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230ème régiment d'infanterie - 1914-1915


Historique du 230e R.I. pendant la guerre 1914-1918

Les Avant-Postes de Lorraine.

Le 6 octobre [1914], une reconnaissance offensive d'un bataillon (Ve) et d'une batterie d'artillerie tâte l'ennemi aux abords d'Arracourt. Au soir, nos avant-postes s'affermissent sur la ligne Hénaménil, La Fourasse, cote 322-327, corne nord du bois de Bénamont. Puis la division fait exécuter quelques reconnaissances à gros effectif par la brigade au repos et les cavaliers de la 2e division de cavalerie. En réponse à l'une de ces reconnaissances 2 bataillons ennemis attaquent le 5 novembre nos positions des cotes 322 et 327. Le point d'appui n'est tenu que par une compagnie (24e) ; au prix de pertes assez lourdes cette fraction réussit à se maintenir et l'ennemi est repoussé.

Le 22 novembre, le Ve bataillon prend part à une reconnaissance destinée à faciliter l'irruption de partis de la 2e division de cavalerie sur les arrières ennemis. Le bataillon arrive à pénétrer dans Réchicourt-la-Petite, mais ne peut en déboucher. Le régiment est ensuite relevé par le 36e colonial et au début de décembre, vient au repos à Saint-Nicolas-du-Port. Depuis le départ c'est la première fois que l'on quitte le contact de l'ennemi ; sur tout le front les nouvelles sont bonnes, on peut s'abandonner sans réserve au repos complet. Tout le monde profite largement de cette aubaine, quelques manoeuvres courtes et profitables maintiennent en haleine ; quelques petites fêtes auxquelles s'associe avec entrain la population civile rendent bonne humeur et gaîté et cette période laisse le meilleur souvenir dans l'esprit de tous. Vers la fin décembre, la régiment fut appelé à garnir pendant quelques jours le secteur Hoéville-Erbéviller (avant-postes de la Loutre noire) pour faciliter les mouvements de la division voisine (68e D.I.). Il rentre à Saint-Nicolas pour le premier janvier 1915, fait un court séjour à Lunéville, puis vers la mi-janvier reprend les positions qu'il connait déjà dans le secteur Einville-Crion. Jusqu'au mois de juin 1915, il tient alternativement toutes les positions depuis la lisière sud de la forêt de Parroy jusqu'à la cote 322. En forêt comme en rase campagne, il faut tout organiser. On sent qu'on entre dans une période de stabilisation qui menace de durer longtemps, il faut donc multiplier les défenses accessoires et rendre habitables les endroits choisis. D'autre part, l'activité ennemie est plus apparente, ses organisations se développent, il essaye par diverses tentatives de rapprocher ses lignes des nôtres. C'est ainsi qu'il s'établit les 24 et 25 février à Parroy, village resté neutre, qu'il se fortifie dans Monacourt, qu'il vient au contact dans la forêt de Parroy. Les 27 février et premier mars, nous tâtons les organisations de Parroy : il appert dès le début que l'ennemi attache une grosse importance à ce point, la garnison est nombreuse et les travaux activement poussés ; pour l'en chasser il faudrait une opération à gros effectif. Par contre, le 26 mars, ordre est donné au régiment d'élargir nos lignes dans la forêt de Parroy et de chasser l'ennemi de la région médiane du bois de la Goutelaine au bois Legrand. L'opération est rondement menée, sans démonstration d'artillerie, dans un combat de nuit, qui nous laisse à l'aube maîtres de tous les objectifs assignés. Dans le bois des Evrieux, on pousse même plus avant jusqu'à un blockhaus très fortement occupé où le reste de la garnison s'est réfugiée. Cet ouvrage est tenu sous notre feu jusqu'au moment où le général commandant l'armée vient sur les lieux, déclare satisfaisants les résultats obtenus et donne l'ordre de s'organiser sur les positions conquises. Irrité de cette aventure, l'ennemi déclenche le 31 mars une attaque sur le bois Legrand. L'affaire est menée par un bataillon bavarois, elle est reçue par la 24e compagnie qui non contente de résister passivement, organise avec des éléments de réserve une contre-attaque énergique : l'ennemi repoussé se réfugie dans Monacourt, laissant dans nos lignes une cinquantaine de cadavres et quelques prisonniers. Ce beau fait d'armes vaut à la compagnie une citation à l'ordre de l'armée.
Après cet échec, l'ennemi crut de meilleur compte de faire une tentative sur notre poste de la ligne de l'étang de Parroy. Ce poste en effet avancé de plus d'un kilomètre de notre ligne de résistance, se trouve un peu en l'air et est tenu par un peloton. Débouchant de Parroy, l'ennemi prononce une attaque le 17 avril et arrive jusqu'à nos réseaux. Mais nos feux de mousqueterie et de mitrailleuses ainsi qu'un tir d'artillerie extrêmement précis, réglé de la tranchée elle-même, lui interdisent de pousser plus loin et sa tentative échoue. Quelques jours après, le régiment glisse légèrement vers la droite de façon à avoir tous ses éléments en Forêt de Parroy. Au mois de mai, il est relevé par le 299e et vient au repos dans la région Jolivet-Chanteheux. Le séjour y est agréable ; les bords ensoleillés de la Vezouze délassent les hommes de leur long hiver en forêt. Le colonel profite du repos pour emmener le régiment faire un pieux pèlerinage à Gerbeviller, pour rendre hommage aux premiers morts du 230e. Une prise d'armes solennelle a lieu au cours de laquelle sont remises les premières croix de guerre.

Reillon-Leintrey.

Au bout d'un mois de séjour dans cette région, la VIe bataillon est détaché pour aider aux organisations du secteur d'Emberménil, tenu par le 50e bataillon de chasseurs à pied. Il aide cette unité à rétablir ses positions violemment attaquées pendant la nuit du 18 au 19 juin.
Depuis quelque temps déjà, on entendait chuchoter le bruit d'une démonstration de notre part sur le front de Lorraine. On avait successivement parlé de Parroy, du bois du haut de Corbe et de différents saillants des positions ennemies. N'oublions pas que nous sommes en 1915, au gros moment des attaques partielles à objectifs limités et à moyens également limités. L'affaire, avouons-le ne suscite guère d'enthousiasme : on sait la valeur du front stabilisé qui nous est opposé ; on se doute qu'une avance ne poussera jamais bien profond dans les lignes adverses et l'on demeure perplexe sur les résultats possibles de l'opération. Elle est décidée cependant et débute par une action de la deuxième D.C. dans le secteur de Reillon. Reillon, Leintrey, Vého et Gondrexon délimitent une manière de quadrilatère dominé en sa partie médiane par la cote 293. Des bois touffus encadrent la position (Amienbois, Rémabois), des ravineaux et des boqueteaux la parsèment et, au loin vers l'Est, la cote d'Igney la commande. C'est là que le régiment doit attaquer, c'est là, en avant-postes sans cesse bouleversés et sans cesse reconstruits qu'il doit passer le reste de l'année 1915. Le 20 juin dans l'après-midi, on fait appel au Ve bataillon dans un moment critique : l'ennemi vient de contre-attaquer avec succès en avant de Gondrexon et menace de compromettre tout notre gain ; à 17 heures, le chef de bataillon rassemble son unité, fait sonner la charge, enlève à la baïonnette toutes les positions et s'y installe victorieusement. Notre droite est désormais assurée, mais il s'agit d'affermir notre gauche. L'opération est confiée au VIe bataillon qui attaque les défenses ennemies au nord de Vého, pénètre de près d'un kilomètre dans la position et résiste victorieusement à toutes les contre-attaques. Les pertes sont sévères, mais c'est un gros succès et le général commandant l'armée apporte ses félicitations à la troupe. Ces résultats obtenus, on voulut pousser l'avance en direction de Leintrey, où l'ennemi tient deux points d'appui solides, le bois Noir et l'ouvrage 7. Dans la nuit du 28 au 29 juin, les deux bataillons du 230e sont lancés sur ces ouvrages, ils les abordent à la baïonnette mais se heurtent à des fils de fer épais et absolument intacts, à des mitrailleuses en caponière qui déclanchent sur eux un tir meurtrier. De plus, le barrage ennemi se fait plus dense, les pertes sont fortes, il devient évident que si un décrochage rapide n'intervient pas avant le jour les unités tout entières sont compromises. Heureusement ce décrochage peut s'opérer en bon ordre, à l'aube naissante nos dernières fractions se retirent de la position. Après cet échec, les opérations offensives sont suspendues. Elles ont coûté au régiment, 329 tués, blessés et disparus et la période d'organisation qui s'ouvre va lui en coûter au moins autant. Depuis ce jour en effet ce fut la guerre de tranchée dans ce qu'elle a de plus maussade et de plus périlleux, menée, dans un secteur où tout est à faire avec des moyens matériels insuffisants, en face d'un adversaire irrité d'avoir fléchi, qui ne ménage rien pour réparer son échec primitif. Le 15 juillet, à partir de 12 heures, l'ennemi déclanche un bombardement violent sur la position dite du Zeppelin, saillant avancé de nos lignes. La garnison (18e compagnie), après avoir perdu plus de la moitié de son effectif, reçoit l'ordre de se replier vers ses fractions de soutien, l'ennemi attaque dans le vide et pénètre dans la position. En toute hâte le VIe bataillon descendu la veille au repos à Ogéviller, est rappelé. Il arrive au milieu de la nuit et réoccupe la position (22e compagnie). Peu après, le 230e glisse vers la gauche et prend le secteur voisin, sa droite appuyée au ruisseau de Leintrey, limite gauche du secteur de Reillon. Mais la lutte se fait plus opiniâtre ; le 8 octobre, nouvelle attaque allemande menée avec de très puissants moyens ; la densité d'artillerie devient telle qu'en aucun point du front tenu depuis par le régiment on ne l'a rencontrée plus forte, l'ennemi fait pour cette position une débauche de moyens tout à fait inaccoutumée. Son attaque est menée par un bataillon de chasseurs saxons entraîné de longue date spécialement à cette fin. Il réussit à prendre pied dans nos lignes. Des contre-attaques immédiates sont opérées auxquelles prennent part les 17e et 18e compagnies. Elles sont meurtrières et ne donnent pas de résultats appréciables. La 17e compagnie s'y conduit d'une façon fort brillante et mérite une citation à l'ordre de l'armée. Le 15 octobre, une opération d'ensemble est organisée à laquelle prennent part les mêmes unités : cette opération nous rend la majeure partie du terrain perdu. De tous ces combats acharnés naissent deux lignes de tranchées adverses distantes de moins de trente mètres, un terrain bouleversé et des organisations défensives embryonnaires. Une période extrêmement pénible commence alors : le jour, le bombardement détruit tranchées et boyaux que l'on reconstruit hâtivement pendant la nuit. Dès que le soir tombe, les grenades volent d'une tranchée à l'autre et rendent malaisée toute réfection. Pour comble, l'arrière-saison devient soudainement très pluvieuse ; tout s'écroule, les boyaux deviennent des ruisseaux de boue où les hommes s'enlisent, les communications deviennent à peu près impossibles, le séjour presque intolérable. Les efforts nécessaires à une telle situation ne se démentent pas un instant et le régiment fait vaillamment son apprentissage de la plus dure des guerres de position. Lorsque, le 27 décembre, il est relevé par le 167e régiment d'infanterie, il offre le spectacle d'une unité appauvrie sans doute de tous les éléments qu'elle a perdus, fatiguée par six mois d'efforts incessants, mais parfaitement adaptée à toutes les nécessités de la guerre moderne.
Après deux jours de repos à Fonteny-la-Joute, le 230e fait route par voie de terre pour gagner la région de Saffais. Le 1er janvier 1916, il s'installe à Rosières-aux-Salines.[...]
 

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