de sa maison, car il parvint à se faire donner en gage la riche seigneurie de Turquestein avec son château, ses vingt villages de la Lorraine allemande et les parts de Bonmoutier, Bertymont, Cirey, Vala, Hattigny, etc. qui complètèrent et affermirent si heureusement ses possessions au nord et à l'est.
Cette brillante acquisition avait été le prix d'une habile médiation entre le duc de Lorraine et l'évêque,
Thiébaut ne conserva d'ailleurs ni à l'un ni à l'autre aucune reconnaissance.
Car le duc Raoul étant mort à la bataille de Crécy (1346), il profita des embarras de sa veuve pour l'attaquer et lui imposer des concessions. Le duché de Lorraine se trouvant momentanément affaibli, rien ne résistait plus au comte de Blâmont.
Il s'étendit ci son aise sur les possessions de ses voisins, notamment au moyen de ces droits de sauvegarde que nous. lui avons déjà vu acquérir, sur les gens des châtellenies messines de Baccarat et du Ban-le-Moine, et que lui payèrent, bientôt aussi les chanoines de Saint-Remy pour Frémonville, les sujets de l'abbaye de Senones pour leurs diverses possessions, et les sujets de la Lorraine au ban de Saint-Clément (30).
Ces empiètements déguisés soulevèrent des objections. A un certain moment, Thiébaut eut le dessous contre l'évêque de Metz qui voulut les réprimer, et dut renoncer à toutes les «  wardes bourgeoisies et commandises » qu'il avait prises tant à l'évêché qu'au duché. Mais il se vengeait bientôt en prêtant son épée aux bourgeois de Metz, à la fois contre leur évêque et contre le duc, et, par ses succès guerriers, imposait silence à toutes les réclamations.
Bien plus il obtenait de l'évêque lui-même le titre de lieutenant général des troupes de l'évêché; charge prépondérante qu'il sut rendre très profitable, en employant les revenus qu'il perçut en cette qualité, à refaire les fortifications de ses villes de. Deneuvre et de Blâmont. - Quand, en 1362, il dut rendre compte de sa gestion, il trouva moyen de se prétendre encore créancier de dix mille livres (31).
Enfin tout en guerroyant partout, contre le comte de Bar dans ses possessions d'Etain, contre son parent Jean III de Salm, et ailleurs encore avec le concours d'un bandit fameux, surnommé l'archiprêtre, dont il n'hésita pas à déchaîner les bandes dans le pays, il imposa ses services au duc de Lorraine lui-même, Jean Ier qui se l'attacha en lui donnant la lieutenance générale de son duché, avec les seigneuries de Fougerolles, Cornimont et le Val-d'Ajol.
Le règne de Thiébaut marque l'apogée du comté de Blâmont.
La décadence commence à sa mort qui rend nécessaire un nouveau et laborieux partage.
Par sa femme Jeanne d'Oricourt, Thièbaut avait de grands domaines en Bourgogne. C'est là principalement que se déroulèrent les luttes et les guerres auxquelles aboutirent les compétitions de ses héritiers, sans que pourtant Blâmont y fut épargné, car le comté eut a souffrir plusieurs fois au cours du long règne de Henry IV (1363-1421) dont le seul fait saillant, au milieu des péripéties monotones de ses guerres féodales, est l'acquisition à titre de gagére, à la suite d'une campagne heureuse contre le comte de Salm, d'une part de seigneurie à Badonviller et sur le château même de Pierre-Percée (32). Les sires de Blâmont 


Ruines du Château de Blâmont en 1626
(D'après des sépias de la Bibliothèque municipale de Nancy)

continuaient ainsi à s'agrandir aux dépens de leurs parents, trop occupés ailleurs pour bien garder leur terre patrimoniale.
D'autre part la lutte séculaire des sires de Blâmont contre les évêques, s'apaisa momentanément à la faveur du séjour à Baccarat de l'évêque, Thierry de Boppart qui fit du comte Henry «  son chier conseiller », lui confia diverses missions dans ses forteresses, et se reconnut même son débiteur pour perte de chevaux et harnais à son service. Cette amitié ne fut d'ailleurs que passagère, car la guerre éclatait de nouveau en 1395, avec l'évêque Raoul de Coucy (33).
Henry IV eut un de ses fils tué à Azincourt, aux côtés de ses suzerains Edouard de Bar et le duc de Brabant. - C'est lui qui a fondé la Collégiale de Blâmont, dans laquelle furent placés sept chanoines comme à celle de Deneuvre. (1382).
Thiébaut Il (1421-1431), succède à son père. Il avait épousé une princesse de la maison de Lorraine, Marguerite fille de Ferry comte de Vaudémont, qui avait péri, lui aussi, à la bataille d'Azincourt.
Cette famille de Vaudémont, alors à l'apogée de sa fortune, convoitait la succession prochaine du duché de Lorraine, dont le chef Charles II n'avait que des filles. Mais, entre les mains de ce duc énergique et opiniâtre, la Lorraine avait cessé d'être à la merci des coups de mains que pouvaient méditer contre elle ses voisins et rivaux de Bar ou de Metz. Le temps n'était plus où un comte de Blâmont, en s'alliant à l'un de ses suzerains, pouvait impunément braver les autres. - A la suite de démêlés et d'arrangements, dont les détails sont encore mal connus, Thièbaut II dut prendre vis-à-vis du duc de Lorraine des engagements formels, dans lesquels son infériorité de vassal, est soulignée pour la première fois, en des termes que n'eussent points acceptés ses fiers aïeux. Il y reconnaît en effet qu'il a fait certaines choses au grand déplaisir du duc, pour lesquelles il a encouru son «  indignation et malle grâce. »
Il promet de ne plus être jamais son adversaire, et de laisser publier dans ses domaines, les ordonnances générales du duché concernant les monnaies, les vivres, les marchandises. Il consent même à ce qu'on exige des bourgeois de ses villes de Deneuvre et Blâmont, le serment de ne reconnaître ses successeurs qu'après qu'ils auront renouvelé les mêmes engagements de dépendance et de soumission (34).
Ce qui donne là cet acte si imprévu une importance capitale, c'est qu'à l'encontre de tant de traités que nous avons vu jusqu'ici les sires de Blâmont conclure et violer impunément, celui-ci fut rigoureusement maintenu.
Dans ses terres Thiébaut II, put continuer les errements féodaux de ses prédécesseurs. C'est lui notamment qui se livra, sur les gens de Baccarat enfermés au fond des tours de Turquestein, aux sévices et aux violences que nous aurons à raconter.
Mais vis-à-vis du duc de Lorraine, il fut désormais et demeura on vassal obéissant.
Il dut le servir en personne contre son beau-frère lui-même, dans cette lutte funeste qui se termine à Bulgnéville par la défaite des lorrains et la capture du bon duc René; et s'il ne resta pas sur le champ de bataille, il est probable qu'il y fut blessé, car il mourut dans l'année même (1431) (35)

APRÈS LA BATAILLE DE BULGNËVILLE

Cette catastrophe laissait le comté de Blâmont aux mains d'une femme, Marguerite de Lorraine qui s'efforça d'y maintenir la paix, en recourant le plus souvent possible aux bons offices des ducs ou des administrateurs du duché, pendant la minorité de ses enfants. Durant la longue captivité du duc René, l'un des gouverneurs de la Lorraine, fut l'évêque de Metz, Conrard Bayer de Boppart, dont l'influence parait s'être exercée à maintenir l'harmonie entre le duché et ses voisins, aussi bien qu'avec leurs vassaux communs.
Lorsque les fils de Marguerite de Lorraine furent majeurs, ils convinrent de ne pas partager le comté et de le gouverner en commun. Chacun eut une clef différente des archives de la famille conservées à Blâmont; aucun d'eux ne dût se servir des forteresses laissées indivises, pour le besoin de ses guerres particulières. - De telles précautions, en un temps où la force régnait encore en maîtresse incontestée, non seulement dans les états, mais dans les familles, ne pouvaient être qu'une cause de faiblesse et de décadence. Les qualités guerrières de la race de Blâmont paraissent d'ailleurs, dés cette époque, singulièrement amoindries.
Elle ne prit point part au grand effort patriotique qui sauva la Lorraine du joug bourguignon. Parent du Téméraire par les alliances de sa femme Marie de Vienne, le comte Ferry II obtint des sauvegardes pour ses états, pendant la longue occupation du duché. Il ne prit point part à la bataille de Nancy (5 janvier 1477), ce, qui n'empêcha pas que Blâmont, se trouvant sur la route que suivirent de Strasbourg à Saint-Nicolas les contingents suisses et allemands accourus à l'appel de René II, fut pris d'assaut et rançonné par eux, dans les premiers jours de l'année 1477 (36). Les querelles qui surgirent pendant ce règne effacé, furent le plus souvent réglées pacifiquement par l'entremise du duc ou de quelque autre seigneur voisin, et la soumission du vassal fut rigoureusement maintenue par la seule vigilance des magistrats du duché. En effet, en 1470 sur les poursuites du procureur général prés la cour souveraine, les sires de Blâmont avaient été contraints de renouveler les promesses du traité de 1422, et de jurer de ne jamais faire de leurs forteresses un usage contraire aux volontés du duc. Des commissaires envoyés par la cour à Blâmont et à Deneuvre, avaient fait renouveler aux bourgeois le serment de ne reconnaître comme seigneur aucun héritier de leurs comtes qui n'ait auparavant prêté serment de fidélité au duc de Lorraine.
Des huit enfants qu'eut le comte Ferry Il, aucun ne se trouva en situation de relever la fortune du comté. Deux de ses fils Claude (+ 1493) et Louis (1496-1503) portèrent après lui le titre de comtes.
Tous deux malades et incapables de gouverner, moururent sans enfants, et cette extinction dès longtemps prévue et escomptée de la branche aînée, réunit les domaines de Blâmont aux mains du dernier survivant des fils du comte Henry IV qui, en vertu de la funeste indivision maintenue dans la famille, était depuis lors resté l'associé des fils de son frère dans le gouvernement de leurs états.
Olry, en sa qualité de cadet, avait cherché fortune. dans la carrière ecclésiastique. Sa mère, Marguerite de Lorraine, s'était activement employée à lui procurer, par l'influence de sa famille, les plus riches prébendes. On a d'elle une lettre dans laquelle, bien que son fils fut déjà nanti de trois ou quatre canonicats, elle le recommande encore aux chanoines de Saint-Dié «  ses chiers et grans amis » en leur faisant entrevoir que s'ils lui donnent le premier camail vacant parmi eux, tous ses amis «  en seront plus enclins à aider soutenir et deffendre leurs églises et leurs personnes » (37).
A défaut des vertus guerrières de sa race, Olry sut déployer tant de sens politique et d'habileté diplomatique, qu'il attira sur lui l'attention et conquit la confiance du plus fin diplomate de ce temps, le roi de France, Louis XI. Chanoine de Verdun, protonotaire du Saint-Siège, chanoine de Metz, de Toul, de Cologne, et de Strasbourg (38) il fut élu évêque de Metz, mais sans pouvoir maintenir son élection contre les protestations qu'elle souleva. Louis XI qui le tenait en haute estime, et qui n'hésitait pas à recourir à ses services «  pour plusieurs grandes matières secrètes » qu'il avait fort à coeur, voulut le faire évêque de Verdun, à la place du titulaire légitime Gérard de Haraucourt, qu'il avait fait enlever, et qu'il détenait à la bastille.
Mais le pape jugeant sévèrement cet attentat aux droits de l'Eglise, opposa une résistance irréductible au projet du roi (39).
Les faveurs insignes du roi de Françe purent consoler Olry de Blâmont de cet échec, car Louis XI le nomma conseiller de son grand Conseil et lui donna le droit d'ajouter à ses armes «  une fleur de lys d'or et un écu d'azur, entre et au milieu des deux têtes de saulmons que les comtes de Blâmont portent en leurs armes »
De si flatteuses prérogatives prouvent que le comte de Blâmont, avait rendu à l'astucieux monarque qui l'appelait son «  chier et aimé cousin » des services tout spéciaux dont, jusqu'ici, on n'a pu déterminer la nature ni percer le mystère (40). On peut se demander si ces services secrets ne se rattachaient pas à la politique équivoque que suivit Louis XI à l'égard de René II qu'il encouragea, mais sans l'aider efficacement dans sa lutte contre le Téméraire, en même temps qu'il, ménageait ce même duc de Bourgogne dont Orly de Blâmont était le proche parent.
En tout cas, le rôle diplomatique qu'il joua au milieu de ces graves événements suffit à faire du dernier comte de Blâmont une figure originale.
Enfin, avec l'appui très actif du duc René II, qui tenait à voir le principal évêché de ses domaines occupe par un prélat dévoué à sa politique, Olry postula et finit par obtenir l'évêché de Toul (1495).
Le dernier fils du comte Ferry de Blâmont s'éteignait sans postérité. René II invoqua auprès d'Olry leurs liens de parenté, et au prix de grands avantages viagers, obtint qu'il le constituât son héritier.
Le dernier comte de Blâmont, mourut en 1506, en son château de Mandres-aux-Quatre-Tours qu'il préférait à Blâmont. - Il avait élu sa sépulture à Deneuvre où René lui fit élever un mausolée qui subsista tant que dura la collégiale fondée deux siècles auparavant par son ancêtre Henry-le-Grand.
La Révolution de 1789 dispersa les chanoines, les débris de ce tombeau transportés dans les champs, y servirent, dit-on, de bornes pendant de longues années, puis finirent par disparaître.
Les murs éventrés du vieux château de Blâmont restent les seuls vestiges de ces gloires oubliées.

(A suivre)

Emile AMBROISE


(1) Lepage. Comm. I. 30, 56, 163, 234, 423, 432, 460, 507,574. II 400, 401, 414.
(2) Idem. I. 207.
(3) Lepage. Comm.. II. 40, 647.
(4) M. arch. lorr. 1890 251
(5) M. arch. lorr., 1891 p.51
(6) Lepage. Comm. V· Repaix. II. 214
(7) Id. Vo Frémonville. I. 574.
(8) Lepage. Comm., II. 409
(9) Lepage. Comm. II. 409. - Bouvalot, Tiers-Etat, 240
(10) Lepage, Comm. II. 401
(11) Lepage. Comm. I, 94
(12) Ibidem I. 487.
(13) Ibidem I. 62.
(14) Lepage, Comm. I. 166, 2234-436-487 II. 647.
(15) Ibidem, I.207, 379. Il., 644- Martimprey. Sires de Bl.. M. Arch. lorr. 1890. p. 155.
(16) Doc. hist des Vosges v. 79. - M. Arch.. lorr., 1886. 157. - Lepage; Comm. I. 30-69, 303-305, II 732.
(17) Lepage. comm. Vo Azerailles, I. 67.
(18) Catalogue des actes de Mathieu. II 335. Guyot, M. arch. lorr.. 1895. p. 170.
(19) Bonvalot, Tiers-Etat, p. 240.
(20) M. arch. lorr., 1886. p. 155.
(21) Lepage, Comm., I. 306.
(22) Lepage, Comm., Vého, II. 644.
(23) Trés. des chartes de Blâmont. I. 172. M. Arch. lorr., 1890. 138.
(24) Ibid, 112, 117.
(25) de Martimprey, M. Arch. lorr., 1890. p. 117, 154-157.
(26) M. Arch. lorr., 1890. p. 8.
(27) Bernhart, Deneuvre et Baccarat, p. 63.
(28) M. Arch. lorr., 1890. p. 164-168.
(29) Deneuvre et Baccarat p. 84.
(30) Lepage, Comm., II. 451.
(31) M. Arch. lorr., 1890. 165. 174, 177.
(32) Arch. lorr., 1891 p. 21, 33.
(33) Deneuvre et Baccarat, 84. M. Arch. lorr., 1891, 12, 20
(34) Trésor des chartes, Blâmont, II, 33
(35) Arch. lorr., 1891 53. 55.
(36) M. Arch. lorr., 1891 73. 74, 77
(37) J. Arch. lorr., 1896, 82.
(38) J. Arch. lorr., 1896. p. 82, 84.
(39) Trésor des Chartes, Blâmont. II 97-98
(40) M. Arch. Lorr 91 p. 88-91 
 

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