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Faux-sauniers en Lorraine
(Notes renumérotées)


Les faux-sauniers en Lorraine
Par Le Dr A. Fournier,
Extrait du Bulletin de la Société Philomatique Vosgienne.
Année 1899-1900

Le sel, si nécessaire à l'homme, fut pour les gouvernements une source de grands revenus. Ils en firent, aux siècles passés, un monopole absolu, protégé par une répression qui alla toujours s'aggravant devant une contrebande provoquée par des prix exagérés.
Le contrebandier du sel était alors appelé Faux-Saunier. C'est la façon dont on les punissait, les mesures prises pour empêcher les populations de leur acheter du faux-sel que je voudrais résumer dans ce petit travail.

I

Aux siècles passés, il existait en Lorraine des salines, ou plutôt des puits d'eau salée à Vic (1), Moyenvic (2), Marsal (3), Dieuze (4), Château-Salins (5), Salone (6), Albe (7) (Sarralbe), Morhange (8) et Rosières (9).
Il y avait aussi nombre de sources salées, soit aux environs des salines, soit ailleurs, comme auprès de l'abbaye de Moyenmoutier (VIIe siècle), et aujourd'hui encore à Saint-Michel.
Les premières salines connues furent celles de Vic et Marsal. Pendant des siècles elles furent les seules exploitées.
A Vic, des seigneurs particuliers, tous les grands monastères possédaient un puits et «  des poêles (chaudières) dans lesquelles ils faisoient cuire leur sel (10) »
Les souverains mérovingiens, carolingiens, concédèrent de ces puits : chaque seigneur et chaque abbaye en tiraient le sel nécessaire à leur usage, à celui de leurs domestiques et sujets, et vendaient le surplus comme ils l'entendaient. Les propriétaires en étaient les maîtres, «  comme, d'un fond de terres ou de vignes (11). »
On le voit, à cette époque (du VIIIe au XIVe siècle), la liberté de vendre, transporter le sel était complète. Les détenteurs devaient une simple redevance au souverain, soit sur le puits, soit sur le sel lui-même. «  Je ne connais dit Dom Calmet (12), aucune ordonnance primitive des ducs de Lorraine, qui aient obligés leurs sujets de prendre le sel dans leurs salines et à un certain prix, sinon dans ces derniers tems... »
Ce fut seulement (XIVe siècle), après que les ducs de Lorraine devinrent propriétaires des puits d'eau salée, ou qu'ils s'associèrent, pour d'autres, aux évêques de Metz, que «  les sujets de Lorraine se trouvèrent insensiblement contraints de se pourvoir de sel dans les greniers du duc, surtout depuis la suppression des salines de Vic, où «  la pluspart des abbayes avoient des poêles (chaudières) à cuire le sel pour leur usage... » (Dom Calmet).
Les salines de Vic furent détruites par le duc Ferri III (1326), lorsqu'il prit cette ville.
Cette suppression des salines de ce lieu, obligea les seigneurs et monastères qui y possédaient des «  puits et poêles, » de s'adresser à ceux du souverain. C'est de ce moment que l'on peut faire dater le début du monopole du sel au profit des ducs lorrains.
A cette date de 1326, la saline de Rosières existait déjà (XIIe siècle) et était l'entière propriété des ducs. A cette époque également, Ferri III avait racheté les droits de l'évêché de Verdun sur celle de Dieuze (1296). Enfin, l'exploitation des eaux salées de Château-Salins remonte à l'an 1330 ou environ; celle de Salone était abandonnée.
On le voit, le moment pour supprimer les puits de Vic était bien choisi; le duc, maître ou à peu près des autres salines, en supprimant violemment cette... concurrence, forçait le consommateur à s'adresser à ses propres salines.

II

L'exploitation de ces eaux salées était des plus rudimentaires et, pendant des siècles, on n'améliora guère le mode de fabrication.
On appelait, dès le début, dit Dom Calmet, Sessus ou Sessa, l'emplacement ou plutôt l'ensemble de la fabrique.
La chaudière ou poêle portait le nom d'Enna, Inna,Ino, Inio... (d'igneus : feu). Plus tard, ce poêle fut désigné par le mot patella. Le droit enfin de tirer l'eau salée du puits, portait la singulière appellation de jus ciconia, «  apparemment, à cause de la bascule (pompe) avec quoi l'on puisoit l'eau, et que cet instrument représente, en quelque sorte, une cigogne (ciconia), qui allonge son cou pour boire (13)... »
Cette bascule n'était autre que ce primitif appareil (qui nous vient d'Egypte), à puiser l'eau, comme on en voit encore dans nos campagnes, c'est-à-dire une longue perche équilibrée par un contre-poids sur un support. La portion la plus longue en l'air à laquelle sont attachés la corde et le seau, plonge, en tirant sur cette corde, dans le puits, et ses mouvements d'élévation et d'abaissement rappellent, en effet, ceux du long cou d'une cigogne lorsqu'elle s'empare d'une proie ou s'abreuve.
C'est avec du bois que l'on évaporait l'eau dans «  les poêles, poêlons, exhalatoires et autres meubles et ustenciles généralement quelconque servant à la formation du sel... »
Naturellement la consommation du bois «  pour la cuite et façon des sels » allait se développant avec la production de ces derniers. Les forêts avoisinantes devenant insuffisantes, il fallait aller au loin : des affectations furent allouées à chacune des usines; mais au XVIIe siècle, pendant la guerre de Trente ans, l'occupation de la Lorraine par la France, il y eut des anticipations sur ces bois réservés. Un édit du 28 Mars 1704 ordonna un nouvel arpentage et un abornement de ces forêts.
Aux siècles passés, c'est par le flottage que l'on transportait grands et petits bois. Les souverains obligeaient les riverains à «  entretenir libres et flottables les ruisseaux et rivières, » ils devaient essarter les rives, enlever tout obstacle dans le lit du cours d'eau, réparer les barrages et vannes.
Souvent, à l'époque du flottage, des débordements dispersaient ces bois sur les prairies et champs. On appelait ces bois ainsi restés après le retour des eaux dans leur lit, des Noyons. Les propriétaires voulurent se les approprier. Défense leur fut faite (1729) de s'en emparer; il en résulta que, par la négligence des fermiers des salines, ces Noyons séjournaient indéfiniment sur les prairies, empêchant l'herbe de pousser et de faucher.
Les plaintes furent nombreuses : un arrêt du 13 Juin 1733 reconnut aux riverains le droit de s'approprier ces Noyons, quand ils étaient restés abandonnés plus de quatre mois.
La difficulté de se procurer des bois fut toujours la grande préoccupation des fermiers des salines. Au XVe siècle, il fallut - faute de combustible - arrêter l'exploitation de Rosières. On ne la reprit qu'au siècle suivant (1563).
Au XVIIIe siècle, on essaya de supprimer les «  poêles » et de les remplacer par la «  graduation, » c'est-à-dire par l'évaporation à l'air de l'eau salée, que l'on faisait couler sur des fagots d'épines, que l'on étendait sur de grandes surfaces en couches très minces. C'était le procédé employé - de tout temps - aux salines du Midi. On adopta la graduation à Rosières et à Dieuze, on construisit de vastes hangars, des «  canaux, rouages, vannes, écluses, pompes, conduits. »
Pourtant ces «  poêles » ou chaudières ne furent pas supprimés entièrement. Ainsi à Rosières, après l'installation de la «  graduation, » ces chaudières, au nombre de neuf, furent ramenées à six. A ce moment, dans cette saline, le rendement - par l'ébullition - était tombé à quatre livres de sel pour cent livres d'eau; alors qu'il était de dix-sept pour Moyenvic, et quatorze à quinze pour Château-Salins et Dieuze.

III

Pendant des siècles le commerce du sel fut libre en Lorraine.
Des «  sauniers volontaires prenoient le sel dans les salines des ducs au prix fixé par les ordonnances. » Ces sauniers volontaires achetaient la quantité qu'ils voulaient et s'en allaient librement le vendre «  et distribuer aux villes et villages de leur distribution accoutumée. »
Une fois leur provision vendue, ils revenaient en chercher à nouveau.
Il en était d'autres qui allaient débiter hors du territoire ce sel fort estimé.
Pendant le Moyen âge, il n'y eut d'autres routes que celles - plus ou moins bien entretenues - qui dataient de l'époque gallo-romaine.
C'est par ces voies que se faisaient à dos d'homme, de cheval, par charrettes, le transport du sel.
Deux de ces routes, entre autres, servirent à ce commerce : celle qui se détachait à Raon de la voie de Langres à Strasbourg, pour se diriger par le Ban-de-Sapt vers Saales et l'Alsace. Par là passaient les sels allant vers l'Alsace moyenne, venant des salines de Vic, Moyenvic, Château-Salins, Marsal, Rosières.
Sur cette voie se trouvaient au VIIe siècle les puits d'eau salée de Saint-Blaise (Moyen moutier) qui furent comblés, selon la légende, par ordre de saint Hydulphe, fondateur du monastère de Moyenmoutier.
Dès cette époque, cette route figure sous le nom de Via Salinaria. Une autre, appelée encore aujourd'hui Chemin Sondrot ou Saunerot, se détachait de Deneuvre pour se diriger vers Rambervillers et desservir les régions d'Épinal, Remiremont, etc. Par là aussi passaient les sels des salines lorraines (14).
Il arriva que les ducs, maîtres de la production du sel, en élevèrent le prix, ce qui provoqua l'introduction et la concurrence des sels étrangers vendus à meilleur compte.
Les sauniers volontaires, au lieu d'aller le chercher aux «  greniers » des ducs, s'en furent chez les voisins; ils devinrent alors des contrebandiers ou faux-sauniers.
Les sauniers volontaires vendaient leur sel aux foires et marchés ; mais devant les prix trop élevés fixés par les souverains lorrains, ils préférèrent importer du sel étranger ou acheter dans les «  greniers » des ducs, du sel destiné à l'exportation, parce qu'il se vendait à très bas prix et ensuite le réintroduire en Lorraine : opération fructueuse encore, étant donné les petites distances à parcourir (15).
Il en résulta que les ventes devinrent clandestines et que le sel disparut ou à peu près des foires et marchés. Cet état de choses émut le souverain et devait provoquer des mesures énergiques :
Le 21 Mai 1572, le duc Charles III enjoignit «  expressément à tous ses subjets se prouveoir (se pourvoir) en nos salines, selon les départements et assignaux qui en ont été faicts par ci-devant à chaque contrée: scavoir où et en quelle saline elle se debvra fournir: leur défendons très expressément de mener, faire mener, conduire ou charroyer par eau ou par terre sel étranger, ni d'autres salines que des nôtres... »
Il était aussi défendu de se fournir «  ès foires et marchés voisins, ès grenier de sel, ni autre part, en quelque façon que ce soit de sel étranger et des salures qui se trouveront avoir été salées dudict sel estranger... »
Quiconque sera surpris en contravention verra confisquer «  le sel, char, chevaux et bateaux, menant ou portant ledit sel étranger et d'une amende de dix francs, contre un chacun de ceux qui seroient trouvés menans et conduisant le sel estranger... »
Pour surveiller cette fraude, il avait été créé des agents, appelés «  chevaucheurs de nos dites salines. » Afin de les stimuler à bien exercer leur surveillance, «  nous voulons qu'ils prennent la moitié desdites confiscations et amendes. »
Toutes ces mesures de répression furent inutiles : le 17 Septembre 1572, un arrêt du duc Charles III mandait au bailli «  de prendre soigneuse garde à ce que les dicts sauniers de votre bailliage fournissent les marchés des lieux esquels ils avoient ci-devant accoutumés de distribuer, et ne permettre qu'ils se transportent hors de nos pays, premier et avant que les dicts marchés en soient fournis. »
La fraude continuant, celle surtout qui consistait à simuler l'exportation, le souverain (16 Novembre 1574) interdit toute exportation de sel :
«  Vous ferez défence de par nous à toutes personnes, et soient icelles de nos subjects ou autres, de transporter, mener et conduire hors de nos pays, par eau, ni par terre, sel venant de nos salines... sous peine de confiscation des bateaux, chars, charrettes et chevaux... » Il faudra, pour exporter, une permission «  portant la quantité qu'ils en doivent transporter et le lieu et la saline où il leur aura esté assigné de le prendre... »
Cette mesure radicale, enlevait aux salines ducales, une grosse portion de leur revenu, car le sel lorrain était très estimé et se vendait beaucoup dans les provinces voisines : Alsace, Trois-Évêchés entre autres.
Dès le 30 Novembre (1574), cet arrêt était révoqué : «  Avons ordonné, que où lesdits marchands, voituriers et saulniers se présenteront de sortir de nos pays avec sel chargé en nos dites salines, empeschement aucun ne leur y soit donné... »
Une autre raison du retrait de l'arrêt du 16 Novembre est que les demandes d'exportation du sel furent si nombreuses qu'elles devinrent importunes : «  en raison du grand nombre d'iceux (congés et permissions), nous tournoit à l'importunité. »

IV

A la fin du XVIe siècle, les salines lorraines rapportaient au duc six cent mille francs barrois. On conçoit l'intérêt du souverain à empêcher toute fraude :
Le 2 Avril 1598, le duc constate que «  certaines gens de néant ne pouvant payer les amendes et abusant de sa facilité à pardonner en considération de leur indigence, qui alloient hors de la province en contrebande acheter du sel, qu'ils sçavoient s'y donner à meilleur prix que dans l'intérieur du pays, et en ramenoient des bottées, des chevallées ou même des charrettées chargées... »
Tous ceux qui ne pourront pas payer l'amende devront : «  pour la première fois, tenir prison trois fois vingt-quatre heures au pain et à l'eau; » pour la seconde, condamnés au fouet; à la troisième, le bannissement. Les acheteurs paieront 100, 200 et 300 livres, selon la récidive.
Défense aux habitants du duché de Bar «  d'user de sel étranger, sous peine de confiscation et cinquante francs d'amende... »
Les chevaucheurs, qui jusque là ne surveillaient que les routes, furent autorisés à faire des perquisitions dans les maisons (11 Octobre 1590).
Tout marchand étranger entrant en Lorraine «  sera visité, » et un certificat constatant qu'il ne transporte pas de sel lui sera délivré. Partout où il passera il devra produire ce certificat, «  même aux hôtes chez lesquels il logera... » (13 Juillet 1591).
En Juillet 1597, le duc prescrivit la création de magasins à sel dans différentes parties de ses États. C'était la suppression des sauniers libres, car l'habitant était obligé d'aller lui-même au magasin, de parcourir de grandes distances pour acheter son sel. Les réclamations furent unanimes, enfin c'était aussi une grosse dépense que la construction de ces magasins. Le 13 Octobre suivant (1597), la mesure fut rapportée, et les sauniers libres purent, comme auparavant, transporter le sel aux foires et marchés.
Cependant, quelques-uns de ces magasins, situés près des frontières, furent maintenus : à Blâmont, Saint-Dié entre autres.
Par un arrêt du 27 Janvier 1607, les maîtres sont déclarés responsables de «  leurs serviteurs et mercenaires en matière de faux saunage. » Cette responsabilité était limitée «  aux peines pécuniaires. » Précédemment, le duc avait édicté que tous ceux qui ne pourraient payer les amendes seraient condamnés à travailler aux fortifications de Nancy, «  pour un temps proportionné à la gravité du délit... » Non seulement les faux-sauniers faisaient la contrebande du sel, mais les ouvriers et souvent aussi le personnel des salines !
«  Les ouvriers travaillant à la facien de dudit sel, secondés de leurs complices, continuent à se donner au transport clandestin qu'ils font dudit sel... »
La nuit, les faux-sauniers, aidés des ouvriers de l'usine, enlevaient le sel par-dessus les clôtures. Il fallut prendre des mesures sévères, ne plus se contenter «  de la voie de douceur et peines pécunières... Car cette voie de douceur semble avoir servi d'échellon à leur audace... »
Il fut interdit à tout ouvrier «  de nos dites salines, soit logés ou autres, de prendre et transporter aucun sel de larcin hors de l'enclos d'icelles... »
Celui qui sera surpris paiera cent francs d'amende et «  tenu au carcan deux heures entières, exposé à la vue du public... » S'il y a récidive : «  outre la même amende, sera puni du fouet et banni à perpétuité... »
Quant à leurs complices, c'est-à-dire «  les gardes des dites salines et leurs domestiques, et aussi ces ouvriers des pesles (pelles) qui trompent sur l'entassement du sel et ensachement, et jetoient le sel par-dessus les murs et clôtures des salines;... » ils seront punis du fouet et du bannissement perpétuel.
Il n'y avait pas que les ouvriers des salines qui fissent la fraude : les fonctionnaires et officiers chargés de diriger les usines prétendaient que leurs charges donnaient droit à une certaine quantité de sel à titre gratuit. Ce sel ils le vendaient. Le 6 Septembre 1572, cette prétention fut supprimée; il faut croire que les intéressés n'en tinrent compte, puisqu'un autre arrêt du 3 Mai 1611 renouvela cette défense.
A cette époque le sel se vendait au volume : au muid (352 litres 1), vaxel (22 litres), pinte (1 litre 224), chopine (0.612), demi-chopine (0.306).
Le 4 Mars 1589 : «  à cause des dépenses de guerre, » le sel est porté à 60 francs le muid. Ce qui mettait le vaxel à 3 fr. 74 c, la pinte à 17 centimes, la chopine à 0.085, la demi-chopine enfin à 0.042. Mais il ne faut pas oublier que ce sont ces prix au taux de l'argent au XVIe siècle, et que de nos jours ils seraient au moins cinq fois supérieurs.
La guerre de Trente ans, les désastres qui en furent la conséquence pour la Lorraine, puis l'occupation française jusqu'à la fin du XVIIe siècle, arrêtèrent complètement ou à peu près, les mesures de répression contre le faux saunage. Ce ne fut qu'à l'avènement de Léopold que la lutte entre État et contrebandier recommença pour ne cesser qu'à la Révolution.

V

«  Ayant été informé qu'au préjudice des anciennes ordonnances et règlements rendus contre ceux qui font du faux saunage, il se trouve néanmoins nombre de vagabonds, gens non domiciliés et sans aveu, qui font commerce du sel étranger, en font entrer clandestinement dans nos pays de Lorraine et Barrois; qu'il y a aussi plusieurs de nos sujets domiciliés dans nos Etats, dont les uns, par eux-mêmes, commettent le faux saunage et les autres le favorisent, soit en volant des pierres de sel dans nos salines, soit en se servant de saumure qu'ils font résoudre en sel. » Quiconque sera coupable de faux saunage, sera puni du fouet, «  où de la marque sur les deux épaules, suivant l'exigence du cas, et même de la vie en cas de récidive... »
Les faux sauniers, voyageaient en groupes et armés; du reste, armés ou non, ils étaient condamnés à des amendes, de 1.000 francs, la première fois, 2.000, la seconde et, de plus, le fouet et le bannissement.
Les complices étaient solidaires pour les amendes; de même, les maîtres et maîtresses répondaient de leurs domestiques ; les parents, de leurs enfants «  non mariés demeurant avec eux. »
Étaient considérés comme complices aussi, ceux qui logeaient, nourrissaient les faux-sauniers. Tous les cabaretiers devaient les dénoncer...
Juges, officiers, «  même toutes personnes privées ont le droit de capturer et arrêter des faux-sauniers. »
Afin d'encourager communautés et particuliers à «  se saisir des dits vagabonds et faux-sauniers, ordonnons que chevaux, charrettes et équipages de ceux qui seront arrêtés appartiendront à ceux qui en auront fait la capture. » Mais, par contre, 500 francs d'amende à quiconque se serait refusé à aider à ces arrestations.
Ordre aux militaires, officiers, soldats, de faire la chasse aux faux-sauniers, «  à peine de répondre sur leurs appointements et soldes; » quant aux archers, s'ils ne couraient sus aux contrebandiers, suppression de leurs gages... (20 Juin 1711).
Ce résumé d'une ordonnance de Léopold, donne idée de la façon dont ce duc entendait sévir contre les faux-sauniers et prouve aussi combien ceux-ci étaient nombreux.
Etait déclaré faux-sel et par conséquent contrebande, tout sel qui ne venait pas des magasins de l'Etat.
Par exemple, le sel employé pour la conserve des poissons, et venant par conséquent des ports de mer, était qualifié faux-sel ! Lorsqu'un marchand recevait de ces poissons, il devait ouvrir les «  barils, hambourgs et tonnes » en présence du fermier ou son représentant - le gabelou - et ces «  sels, saumures provenant des marées » étaient jetés à l'eau. Toutefois, on finit par en autoriser la vente aux «  gantiers, pelletiers, mégisseurs, » la moitié du prix, revenant au fermier des sels (1711).
La vente par l'intermédiaire des sauniers-libres fut supprimée. On créa partout des grands magasins, fournisseurs à leur tour d'autres plus petits que l'on appelait regrats. De chacun de ceux-ci;, ressortissaient un certain nombre de villages, qui ne devaient acheter leur sel que là. Une répartition plus où moins arbitraire, du sol avait été faite, et provoqua nombre de réclamations; on en retrouve l'écho dans les Cahiers des doléances du Tiers-Etat en 1789.
Les habitants de Frenelle-la-Petite, se plaignent d'être forcés d'aller quérir leur sel au regrat de Repel. Ils sont obligés de suivre un très mauvais chemin, de traverser le village d'Oelleville, où il y a un magasin comme à Repel; mais, on leur a toujours refusé le droit d'y acheter du sel ! Ils font remarquer, en plus, que c'est à Mirecourt qu'ils vont aux foires et marchés, et qu'il serait tout naturel qu'ils pussent acheter leur sel au magasin de cette ville (16). Il arriva que des sous-fermiers, pour vider leurs magasins encombrés, cédaient le sel à meilleur prix que leurs voisins. De là, des difficultés entre les agents de la ferme, puisque, sans se soucier de la zone dont il dépendait, le consommateur accourait au meilleur marché.
Afin d'obliger celui-ci à n'aller qu'au magasin dont il relevait, une ordonnance du roi Stanislas (3 Septembre 1746) imagina de créer des «  feuilles ou bulletins » délivrés pour le fermier, sur lesquels on inscrivait le jour et la quantité de sel achetée. Chaque fois que l'on retournait au magasin, il fallait présenter ce bulletin; de même que l'on devait l'exhiber au gabelou, lorsqu'il venait perquisitionner, ce qui était fréquent.
Il arrivait que l'on perdait ce bulletin : «  un père occupé à son travail, disaient les habitants de Lignéville (17), envoie ses enfants acheter du sel, qui par innocence perdent le bulletin. »
L'ordonnance disait bien que, moyennant six deniers, un double en serait donné; mais les employés, méchants, chicaniers, traitaient en délinquants les parents et les poursuivaient comme faux-sauniers.
Chaque magasinier était obligé de prendre une quantité déterminée de sel, qu'il devait vendre à ses risques et périls; c'est pour cela qu'il baissait parfois le prix, ainsi qu'il a été dit; mais, avant tout, il cherchait par tous les moyens possibles, à obliger la population à prendre son sel et persécutait les fraudeurs. Ce n'était donc pas sans raisons, que se plaignaient les habitants de Lignéville.

VI

Est-il nécessaire de le dire, la population était pour les faux-sauniers, et malgré la répression et les risques à courir, achetait à ceux-ci leur sel. Il y avait à cela une raison péremptoire : la différence de prix(18).
J'ai déjà dit que le sel se vendait au volume : en 1720, le prix du pot (2 litres 448) était de 10 sols tournois; la pinte (1 litre 224), 6 sols; la chopine (612 cent, cubes), 2 sols; la demi-chopine (306 cent, cubes), 1 sol.
Le 2 Septembre 1750, on remplaça le volume par le poids, par la livre (489 gr.). En 1760, la livre se vendait 4 sols 3 deniers; en 1771, 5 sols 6 deniers, et en 1789, 6 sols 3 deniers. Ainsi, en moins de trente années, le prix du sel avait augmenté d'un tiers.
En Alsace, le sel se vendait (1789) : 2 sols 9 deniers, c'est-à-dire trois fois meilleur marché qu'en Lorraine et, fait qui devait exaspérer les populations ainsi pressurées, c'est que presque tout ce sel provenait des salines lorraines. On comprendra, devant de telles différences de prix, que les faux-sauniers devaient trouver une nombreuse clientèle et être bien vus des populations lorraines.
On se plaignait de la qualité du sel : il était toujours humide, afin d'en augmenter le poids et aussi d'économiser le combustible nécessaire à l'évaporation de l'eau : «  il se plotte (pelotte) comme de la neige. » (Cahiers de Mattaincourt)
Mal fabriqué, terreux, de mauvaise qualité, jamais assez cuit, les populations protestaient vivement. Mais le moyen d'obtenir gain de cause contre une ferme qui rapportait tant d'argent à l'État ? Rosières seul produisit, à un moment, 700.000 francs !
Le 11 Juin 1760, la Cour Souveraine de Lorraine fut cependant obligée d'intervenir: depuis quelque temps la ferme livrait du sel «  jaunâtre, rempli d'ordures et qui paraît être de mauvaise qualité. »
La police de Mirecourt, le fit saisir sans hésitations, «  parce qu'il fut constaté que ce sel est nuisible, pernicieux à la santé et que les personnes de tout âge de ladite ville qui en ont fait usage, en ont été incommodées par des coliques, tranchées, gonflement d'estomach, cours de ventre et picotements de poitrine des plus violents. » Le sel fut saisi (neuf muids ou 300 kilogs environ) et «  remontrance envoyée à la Chambre, pour qu'elle prévint les abus d'une semblable distribution. »
Ces empoisonnements furent nombreux, Vézelise également appela l'attention de la Chambre Souveraine.
Celle-ci prescrivit une expertise : «  les apoticaires Virion et Baulieu (Nancy) » en furent chargés. Leur rapport constate qu'il fut trouvé dans ce sel du gravier, sable, charbon, bois; que «  l'amertume provient du sel Glober et Ipsom (Glauber et Epsom) ; » l'évaporation a été mal faite : «  l'eau mère et la chélope qui doivent en être séparés, s'y sont en partie confondus... »
Nous retrouvons dans les Cahiers des doléances du Tiers-État de nombreuses plaintes contre le prix exagéré du sel :
Les communautés de Dignonville, Jeuxey, Pallegney, Zincourt, s'entendirent entre elles pour adopter une protestation unique : «  Le sel est nécessaire en tous pays, pour l'éducation des bestiaux, mais surtout en Lorraine... on supplie S. M. de ne le faire payer que sa valeur intrinsèque ; l'agriculture rendra alors aux sueurs des habitants, tout ce qu'ils en peuvent attendre, parce que leurs terres seroient couvertes d'engrais, qui leur fourniroient nombre de bestiaux, qu'on ne peut élever faute d'un secours si nécessaire. Aujourd'hui, quand dans le peu de bestiaux que le défaut de sel permet d'élever, quelqu'un est malade, on ne peut leur donner du sel qui seroit si nécessaire à leur guérision, parce que c'est le moyen curatif le plus cher. Malgré son prix énorme, pour le faire peser davantage, on a l'injustice de le tenir si humide, qu'il est presque liquéfié (19)... »
Les habitants de Sainte -Hélène, Vomécourt, Épinal (20), etc., réclamaient une diminution du prix du sel. Épinal demandait aussi que l'on défendît de vendre du sel à l'étranger a. à cause de la consommation des bois. »
Ceux d'Igney (21), protestaient tout à la Ibis contre l'élévation de prix et les difficultés de se procurer du sel : «  Diminuer le sel ou le rendre marchand, pour plus grande facilité aux habitants des campagnes, qui souvent sont éloignés de deux ou trois lieues, et n'en peuvent recevoir que lorsqu'il plait aux magasiniers, ce qui cause très souvent des retards, dommages et intérêts aux menus habitants éloignés. »

VII

La contrebande du sel était énorme. Tous s'en mêlaient : les couvents, où un arrêt du 3 Juillet 1703, permettait des perquisitions c »même dans les maisons religieuses, en se faisant assister par les officiers du lieu ; » les curés la pratiquaient aussi ; un d'eux, l'abbé Colson, curé de Nitting (22), député depuis aux Etats généraux, a raconté ses émotions de faux-saunier : «  Ma paroisse n'était pas riche, j'avais non seulement des pensionnaires, mais je faisais des nourris de bestiaux. Le sel est d'une grande ressource pour les entretenir sains et les engraisser, lorsque les circonstances l'exigent. J'aurais eu honte de faire la contrebande pour mon ménage. Mais en faveur des bêtes, je me laissais aller à la tentation une fois. Je rapportais nuitamment un sac de sel sur mes épaules. Quand on est en délit, on tremble au moindre bruit. Je crus en entendre, je précipitais ma marche : il faisait glissant, mes mains étant occupées, je tombais sur mon visage et me fis bien du mal. Je ne pouvais sans danger faire connaître la cause de mon mal. D'ailleurs, je craignais de donner du scandale et peut-être en résulta-t-il un autre, par les conjectures que l'on aura tirées de la cicatrice qui m'est restée sur le nez (23). »
C'est surtout, à partir du règne du «  bon roi » Stanislas, que la répression du faux saunage, prit une allure féroce. Sous le régime des ducs Lorrains, on ne poussa jamais les choses à l'extrême ; mais, il n'en fut plus ainsi dès que l'intendant La Galaizière, placé en Lorraine par la France, gouverna notre province sous le nom du roi Stanislas.
Marc Lhôte, sabotier au Petit-Valtin (Vosges), fut surpris transportant d'Alsace, un sac de vingt-cinq livres de sel. Emprisonné à Saint-Dié, il fut condamné à 500 francs d'amende, confiscation du sel et aux dépens. (4 Août 1742).
Le 12 Juillet 1743, on découvrit chez Jean Michel, du village de Brin (Meurthe-et-Moselle), du sel de contrebande; condamné à une amende qu'il ne put payer, celle-ci fut convertie «  en celle de servir en qualité de forçat sur les Galères du Roi très chrétien, pendant trois ans. » Adam Jacquemin, syndic et cabaretier à Cerclin (ancienne Moselle), fut condamné à 500 livres d'amende, parce qu'un «  inconnu » avait abandonné dans son auberge un sac de 90 livres de sel.
Pour trois livres de sel achetées par la femme Quirin Barbier, dans la principauté de Salm, 500 francs d'amende (1er Juillet 1746).
Éhsabeth Hoffmann, veuve de Jean Scheulbach, du village de Schvemling, «  faisant profession d'acheter du sel dans les faux magasins, pour le reverser et le revendre en Lorraine, comme quantité d'autres de son espèce... » est condamnée à 500 francs d'amende, qu'elle ne peut payer. Mais, comme «  on ne peut infliger les galères contre une femme, » elle est condamnée au fouet et à cinq années de bannissement (10 Juillet 1748).
Voici un magasinier condamné à son tour pour faux-saunage : La veuve Vial sous-fermière des magasins à sel de Rodange (Redange, ancienne Moselle annexée), «  au lieu de tirer des salines tous les sels pour sa distribution, en use de contrebande, qu'elle va chercher dans le territoire de Luxembourg... »
Dénoncée, les gabelous, surprirent son commis, Pierre Grandheury, introduisant du sel : la veuve fut condamnée à 10.000 francs d'amende et le commis à 3.000 francs. (1er Février 1749).
Jean Lenius, maire et syndic de Willerwald (ancienne Moselle), ainsi que divers habitants, refusa de prêter main-forte aux agents de la ferme du sel, qui venaient de faire une perquisition et d'arrêter un faux-saunier. Tous prirent le parti de ce dernier et insultèrent les gabelous. Sur la plainte de ces derniers, le substitut du tribunal de Sarralbe donna raison aux habitants et fit emprisonner les employés de la ferme.
La Cour de Lorraine, «  déclara l'emprisonnement nul et de nul effet » et condamna le maire et les habitants, chacun à 1.000 francs d'amende, pour refus d'assister les gabelous ; le faux-saunier à 500 francs et le substitut à pareil somme «  et au quart des dépens. » (17 Janvier 1750).
J'ai dit qu'il était défendu d'utiliser les saumures et sels servant à conserver le poisson. Il en était de même des sources salées fort nombreuses en certaines régions de Lorraine.
La femme Catherine Hengler et sa fille, du village de Cocheren (ancienne Moselle) furent surprises puisant de l'eau salée dans une source du voisinage. A la vue des gabelous, elles vidèrent l'eau puisée, dans la source, mais «  il en resta deux pots (quatre litres et demi environ) dans le vaisseau qu'elles portaient et qui contenait au moins dix-huit pintes (21 litres environ). »
La mère et la fille avouèrent qu'elles prenaient cette eau pour la «  faire cuire » et en extraire le sel. De plus, il fut constaté qu'elles achetaient fort peu de sel au magasin de l'Etat, ce qui prouvait que ce n'était pas la première fois qu'elles allaient puiser de l'eau à cette source. Elles furent condamnées à 1000 francs d'amende.
Le plus intéressant de ce procès, fut que le fermier du sel demanda à l'État de faire combler ces sources, ce que la Cour Souveraine refusa : «  l'on sait effectivement qu'aux environs des salines de Dieuze, Château-Salins, Moyenvic et bien d'autres ailleurs les sources salées se produisent abondamment, surtout dans le temps pluvieux, comme il arriva en 1740... Or, ne serait-ce pas une dépense immense pour la régie des fermes de S. M. (Stanislas) s'il falloit
murer et couvrir toutes ces sources d'eau salée qui pourroient se produire successivement tantôt dans un lieu tantôt dans un autre... il faudroit couvrir et murer non seulement toutes les sources, mais encore tous les coulans et ruisseaux qui en dérivent, ce qui conduirait à l'infini... » (24 Avril 1751).
Cependant, pour certaines de ces sources isolées, on prit des mesures spéciales : quelques années avant 1789, une source jallit sur le territoire de Maizières-en-Vic (annexé), l'Administration la fit combler et placer autour des soldats qui la gardaient jour et nuit.
Les faux-sauniers, traqués, finirent par se grouper, voyager en bandes armées : tous ceux pris dont le groupe dépassait cinq, étaient condamnés au fouet, au bannissement après avoir été marqués, au fer rouge, sur les épaules des trois lettres : G. A. L., cela dès l'âge de quatorze ans. Tout marqué surpris en récidive était condamné à mort ! ...
.La peine des Galères était inconnue au temps de la domination des ducs Lorrains. Elle fut appliquée dès l'avènement du «  bon roi » Stanislas, c'est-à-dire du régime Français.
L'émotion fut grande, lorsque nos aïeux virent partir pour Toulon, les premières chaînes !
Cet excès de répression, exaspéra les taux-sauniers, ils se servirent de leurs armes ; et, plus d'une fois, ceux-ci et les gabelous eurent de sanglantes rencontres.
Par l'exagération du prix du sel, le Lorrain prit parti pour le faux saunier et, il faut le dire, plus d'une fois il regretta l'ancien régime de ses ducs. Nous en retrouvons l'écho dans les Doléances des habitants de Vandoeuvre (Meurthe-et-Moselle) : «  Ce sont ces malheureuses salines, si près de nous, et qui par l'invention de l'insatiable finance, nous mettent dans le cas de nous épargner souvent une chétive soupe. Comment faire pour manger deux fois par jour en payant le sel douze sous six deniers le pot, tandis que l'étranger ne le paie pas le tiers, comme on l'assure ? Faut-il donc qu'en consacrant nos peines, nos sueurs au service de notre province et de l'État, nous soyons traités par les nôtres trois fois pire que le dernier des étrangers ?
De toutes parts, nous ne voyons que des entraves. On ne peut même avec son argent prendre de ce sel dans tel ou tel magasin. La moindre erreur commise en cela est suivie des plus grandes peines prononcées par ceux qui sont juges et parties des saisies, l'emprisonnement, la galère, etc. (24)
Oh ! heureuse liberté de nos pères, qu'es-tu donc devenue ! ... »

(1) Vic, aujourd'hui annexé (ancien département de la Meurthe).
(2) Moyenvic, aujourd'hui annexé (ancienne Meurthe).
(3) Marsal, aujourd'hui annexé (ancienne Meurthe).
(4) Dieuze, aujourd'hui annexé (ancienne Meurthe).
(5) Château-Salins, annexé (ancienne Meurthe).
(6) Salone, annexé (ancienne Meurthe).
(7) Albe (Sarralbe), annexé (ancienne Meurthe).
(8) Morhange, annexé (ancienne Moselle).
(9) Rosières (Meurthe-et-Moselle), appelé encore Rosières-aux Salines, quoiqu'il n'y en ait plus depuis le siècle dernier.
(10) Dom Calmet, Les Salines, t. V, Histoire de Lorraine.
(11) Dom Calmet, Les Salines, t. V, Histoire de Lorraine.
(12) Idem.
(13) Dom Calmet, ouvrage cité.
(14) De la grande voie de Metz à Strasbourg, desservant la région des salines (Vic, Moyenvic, Dieuze, Château-Salins, etc.), en partait une autre, permettant de gagner Blâmont et Deneuvre Baccarat). En ce point venait se souder le chemin Sondrot; tandis que l'autre remontait la vallée de la Meurthe pour aboutir à Colmar par le Col du Bonhomme. A Raon, elle croisait la route de Langres à Strasbourg. De là aussi se détachait la Via Salinaria.
(15) Le mouvement du charrois était considérable autour de ces salines. Les sauniers se plaignaient vivement du triste état des routes : «  les plaintes fréquentes qui nous ont été portées par les marchands rouliers et voituriers qui avoient soufferts de grands dommages et intérêts par la perle de leurs chevaux, de leurs chars et charrettes rompues et brisées, qui conduisent dans nos villes de Château-Salins et Dieuze, dont la situation est fâcheuse à cause des marais qui se rencontrent dans l'un et l'autre lieu... » Le duc imposa, pour l'entretien de ces routes, «  par char chargé de sel, 8 gros et par charrette, 4 gros... » (16 Juillet 1711).
Déjà, au siècle précédent, pareille taxe avait été imposée aux voituriers qui allaient à Rosières, «  autre lieu d'un accès également difficile. »
(16) Archives des Vosges (Epinal), arrondissement de Mirecourt.
(17) Archives des Vosges (Epinal), arrondissement de Mirecourt.
(18) Quand un fermier était à bout de son bail, il était interdit aux populations d'acheter plus de sel qu'elles n'en pouvaient consommer, afin que le nouveau fermier ne trouvât pas d'approvisionnements faits d'avance.
On adjugeait la ferme, une année à l'avance, le nouvel adjudicataire, était autorisé à faire surveiller la vente du sel. De là des conflits entre les deux fermiers. L'ancien, pour écouler son stock baissait le prix ; mais le nouveau faisait perquisitionner et poursuivre quiconque avait fait provision de sel pour plus d'une année (28 Mai 1721).
Toujours, l'habitant état la victime !
Pour mettre d'accord les deux fermiers. l'État nommait des contrôleurs qui tenaient registre des sels expédiés et veillaient à «  ce qu'il n'en puisse être délivré que la quantité nécessaire pour la consommation effective jusqu'a la fin de la présente année ». (3 Juillet 1703).
(19) Archives d'Épinal - Cahiers des doléances, publié en 1889 par M. Chevreux (Bailliage d'Épinal).
(20) Cahiers des doléances (ouvr. cité.)
(21) Cahiers des doléances (ouvr. cité.)
(22) Village annexé. - Ancienne Meurthe.
(23) L'ancien régime dans la province de Lorraine et Barrais, par l'abbé (aujourd'hui cardinal) Mathieu. - Hachette, 1879.
(24) Abbé Mathieu - ouvr. cité.
 

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