Lunéville - La
commune - 1265-1589
(notes renumérotées)
Mémoires de
la société d'archéologie lorraine
1868
Recherches
historiques sur la ville de Lunéville
La commune
(1265-1589)
Droits et usages de Lunéville et villages voisins
Par M. Alexandre Joly.
En l'an 1182, dans le
but d'achalander sa petite ville de Beaumont-en-Argonne
et d'y attirer des habitants, Guillaume de Champagne,
cardinal-archevêque de Reims, eut la généreuse pensée de
lui octroyer une charte d'affranchissement et de
coutumes, vulgairement appelée Loi de Beaumont.
C'était un mélange hétérogène de prérogatives
précieuses, de préoccupations puériles, de dispositions
pénales, de concessions réciproques, entassées
pêle-mêle, sans intention logique, ni but déterminé,
mais qui réalisaient un progrès immense, dans ces temps
de violences, d'arbitraire et de barbarie, comme premier
pas vers le régime légal, à la faveur duquel les peuples
allaient passer de l'état de servage à celui de
bourgeoisie.
Quand la révolution communale atteignit lentement nos
contrées gallo-germaniques, la cause était gagnée ; le
principe des affranchissements acquis à l'humanité, Tout
retour vers l'ordre de choses ancien était, sinon
impossible, du moins impolitique ; toute résistance
sérieuse de la part des seigneurs lorrains, sinon
impraticable - l'événement l'a prouvé, - du moins
dangereuse, irritante, et la lutte ouverte
compromettante au dernier degré.
Après les résistances de Neufchâteau et une lutte
inutile avec les bourgeois, lutte qui prenait chaque
jour une nouvelle extension et menaçait de se renouveler
sans fin, les ducs de Lorraine, de guerre lasse,
consentent enfin à affranchir leurs sujets. Ferry III,
sous l'influence libérale du comte de Champagne, sou
beau-père, met en franchise les principales villes et
bourgs de la Lorraine.
Des lettres de promesse, données à Troyes, la veille de
la Rédemption, l'an 1265, mettent à la Loi de Beaumont
(1) les villes de Nancy, Saint-Nicolas, Lunéville,
Gerbéviller et Amance.
« Je Ferris, dus de Loheraigne et marchis, fais à savoir
à tous que si je alois, en tout ou en partie, dont Dieu
me garde, contre les convenances contenues ès lettres
que mes très-chier sires Thiébaut, par la grâce de Dieu,
roy de Navarre, de Champagne et de Brie, cuens palatins,
a données et scellées de son séel, par ma prière et par
ma requeste, aux bourgeois de Nancy, aux bourgeois de
Port qu'on dit Saint-Nicolas, aux bourgeois de Leneville,
aux bourgeois de Gellibervillier et aux bourgeois de
Amance, de recongnoissance que je les ay mis à la loi et
à la franchise de Beaumont, ainsy comme ses lettres, qui
de ce sont faictes, le tesmoignent, et les devant dits
bourgeois en fussent plaintifs à Monseigneur le roy
devant dict, je veux et octroye, et l'ay voulu et
octroyé et requis au devant dict roy Monseigneur, qu'il
me contraigne ou face contraindre à garder et à tenir
les devant dictes convenances, par le mien prennant,
sans meffaire de ce que je tiens de luy en fié et en
hommaige. Ce est à sçavoir, tous les fiez que je tiens
de luy qui sont en mon domaine, ou que l'on tient de moi
et ailleurs, partout où l'on pourroit trouver du mien,
et qu'il les puisse saisir et tenir jusques à tant que
je eusse deffait ce que j'y aurois entrepris. Et ainsi
en oblige à tous mes biens especiaument au devant dict
roy Monseigneur.
« Et dureront ces convenances et cest obligement, tant
comme mes sires li roy devant dict vivra ou je vivrai.
« Et en tesmoignage de vérité, je en ai donné à
Monseigneur roy, devant dict, ces lettres séellées de
mon séel, qui furent faictes et données à Troyes, le
Grand-Jeudy devant la Résurrection de Nostre-Seigneur,
quant li miliaires courroit par mil deux cent et
soixante cinq ans (2) ».
Les seigneurs, en mettant les communes en franchise,
cédaient à l'entraînement et à la force, on n'en saurait
douter; l'esprit révolutionnaire des communes, avec ses
émeutes, ses excès et ses terribles répressions, ressort
avec évidence du peu de détails que nous ont conservés
les chroniqueurs contemporains ; ils en voulaient à
Ferry III d'avoir mis un frein à leurs déprédations, au
point de le surprendre dans un guet-apens et de
l'emprisonner. « C'est après avoir vainement essayé.par
menées sourdes et brigues de traverser privilèges et
franchises qu'avait Monseigneur donné et gratifié
certains lieux, qu'ils conspirèrent contre sa personne
(3) ».
Ils étaient donc intéressés à accorder le moins
possible, et, dans certains cas, à glisser; s'il était
en leur pouvoir, sur les dangereuses innovations
introduites par la Loi de Beaumont, vis-à-vis de
populations moins exigeantes que d'autres ou plus
portées à se contenter de concessions matérielles (4).
C'est ainsi que la charte de Pont-Saint-Vincent est, à
peu près, ce que nous connaissons sous le nom de Loi de
Beaumont : que celle de Châtel-sur-Moselle renferme, en
quinze articles, quelques-unes des stipulations de la
Loi de Beaumont mélangées avec d'autres toutes locales ;
qu'enfin les Droits et Usages de Lunéville, octroyés en
suite des lettres de promesse de 1265, n'ont guère que
des rapports généraux, éloignés, inconnus, sinon
contradictoires avec la Loi de Beaumont.
La Loi ou Coutume de Beaumont est donnée en bloc et sans
réserve à chacune des communes; mais aucune des lettres
qui constatent ce fait ne reproduit le texte de cette
loi. Dans les titres qui nous sont parvenus, elle n'est
jamais publiée dans son intégralité (5) ; des lettres
d'affranchissement, accordées par le même seigneur,
contiennent, d'un lieu à l'autre, des variantes
capricieuses que l'on ne peut expliquer par les
différences de régime du sol ; et nous pensons, avec M.
Noël, « qu'ils ont donné en grand nombre, à des
communes, sous le nom de Loi de Beaumon t, des
stipulations différentes et moins libérales (6) ».
Un fait qui induit à penser que les chartes réellement
concédées ont été écrites, et que la plupart de celles
qui nous sont parvenues renferment bien tous les droits
des communes, c'est que, sous les règnes de Jean Il et
d'Antoine, différentes localités perdirent les
privilèges que leur assurait la Loi de Beaumont, parce
qu'elles ne purent reproduire les chartes qui leur
garantissaient ces franchises (7).
Dom Calmet, dans son Histoire de Lorraine, constate que
la Loi de Beaumont a été donnée aux villes suivantes :
Montfort., Châtenoy, Bruyères, Arches, Frouard et
Dampierre, en 1263; Nancy, Saint-Nicolas, Lunéville,
Gerbéviller et Amance, en 1265; Varennes, en 1243.
Aujourd'hui, nous connaissons un bien plus grand nombre
de villes, notamment Pont-Saint-Vincent, Dolcourt,
Châtel-sur-Moselle, Charmes, Saint-Dié, etc.: sans
parler des recherches entreprises pour la Collection des
monuments du Tiers-Etat, qui mentionnent, dans la
Meurthe et la Meuse seulement, trente et une autres
villes dont les titres sont connus (8).
Les Droits et Usages de Lunéville et villages voisins
forment un ensemble complet et satisfaisant, sans renvoi
ni réserves ; il serait difficile de n'y voir qu'une
sorte de supplément à la Loi de Beaumont. Leurs vingt
articles renferment, dans le vidimus des archives
municipales, deux cent cinq lignes in-folio. Il est vrai
que ce document reste absolument muet sur l'état des
personnes et les formes de la justice, tant au civil
qu'au criminel, et qu'il faut alors supposer qu'il y
avait, dans les institutions du temps, quelque
complément de fait, maintenu à la satisfaction de tous,
qu'il était inutile de rappeler. On ne saurait,
néanmoins, conclure formellement de ce silence le
maintien absolu ou l'abolition complète du droit de
main-morte.
Ce qu'il est permis d'affirmer, c'est que, sous René Il,
la plupart des communes auxquelles on avait accordé des
chartes de règlement de droits étaient loin d'être
affranchies et habitées par des hommes libres (francs
bourgeois), c'est-à-dire, pouvant, à leur gré, changer
de domicile, de seigneuries, se marier avec un sujet
étranger, acquérir sans la permission du maître, mourir
sans danger de tout perdre. Nonobstant le désir du
souverain d'améliorer la condition de ses sujets par
l'abolition du droit d'aubaine et de main-morte dans ses
domaines particuliers, il y avait encore, en plein
dix-huitième siècle, sous le règne de Léopold, des
main-mortables en grand nombre ; et il a fallu user de
force, tant le mal était invétéré, pour amener les serfs
du domaine à accepter l'affranchissement qui leur était
pour ainsi dire imposé.
Il faut considérer aussi qu'au XIIIe siècle, le pays
lorrain était constitué ; sa chevalerie, justement
estimée, rendait la justice au criminel (Assises), et
dans les grandes causes de temps immémorial, jusque vers
la fin du XVIIe siècle, sous Charles IV. Quant au civil,
l'institution récente des prévôtés, qui remonte, dit-on,
à Mathieu Ier (1139-1176), et celle des bailliages à
Mathieu II (1220-1251), et peut-être au delà, complétée
par l'adjonction des douze jurés choisis, élus
librement, par leurs pairs, dans le sein de la commune,
en mettant un frein à l'arbitraire des seigneurs et aux
iniquités de leurs justices, devait couper court à toute
réclamation ultérieure et enlever sa raison d'être à
toute espèce d'innovation, dans la législation ancienne,
écrite ou coutumière du pays.
J'en reviens aux concessions matérielles qui ont dû
singulièrement flatter nos bons aïeux, et ne suis
nullement étonné de la large place qu'elles occupent,
dans nos Droits et Usages, en comparaison des principes
abstraits sur lesquels se fonde le droit et s'appuie la
résistance.
En résumé; la Loi de Beaumont a été, pour nos contrées,
un idéal, quelque chose d'analogue, en moindres
proportions, à la constitution anglaise vis-à-vis des
modernes constitutions de l'Europe ; les législateurs
ont tenu compte du milieu dans lequel ils vivaient: ils
ont admis le principe, mais non la lettre.
ASSEMBLÉE COMMUNALE.
Chaque année, le premier mardi après l'Epiphanie, jour
d'ouverture des plaids bannals ou annaulx, qui se
tenaient, en « l'escoutoir », auditoire des causes, à
l'étage supérieur du bâtiment des Halles (9); la
commune, convoquée, au son de la ban-cloche, se
réunissait pour entendre la lecture de la charte,
formalité par laquelle on ouvrait la séance avant de
passer à la discussion des affaires communales et de
procéder à la réélection des magistrats,
Le registre des Résolutions du Conseil de ville, pour
l'an 1590, nous a conservé, avec des traces précieuses
de l'antique cérémonial, quelques traits de la
physionomie de ces assemblées, dans le procès-verbal de
séance d'une de ces réunions, qui fut précisément la
dernière.
« Ledit jour, premier mardy d'après l'Aparition Nostre
Seigneur (1590), environ l'heure de midy, estant ladite
commune, convocquée et amassée, au son de la cloche, sur
la halle de ce lieu, les portes de la ville fermées, et
les clefs d'icelles apportées sur table, comme il est de
coustume et ancienneté ; messieurs les magistrats,
officiers, gens de justice et gouverneurs de ville,
assis chacun en leur siège, à l'entour de ladite table,
les gouverneurs de l'hôpital et douze jurez de la ville
de part et d'aultre; et le reste de ladite communauté
aux environs, après que le cry a esté faict par ung des
sergents au Sr prévost, de par Son Altesse et de par
ledit sieur prévost, de faire silence jusques a ce que
les Droicts et Usages de la ville soyent leues, ou que
ceulx qui ne sont de ladite commune et desdits droits et
usages eussent incontinent à se retirer. Le clerc-juré a
faict la lecture du roolle desdicts droicts et usages
contenant ce que sensuyt : »
« Là sont les Droicts et les Usaiges que ceulx de
Lunéville; de Viller; de Mesnil, de Moncel, de
Rehenviller et d'Auldoménil ont; Lesquels Droicts et
Usaiges se renouvèlent chacun ans, au jour du plaid
bannal, que se tient le mardy après l'Aparition Nostre
Seigneur, aincy comme il est dict dessus d'aneiennetey
PREMIER. - Les prodomes, de ceste ville, ont teil
ussaiges que, le lendemain de Noël, ils font lour grande
garde et la menue, et cil ne puellent trouver gardier ne
pourthier ils le puellent faire une autre fois.
II. - Encor ont les prodomes, de ceste ville, teils
usaiges que le, dimanche après Noël, ils font quatre
messiers de qui qu'llz lour plai ; dous messiers pour
savellon et dous messiers pour fort terres, et doient
garder lesdits dous messiers, dez la ripvière de Vezue
(10), en ensa, et puellent panre, entre les dous yalwes,
lesquels des quatre messiers qui viennent devant, et on
bordin du Chasteil en Vezue, et en la ville, et en
fossés de la forteresse de la ville, se ils sy treuvent
nuls maulfaitours. Et doient garder, les quatre
messiers, les biens desdits prodomes, sans rien panre ne
donner par maistrie, se ça n'est d'aulcuns prodomes que
lour veuille donner une quarte de vin ou dons, en
courtoisie, pour bien garder ses biens ; maix ils ne
doient rien panre pour soffrye, affaires, dopmaiges,
même doient rien panre du raichact des malfaitours
qu'ils trouveroient rnalfaisans ; et, on cas qu'ils
feroient le contraire, ils seroient en dangier du
prévost ; et doient rendre les dopmaiges ou gaiges à
ceulx à cui lesditz dommaiges seroient faicls, et
puellent panre que leur voulroit donner en mouesson du
bleif.
III. - Encor ont les prodomes, de ceste ville, teil
usaiges, qu'ils font aujourd'hui trois portiers pour
lour trois portes de cui qu'il lour plait ; et cil ne
les puellent faire aujourd'hui, ils les puellent faire
une autre fois.
IV. - Encor ont les prodomes, de ceste ville, teil
usaiges, que, auljourd'hui, ils font lour fouretiers por
garder lour fouresse, de cui quil lour plait; et ont
encore teil usaiges ceulx de ceste ville, Viller,
Mesnil, de Moncel, de Chanteheu de Huiveller (11) ;
c'est assaveolr, ceux que sont du signoriaige dame
Marguerite la Salvaige et de Jean de Toul, qu'ils
puellent aller à la quinzenne, en la fouresse, tailler
bois la vanredi ou la samedi de la saint Martin jusque
aux Bures (12); c'est assaveoir, chacun conduit une
charrée. Et cilz qu'il nait point de charrois ils y puet
aller aultant de foy qu'il lour plait, et le fourestier
averoit et doibt avoir, pour son redevaiges, de chacun
conduit, ung tolloys et de ceulx de Chanteheu et de
Huiveller, de Moncel, des signoraiges de Jean de Toul et
de dame Marguerite la Saulvaige, chacun conduit doibt
audit fourretiers, le lendemain de Noël, ung pain
valessant doux toulloys, et cil que ne seroit point du
gaignaige ung toulloys.
V. - Encor ont les prodomes, de ceste ville, teil
usaiges, qu'auljourd'huy, ils font dons taillours pour
lever la taille que se paye à dous termes ; se leve la
moitié à Pasques et l'aultre moitié à la sainct Remig.
VI. - Encor ont les prodomes, de ceste ville, teil
usaiges, qu'auljourd'huy ils font lour eschevin et lour
clerc-jurey de cui qu'il lour plait.
VII. - Encor ont les prodomes, de ceste ville, tell
usaiges, qu'ils doient motre aux mollin dessoubz le
chasteau. C'est assaveoir : le resal sept deniers et
maille, fors du plus, plus et du rnoings, moings. Et
quand le bled du prodhomme ait demourez, ondit rnolin,
nuict et jour, et on ne le muet après le premier qu'il
treuve mollans, il puet repanre son bleif, cil ly plait,
et aller motre où qu'ils luy plairait, sans encoissons.
VIII. - Encor ont les prodomes, de ceste ville, teil
usaiges, qu'ils doient keure, on fours banal, l'ymal
pour dous deniers, fors du plus plus et du moins, moins,
auquel des fours bannals qu'ils lour plairait ; et se le
fournier coure mal le pain, que ce soit par son deffault,
il est tenu de rendre et de reffaire le deffault.
IX. - Encor ont les prodomes, de ceste ville, tell
usaiges, qu'ils ont lour entrecourt à Vix (13), à
Blammont, à Rembeviller ou à Chastel-sur-Mozelle ; et
celuy qui se fait contremander à Vy, il puet panre et
chergier la sienne chose, haultement, à toutes houres
qu'il ly plair, et c'ilz avoir besoing d'ayde pour la
chergier et pour mener ses biens à charroy de cheva, le
prévost, de ceste ville, ly doit faire avoir, parmey ses
deniers et coustenges, soffisamment on cas que le
prévost en seroit requis. Et se cil que se
contremanderoit par ln manière que dict est, se il se
fourdoubtoit de rien, le prévost de Lunéville le doit
conduire jusques sur la ruy de Boncourt (14), à la ruie
par desa ; et le doit warder; de fort et de force,
jusques à là, en cas que le prévost en seroit requis,
comme dict est, Et le maire de Vy le doit panre, luy
requis, sur ledit ruy de Boncourt, à la ruie par delà,
et mener à salveté et garde du fort et de force; et en
semblant cas, cil que se contremanderoit à Blammon, le
prévost de Lunéville, luy requis, le doit mener jusques
sur la ruy de Courbel (15) ; et le prévost de. Blammon,
luy requis, le doit panre et mener à salveté et warder
du fort et de force ; et en semblant cas, qui veult
aller à Rembeviller ou à Chastel-sur-Mozelle; le prévost,
luy requis, le doit conduyre jusque à ban l'Abbé, tant
avant comme le doïen de ceste ville vait waigier ; et
puellent faire les hommes ou les femmes l'entrecourt, ès
lieux dessus dicts, lequel qu'il lour plait; et se la
femme ou l'omme vont en lours entrecours, et la nuit len
presse, et ils en puissent aller devant ceulx qui les
chasseroient, et quoyque ses dous pieds fuissent fors du
ban de ceste ville, devant qu'on metoit la main à eulx,
ils puellent devestir couste ou rnantel, sy les ont, et
seoir sus, toute la nui et, sen dangier, s'il lour
plait, de ceulx du lieu où ils Ieroient partie; et dure
se ban jusques à la que les messiers puellent waigier.
Et ne doibt on, aux quatre villes, aux prévostez d'icelles,
ne aux marries d'icelles prévostez, ne vente, ne
paissages, fors que le denier annal; et puellent aller
plaidier, chastel finant, sans amendes et sans
coustenges, se ce n'est oncques de villenie dicte ou de
main misses, sont ne estoit batus au lieu; et ne debvons,
èsdits lieux, nulles pargées fort que le dopmaige rendu
; et, en semblant cas, ont teil usaige ceulx desdictes
villes, prévostez et marries dessus dictes, sur nous.
X. - Encor ont les prodomes, de ceste ville, teil
usaiges, qu'ils ne douent ventes ne paissaiges à
Einville ne en la prévostez d'icelle, par deçà la
rivière de Sanon, ne à Baulzemont, à Marche (16), et ils
peont plaidier, de Chastel finant, sans amende et sen
coustenges, fors que de villenie dicte. ou de main
misse, ou son ne soit batus au lieu ; et peons aller sur
eulx sans paier pargées, lorsque le dopmaige rendant ;
et, en semblant cas, ils ont teil usaiges sur nous.
XI. -~-Encor ont les prodomes, de ceste ville, teil
usaiges, qu'ils ne doient à Nancy ne à Port, fors que le
denier annal ; et, aucuns, ne font ils à nous en
semblant cas.
XII. - Encor ont les prodomes, de ceste ville, teil
usaiges, qu'ils puellent alIer plaidier à Haudonviller
(17), à Maîreinviller, à Thiébalménil et à Bénaménil sen
amende ne coustenges, de Chastel flnant, se ça ne soit
de villonie dicte ou de main misses, ou sont n'estoit
batus au lieu ; et ne doubvons nulles pargées, sur eulx,
fors que le dommaige rendant ; et teil usaiges ont-ils
sur nous, en semblant cas, et ne dolent, ceulx de
Fremonville, point de vente en ceste ville.
XIII. - Encor ont les prodomes, de ceste ville, teil
usaiges, qu'ils puellent aller plaidier on ban de
Mortenne, de Chastel flnant, sans amende et coustenges,
se ce nest de villonie dicte ou de main misses, ou c'ilz
ne soit battuz au lieu ; et ne debvons nulles purgées,
sur eulx, fors que le dopmaige rendant ; et aucy font
ils sur nous ; et ne debvons poinct fournir de xurtez en
toutes les villes dessus dictes, en plaidiant, ne eulx
sur nous en semblant cas.
Xllll. - Encor ont les prodomes, de ceste ville, teil
usaiges, qu'ils ont leurs pasturages en Charmoys, en
Brochie, en Vernel et en Mondon, jusques au ruy du Vehou
(18), et en Moïen et en Blenchien (19) le haut et le
bas, sans rien ne aique retenir ; et puellent aller, nos
gerdiers, abrouver les gerdes, à wiez desoubz Bléhoirs
(20), sans amende, mais que le dopmaige rendant.
XV. - Encor ont les prodomes, de ceste ville, tell
usaiges, qu'ils ont lour paixeur en la rivière de Murt,
dez la roche de Mont contremont, sur jusques à la viez
vanne de Belprey ; et en la rivière de Vezuse, dès la
rlpvière de Murt contremont, sur jusques à rue du mollin
de Beillieu (21).
En la rivière de Mortenne, dez la rivière de Murt
contremont, sur jusques a la rue du mollin de
Meharmesnill (22) ; et puellent aller paixier à tout
quelle embaixe qu'il Iour plait, sen esbere gessant ; et puellent paixier à tout une trulle de sept pieds de long
et nuef pieds devant le filet, deudit paxour, et nuef
pieds derrier, en yawe, jusques à la goulle, Et s'yl
vait plus avant je ne m'en melle.
XVI. - Encor ont les prodomes, de ceste ville, teil
usaiges, au courestier qui tient le courestaige, que
celluy que ledit courestier doit chergier le via, panre
sur le maxel et mettre sur le chee ; et, tantost que le
tonnel est sur le pollain, il est en péril du courretier
jusques à tant qu'il est axie sur le chee ; et au
deschargier, tantost qu'il y met la main, il est en son
péril jusques à ce qu'il est aixie sur la maixeil ; et,
pour son droit, il doit avoir, de a cherrée de vin, huit
toullois, et, de la demye cherrée, quatre toullois et,
au descharger, aultretant et aultretant au xault.
XVII. - Encor ont les prodomes, de ceste ville, tell
usaiges, qu'il se puellent prester embaixes ; c'est
assaveoir : ymaul, bichet, cordes, pollains à voisin et
autre et aidier l'ung l'autre sans peure l'owier,
XVIII. - Encor ont les prodomes teil usaiges, qu'il
puellent panre ez entrées de ville pour amendement de la
ville, sans encaissons ; et puellent aller on saulcy,
desoubz la vanne, pour panre des liens et pour coppeil
verges, pour cloire parois, sans encaissons.
XIX. - Encor ont les prodomes, de ceste ville, tell
usaiges, que, au ban-vin de ceste ville, qul dure ung
mois, c'est assaveoir quinze jours avant la Pentecouste
et quinze jours après, et, par teil jour comme ledit ban
entre, il en doit ixir et à tel jour. Et quiconque
emportoise vin, defait le ban-vin, qui le prengne
aultrement ; et la warde qui fait le way, dudit ban-vin,
latent et puet avoir le vin et le pot, il lait wainguier
; et celuy qu'il emporteroit le vin, l'auroit perdu et
nen paieroit aultre amende; et son Iy avoit donné le
vin, qu'il n'en heult fait nulz payement d'argent ne
dette, il n'en seroit à point de dangier et raveroit son
pot et son vin. Et cilz qui emporteroit le vin, il puet
humer son vin et ruer son pot, au mur, si ly plait,
devant que la warde dudit ban-vin y metoisse la main, et
n'en seroit en point de dangier, Et cilz qui sauroit le
ban-vin de Viller et de Mesnil, il puet faire venir
crier, en hault, son vin s'y li plait, quel est qu'il ly
plairait, jusques à sur l'uxei (23) du moutier St Remey
; et il puet en aller boire, audit ban-vin, et querry
vin en quelle embaixe qu'il lour plait, sans dangier.
XX. - Encor ont les prodomes, de ceste ville, teil
usaiges, qu'ils puellent aller au bois du. Blenchier
pour aporter, à leur copl, et se la warde du bois puer
oster la sarpe de celuy qui copperoit le bois, il l'ait
sans dangier, et ne seroit à aulcune amende ; et, s'il
se puet escoure de la warde, il en est tout quitte, et,
si la warde ait ung horrion, c'est pour luy (24),
L'authenticité de cette charte ne saurait un instant
être mise en doute ; bien que le titre original en
parchemin soit perdu et que le vidimus du tabellion
Guérin ne nous transmette ni la date, ni le nom du
prince ou seigneur qui l'a ratifié de son seing ; le
fait seul de la -présence, en double copie, de cette
charte, sur les registres officiels de l'Hôtel-de-Ville,
suffit pour augurer de l'importance qu'on y attachait ;
et, la lecture publique, à haute voix, que l'on en
faisait, annuellement, en présence de la communauté,
réunie au son de la cloche, achève d'établir son
identité comme constitution de la commune et fondement
des droits de ses habitants.
Un passage de l'article IV renferme la date de celle
pièce entre deux limites assez restreintes ; c'est celui
où il est fait allusion aux « signoraiges Jean de Toul
et dame Marguerite la Salvaige ». Mes recherches au
sujet de dame Marguerite, douairière, sans doute, de la
famille des comtes Sauvages du Rhin, et de l'époque où
elle vécut, ont été jusqu'ici sans résultat ; tout ce
que l'on sait, c'est que cette puissante maison, dont
les ramifications nombreuses se sont répandues dans tout
le pays, a possédé, dès les temps les plus reculés,
jusqu'à une époque avancée du moyen âge, une part
importante dans la seigneurie de Lunéville. Quant à Jean
de Toul, il n'y a rien de mieux connu. Jean de Neuviller,
connu, plus tard, sous le nom de Jean de Toul, second
fils de Ferry III, fut mis en possession de la
seigneurie de Lunéville, précisément en 1265, date de la
mise à la Loi de Beaumont des bourgeois. Jean de Toul
habitait Lunéville et possédait de grands biens dans les
environs, notamment a Vitrimont, où un canton du
territoire porte encore le nom de « Fourrière Jean- de
Toul ». Il mourut, en 1306, et fut enterré à Beaupré, où
sa tombe se voyait encore à la fin du siècle dernier.
C'est donc du vivant de Jean de Toul, dans l'espace
compris entre 1265 et 1506, peut-être à l'occasion de la
prise de possession de la seigneurie, que notre charte a
été promulguée, en exécution des lettres de promesse
données à Troyes, par son père Ferry III, au
commencement de l'année 1265. Sans doute, il a fallu le
temps de s'entendre, d'accorder ou de retenir certains
droits, d'établir les usages, de débattre la quotité des
redevances annuelles ou éventuelles ; en un mot, de
procéder régulièrement, article par article, à la
rédaction claire et définitive de cet acte important ;
emprunter, d'une part, à la Loi de Beaumont, éliminer de
l'autre; ajouter, en certain nombre, des clauses
d'intérêt essentiellement local. Dans tous les cas, les
probabilités sont pour une date très-rapprochée de 1265.
PRÉAMBULE. - Le caractère révolutionnaire et ombrageux
des premières communes, révélé par des symboles ou
certains usages traditionnels, n'échappera à personne.
La commune amassée et réunie au son de la cloche
(ban-cloche), dans un lieu public, accessible à tous (la
halle) ; les portes de la ville fermées..... et les clés
d'icelle apportées, sur table, comme il est de coutume
et ancienneté.
TITRE. -- Les copies de la Loi de Beaumont qui ont été
adressées, de différents points, au ministère de
l'Instruction publique, pour la Collection des monuments
de l'histoire du Tiers-Etat, portent toutes, celles qui
sont en latin : Liberum usum, et les traductions : Libre
usage (25): La charte de Lunéville est intitulée Droits
et Usages. C'était le premier mardi après l'Epiphanie,
jour d'ouverture du plaid bannal ou des plaids annaux,
que se faisait, chaque année, vers l'heure de midi, la
lecture publique, à haute voix, de ce document.
Art. 1er. - Prodomes (prud'hommes), c'est-à-dire,
prudentes hommes, ou probi homines. Dans le sens large
et vulgaire, devait signifier homme libre, indépendant
(26), et, dans l'esprit de la charte, franc bourgeois,
jouissant, à certaines conditions, des droits et
franchises communales. Cette dénomination
caractéristique, rapprochée de l'injonction faite à ceux
qui ne sont pas de la commune, ni desdits droits et
usages, d'avoir à se retirer incontinent, laisserait
supposer qu'il y avait, en ville, plusieurs classes
d'hommes, notamment des non-affranchis.
Gardiers, c'est-à-dire pâtres; grande garde, troupeau
des bêtes « armelines » (boeufs, vaches, chevaux); pour
Lizier, sans doute porcher, gardeur de porcs ; et menue
garde, troupeau des « bêtes blanches » ( mou tons,
chèvres, porcs). On sait que le troupeau communal
constituait" un droit à part, sujet à concession ;
c'était le lendemain de Noël que l'on réorganisait les
troupeaux.
Art. II. - Messiers, agents destinés à la garde des
biens de la terre, dans les limites du ban.
Art. IV. - Fouretier, garde forestier. Origine de nos
affouages communaux.
Art. V. - La redevance de la franchise obtenue par les
bourgeois, pour droit et protection de la communauté,
autrement dit la taille, se payait en deux termes,
moitié à Pâques, l'autre moitié à la Saint-Remy. D'après
une note de M. Piroux, ancien lieutenant de police, la
ville payait encore, avant la Révolution, 146 fr. 6 gros
barrois, au roi, pour cet objet.
Art. VI. - L'échevin ou juré ; le clerc-juré, greffier
et secrétaire de la mairie. Les douze jurés (jurati,
assermentés), choisis dans la commune, par les
bourgeois, donnaient leur semblant dans les causes
soumises à leur juridiction. Le prévôt remplissait les
fonctions d'officier de gendarmerie à la fois, et de
procureur ducal ; il arrêtait les coupables, instruisait
et poursuivait l'affaire ; le mayeur, chez nous échevin,
présidait le jury, recueillait les suffrages et
prononçait le jugement.
« Le maire et les jurés ne demeuraient en leurs offices
que par ung an ; si ce n'est par le consentement de
tous. » (Loi de Beaumont.)
La charte ne parle pas de la nomination qui avait lieu,
cependant, des deux gouverneurs de ville et de l'hôpital
et de leurs contrôles; quatre bourgeois, sur lesquels
deux remplissaient des fonctions analogues à celles de
maire et d'adjoint, les deux autres tenaient lieu de
commission administrative de l'hôpital.
Art. VII. - C'était en nature et au vingtième, selon la
Loi de Beaumont. Plus tard, on en vint à payer en
nature, au vingt-quatrième, à l'exception des chanoines
réguliers, qui obtinrent de Léopold de ne payer que
douze deniers par resal. Bannaux : Lunéville, Viller,
Ménil, Chanteheu, Rehainviller, Hériménil, Adoménil, les
cens de la fourasse, les chanoines de Saint-Georges de
Nancy, Mississipi et les fiefs de Mehon et de
Dehainville,
Art. VIII. - Encore en nature, au vingt-quatrième, selon
la même Loi. Il y avait d'ancienneté, à Lunéville, deux
fours banaux : l'un aux environs de la place
Saint-Jacques, l'autre à la rue Hargaut. Plus tard, en
1732, on en établit un troisième au faubourg des Carmes.
A partir de 1723, il fut permis d'avoir un four dans
chaque maison, et, en 1729, on autorisa les locataires
desdites maisons à y cuire; il y avait à payer, pour
cela, un droit de four.
Il y eut aussi deux, et puis trois pressoirs banaux.
Art. IX. - Entrecourt, droit d'aller résider dans
certains lieux, sans risques ni forfaiture. Cet article
est, en tous points, fort remarquable. Quels temps que
ceux où, pour aller à cinq lieues à la ronde, il était
prudent de se faire accompagner du prévôt ! Pargées,
sorte d'amende imposée au propriétaire de toute bête
égarée et en rupture de ban, indépendamment du dommage.
(V. Ducange : Pergia, pargia.)
Art. Xl. - Plusieurs fois, dans le cours du XVIIe
siècle, l'occasion s'est présentée de réclamer le
bénéfice de cet article en faveur des bourgeois de
Lunéville, qui usaient librement de leur droit de
passage et de rente à Saint-Nicolas et à Nancy, pour
obtenir la levée de la saisie faite sur leurs
marchandises, par les fermiers de ces droits, dans les
lieux susdits. Toutes les décisions intervenues ont été
rendues conformes à l'ancien droit et usage,
Art. XIV. - Droit de pâture. Le bourgeois ayant de temps
immémorial le droit et la liberté de tenir des troupeaux
à part de bêles blanches, tant sur le ban de la ville
que sur les voisins ; pour réprimer les abus de ce
droit, empêcher qu'il ne dégénère en licence et ne
retourne au préjudice du grand nombre, le Conseil de
ville propose, et le duc Henry approuve, à la date du 19
septembre 1622, le règlement suivant :
1° Il ne sera loisible à chaque particulier de tenir des
troupeaux de bêtes blanches en plus grand nombre que
deux cent cinquante, tant brebis laitières, agneaux,
moutons et béliers nécessaires.
2° Les tenans bergerie pourront faire pâturer, à partir
de la Saint-Georges, à pareil jour de l'année suivante.
3° Le lendemain de Noël, les gouverneurs de ville
pourront compter les bêtes blanches, afin de s'assurer
que le nombre fixé par chaque habitant n'est pas
dépassé.
Art. XV. - Ce droit ancien de pèche a reçu diverses
modifications successives, restrictives ou purement
réglementaires, à la suite de confirmations obtenues,
notamment sous Henry II, en 1618, Léopold en 1719, et
Stanislas en 1740.
Art. XVI. - Couretage de vin.- Etait-ce une sorte de
camionnage banal, combiné avec une ferme analogue à
notre droit actuel de mouvement, au moyen de laquelle la
ville et le seigneur levaient un droit ?
Art. XVIII. - Entrées de ville, droit d'entrée, appelé
plus tard droit de bourgeoisie ou redevance des nouveaux
entrants, qui se payait trente francs, appliqué à
l'entretien de la ville et aux réparations de ses
murailles.
Art. XIX. Ban-vin (foire ou marché au vin). Droit
qu'avait le seigneur d'accorder l'autorisation de vendre
du vin, dans son domaine, à une époque déterminée, et il
prélevait un impôt sur cette vente ; ou bien de vendre
le propre vin de ses récoltes, en détail, à l'exclusion
des habitants de ses terres.
Art. XX. - Droit d'affouage, à l'usage des indigents,
restreint à la charge à dos et limité à la forêt de
Blanchien, qui appartient encore à la ville, On ne peut
se défendre d'un certain étonnement, en pensant aux
singulières entraves apportées à ce droit, qui devait
provoquer des rixes continuelles et peut-être l'effusion
du sang.
Entre la Loi de Beaumont et sa fille, la charte de
Lunéville, il y a des ressemblances générales ou de
principe et des différences.
Les ressemblances portent sur le droit d'entrée ou de
bourgeoisie ; la taille payable en deux termes,
l'abolition des droits de vente (excepté le droit sur
les immeubles, conservé à Beaumont), la banalité des
fours et moulins.
La nomination annuelle, par le suffrage unanime des
habitants, des jurés, officiers et employés de la ville.
La décision en assemblée générale des affaires
communales. Le prélèvement, par deux bourgeois, des
amendes et deniers communaux, versés entre les mains
d'un receveur, dit du domaine, officier aux gages du
seigneur.
Les droits d'affouage et de pèche.
Le plaid banal.
Les différences notables portent principalement sur les
dispositions pénales, qui comprennent trente et quelques
articles dans la version faite sur la copie du Trésor
des Chartes (27), et forment ce qu'il y a de plus
complet et de plus remarquable dans la Loi de Beaumont,
ainsi que sur le service militaire dont il n'est fait
aucune mention dans la charte de Lunéville.
Ceux de Lunéville avaient leurs entrecours, entre quatre
villes, à leur choix ; le droit d'aller plaider, dans
certaines communes voisines, sans rien payer;
l'exemption des pargées (amendes) ; un règlement
particulier pour le transport du vin et un ban-vin ; des
droits de pâturage très-étendus, et la faculté de
s'entre-servir, entre voisins, et de se prêter
mutuellement les mesures accoutumées. Aucun de ces
articles n'est abordé dans la Loi de Beaumont.
L'enseignement qui ressort clairement de tout ceci,
c'est que le self-government, restreint, il est vrai,
aux franchises communales, était pratiqué dans toute sa
force au XIIIe siècle ; que la liberté était comprise
dans le sens le plus large et exercée de la façon la
plus complète, par nos pauvres communaux, d'une manière
plus immédiatement utile, peut-être, au bonheur des
peuples et à la véritable indépendance des individus,
qu'à des époques plus vantées de l'histoire.
La commune transformée en assemblée délibérante, au gré
des gouverneurs de la ville ; le suffrage unanime
pratiqué sans entraves, mais non toujours sans tumulte ;
voilà qui ressemble presque à une découverte.
Non-seulement les bourgeois nommaient directement leurs
magistrats, mais encore ils intervenaient directement et
sans intermédiaire dans leurs affaires. Chacun pouvait
prendre la parole pour ou contre les propositions mises
à l'ordre du jour, notamment lorsqu'il s'agissait
d'emprunt. L'initiative des gouverneurs de ville et leur
responsabilité étaient réduites d'autant ; leur
intervention dans les affaires communales se trouvait
ramenée, pour ainsi dire, au rôle du pouvoir exécutif.
La précieuse institution du jury, la conscience vivante
de la société, si efficace contre l'arbitraire, la
cupidité ou la barbarie des juges iniques des seigneurs,
si rassurante pour la sécurité des citoyens, par
l'avantage qu'elle offre de n'être juge que par ses
pairs, ne laissait guère à désirer qu'une plus grande
extension.
Ces assemblées tumultueuses, mais essentiellement
démocratiques ; cette lave humaine, inculte, fougueuse,
bouillante, emportée quand elle rompit les liens du
servage, avait besoin d'être réglée. Dégagée peu à peu
de l'élément révolutionnaire et refroidie dans le cours
du moyen âge, elle ne laissait pas, dans sa décadence,
que d'exciter encore l'ombrage et les défiances du
pouvoir souverain.
Ces réunions de bourgeois, sourdement frondeurs quand
ils n'osaient l'être ouvertement, soit avec les
seigneurs, soit avec le clergé ; libres, chez eux, de
tout dire et de tout faire, à certain moment, ont pris
fin au XVIe siècle, en 1589, sous l'influence,
croissante et devenue prépondérante, des légistes et de
l'aristocratie bourgeoise, par la création du Conseil de
ville, sous Charles Ill.
(1) Il ne
faudrait pas prendre au pied de la lettre cette
prétendue mise à la Loi de Beaumont, en ce sens que
celle loi aurait été appliquée, purement et simplement,
aux villes ainsi affranchies. Dans l'état d'émotion des
esprits, le plus sage parti était de se résigner et de
donner, aux moindres frais possibles, satisfaction à
l'opinion publique, comme on dirait aujourd'hui.
Promettre beaucoup, accorder peu, éluder surtout, autant
que possible, les innovations introduites par la loi de
Beaumont, par des concessions purement matérielles,
sujettes à redevances, aboutir, en un mol, à une
transaction. Telle est, du moins, par la comparaison des
lettres de promesse avec les titres définitifs,
l'interprétation à laquelle on est naturellement
conduit.
D'un autre côté, par une explication plus bienveillante
et peut-être aussi vraisemblable, nos communaux
pouvaient avoir des aspirations différentes de ceux de
Beaumont, on trouver, dans les coutumes et les
institutions qui les régissaient, des choses utiles à
conserver; de là des modifications, suppressions,
innovations, conformes aux convenances locales ou aux
nécessités du temps.
L'ancien régime était établi sur le droit de conquête;
c'est un principe qu'il ne faut pas perdre de vue quand
on étudie les institutions du moyen âge ; il n'y avait,
en réalité, que deux classes d'hommes : les vainqueurs
et les vaincus ; les nobles et les serfs. Au-dessus de
tout, comme élément de réconciliation : l'Eglise.
(2) Cart. de Lorr., ms. conservé à la Bibliothèque de
Nancy.
(3) Mémoires de Louis d'Haraucourt. Voir M. Beaupré,
Prison de Ferry Ill, br. in-8°, 1839 ; et le travail
rectificatif de M. le baron de Saint-Vincent, dans les
Mémoires de l'Académie de Stanislas, Nancy, 1866.
(4) Ceux de Dolcourt, affranchis des deniers (1337), en
gens prévenus, eurent soin de spécifier en tète des
lettres de promesse, qu'ils étaient tous manans et
habitants « sans rien ne aiques retenir, aux droits us
et coustumes de nueve ville, c'est assaveoir au droit de
Belmont, nuement sans rien muer ne chaingier. » (M.
Lepage, Comm. de la Meurthe.) Donc il y en avait qui
muaient et chaingiaient.
(5) Ainsi, à Saint-Baussant, on remarque la restriction
suivante : « Et demouront, en ladite ville, les mesures
telles comme elles estoient avant que ceste franchise
fut faicte ». (M. Lepage, Comm. de la Meurthe.)
(6) M. Noël, Mémoires sur la Lorraine, n° 6.
(7) M. Le page, Statist. de la Meurthe, Introduction.
(8) Noël, Catalogue des collections, Supplément. -
Viller-Iès-Lunéville avait aussi une charte de règlement
de droite, octroyée par Jean II.
(9) A l'angle nord, formé, par la rue des Loups ou
Traversière, arec la rue de Metz.
(10) Vezouze.
(11) Huviller, aujourd'hui Jolivet.
(12) Veille de Noël.
(13) Vic.
(14) Village détruit, entre Arracourt et Athienville.
(15) Localité aujourd'hui inconnue.
(16) Maixe.
(17) Aujourd'hui Croismare.
(18) Probablement Vého.
(19) Forêt de Blenchien, qui appartient encore à la
ville.
(20). Bléhors, ferme, commune de Damelevières; village
détruit.
(21) Beaulieu, ferme, commune de Marainviller.
(22) Aujourd'hui Xermaménil.
(23) L'huis, la porte de l'église abbatiale Saint-Remy.
(24) Transcrit en vidimus sur le Registre dei
résolutions de l'Hôtel-de- Ville, par Guérin, tabellion,
et collationné, sur on « rolleau de parchemin cousu en
trois pièces », suivant qu'il conste par l'acte de
collation mis au bas du registre.
La même pièce existe, moins quelques articles, tombés
sans doute en désuétude, dans un Recueil d'actes
concernant la commune, transcrite, dit le vidimo mis au
bas, d'après le « rouleau dict chartres desdits de
Lunéville, esquelles chartres on a coustome de faire
lecture haultement par chacun an aux plaids annaulx
dudit Lunéville en présence des sieurs officiers,
gouverneurs et communauté dudit lieu ».
(25). Note d'Augustin Thiéry, rapp. par M. Noël : suppl.
ou Calal. des Collect. lorraines.
(26) Voyez les Mémoires du sire de Joinville.
(27) Archives de France. - Carton 207, n° 1. - Voir M.
Noêl, Catal. Suppl. |