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               La Semaine Religieuse du Diocèse de Nancy & de Toul 
				Ed. Nancy - 1923 
				2 juin 1923 - n° 22 - p. 348 
				(notes renumerotées) 
				 
				HISTOIRE ET ARCHÉOLOGIE 
				Le culte de saint Abdon dans les diocèses de Toul et de Nancy 
Saint Abdon et saint Sennen, son compatriote, peut-être son 
parent, étaient deux nobles Arméniens, chrétiens décidés, sujets du roi de 
Perse, qui vivaient au IIIe siècle. Embrigadés comme soldats, ils furent faits 
prisonniers par les Romains victorieux et emmenés à Rome. Comme ils ne voulurent 
point renoncer à leur foi, ils furent victimes de la sanglante persécution de 
Dèce, un 30 juillet, jour où l'Eglise catholique fête leur mémoire (1). 
Leurs précieux restes furent clandestinement emportés dans la maison d'un 
diacre, nommé Quirinus ; puis, après l'Edit de Milan (313), inhumés dans le 
cimetière Pontien, sur la Via portuensis, au pied des derniers contreforts 
occidentaux du Janicule, ils furent entourés d'un culte pieux, dans leur 
cibiculum orné de peintures (2). Le Pape Grégoire IV (827-844), les transféra 
dans la crypte de la Basilique Saint-Marc, au pied du Capitole, et des fragments 
en furent donnés à plusieurs églises, en particulier à Saint-Médard, de Soissons 
(3). 
Pour conjurer des maléfices qui se manifestaient, en particulier par des orages 
et des cataclysmes, Arnulfe, abbé de Sainte-Marie, d'Arles (4), dans la vallée 
du Tech, au sud du Canigou, diocèse d'Elne (aujourd'hui Perpignan), en Cerdagne, 
obtint du Pape Jean XIII (965-972), une partie considérable des reliques des 
deux saints Martyrs, l'apporta dans son monastère, où elle fut reçue avec 
enthousiasme par les religieux et par le peuple ..... Et les fléaux cessèrent 
(5). 
Plus tard, sans qu'on puisse préciser l'année, raconte la chronique 
d'Arles-sur-Tech (6) : «  c'était le jour même de la fête de saint Abdon et de 
saint Sennen, le 30 juillet. Pendant l'office, et au moment même de la 
prédication, un éclair brilla tout à coup, si subit et si éclatant; le coup de 
tonnerre fut si formidable, que le prédicateur quitta la chaire pour se joindre 
aux fidèles prosternés à genoux pour une fervente prière. Aussitôt, D. Jean 
Guardia, curé de la paroisse, se hâta d'exposer le T.-S. Sacrement et plaça sur 
l'autel une relique des Saints. L'obscurité dans le lieu saint était si profonde 
que les assistants ne pouvaient se voir les uns les autres. Deux religieux 
allèrent prendre la châsse qui renfermait les Corps saints et la portèrent à 
l'endroit où était le curé avec le T -S. Sacrement. A peine les reliques 
furent-elles mises en présence de la divine Eucharistie que l'orage s'apaisa 
subitement et l'obscurité disparut. 
«  Mais, ce qui fut encore plus digne d'admiration, c'est que la grêle qui était 
tombée en très grande abondance, ne causa aucun dommage. » 
Et la même chronique relate le fait suivant (7) : 
Dans le courant de l'année 1465, le sieur Noguer de Gasnach, de la paroisse de 
Montbolo, était un jour occupé à faire paître son troupeau sur la montagne, à 
l'endroit appelé Coll de la Parra : il éclata tout à coup un orage si violent, 
que pauvre berger fut obligé de se réfugier sous un rocher. 
«  A peine y fut-il blotti, tremblant de frayeur, qu'il entendit une voix qui 
criait : «  Passe . - «  Je ne puis, répondait une autre voix. - Qu'est-ce donc 
qui t'arrête ? reprit la première voix. - «  Abdon et Sennen, qui sont là devant 
moi », 
«  Ayant entendu ce colloque qu'il n'hésita pas à attribuer aux esprits de 
ténèbres, notre berger courut à Montbolo, où il raconta au curé et aux habitants 
ce qui lui était arrivé. 
«  Ne doutant pas que les saints Martyrs ne les eussent efficacement protégés 
dans cette circonstance, en brisant la fureur l'orage prêt à fondre sur leur 
territoire, ces pieux chrétiens voulurent perpétuer le souvenir de ce bienfait 
et de leur reconnaissance : et, depuis cette époque, cette paroisse offre, tous 
les ans, le jour de la fête des Saints, une quantité de cire (environ 8 
kilogrammes) roulée en spirale et formant un large disque, assujetti au bout 
d'un long bâton, au moyen d'une espèce de croix entremêlée de fleurs. Ce disque 
appelé Rodella, reste suspendu pendant toute l'année à l'un des murs latéraux de 
la chapelle des saints Martyrs. 
«  Depuis que cette promesse a été faite et que la pieuse offrande a toujours été 
acquittée, on a pu constater que la paroisse de Montbolo a été beaucoup plus 
préservée des orages et des désastres qu'ils entrainent après eux. 
«  Une année pourtant (c'était en 15?6), année calamiteuse, la population s'étant 
dispensée de faire la modeste dépense cire accoutumée, les orages et la grêle 
anéantirent littéralement toutes les récoltes dans le rayon de cette commune. 
«  Le dimanche qui suivit ce désastre, le Rév. Michel Vicens, curé de la 
paroisse, monta en chaire, pour faire amende honorable au nom de tous les 
habitants, de ce qu'on avait violé la promesse faite depuis un demi-siècle, ce 
qui évidement avait attiré sur leurs têtes ce terrible châtiment. Aussitôt, tous 
les fidèles de Montbolo, humiliés et repentants, d'une commune voix, 
renouvelèrent solennellement le voeu primitif, bien résolus à ne jamais négliger 
de l'accomplir, quelles que fussent les circonstances éventuelles capables de 
les en détourner. 
«  Ils ont tenu parole ... et, de nos jours encore, ces bons chrétiens restent 
fidèles à leur voeu. » 
 
Ces faits et d'autres encore, se divulguèrent-ils en France: ou bien le nom de 
saint Abdon, dont la prononciation à la française est quelque peu retentissante, 
frappa-t-il les oreilles, ébranla- t-il l'imagination, éveilla-t-il la pensée ? 
Toujours est il que, de préférence à saint Sennen, resté plutôt dans l'ombre, 
saint Abdon est invoqué, contre les orages dévastateurs, en plusieurs localités 
de la Bourgogne, à Châteauroux ... (8), dans nombre de paroisses de l'ancien 
diocèse de Toul..., quoiqu'il ne soit pourtant pas compté parmi les quinze 
Saints protecteurs. 
En 1635, les habitants et Communauté de Pagny-sous-Prény, firent voeu de «  garder 
et de festoyer la feste des glorieux martyrs saincts ABDON et SENNEN qui échoit 
le 30 juillet ». 
Voici le document, tel qu'il fut publié, en septembre 1913, dans le Bulletin 
paroissial de Pagny-sur-Moselle, d'après les Archives paroissiales : 
«  Au nom du Père; du Fils et du Sainct-Esprit. Ainsi soit-il. 
«  Nous, soubsigné, prestre, curé dans la paroisse de Sainct Martin du village de 
Pagny sur Moselle, eschevins d'église de la ditte paroisse, maire et eschevins 
de justice et autres habitants du mesme lieu, tous ensembles représentant la 
Communauté du dit villaqe, prosternés humblement à vos pieds, o mon Dieu, ayants 
confiance en vos bontes et en vos miséricordes, sçachant de plus que vous ne 
délaissez jamais ceux qui espèrent en vous, et que vous escoutez favorablement 
les prières de ceux qui ont recours à vous dans leurs nécessites, travers et 
afflictions, nous vous prions humblement et de tout nostre coeur, de vouloir dans 
la suitte detourner de dessus les biens de la terre les funestes accidents du 
passé ressentis par plusieurs fois, confessant pourtant qu'en considération de 
nos fautes journalières nous méritons des biens plus grands et plus rudes 
chastiments et punitions. 
«  Et, comme nous n'ignorons pas que Dieu se rend favorable à nos prières par la 
mediation et intercession de ses eleues qui jouyssent présentement de sa gloire 
dans les cieux nous prions la très glorieuse Vierge Marie, Mère de Dieu, 
d'offrir ses mérites à son Fils Jésus-Christ, pour nous obtenir l'effect de nos 
demandes, le grand Sainct Martin, nostre patron, et enfin tous les Saincts et 
Sainctes du Paradis de prier pour nous. 
«  Mais, particulièrement, ayant appris que les glorieux Martyrs Saincts Abdon et 
Sennem avaient un particulier pouvoir auprès de Dieu, pour destourner les 
foudres et tempestes, qui souventefois désolent et perdent les biens de la 
terre, nous les invoquons de tout nostre coeur, les priant d'employer leur 
pouvoir auprès de Dieu, pour apaiser la colère irritée contre nous et de 
destourner de dessus les terres, biens et héritages de nostre finage, et autour, 
les gresles, les foudres, les tempestes, gelées et autres fléaux que nous avons 
ressentis du passé et que nous craignons pour l'avenir, 
«  Promettant à Dieu et à ses deux glorieux Martyrs, que nous garderons, 
festerons tous les ans dans la suitte, nous et nos successeurs (que nous 
prétendons obliger avec nous dans ce présent voeu) les jours que l'Eglise faict 
l'office de ces deux grands saincts qui éschoit le trantième Juillet, faisant 
chanter les vespres, la veille, et le jour de leur ditte feste la Messe haute et 
procession extraordinaire, telle qu'il plaira à nostre curé l'ordonner. 
«  Le tout soub le bon plaisir de Monseigneur l'Evesque de Toul, nostre Preslat à 
qui nous ne manquerons point à la première comodité d'en demander la permission 
et ratification de nostre dit voeu fait au dit Pagny le trantième Juillet mil six 
cent quatre vinqt et cinq ... » 
Suivent les signatures : F. Norbert GUÉRARD. curé-vicaire de Pagny ... Claude 
BRIQUÉ, maire et eschevin de l'église, etc ... 
Vu le présent acte, nous avons approuvé et approuvons le voeu y porté. A Toul, 
le 20 Mars 1686. 
De LAIGLE, off. g. et etc, gén. 
 
Méligny-le-Grand (actuellement du doyenné de Void et du diocèse de Verdun), qui 
possédait une curieuse statue du Saint, aujourd'hui disparue (9), fête également 
saint Abdon, le 30 juillet, par la Messe et les Vêpres solennelles (10). De 
même, Ménil-la-Horgne, paroisse voisine (11). 
Ailleurs à Sion, par exemple (12), dans le Pays de Blâmont, on célèbre la Saint-Abdon. 
le jeudi, octave du Saint-Sacrement. Est-ce une réminiscence du fait que nous 
avons rapporté plus haut ? (13). Est ce parce qu'avec la Fête-Dieu, par les 
chaleurs de juin, s'ouvre la dangereuse saison des orages ? Nous l'ignorons. 
Tous les ans, lisons-nous dans le Bulletin paroissial de Haroué (14) de temps 
immémorial, le jeudi dans l'octave du Saint-Sacrement, les cloches de Gerbécourt 
sonnent joyeusement : c'est la SAINT-ABDON. Ce jour-là. on chante la grand' 
Messe, à 10 heures; puis, l'après-midi, on dresse de gracieux reposoirs, et, les 
vêpres terminées, la procession du Saint-Sacrement se déroule, avec toute la 
pompe possible, le long des rues de la paroisse. 
«  L'abbé Antoine, mort récemment, conserva pieusement cette antique coutume 
léguée par les ancêtres. Ceux qui ont connu ce vénérable Prêtre savent combien 
il aima toujours cette touchante cérémonie. La Saint-Abdon ! C'était vraiment 
pour lui, chaque année, le grand jour ! C'était dans sa pensée la fête par 
excellence ! Il la célébra, pour la première fois, le jeudi 3 juin 1875 ». 
Ce Curé dévoué releva une vieille Confrérie du Saint Sacrement et de Saint Abdon; 
il en fit un modèle de confrérie et il dota sa neuve et gracieuse église 
renaissance d'un autel monumental du saint Martyr. 
A Burey-la-Côte, il y avait, avant la Révolution, une fondation assez 
considérable en l'honneur de saint Abdon (15). 
Abdon et Sennen avaient leur chapelle à Epinal (16) et ils sont les patrons de 
l'église de Golbey (17). 
Tels sont les renseignements que nous avons pu recueillir ; espérons que nos 
lecteurs auront l'obligeance de les compléter ou de les rectifier ; ils 
fourniront ainsi des documents, pour un article additionnel, dans la Semaine 
religieuse de Nancy et de Toul. E.M. 
(1) Bréviaire romain, 30 juillet. 
(2) GERBET, Esquisse de Rome chrétienne, I. 176 et sq. 
(3) CRASTRE, Les saints Abdon et Sennen. Perpignan, Peyret, 1910. 
(4) Arles-sur- Tech, chef-lieu de canton, arrondissement de Céret 
(Pyrénées-Orientales). 
(5) CRASTRE, op. cit., passim. 
(6) Id., ibid., p. 94. 
(7) ld., op. et loc. cit. 
(8) Id., op. cit ., 141. 
(9) Bulletin Soc. Bar-le-Duc, 1901. - Une gravure de N.-D. des Vertus publiée 
par MAXE-WERLY, dans les Mémoires de la même société, 3e série, t. lV (1895), p. 
146, représente, à dextre, derrière la Vierge, un buste d'homme, la tête radiée, 
et, de l'autre côté, se lit cette inscription : Saint Abdon et Saint Donat, 
priez pour nous et sauvez-nous de la foudre, 1773. - Renseignements dus à M. 
Léon GERMAIN DE MAlDY. 
(10) GILLANT, Pouillé du diocése de Verdun, Ill, 770, n. 3. 
(11) ld .. Ibid, p. 775. . 
(12) MANGENOT, Sion, 407, n. - L'attribution faite là à la fête du Sacré-Coeur 
est une inadvertance. 
(13) Voir plus haut. 
(14) Mars 1923. 
(15) GILLANT, op. cit., Ill, 600. 
(16) BENOIT-PlCART, Pouillé du diocèse de Toul, II, 129. 
(17) BENOlT-PlCART, op. cit., Golbey.  |