25 décembre 1879
Le chauffage des wagons. - On s'occupe très activement
dans toutes les Compagnies de chemins de fer de la question si importante du
chauffage des wagons. Voici à ce sujet des renseignements puisés aux sources
officielles.
Deux systèmes de chauffage, entièrement nouveaux, viennent d'être essayés sur
les réseaux du Nord. Le résultat de cette expérience n'est pas encore connue.
Elle a pour but, notamment, le chauffage des wagons de 3e classe.
Les Compagnies de l'Ouest et de l'Est ont définitivement organisé le chauffage
des wagons de 2e classe, même sur les longs parcours.
Sur la ligne de l'Ouest, et pour les petits parcours seulement, tous les
compartiments de deuxième classe réservés aux dames sont pourvus de bouilloires
d'eau chaude.
Sur la ligne d'Avricourt, quelques voitures sont munies de petits calorifères
dont les fourneaux sont en saillie sur les parties latérales des wagons, et qui
peuvent, à l'aide de tubes en fer, réchauffer les voyageurs de tout un
compartiment.
Cette innovation a été jusqu'à présent, très appréciée par le public.
4 avril 1880
On lit dans le Journal d'Alsace, du 2 avril: Il paraît que
les jeunes lycéens qui sont venus de France en Alsace-Lorraine pour passer chez
leurs parents les vacances de Pâques ont eu des difficultés pour franchir en
uniforme la frontière d'Avricourt.
La gendarmerie a voulu leur interdire de poursuivre leur route, et quelques-uns
de ces jeunes gens, intimidés, et craignant des mesures de rigueur, ont
rebroussé chemin et ont été privés ainsi de la joie d'être pendant quelques
heures au milieu de leur famille.
D'autres ont retourné leurs képis et ont caché leur uniforme comme ils ont pu,
et sont entrés de la sorte sur le territoire alsacien-lorrain.
11 mars 1883
PRODUITS ALLEMANDS IMPORTÉS EN FRANCE SOUS DE FAUSSES
MARQUES.[...]
Cette question des fausses marques de fabrique est bien une des questions
commerciales les plus sérieuses qui se puissent débattre ; et, si ceux qui
manifestaient hier aux Invalides avaient été de vrais ouvriers, ils auraient
retiré quelques profits en assistant aux débats qui se sont produits devant la
Cour; ils auraient appris là les vrais motifs de la résistance des patrons aux
demandes d'augmentation de salaire et la vraie cause qui nous oblige à déserter
les marchés étrangers.
Depuis longtemps, le commerce français se plaint, non sans saison, que les
produits allemands envahissent nos marchés sous des marques mensongères. Il
s'agit bien, dans le cas actuel, de produits fabriqués en Allemagne et
introduits en France avec la marque « Paris » comme lieu de fabrication ; mais
ceux qui avaient commandé ces produits en Saxe et en Bohème et en avaient
favorisé l'introduction, étaient des commerçants français, qui avaient en France
leur établissement commercial.
C'est en avril dernier que la douane française saisissait à Avricourt des
caisses de boutons en corazzo (sorte de composition imitant le marbre ou la
cornaline) ; ces boutons étaient encartés sur des cartons portant comme marque,
imprimée : « Paris, dernière nouveauté. »
Le lieu indiqué de fabrication constituait matériellement un faux; la saisie fut
maintenue et le parquet vit là une infraction à la loi qui défend de mentionner
sur une marque un lieu de fabrication autre que le lieu réel.
Une poursuite fut dirigée contre les commissionnaires qui avaient présentés les
caisses en douane, et en même temps contre les fabricants qui n'étaient autres
que des négociants français ayant commandé ces produits dans des usines
allemandes.
On comprend l'intérêt qu'avaient eu à cette commande les négociants français :
la main-d'oeuvre, qui entre pour quarante pour cent dans le prix de revient du
produit, est moitié moindre en Allemagne qu'en France ; c'était donc une
réduction de vingt pour cent qu'on obtenait en recourant au travail des ouvriers
allemands.
Ce moyen de concurrence était-il permis ?
N'y avait-il pas là une déclaration mensongère que la loi n'autorisait pas ?
Me Ducuing au nom du commerce français, représenté par la Chambre de commerce de
Paris et par vingt-deux négociants notables intervenants au procès, soutenait
qu'il y avait là infraction à la loi ; que la loyauté commerciale s'opposait
d'ailleurs à ce procédé de concurrence, encore bien que le taux comparativement
élevé du salaire de l'ouvrier parisien rendit parfois toute concurrence
impossible sur les marchés étrangers.
Mes Clunet et Lyon-Caen plaidaient au contraire qu'un fabricant avait le droit
de marquer les marchandises qu'il mettait en vente du lieu où il avait son
principal établissement de commerce, sans qu'on eût à s'inquiéter du lieu où la
fabrication s'était faite. La marque commerciale des prévenus était Paris; ils
en ont usé et en avaient le droit.
Le système soutenu par Me Ducuing avait triomphé en première instance ; les
introducteurs et les fabricants avaient été condamnés à une amende de 50 francs
et à la confiscation. Le système contraire a été admis par la Cour.
L'arrêt, rendu hier par la Cour de Paris, a décidé qu'un négociant a le droit de
se servir d'une marque indiquant le lieu de son principal établissement ;
ajoutant en fait : « Que d'ailleurs, il n'était pas prouvé que Paris fût pour
les boutons un lieu particulièrement renommé. »
De cet arrêt, s'il était adopté en cassation, il résulterait que nos fabricants
pourraient, du moins pour certains produits n'exigeant qu'un travail mécanique
et en quelque sorte matériel, recourir à la main-d'oeuvre étrangère, de moitié
moins chère que la nôtre. Avis aux chambres syndicales ouvrières.
Il en résulte aussi que les Allemands ne seraient pas fondés, même en
établissant à Paris un comptoir, d'introduire en France des produits fabriqués
en Allemagne avec la marque française ; ils auraient, il est vrai, le double
avantage de profiter de la différence énorme dans le prix de la main-d'oeuvre et
de la plus-value due au crédit de la marque « Paris», mais il faudrait qu'ils
pussent établir qu'ils ont à Paris leur principal établissement de commerce.
NDLR : sur cet intéressant problème juridique du
nom du lieu de fabrication, voir le détail ci-dessous.
31 juillet 1884
Avricourt, 29 juillet. - On nous télégraphie que
l'épidémie de « typhus pourpre » a éclaté à Moussey, près Avricourt, dans la
Lorraine allemande, et non à Moussey dans les Vosges. Elle n'a d'ailleurs plus
fait d'autres victimes. Le conseil municipal a voté 2,000 marks pour combattre
la maladie. Le village a été désinfecté à l'acide phénique.
25 décembre 1886
[...] M. Joubert, le sympathique financier, vient
d'éprouver un trait bien typique de cette excellente routine. Appelé en
Autriche, la semaine passée, il arrive à Avricourt. Le choléra sévissant à Pesth,
il y a un an, le conseil d hygiène avait décidé qu'à cette station-frontière, on
visiterait les voyageurs et qu'on retiendrait leur linge sale. Or, le choléra a
disparu de Pesth depuis douze mois et l'on continue toujours à Avricourt à
passer à l'examen les malheureux voyageurs et leur lessive.
4 août 1887
Avricourt, 2 août. - Un nommé Voinot, âgé de vingt-trois
ans, s'est suicidé en se jetant sous un train, près d'Avricourt.
7 août 1887
ETRANGER
A LA FRONTIÈRE
Les autorités allemandes ont notifié au chef de gare d'Igney-Avricourt
l'expulsion de trente-huit de ses employés qui habitaient le territoire
allemand.
Un délai d'un mois pour les célibataires et de trois mois pour les hommes mariés
leur est accordé.
8 août 1887
A LA FRONTIÈRE
Une dépêche d'Avricourt, en date d'hier confirme une nouvelle que nous avons
déjà donnée : L'expulsion d'Avricourt-allemand de 38 employés des chemins de fer
français est absolument exacte.
10 août 1887
A LA FRONTIÈRE ALLEMANDE
Le nombre des ménages d'employés des chemins de fer de l'Est, expulsés d'Avricourt,
est de trente-huit, comprenant cent personnes environ.
Depuis l'annexion, ces employés habitaient à Avricourt, village cédé à
l'Allemagne, parce que le village en deça de la frontière, Igney, ne compte pas
assez de maisons pour pouvoir les loger.
A la suite de leur expulsion, il est probable que ces employés habiteront
Lunéville, en attendant qu'on ait fait des constructions à Igney pour les
recevoir.
12 août 1887
LA CONCURRENCE ALLEMANDE
L'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle a fait quelque bruit. On sait que ledit
arrêté ordonne la fermeture d'une fabrique de jouets allemands établie à
Emberménil. Nous n'avons pas toujours été de l'avis de M. Schnerb, notamment
quand il a été directeur de la sûreté générale, mais cette fois nous ne lui
ménageons pas nos compliments En agissant comme il l'a fait, il a fait montre
d'une énergie et d'un patriotisme au-dessus de tout éloge !
Je me souviens d'avoir entendu le kronprinz tenir ce langage à Carlsruhe :
« - Je fais, sur le terrain économique, une guerre à la France qui est
certainement plus préjudiciable à ce pays que l'annexion de l'Alsace et de la
Lorraine. »
Je ne ferai pas entrer en parallèle les deux provinces que nous avons perdues
avec des intérêts matériels, si considérables et si intéressants qu'ils puissent
être.
Il n'en est pas moins vrai qu'au seul point de vue de la fortune de la France,
le traité de Francfort nous cause un préjudice incomparable.
Mais si le traité de Francfort, qui nous a été imposé et que nous avons dû
subir, ne doit prendre fin que lorsque l'Allemagne y consentira - et il ne faut
point compter sur cet élan de générosité de sa part - que lorsque nous l'aurons
annulé par droit de conquête, il y a une chose contre laquelle nous avons le
droit de lutter sans cesse : C'est la concurrence déloyale, c'est la contrefaçon
!
Or, je n'apprendrai rien à personne lorsque je dirai que l'Allemagne est passée
maîtresse en matière de contrefaçon.
J'en appelle notamment à nos fabricants de jouets.
S'il est un article bien français c'est assurément « l'article de Paris ». Son
nom seul est - qu'on me passe la solennité de l'expression - une véritable
profession de foi. C'est tout un programme. Et, de fait, jamais expression ne
mérita mieux d'être employée et de tomber dans l'usage commun...
Quoi de plus gai, de plus vivant, de plus spirituel que ces petits jouets d'une
composition si diverse et qui témoignent à un si haut point de l'ingéniosité de
nos fabricants. « L'amusement des enfants, la tranquillité des parents », comme
disent assez justement les camelots du boulevard !
Eh bien ! le jouet amusant et inoffensif, a été copié par le fabricant allemand,
qui y a ajouté avec la lourdeur de son esprit, le côté défectueux et périlleux
de sa fabrication. Nous avons vu, nous voyons encore, hélas ! nos bazars
encombrés de soldats de plomb, hideux, d'un accoutrement bizarre, et qui sont
estampillés de poinçons et recouverts d'étiquettes qui ne laissent aucun doute
sur leur origine. Ces produits, marqués avant toute chose au coin du mauvais
goût allemand, sont, en outre, des plus dangereux pour les enfants. Pour arriver
à les produire à meilleur compte que nos fabricants, nos concurrents emploient
comme matières colorantes, des toxiques dont les effets ont été maintes fois
constatés. Plus d'un empoisonnement a été causé de la sorte.
Cependant, le gouvernement n'a pas été le seul à se préoccuper de cet état de
choses. Notre industrie s'en est justement inquiétée. Un de nos confrères le
disait hier, « les fabricants de jouets ont groupé leurs intérêts, ils ont fondé
la chambre syndicale des fabricants de jouets français, ils ont organisé un
comptoir d'échantillons, où le marchand en gros, en quelques minutes, fait un
choix de produits fabriqués en cent endroits différents. Ils ont fait mieux que
leurs concurrents des jouets de meilleure qualité et à meilleur marché,
AUJOURD'HUI, ILS ONT LA VICTOIRE ! »
Oui! ils ont la victoire, mais il faut qu'ils en profitent C'est pourquoi M.
Schnerb a eu raison d'agir comme il l'a fait. M. de Bismarck, à qui l'on ne
contestera certes pas les qualités d'homme d'Etat, a été libre-échangiste tant
que l'Allemagne a eu besoin du libre-échange ; il est subitement devenu
protectionniste le jour où l'Allemagne est devenue un pays de protection. Je ne
porterai pas la question sur un terrain si élevé et je ne ferai pas plus de
déclaration protectionniste que de manifeste libre-échangiste. Je me bornerai à
dire qu'il est de notre devoir de protéger notre industrie contre la plus
déloyale des contrefaçons, - surtout lorsque cette contrefaçon présente un
danger réel pour la santé publiques
Remarquez, du reste, - et c'est là le point essentiel à retenir dans le cas
actuel - que la soi-disant « fabrique » d'Emberménil - ainsi que celle de
Maranvilliers - n'était qu'un véritable dépôt où étaient amoncelés tous les
articles de bimbeloterie connus. On les y affublaient, pour mieux tromper le
fisc, de dénominations plus ou moins fantaisistes.
De cette fraude, il résultait un préjudice très sensible pour le Trésor. L'objet
en métal, pour ne citer qu'un exemple, ne paie qu'un droit de 12 0/0, et les
toupies en métal, que nos excellents concurrents cataloguaient comme tels, sont
soumis à un droit de 60 0/0. On voit, dès lors., l'importance du dommage causé à
l'Etat, d'abord, à nos fabricants ensuite, qui se trouvent dans un état
d'infériorité absolue.
Le gouvernement allemand a, d'ailleurs, si bien compris que le bon droit était
de notre côté que la fermeture de la fabrique d'Emberménil n'a pas donné lieu à
la moindre note diplomatique. Je voudrais, pour ma part, qu'on profitât de ce
que cette question si intéressante est à l'ordre du jour pour réviser la loi de
1857 sur les marques de fabrique ; je serais heureux enfin - mais c'en serait
peut-être demander trop - que nos négociants, et principalement nos
commissionnaires, qui occupent plus de 30,000 Allemands comme employés, prissent
pour les seconder des jeunes gens d'origine française et qu'ils exigeassent de
leurs collaborateurs un certificat d'origine, c'est-à-dire leur acte de
naissance. Ils viendraient ainsi en aide à un grand nombre des nôtres,
intelligents et travailleurs, qui se voient préférer nos ennemis - et ils
s'éviteraient par surcroît ce rude mécompte de livrer leurs procédés de
fabrication à des ennemis. qui en abusent !
FERNAND XAU
7 mai 1888
[...] voici une anecdote authentique : Au mois de juin
dernier, un fonctionnaire allemand arrivait à Paris ; cet excellent homme
s'était affublé d'une redingote ornée du ruban rouge; à la gare d'Igney-Avricourt,
il avait ostensiblement étalé des papiers militaires; en passant près de Toul,
il avait jugé nécessaire d'informer ses compagnons de wagon qu'il avait servi
pendant dix ans dans l'armée française; à Epernay, cet estimable personnage
avait offert un verre de champagne à son vis-à-vis, lequel n'était autre qu'un
agent de la sûreté générale. La conversation s'engagea sur un ton très familier;
on décida de loger dans le même hôtel, de fréquenter les mêmes restaurants, de
visiter les mêmes musées, d'assister aux mêmes représentations et, comme par
hasard, l'Allemand, qui se croyait très malin, demanda si les bureaux du
ministère de la guerre étaient toujours ouverts aux anciens officiers.
Quatre jours plus tard, ce bonhomme déjeunait au Café Riche ; à la table
voisine, un officier me dit à brûle pourpoint : « Vous n'avez pas un morceau de
mélinite dans votre poche? » - « Certes, non ! Et qu'en voudriez-vous faire? » -
« Le vendre au Teuton que voici. » Je fis un bond sur ma chaise : vendre de la
mélinite ! Et c'était un officier français, un patriote, qui parlait ainsi ! Je
l'interrogeai du regard ; il reprit, en riant de ma surprise : « L'Allemand qui
mange paisiblement une côtelette auprès de nous a fait le voyage de Paris tout
exprès pour a acheter un peu de mélinite ; il a vingt-cinq billets de mille
francs dans son portefeuille. Un de nos agents le suit depuis Saverne.
Avant-hier, il a flâné dans les environs de la cartouchière de Vincennes ; hier,
il a pris quatre ou cinq grogs dans un café du boulevard Saint-Germain, à deux
pas de la place Saint-Thomas-d'Aquin. C'est un imbécile, et comme nous ne tenons
pas à le surveiller indéfiniment, nous allons lui faire vendre une tranche de
dynamite. » Ce n est point un roman que je conte ; l'espion allemand a quitté
Paris emportant dans sa valise un petit paquet d'une matière explosible
quelconque, archi-connue, et nous laissant en échange l'argent nécessaire à
l'entretien de quelques agents secrets dans son pays. C'est, au fond, la
meilleure façon, et la plus spirituelle, de se débarrasser des espions étrangers
- quand on ne les fusille pas sans jugement, comme l'on fait en temps de guerre.
Les Allemands ont des procédés plus barbares ; sur quarante agents français qui
ont été arrêtés, depuis dix ans, de l'autre côté du Rhin, trente au moins n'ont
jamais reparu; les uns sont morts des suites d'une phtisie galopante, les autres
d'une chute ; on n'a jamais vu les certificats d'autopsie ; les prisons de M. de
Bismarck sont bien gardées et les corridors en sont peuplés de fantômes.
31 mai 1888
ALSACE CAPTIVE
Cette fois, c'est bien fini. Entre l'Alsace et la France, M. de Hohenlohe,
ex-ambassadeur d'Allemagne à Paris, a construit une muraille de Chine. Nul
Français ne passera plus la frontière que gardent les gendarmes et les soldats,
serviteurs implacables et stupides d'une discipline meurtrière. A Petit-Croix,
aux portes de Belfort à Avricourt, à deux pas de Lunéville, le gouverneur
allemand de l'Alsace-Lorraine fait élever des poteaux multicolores ornés
d'écriteaux qui portent cette funèbre et laconique inscription : « Halt! » sans
e muet, pour bien indiquer que c'est un Allemand qui commande.
Ceux d'entre nous qui voudront passer outre devront être munis d'un passeport et
d'une demi-douzaine d'autres documents non moins officiels. Encore toute
permission sera-t-elle refusée à l'époque de la chasse, car les plaines d'Alsace
sont giboyeuses et les cerfs galopent dans les bois du Donon et M. de Hohenlohe
entend réserver ce gibier de choix à ses nobles invités.
Bergerat écrivait en 1871 :
C'est l'air de Strasbourg qu'il nous faut!
Strasbourg toujours! Strasbourg bientôt!
Là, sont nos foyers ou nos tombes.
Ce poète n'a pas été prophète ; les années ont succédé aux années, les
ministères ont défilé sous nos yeux avec la vertigineuse rapidité du cavalier de
Burger; les ministres, les sénateurs, les députés et même les généraux ont
prononcé d'éloquents discours très patriotiques. Seulement, chaque fois que
l'image du clocher de la cathédrale de Strasbourg se dressait devant nous,
chaque fois que l'écho lointain d'un cri de révolte et de désespoir arrivait
jusqu'à nous, les gens sages s'écriaient avec un touchant et déplorable
ensemble: « Plus tard! » Gambetta, ce patriote incomparable, avait dit: «
L'Alsace-Lorraine ! il y faut penser toujours; il n'en faut parler jamais! » Il
y pensait jour et nuit; il en parlait aussi quelquefois. Nous avons changé cela
: nous n'en parlons plus et nous n'y pensons pas.
Et là-bas, dans les chaumières, les vieillards enseignent le français aux petits
enfants, qui apprennent maintenant le catéchisme en allemand ; et ceux qui n'ont
pu se sauver, qui voient approcher l'heure où le feldwebel d'une compagnie
prussienne les coiffera du casque, ceux-là mettent à profit leurs dernières
heures d'indépendance, se sauvent jusqu'à la frontière, crient : Bravo ! quand
les régiments de ligne défilent devant le lion de Belfort, et s'en retournent
désespérés, le coeur brisé, les yeux noyés de larmes, résignés au sacrifice
suprême, et murmurant comme les Polonais : « Dieu est trop haut, et la France
est trop loin ! »
Ah! comme nous devrions vous aimer, gars robustes et vaillants, vous dont les
ancêtres furent les meilleurs soldats de la France, bûcherons et schlitteurs des
Vosges, laboureurs de Schlestadt et de Saverne, pêcheurs de l'Ill et de la
Bruche, qui payez notre rançon et qui souffrez pour nous!
C'est vous qui fûtes les victimes; rançonnés et pillés en 1870, vous êtes
esclaves aujourd'hui. Et comme j'admire votre foi naïve !
Car vous ignorez les misères de la polémique et les calculs honteux de la
politique, et, chaque jour, quand le soleil descend derrière la crête des
montagnes empourprées, vous envoyez à la patrie perdue le salut de l'enfant à sa
mère et du soldat à son drapeau !
Les Français n'entreront plus sur le territoire de l'Alsace-Lorraine. C'est dit,
c'est signé. M. de Hohenlohe l'ordonne, M. de Bismarck l'a voulu. Et c'est
l'heure que nous choisissons pour parler de la révision, de la dissolution, d'un
tas de bêtises, au lieu de fourbir nos armes, d'emplir d'obus les caissons et de
cartouches les sacs ! Certes, je déteste la guerre. Celui qui, sans motifs,
déchaînerait l'orage, serait un criminel s'il n'était un fou. Mais les Français
qui sont là-bas nous attendent; ils ont eu foi dans notre parole ; depuis
dix-sept ans, leur espérance n'a point été diminuée et quand, par ces beaux
jours du mois de mai, ils vont en pèlerinage au couvent de Sainte-Odile, leurs
regards interrogent l'horizon, « Soeur Anne, ne vois-tu rien venir ? » [...]
28 juin 1888
Nancy, 26 juin. - Aujourd'hui un officier allemand du 97e
régiment d'infanterie, en garnison à Sarrebourg, en tenue militaire, est venu
s'accouder pendant un quart d'heure à la barrière du passage à niveau d'Avricourt
sur le territoire français visiblement délimité en cet endroit.
Un groupe s'est aussitôt formé.
Le commissaire spécial de la gare a invité l'officier à repasser la. frontière ;
il a obéi à cette invitation. L'autorité militaire allemande a été informée du
fait.
17 mars 1889
HORS DE FRANCE
LA QUESTION DES PASSEPORTS
Un aveugle avait un chien qu'il aimait beaucoup; l'aveugle était très pauvre et
le chien avait faim. Du matin au soir, l'aveugle battait son chien. Un passant
s'arrête : « Eh quoi! fait-il, vous maltraitez ce fidèle camarade? - Sans doute,
reprit l'aveugle, j'use du seul moyen que j'aie pour lui procurer quelque
satisfaction. Quand j'ai frappé pendant une heure, je fais une courte halte, et
ce malheureux chien, qui n'a pas seulement un os à ronger, est ravi de n'être
plus battu. »
M. de Hohenlohe, statthalter d'Alsace-Lorraine, a médité cette très vieille et
peu authentique anecdote. Quand il recueillit la succession du maréchal de
Manteuffel, les Alsaciens et les Lorrains eurent la naïveté de croire qu'ils
gagneraient quelque chose à la substitution du régime civil au régime militaire.
Ils se sont aperçus bien vite que si M. de Manteuffel était un diplomate affublé
d'un uniforme, M. de Hohenlohe était un soudard caché sous un habit noir. Et.
comme il ne voulait rien accorder à ses administrés, M. de Hohenlohe fit comme
l'aveugle : il cogna ferme et dur.
Aujourd'hui, sans motif apparent, le gouverneur d'Alsace et de Lorraine
interrompt, - momentanément, - sa vilaine besogne. On mande, en effet, de
Strasbourg que l'arrêté du 23 mai 1888 est abrogé.
Or, cet arrêté définissait les mesures de police qui ont été prises à l'égard de
tous les étrangers. On se souvient que, depuis le 31 mai dernier, nul voyageur
n'a pu franchir la frontière d'Alsace-Lorraine sans être possesseur d'un
passeport dûment paraphé, et l'on n'a pas oublié les cruels incidents dont nous
avons eu l'occasion, tout récemment encore, d'entretenir nos lecteurs. Tantôt,
c'était un fils à qui l'on refusait la permission d'assister aux obsèques de sa
mère ; tantôt, c'était une enfant de six ans que les gendarmes d'Avricourt
arrêtaient au passage et qu'ils réexpédiaient, comme un simple colis, à la gare
d'Igney-Avricourt.
Il n'y avait, pour M. de Hohenlohe et les exécuteurs de ses basses-oeuvres, ni
âge, ni sexe, ni considérations de famille. Tous s'étaient fait un coeur
d'airain.
Ce n'est pas rien qu'en France que ces dispositions barbares ont été sévèrement
jugées ; les commerçants d'Alsace-Lorraine ont crié, et le député de Strasbourg,
le seul député d'Alsace qui ait reconnu ouvertement le traité de Francfort, M.
Pétri, s'est fait à la tribune du Reichstag l'interprète parfois éloquent des
doléances de ses électeurs. On dit même que M. de Bismarck a fait quelques
observations au statthalter d'Alsace-Lorraine ; en tout cas, le secrétaire
d'Etat à l'intérieur, M. de Puttkamer, a décliné, au nom du gouvernement
impérial, toute responsabilité dans cette triste affaire.
M. de Hohenlohe a-t-il trouvé son chemin de Damas? J'en doute; toujours est-il
que ce souverain en miniature fait un pas en arrière. Précisons: Dorénavant,
tout Français entrera librement en Alsace-Lorraine, pourvu qu'il ait obtenu de
l'ambassade d'Allemagne à Paris un passeport régulier.
Toutes les autres prescriptions vexatoires sont provisoirement abolies ; on ne
devra plus faire une déclaration de présence, ni solliciter du directeur
d'arrondissement un permis de séjour.
Enfin - et ceci est plus important- l'article 3 de l'ordonnance du 23 mai 1888
n'est plus applicable. Aux termes de cet article, l'accès du territoire
d'Alsace-Lorraine était interdit à tous les Français qui font partie de l'armée
active, de sa réserve ou de l'armée territoriale, c'est-à-dire à tous ceux de
nos compatriotes qui n'ont pas dépassé l'âge de quarante-cinq ans.
On le voit : M. de Hohenlohe ménage ses faveurs. Encore est-il probable que
cette première concession cache un piège et qu'avant peu l'aveugle aura
recommencé de battre son chien avec une nouvelle vigueur et plus d'entrain que
jamais.
24 juillet 1892
INCIDENT DE FRONTIÈRE
Un journal de Nancy publie, sous toutes réserves et sous le titre : « Encore un
incident de frontière », la nouvelle suivante :
« Entre Moussey et Avricourt, sur la ligne de Château-Salins, trente soldats
allemands ont passé la frontière ce matin vendredi. Ils se sont arrêtés dans une
ferme sur le territoire français où ils ont séjourné un certain laps de temps.
Quelques instants après, un escadron de cavalerie allemande a dépassé également
la frontière, bien marquée cependant par les poteaux. »
Aucun télégramme reçu à Paris, n'a confirmé cette nouvelle; nous devons donc
accueillir avec une grande circonspection, le récit de notre confrère de Nancy.
11 décembre 1899
INCIDENT DE FRONTIÈRE
Nancy. - Les journaux ont raconté qu'un braconnier de Blâmont, nommé Adam, avait
été blessé en territoire annexé, par des Allemands en civil. Voici des détails
complémentaires sur cette affaire;
Adam était allé chasser sur le territoire de Foulcrey (Lorraine annexée). Les
propriétaires de la plaine où il se trouvait. MM. Georgel frères, d'anciens
Français devenus Allemands, le guettaient, paraît-il, depuis longtemps.
Adam n'ayant pas obtempéré assez vite aux injonctions des frères Georgel qui lui
criaient de déposer ses armes, ceux-ci firent feu sur le braconnier, tuèrent son
chien et le blessèrent lui-même au bras.
Malgré ses blessures, Adam put s'enfuir et regagner Blâmont grâce à l'aide d'un
médecin de la localité qui l'avait recueilli en route.
8 août 1900
ETRANGER
INCIDENT A LA FRONTIÈRE
Strasbourg.-Un incident pénible s'est produit, dimanche 22 juillet, à la gare de
Deutsch Avricourt, démontrant le bien-fondé des craintes que nous avions
manifestées en avril dernier, lors de la création à Strasbourg, du Pass-bureau,
destiné à la délivrance des permis de séjour en Alsace-Lorraine.
Le Père Bienlz, de la Congrégation des Pères Blancs d'Afrique, originaire de
Langenberg, canton de Réchicourt (Sarrebourg), a été arrêté à la gare de
Deutsch-Avricourt et écroué, d'abord à la geôle d'Avricourt puis à la prison
cantonale de Lorquin, distance de dix kilomètres, où il fut conduit à pied,
malgré ses protestations et son très mauvais état de santé.
Le P. Bientz, désireux de revoir sa famille à Langenberg, avait demandé au pass-bureau
de Strasbourg un permis de séjour. Le pass-bureau répondit au frère du prêtre, à
Langenberg, que le permis était accordé pour quarante-huit heures, mais n'envoya
aucune pièce constatant l'autorisation donnée.
Le P. Bientz, estimant suffisante la lettre d'avis du pass-bureau. quitta
Plombières, où il faisait une cure, pour se rendre au milieu de sa famille, à
Langenberg ; mais il fut arrêté par la police allemande, à la descente du train,
à Deutsch-Avricourt et écroué. Il ne fut relaxé que le lundi soir, grâce aux
actives démarches de M. Vallet, maire de Lorquin et membre du Landes-ausschuss,
qui télégraphia au statthalter et obtint la mise en liberté du Père Blanc, sous
condition qu'il quitterait immédiatement le pays annexé et sans voir sa famille.
1er mai 1903
Mariages :
Le mercredi 6 mai, on célébrera à Blamont le mariage de M. René de la Lance,
fils de M. et Mme Ollivier de la Lance, avec Mlle Marie-Thérèse dé Martimprey de
Romecourt, fille de la comtesse Edmond de Martimprey de Romecourt, née de Landre.
7 mai 1903
[...] Enfin, toujours hier, M. René de la Lance, fils de
M. et Mme Ollivier de la Lance, épousait en la petite église de Blamont, Mlle
Marie-Thérèse de Martimprey de Romécourt, fille de la comtesse Edmond de
Martimprey de Romécourt, née Landre.
26 août 1904
L'impôt sur les célibataires
On en parle de nouveau, et un grand journal parisien a publié à ce propos, ces
jours derniers, un intéressant article. Il y était dit, que cette idée de forcer
les jeunes hommes à se marier était aussi vieille que Moïse, les Grecs et les
Romains. Il est bien certain que beaucoup d'hommes célibataires, âgés de 35 ans
et au-dessus, pourraient parfaitement payer une taxe. Cela ferait toujours
plaisir aux hommes mariés et aux femmes qui ne le sont pas. Beaucoup d'hommes
incontestablement ne voient pas le mariage sans alarme, et il faut dire que les
femmes sont particulièrement coupables de cette façon de voir. Vous avouerez
qu'il est peu plaisant pour un homme jeune et bien portant, de songer que s'il
se marie il tombera peut-être sur une femme comme il en voit tous les jours dans
ses relations, qui soit toujours malade, un « pot à bouillon», comme on dit dans
le peuple. Il est à présumer qu'on ne parlerait pas de l'impôt sur les
célibataires, qu'on n'aurait même jamais songé à le mettre en vigueur si les
femmes suivaient ou avaient suivi l'exemple d'une dame de Remoncourt (Meurthe-et-Moselle), Mme
Clémentine-Jacquot Forquin, et prenaient les pilules Pink au moindre de ces
petits malaises, si fréquents chez le sexe féminin. Mme Jacquot Forquin, écrit :
« Pendant six ans, j'ai beaucoup souffert de tous les malaises qu'occasionne
l'anémie. J'avais une grande faiblesse générale et un manque complet d'appétit.
Il ne fallait pas que je fasse grand ouvrage où une marche un peu rapide, pour
être bientôt à bout de souffle et avoir des points de côté. Un rien me donnait
la migraine, mon estomac était très mauvais, mes digestions excessivement
pénibles. J'ai suivi sans résultat plusieurs traitements. Je fus frappée des
nombreuses guérisons obtenues par les pilules Pink, dont le compte rendu est
publié par mon journal. J'ai décidé de prendre ces pilules ; j'ai suivi le
traitement pendant quelque temps, et tous mes malaises ont disparu, faisant
place à la force, à la bonne santé. »
On peut se procurer les pilules Pink dans toutes les pharmacies et au dépôt
Gablin et Cie, 23, rue Ballu, Paris. Trois francs cinquante la botte, dix- sept
francs cinquante les six boites.
Mme Jacquot Forquin a été guérie parce que les pilules Pink donnent du sang
riche et pur. C'est pour cette raison qu'elles guérissent tous les malaises
secrets des femmes et aussi toutes les affections ayant pour origine la pauvreté
du sang, la faiblesse du système nerveux, chlorose, faiblesse générale,
faiblesse nerveuse, neurasthénie, maux de tête, névralgies, sciatique,
palpitations, maux d'estomac, c'est-à-dire des maladies qui rendent la vie des
gens mariés pénible.
19 septembre 1907
Alsace-Lorraine - Strasbourg, 18 septembre. - La
Strassburger Zeitung annonce qu'un mécanicien de la Compagnie de l'Est a été
arrête à Deutsch-Avricourt et retenu pendant une heure, parce qu'un douanier
avait découvert 120 grammes de tabac, acheté par ce mécanicien à Avricourt pour
son usage personnel.
Le mécanicien a été remis en liberté après avoir versé 54 marks.
Le journal strasbourgeois conteste aux autorités douanières allemandes le droit
de faire descendre un mécanicien français d'une locomotive française.
23 juin 1908
La Police de l'Air
Aéronautes allemands en France
Notre collaborateur L. de Saint-Fégor traitait justement hier la question de la
police de l'air :
Quand un ballon militaire allemand, poussé par le vent, atterrit en France, les
officiers qui le montent ne peuvent-ils en profiter pour étudier la défense de
nos forteresses ? et devons-nous les laisser faire ? La dépêche suivante de
Lunéville nous apprend que le fait s'est encore produit dimanche soir :
Lunéville, 22 juin. - Un ballon, appartenant à la Société aérostatique
strasbourgeoise, a atterri hier soir à Bauzemont, à 13 kilomètres de Lunéville.
Il avait à son bord quatre officiers allemands.
Ceux-ci, conduits à Lunéville, ont déclaré qu'ils se dirigeaient vers Francfort,
mais le vent et la pluie les avaient chassés vers la frontière.
Ces quatre officiers ont été reconduits le jour même à Avricourt par M. Stempfel,
commissaire de police.
12 août 1911
M. Augagneur, ministre des travaux publics, arrivera à
Lunéville dimanche 13, à 5 heures du matin, accompagné de M. Milliot, chef
adjoint de son cabinet. A 8 heures, les deux ministres prendront un train
spécial qui circulera sur la nouvelle ligne d'intérêt local de Lunéville à
Blamont.
Les arrêts dans chacune des gares marqueront l'inauguration officielle de la
nouvelle voie.
A midi et demi, le train atteindra Blamont, point terminus. Après leur réception
par la municipalité, les deux ministres se rendront à un banquet, auquel feront
suite les fêtes d'un concours de gymnastique. A cinq heures aura lieu le départ
pour Lunéville et à 11 h. 45 le retour à Paris.
La ligne que M. Augagneur va inaugurer a une longueur totale de 46 kilomètres ;
elle dessert de nombreux et importants villages de la vallée de la Vezouse, de
la vallée de la Blette et contribuera au développement industriel, commercial et
agricole de cette région.
10 septembre 1912
Les victimes de la révolte de Fez
Marseille, 9 septembre.
Le paquebot France vient d'arriver à Marseille, venant de Casablanca et Tanger.
Il avait à bord 19 cercueils, renfermant les dépouilles mortelles d'officiers et
soldats tués pendant la révolte qui se produisit à Fez, ou au cours de divers
combats qui eurent lieu au Maroc. Ce sont celles du capitaine
Desfrères, de Frémonville (Meurthe-et-Moselle); des lieutenants Juge et Renaud, de Paris;
Mascarat, de Mende; Chardonnet, de Neuville - aux-Tourneurs (Ardennes);
Franceschi, Oraison, dont on ne connaît pas encore la destination : des caporaux
Béraud, de Nexonne (Haute-Marne); Basset, de Paris; des soldats Carne de
Laroque, des Alberts (Pyrénées-Orientales) ; Demonoey, de
Saint-Julien-de-l'Escap; Guillot, de Lupé (Loire): Lefevre, de Limeil-Brévannes
(Seine-et-Oise) ; Maury, d'Angoulême; Maury, de Toulon, et des soldats Chavagnac,
Soudessonne et Garrigou, dont l'intendance militaire de Marseille ne connaît pas
encore la destination.
La levée des corps s'est effectuée sans cérémonie militaire et lés cercueils ont
été dirigés sur leurs destinations respectives par le vapeur Sidi-Brahim.
Sont arrivés ce matin, venant d'Oran, l'intendant général Maurin et de nombreux
officiers et soldats.
22 septembre 1912
Les obsèques du capitaine Desfrères, tué au Maroc le 19 juin, ont eu lieu à Frémonville (Meurthe-et-Moselle), au milieu d'une nombreuse assistance.
Le capitaine Flamme, du 1er tirailleurs ; le maire de Frémonville, l'abbé
Richard, curé d'Herbéviller ; le président des vétérans de la section de
Blâmont, prononcèrent d'éloquents et patriotiques discours.
5 avril 1913
Le « Zeppelin» de Lunéville
Le gouvernement donne l'ordre de laisser repartir le ballon allemand et de
reconduire les officiers à la frontière.
(De notre envoyé spécial)
Lunéville, 4 avril.
Arrivé à Lunéville dans la nuit, j'étais avant la pointe du jour sur le Champ de
Mars. Dans la nuit, l'énorme masse du -ballon allemand apparaît comme un animal
fantastique plongé dans le sommeil.
Des soldats français montent la garde et empêchent qu'on approche.
Contrairement à ce qui m'a été dit, hier soir, à Nancy, les officiers allemands
et les mécaniciens ont passé la nuit à bord, les premiers dans la cabine
d'avant, les seconds sous l'aéronat enveloppés dans des couvertures qui leur
ont. été prêtées par l'autorité militaire.
Mais voici l'aube, une aube grise et triste avec l'horizon embrouillardé. Les
lignes du Zeppelin se font plus nettes et à mesure que le jour paraît on peut
facilement distinguer tous les détails de l'appareil.
Celui que nous avons sous les yeux est le plus grand de tous les Zeppelin
construits jusqu'à ce jour. Il mesure, paraît-il, 148 mètres de long. Il possède
deux nacelles réunies par un couloir.
La nacelle d'avant contient un moteur de 160 chevaux, la nacelle d'arrière deux
moteurs de 160 chevaux chacun. Il y a quatre hélices, deux à l'avant, deux à
l'arrière. Toute l'armature du ballon est en aluminium.
- C'est léger, nous dit un officier, mais ce n'est pas très solide.
Dans le couloir du Zeppelin on distingue tout un attirail de cordes, de pelles
et- de pioches. La cabine du commandant est au centre du couloir ; un peu plus
loin se trouve la chambre noire pour les photographies et le poste de télégraphie sans fil.
Le ballon, nous affirme-t-on, n'est pas armé mais tout est prêt dans son
installation pour recevoir des mitrailleuses.
Dès qu'il fait jour, les officiers allemands et les mécaniciens apparaissent et
vaquent à leurs occupations qui doivent être sérieuses, si on en juge par leur
mine grave.
Il est six heures ! Une automobile arrive sur le champ de manoeuvres et un groupe
de messieurs en descend.
C'est le général Hirschauer, inspecteur permanent de l'aéronautique militaire ;
le colonel Romacotti, sous-chef de l'aéronautique ; le commandant Voyer et le
capitaine Martinet-Lagarde, du parc aéronautique de Meudon.
Les officiers allemands font le salut militaire, le général Hirschauer rend le
salut et leur demande s'ils n'ont manqué de rien. Les officiers remercient. Le
général monte alors à bord du Zeppelin, et, sous, la conduite du capitaine Glud,
pilote, visite longuement l'aéronat.
Quand le général français quitte le bord, le capitaine Glud lui demande
l'autorisation de laisser approcher une équipe de vingt aérostiers allemands,
arrivés ce matin à Lunéville, en même temps qu'un wagon venant de
Friedrichshaffen et contenant deux cents tubes d'hydrogène comprimé, à 150
atmosphères. Le général accorde l'autorisation demandée et les ouvriers
allemands commencent aussitôt leurs réparations:
Cependant une foule assez considérable de curieux est accourue de Lunéville ;
mais il est impossible d'approcher du ballon, qui est bien gardé par les
sentinelles françaises.
Il est même beaucoup mieux gardé qu'hier, si on en juge par les multiples
inscriptions de : « Vive la France ! » tracées à là craie sur l'enveloppe du
ballon.
Un incident assez amusant est survenu dans la matinée. Le receveur des
contributions d'Avricourt est venu réclamer au pilote du Zeppelin une somme de
7.600 francs qui sera consignée et remboursée plus tard lorsque les formalités
administratives seront accomplies et que la bonne foi du pilote sera établie.
Vers onze heures, le bruit se répand que le gouvernement vient d'envoyer de
Paris, l'ordre de laisser repartir le ballon par ses propres moyens et de
reconduire les officiers allemands jusqu'au poste-frontière le plus proche,
c'est-à-dire Avricourt.
Il paraît que J'enquête du général Hirschauer a conclu qu'il n'y avait aucun
acte d'espionnage à reprocher aux officiers allemands, et que l'atterrissage en
France était dû à une méprise.
Dans le monde militaire de Lunéville, la solution élégante et courtoise du
gouvernement est généralement approuvée ; mais la population civile marque
quelque étonnement.
A onze heures du matin, les aérostiers allemands ont commencé le gonflement du
Zeppelin, ballonnet, par ballonnet. A un moment donné, le ballon, trop léger à
l'arrière, a piqué du nez sur le sol. Mais les mécaniciens se sont portés à
l'arrière du couloir, rétablissant ainsi l'équilibre.
Pendant ce temps, on gonflait les ballonnets de l'avant, et bientôt l'aéronat
fut paré pour le départ.
A midi, le sous-préfet et le général Lescot signifient au capitaine Glud qu'il
est libre de partir quand bon lui semblera.
A midi et demi, une sonnerie retentit, le pilote donne un ordre, les mécaniciens
et le capitaine Glud montent à bord, et à midi cinquante exactement le cri ; «
Lâchez-tout ! » retentit.
Le ballon s'élève aussitôt et pendant longtemps encore on le voit lutter,
contre le vent. Enfin, vers une heure et demie il disparaît dans la direction de
Metz.
Pendant ce temps, les officiers allemands avaient pris place dans l'automobile
de M. de Turkein. Ils font une dernière -fois le salut militaire et l'automobile
s'éloigne escortée par une double file de dragons qui ne la quittent que loin de
la foule en dehors des limites du Champ de Mars.
Ainsi se termine de la plus heureuse façon la folle aventure du Z-4.
On en parlera longtemps à Lunéville et à Nancy et, en France, tout le monde
applaudira à la correcte solution donnée à cet incident par M. Barthou,
président du Conseil ; M. Etienne, ministre de la Guerre, et M. Klotz, ministre
de l'intérieur.
Jules Rateau.
Dans l'après-midi d'hier, le gouvernement a fait publier par l'Agence -Havas la
note suivante :
Dès qu'il a été informé de l'atterrissage d'un ballon allemand à Lunéville, le
gouvernement a prescrit une enquête immédiate confiée à l'autorité militaire.
Il y a été procédé par le général Lescot, commandant d'armes, et le général
Hirschauer, inspecteur permanent de l'aéronautique militaire, assisté du
sous-préfet de Lunéville, M. Lacombe.
De cette enquête, il résulte que le dirigeable est un ballon privé de La Société
Zeppelin. Les trois officiers qui étaient à bord formaient une commission de
réception.
Il résulte également de l'enquête que le ballon a atterri par correction en
s'apercevant qu'il était au-dessus d'une grande garnison française. Il avait
complètement perdu son orientation. Le capitaine George, président de la
commission de réception, a donné- sa parole d'honneur qu'il n'avait été procédé
par lui ni par ses compagnons à aucune observation concernant la défense
nationale.
Dans ces conditions, il a été entendu qu'on laisserait partir immédiatement le
ballon, ce qui parait d'ailleurs très urgent à cause d'avarie possible.
Ensuite les officiers seront accompagnés en chemin de fer jusqu'à la frontière
par le commissaire spécial d'Avricourt.
Le dirigeable Z 4 en Alsace-Lorraine
Metz, 4 avril.
Le dirigeable « Z 4 », venant de Lunéville, a franchi la frontière à trois
heures, à Moncel, et a atterri une heure plus tard sur le champ de manoeuvres de
Frescaty. Le dirigeable a été garé dans le hangar où est déjà stationné le « Z 1
».
L'impression en Allemagne
Cologne, 4 avril.
La Gazette de Cologne fait l'éloge de la solution inattaquable et chevaleresque
donnée par le gouvernement français, à l'incident du Zeppelin.
Elle exprime le désir de voir les pilotes de dirigeables et d'aéroplanes veiller
désormais avec plus de soin à ce que de pareils désagréments ne se renouvellent
pas.
4 août 1914
Faits de guerre
Sur la frontière franco-allemande
Au moment même où la note de M. de Schoen était remise au gouvernement français.
M. Malvy, ministre de l'intérieur, recevait du sous-préfet.de Lunéville, la
dépêche suivante :
« Lunéville, 3 août.
« Un aéroplane allemand a survolé Lunéville, un peu avant 18 heures, à une
hauteur de 1.500 mètres environ, et a laissé tomber sur la ville trois bombes
qui ont fait de violentes explosions, mais n'ont causé que des dégâts matériels.
« Une est tombée dans une rue centrale, endommageant la chaussée ; une autre est
tombée à dix mètres de la sous-préfecture, détruisant en partie le toit d'un
vaste hangar et en brisant toutes les vitres.
« La population, un instant inquiète, a immédiatement repris son calme. »
« Conflans-Jarny, 3 août.
« Une compagnie allemande se trouve sur le territoire français, dans les bois à
l'est de Saint-Marcel, vers la cote 188.»
« Ambermesnil-Rononcourt, 3 août.
« Quatre uhlans ont été vus à la sortie du village. Immédiatement poursuivis par
une patrouille de chasseurs, ils se sont réfugiés dans les bois de
Charbonnières, sur le territoire allemand, après un échange de coups de feu
sans résultat. »
On a également vu à Vaucourt un peloton de uhlans auquel appartenaient les
cavaliers en question. |