1914 - 15ème
régiment de Dragons - Combat de Chazelles
Historique du 15ème Régiment
de Dragons
1. En Lorraine : les Premières
Opérations.
Le débarquement se fit à Barizey-la-Côte, près de Toul,
dans la journée du 5. Le premier cantonnement de la
campagne fut Thuilley-aux-Groseilles ; le second
Coyviller, d'où le Régiment partit le 7, pour Lunéville.
Il logea dans un des quartiers de la 2ème Division de
Cavalerie qui était déjà en couverture au Nord de la
forêt de Parroy.
Le Régiment demeura sur place du 7 au 13 inclus, passant
les journées en surveillance au Nord de la ville, sous
un soleil torride, dont les hommes s'abritaient tant
bien que mal, en construisant à l'aide de leurs lances
et de gerbes de blé, d'ingénieux abris.
Le 15ème Dragons avait reçu, à son arrivée à Lunéville,
la mission spéciale de surveiller et garder le couloir
situé à l'Est, entre la forêt de Parroy et la voie
ferrée Nancy-Avricourt. Le Colonel envoya donc deux
détachements : le 7 Août, l'Escadron Gommès (3ème) vers
Emberménil ; le 8, la Section de Mitrailleuse De
Chaumont, ayant le Peloton Bohineust (du 4ème Escadron),
comme soutien, à Laneuveville-aux-Bois. C'est à ces
éléments du Régiment que revient l'honneur d'avoir
marché, les premiers, à l'ennemi.
Deux reconnaissances de l'Escadron Gommès ne tardent pas
à prendre le contact. Le 7 août, vers 22 heures, le
Lieutenant Dop, traversant la forêt de Parroy, se heurte
à des Cyclistes, qui l'attendent derrière une barricade,
et qui lui tuent deux chevaux.
Le lendemain, à la pointe du jour, le Lieutenant De
Batz, envoyé en reconnaissance sur Avricourt, est
accueilli, lui aussi, par une vive fusillade qui blesse
le Brigadier De Baritaud, ainsi que plusieurs chevaux.
Le Brigadier De Baritaud reste aux mains de l'ennemi. Le
Lieutenant De Batz, dont le cheval est tombé, fait
preuve d'un calme et d'un courage admirables en refusant
de prendre le cheval d'un de ses hommes, et en revenant
vers son Peloton à pied, seul sur la route, sous une
grêle de balles.
Un peu plus lard, le Lieutenant De Batz montre encore un
magnifique sang-froid. Voyant, près de Leintrey, un
Peloton de Cavalerie ennemie, et ne pouvant le charger à
cause des marécages qui l'en séparent, il fait mettre
pied à terre et le feu. Ses hommes blessent plusieurs
Cavaliers ennemis et parviennent à ramener trois chevaux
de prise. Coïncidence curieuse, on s'aperçoit, en
fouillant dans les paquetages, que ces chevaux
appartiennent au 3ème Escadron du 15ème Dragons
(Wurtembergeois) même Escadron et même Régiment que les
Dragons Français. Le Lieutenant De Batz sera cité plus
tard à l'Ordre de l'Armée, en ces termes :
« Entré au galop dans un village occupé par l'ennemi
et accueilli devant une barricade par une vive fusillade
a conservé tout son sang-froid et s'est dévoué, avec un
mépris superbe du danger, pour aider ceux de ses hommes
tombés à se relever sains et saufs. Tombé avec son
cheval, a refusé la monture que venait lui offrir un de
ses hommes. »
Une troisième reconnaissance de l'Escadron Gommès,
commandée par le Maréchal des Logis David, est reçue,
comme les autres, par des coups de fusil.
Le cheval de ce Sous-officier tombe et lui démet
l'épaule (Le Brigadier Laferrière et le Cavalier
Mongabure montrèrent, dans la circonstance, le plus beau
courage en mettant pied à terre, sous les balles, pour
relever leur Sous-officier).
Pendant que l'Escadron Gommès opérait ainsi, vers
Emberménil, la Section de Mitrailleuses était en
surveillance à Laneuveville-aux-Bois.
Le 12 Août, elle a l'occasion de prendre sous son feu
une reconnaissance du 7ème Dragons Wurtembergeois. Elle
la fauche presque complètement. Le Lieutenant Von
Podelwitz, qui la commande, est très grièvement blessé.
Il est fait prisonnier et meurt peu après.
Enfin, le dernier jour du stationnement à Lunéville, le
13 août, le Lieutenant Des Étangs est envoyé, avec son
peloton, en reconnaissance, au sud de la voie ferrée
Lunéville-Avricourt, dans la région Vého-Leintrey-Gondrexon-Domèvre.
Parti à la pointe du jour, le Lieutenant Des Étangs
avait envoyé d'utiles renseignements. Il avait déjà eu,
au cours de la matinée, des rencontres avec des
patrouilles ennemies et avait réussi à faire un
prisonnier. Vers 14 heures, il poursuivait sa
reconnaissance aux environs de Chazelles. Soudain il
tombe sous une violente fusillade partant d'un bois. Il
veut rebrousser chemin. Mais au même moment, un escadron
d'Uhlans tombe sur lui et lui barre la route. Le
Lieutenant Des Étangs n'a qu'un peloton épuisé et,
devant lui, un ennemi frais, trois fois supérieur en
nombre ; mais l'idée de se rendre, ne lui vient pas un
instant à l'esprit. Il fonce, suivi de tous ses hommes,
sur les uhlans, qui les reçoivent à coups de revolver,
puis avec leurs lances. Le Lieutenant Des Étangs est
tué, le Maréchal des Logis Caron également. Un grand
nombre de dragons tombent après avoir mis à mal beaucoup
d'ennemis. Ceux-ci, surpris par tant d'audace, ne
peuvent, au dire des habitants qui le rapportèrent
depuis, retenir leur admiration pour le courage bien
français dont ils viennent d'être les témoins. Ils
ramassent les blessés et les font soigner, puis ils
enterrent les morts dans le cimetière de Chazelles,
après leur avoir rendu les honneurs militaires
Cette héroïque action d'éclat nous coûtait 11 tués et 9
blessés ou disparus, au total : 28 hommes hors de
combat, tant Officier que gradés ou Cavaliers et 27
chevaux tués ou blessés. Tout le Peloton disparaissait
ainsi.
L'héroïque mort du Lieutenant Des Étangs fut vivement
sentie au Régiment. Le Lieutenant Des Étangs fut cité,
quelque temps après, à l'Ordre du Corps de Cavalerie, en
ces termes :
« Le 13 Août 1914, envoyé en reconnaissance dans la
direction de Vého, avait heureusement accompli sa
mission et envoyé d'utiles renseignements. Surpris par
une fusillade, et en présence d'un parti de Cavalerie
trois fois plus nombreux, n'a pas hésité à se porter à
l'attaque, a chargé à fond à la tête de son peloton et a
été tué de plusieurs coups de lance. »
La période de couverture se termine pour nous sur ce
fait d'armes. Le haut commandement a décidé de prendre
l'offensive. Le 15 Août, les trois Divisions Cavalerie
(2ème, 6ème et 10ème) sont constituées en Corps de
Cavalerie sous le commandement du Général Conneau. Ce
Corps de Cavalerie doit prendre part aux opérations
offensives des deux Armées, Dubail et Castelnau, qui
s'avancent, la première sur Sarrebourg, la deuxième sur
Morhange. Le Corps de Cavalerie, entre les deux, doit
assurer leur liaison. Il se porte dans la région des
Grands Étangs, entre Dieuze et Sarrebourg.
Le 17 Août, le 15ème Dragons passe la frontière et entre
en Lorraine annexée à Avricourt. L'Escadron De Leobardy
(4ème) est en avant-garde. Le 18, la marche en avant se
poursuit sur Haut-Clocher. Ce fut là que le Régiment
reçut véritablement le baptême du feu. Le Demi-régiment
Guintini (3ème et 4ème Escadrons) reçurent quelques obus
aux abords de ce village, mais sans pertes. Peu de temps
après, le Régiment et toute la Division Cavalerie qui
devaient continuer leur mouvement dans la direction de
Saverne, sont arrêtés par l'Artillerie et l'Infanterie
ennemies. A ce moment, les deux Armées Dubail et
Castelnau subissent les échecs de Sarrebourg et de
Morhange. Il leur faut battre en retraite.
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