| Sorcellerie, 
						sorciers en Lorraine - J.B. Ravold(notes renumérotées)
 
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						Sorcellerie dans 
						le Blâmontois 
 Histoire démocratique 
						et anecdotique des pays de Lorraine, de Bar et des trois 
						Évêchés (Metz, Toul, Verdun), depuis les temps les plus 
						reculés jusqu'à la Révolution française. Tome 3J.-B. Ravold
 Éd. Paris 1889-1890
 Sorcellerie, 
						Sorciers. - A lire le panégyrique qui précède, on se 
						croirait arrivé au XVIIIe et même au XIXe siècle. Hélas 
						! l'exposé de faits d'une brutalité inouïe, relatifs aux 
						malheureux accusés de sortilège, maléfice et vénéfice, 
						nous ramène vite à la sombre réalité de ces temps 
						d'ignorance et de fanatisme aveugle, et fait justice des 
						dithyrambes des écrivains aux gages de Charles III. Dans 
						tout le pays, le seigneur haut justicier possédait 
						marques, échelles, piloris, carcans et prisons, qui 
						devaient êtres sures, larges, hautes et non infectées. 
						Pendant une heure entière, il avait le droit de faire 
						donner la question aux malfaiteurs. Cette latitude 
						allait être étendue aux prétendus sorciers et sorcières. 
						Le geôlier devait veiller â ce que le patient «  le 
						prisonnier n'usât de sçavoir, raison ou mots 
						extraordinaires ou inconnus, qui souvent invoquait le 
						démon », et ne portât sous les ongles et sur d'autres 
						parties du corps des caractères mystérieux qui 
						détruisaient le sentiment de la douleur. C'est sous 
						l'empire de pareilles billevesées qu'on allait procéder 
						contre les sorciers qui surgissaient sur tous les points 
						du territoire. Charles III lui-même y croyait (1). Moins 
						éclairé sur ce point que son père, Antoine, qui, en 
						1529,avait décidé qu'on ne procéderait légèrement à leur 
						prise (des sorciers) (2) «  si doncques ne fust qu'il y 
						eust partie formelle », il permit à son procureur 
						général Remy (3) de s'acharner à la poursuite de ces 
						malheureux hallucinés, auxquels d'atroces tortures 
						arrachèrent des aveux où l'odieux, le grotesque, le 
						disputent à l'absurde. Or, voici ce que généralement on 
						reprochait à ces infortunés. Les pauvres sorciers qui 
						avaient vendu leur âme à Satan pour des richesses 
						imaginaires, réduites, en fin de compte, à des feuilles 
						sèches d'arbres, tenaient avec le diable des assemblées 
						nocturnes dans des campagnes désertes ou au milieu de 
						sombres forêts. Au moment du pacte, ils recevaient de 
						leur nouveau maître un onguent magique; il suffisait 
						d'en oindre son corps pour pouvoir se transporter avec 
						une inconcevable rapidité dans le lieu où les sorciers 
						de la contrée devaient se réunir, sous la présidence de 
						leur possesseur infernal. C'était à cheval sur un bouc, 
						un chien ou même un manche à balai qu'on accomplissait 
						ce mirifique voyage, et le tuyau de la cheminée était la 
						voie que l'on prenait pour sortir de sa demeure. En 
						arrivant, on s'asseyait à un prétendu festin où les 
						convives ne voyaient paraître que des viandes fades, 
						sans saveur, sans sel et grossièrement apprêtées. Elles 
						n'apaisaient pas même la faim. Le repas terminé, on 
						formait une ronde, animée par un orchestre dont les 
						instruments n'étaient rien moins qu'harmonieux. Les 
						flûtes se composaient de tibias percés de trous; les 
						violons de têtes de chevaux sur lesquels on avait tendu 
						des fils de cuivre; enfin la basse consistait en un 
						tronc de chêne creusé par les ans et sur lequel on 
						frappait avec un marteau. Après la danse, les sorciers 
						se livraient â des actes infâmes où les hommes et les 
						femmes se mêlaient sans choix ni distinction; les 
						plaisirs honteux qu'on espérait goûter se trouvaient 
						être feints, stériles, froids et sans effet 
						satisfaisant; avant l'aurore chacun se retrouvait dans 
						sa maison. Le démon se montrait à ses esclaves sous les 
						apparences d'un bouc, d'un chien ou d'un chat noirs, 
						d'un cheval ou d'un loup; quelques fois cependant il 
						avait la figure humaine; mais des ongles démesurés et 
						une longue queue suffisaient alors pour le reconnaître. 
						Une des grandes faveurs octroyées parfois aux 
						privilégiés c'était de le baiser au derrière. Satan se 
						faisait appeler Persil, Persin, Jolibois, Verdelet ou 
						Saute-Buisson. Quand il daignait adresser la parole aux 
						sorciers, c'était d'une voix si faible et si cassée 
						qu'on avait peine à l'entendre.En dehors de la fantasmagorie de posséder de l'or, les 
						sorciers et sorcières étaient alléchés par l'attrait de 
						pouvoir exercer des actes de vengeance sur leurs 
						ennemis. Satan, pour les corrompre, s'adressait surtout 
						aux femmes, aux pauvres, aux gens qui se trouvaient dans 
						de fâcheuses affaires ou animés de violentes passions, 
						haine, avarice, amour, etc. II enseignait à ses adeptes 
						l'art de préparer des philtres, de broyer des poisons, 
						de Jeter des sorts, et leur remettait certaines poudres 
						dont une petite dose opérait les effets les plus 
						extraordinaires: la blanche rendait la santé, la grise 
						causait des maladies, et la noire donnait la mort. On 
						s'en servait pour frapper les hommes aussi bien que les 
						animaux (4). Les opérations magiques et diaboliques 
						avaient le pouvoir de gâter les fruits de la terre, 
						d'exciter des tempêtes, de produire des animaux 
						dangereux et des insectes qui désolaient la campagne, 
						corrompaient l'air et les eaux, excitaient et 
						nourrissaient dans les hommes des passions honteuses et 
						criminelles.
 Cette folie n'était pas particulière à la Lorraine; elle 
						sévissait dans d'autres pays. A Toul (5), du 5 novembre 
						1584 au 26 septembre 1623, on jugea soixante-sept procès 
						de sorcellerie dont un seulement se termina par un 
						acquittement. (DAULN., p. 265.) A Metz, on brûla, le 
						samedi 8 août 1588, huit sorciers d'un coup. et. le 20 
						du même mois, douze autres.
 Tous étaient catholiques: pas un juif, pas un protestant 
						ne se trouvait au nombre des malheureux hallucinés 
						poursuivis par la justice.
 A côté des sorciers figuraient les possédés qu'on 
						rencontre même au XVIIIe siècle. On tenait pour certain 
						(GRAVIER, p. 240) que les démons qui se logeaient dans 
						des corps humains donnaient à leurs hôtes la science 
						universelle, et qu'ils connaissaient à fond toutes les 
						langues anciennes et modernes. C'est par le défaut de 
						ces connaissances que les exorciseurs de bonne foi 
						parvenaient à découvrir la supercherie des compères à 
						qui l'on faisait jouer le rôle lucratif de possédés; 
						mais ces exorciseurs étaient rares. On n'aimait pas en 
						général, que les médecins se mêlassent d'interroger les 
						possédés, lorsqu'ils étudiaient encore Hippocrate dans 
						le texte grec: souvent ils mettaient le diable en 
						défaut. A côté des sorciers, il y avait les morts qu'on 
						supposait revenants. Pour ceux-ci c après prières, on 
						enlevait la terre qui les couvrait; si le cadavre se 
						trouvait entier, on lui enfonçait un pieu qui devait lui 
						traverser le coeur ».(D. CALMET, des Vampires et des 
						Apparitions.) (NOËL. Mém. V. notes, p. 61.)
 Parmi les nombreuses contradictions qui rendent ce 
						siècle si remarquable, la plus frappante, et peut-être 
						la moins aperçue, c'est que les femmes supportaient tout 
						le poids des iniquités du genre humain. Les cinq 
						huitièmes des sentences de mort prononcées contre les 
						prétendus sorciers ont pour objet des femmes... Si l'on 
						a brûlé moins de femmes de qualité que de filles du 
						peuple, c'est que les dames ne vont au sabbat qu'en 
						masque et qu'on ne peut les reconnaître qu'à l'allure, à 
						la taille: ce qui doit rendre un juge plus réservé sur 
						les preuves. Un véritable sorcier, d'après l'auteur, ne 
						doit peser que quinze livres. Dans l'épreuve de l'eau 
						froide, il fallait qu'il surnageât pour être brûlé; s'il 
						allait au fond de l'eau il était innocent, mais il 
						mourait asphyxié. (Démonolât. de Remy. Arch. de 
						Saint-Dié. Traité de l'épreuve de l'eau froide dans 
						l'examen des sorciers. Francfort, 1686.)
 
 
 
 (1) Le duc Charles III (A... I..., t. 
						XIII, p. 121) «  ayant vu, dit-il, lui- même, les heureux 
						effets des exorcismes faits par les religieux de 
						Saint-Barnabé et de Saint-Ambroise ad Nemus de Milan, 
						sur plusieurs personnes qui se trouvaient molestées par 
						sorts, possessions et obsessions des malins esprits, et 
						considérant le grand bien et soulagement que telles 
						personnes pourraient apporter, tant en ces pays qu'es 
						circonvoisins » leur permit, en 1604, de fonder un 
						monastère à Saint-Nicolas. Les historiens (DIGOT, t. IV, 
						p. 319) prétendent que ces religieux furent appelés 
						d'Italie, à l'occasion de la maladie du cardinal de 
						Lorraine, lequel voyant que la médecine était 
						impuissante, pensa que les exorcismes auraient plus de 
						pouvoir.
 Ce prince (comme nombre des plus notables gentilshommes) 
						(DUMONT, t. Il, pp. 17-18) ne craignant pas d'attribuer 
						les guerres, la peste, la famine et la stérilité aux 
						jurements aussi impuissants qu'insensés de quelques 
						ivrognes, étendit l'amende de dix, vingt, cinquante, 
						soixante et cent sous à l'arbitraire du juge. Un tiers 
						devait être attribué aux pauvres, un tiers à la fabrique 
						et un tiers aux travaux publics, pour les cas peu 
						graves. Mais si le blasphème était si exécrable, méchant 
						et indigne d'un chrétien qu'il ne pût être assez puni 
						d'une amende, on infligeait une peine corporelle 
						arbitraire. Pour la septième fois, le carcan, la 
						huitième, même peine ou section de la lèvre supérieure, 
						la neuvième, percement de la langue (pp. 17-18).
 
 (2) On compte neuf cents arrêts rendus en Lorraine, dans 
						l'espace de quinze ans, pour crime de sorcellerie. A 
						Metz, dans les seuls mois d'août et de septembre 1588, 
						trente-trois sorciers furent brûlés vifs. Voltaire fait 
						remarquer qu'ils ont disparu depuis qu'on a cessé de les 
						livrer aux flammes. (VIVILLE t. I., p. 192, note.) v
 
 (3) Remy Nicolas (l'abbé BEXON, pp. 264 et suiv.), 
						magistrat en Lorraine, sur la fin du XVIe siècle, dont 
						il reste un livre intitulé : Démonolatriae libri tres, 
						ex judiciis capitalibus nongentum plus minus hominum, 
						qui sotilegi erimen, intra annos quindecim, in 
						lotharingia capite luerunt. Lugduni 1595. En quinze ans 
						neuf cents hommes mis à mort en Lorraine pour crime de 
						sorcellerie. O misérable humanité ! Le livre porte pour 
						épigraphe ce verset du Lévitique : Vir, sire mulier in 
						quibus Pythonicus, sire dicinationis fuerit spiritu, 
						morte moriatur. Il serait difficile de trouver un 
						monument tout â la fois plus horrible et plus honteux de 
						cruauté et d'extravagance. C'est une tête perdue, 
						frappée et remplie de visions monstrueuses et de tous 
						les fantômes de la manie et de la peur; c'est un 
						inquisiteur sanguinaire qui raconte froidement les 
						supplices qu'il a fait souffrir â des malheureux moins 
						ensorcelés que lui. Tout ce que le plus sombre délice 
						peut enfanter de songes impurs et affreux ; tout ce que 
						la vile scélératesse imagina jamais de noir et 
						d'impuissant, trouve croïance dans ce dépôt de stupidité 
						-, une profusion d'érudition ridicule et dégoûtante ; 
						une continuelle profanation des paroles de l'Ecriture y 
						servent d'assortiment et d'appui. On trouve en tête les 
						gratulations que font â leur père deux fils imbéciles, 
						pour avoir mis au jour cette oeuvre de ténèbres. Dès les 
						premières pages, on lit en frémissant ces mots écrits de 
						sang-froid : «  Je compte que depuis seize ans que je 
						juge à mort en Lorraine, il n'y a pas eu moins de huit 
						cents sorciers convaincus, envoyés au supplice par notre 
						tribunal. Outre un nombre à peu près égal de ceux qui 
						ont échappé à la mort par la fuite ou par leur constance 
						à ne rien avouer dans les tortures » (suit le texte 
						latin). Car cet homme était leur juge ; on l'eut cru 
						leur bourreau. Si nous en partons ici, ce n'est jus sans 
						doute que nous prétendions illustrer ce Torquemada de la 
						Lorraine ; c'est que malheureusement le délire et 
						l'absurdité tiennent toujours une grande place dans 
						l'histoire de l'esprit humain ; c'est qu'il faut 
						conserver ces images hideuses pour épouvanter du moins 
						les âmes atroces, encore, toutes prêtes peut-être à 
						renouveler ces barbares fureurs. On fouettait les 
						enfants nuds à l'entour du bûcher où l'on brûlait leurs 
						pères... Ce qui a, dit-il, été pratiqué communément 
						depuis que mon collègue et moi pensâmes l'ordonner. Et 
						il ne nomme pas le Cannibale qui déchirait avec lui ces 
						déplorables victimes ; mais il doute, si par là, les 
						loix sont encore satisfaites; il eut voulu pour la 
						sûreté publique, exterminer aussi toute cette race 
						perverse... Du reste, continue-t-il, les lois contre les 
						enfants ont quelque fois été bien plus sévères ; et il 
						le prouve par les Athéniens qui condamnèrent l'enfant 
						qui avait crevé les yeux â son moineau, et par les 
						quarante enfants dévorés par deux ours, pour s'être 
						moqués du prophète Elisée qui était chauve. Il cite les 
						noms, les lieux, les personnes... Le Démonolâtre termine 
						le roman informe de ses contes absurdes et impies, par 
						ces paroles dignes de tout le reste : «  Ceux, dit- il, 
						qui estiment que dans ce genre d'accusation il faut 
						avoir pitié de l'âge, du sexe, de la simplicité ou de la 
						séduction, sont des insensés et je les maudis... »
 Pour moi qui par un long usage suis au fait de juger les 
						sorciers, j'en dirai franchement mon avis que je crois 
						être la pure lumière de la vérité : c'est que je ne 
						doute pas que, suivant toutes les lois, il ne faille, 
						après les avoir déchirés de toutes sortes « le tortures, 
						les jeter au feu... Ce qui est incompréhensible, c'est 
						que, sous le grand, le sage Charles III, ces scènes 
						d'horreur et de folie aient couvert toute la Lorraine. 
						Tel est donc le pois de l'opinion sur les têtes les plus 
						fortes et les plus saines. Mais quand on pense qu'il 
						faut peut-être absoudre Nicolas Remy de tout l'odieux de 
						ces jugements ; quand on pense que ce fut le crime de 
						son temps beaucoup plus que le sien ; que son siècle le 
						vit, le souffrit, l'applaudit sans doute ; on tremble, 
						on se trouble, on frémit : ô misérable humanité !
 Saint-Mauris (I. Il, p. 46) dit à ce sujet: A lui seul, 
						Nicolas Bemy, ce magistrat, ou plutôt ce boucher, 
						pendant l'espace de quinze ans que durèrent ses 
						fonctions inquisitoriales, fit brûler neuf cents 
						prétendus sorciers, et encore déplora-t-il dévotement â 
						sa dernière heure de n'en avoir pas exterminé un plus 
						grand nombre... Le malheureux cite les noms et surnoms 
						des personnes ; il marque les dates, les familles, les 
						demeures et villages des témoins qui ont été ouïs, et 
						qui ont comparu devant lui, depuis les années 1580 
						jusqu'en 1590, à Nancy et dans les villages des 
						environs. (LYONNOIS, t. II, p. 351.) N'oublions pas que 
						lès procès en première instance par les divers juges de 
						la Lorraine étaient révisés par les maitres-échevins et 
						échevins de .Nancy.
 Comment se persuader (D. CALMET, t. III, pp. 31-32) 
						qu'une infinité de procédures faites avec tant de soin 
						et de maturité, par de très graves magistrats, par des 
						juges très éclairés, soient toutes fausses...
 Si l'on nous citoit des choses éloignées, arrivées dans 
						un autre pays, et dans un siècle d'ignorance et reculé, 
						je m'en défierois beaucoup davantage; mais les auteurs (REMY, 
						BINFELD, suffragant de Trêves) vivoient dans le siècle 
						même où ces choses se passoient. Ils les entendoient, 
						ils en étaient très bien informez. Ils ont écrit dans le 
						temps le plus éclairé et le plus fécond en hommes 
						habiles qu'ait eus la Lorraine...; l'on ne peut nier que 
						les princes, les évêques et les juges n'ayent tenu, en 
						les poursuivant par les plus sévères châtiments, une 
						conduite tres sage et très louable, puisqu'il était 
						question d'arrêter le cours d'une impiété très 
						dangereuse et d'un culte sacrilège, ridicule, 
						abominable, rendu au démon, qui séduisoit et perdoit une 
						infinité de personnes et causoit dans l'Etat mille 
						désordres très réels. »
 
 (4) Pour donner une idée de la procédure suivie dans les 
						cas de sorcellerie, et des billevesées dont on chargeait 
						les malheureux accusés, nous transcrivons presque 
						textuellement les pages suivantes du tome II, (p. 361 à 
						363), de l'Hist. de Nancy, par l'abbé J.-J. Lionnois 
						(Nancy 1811):
 «  L'an 1629 (longtemps après la retraite de Remy), le 22 
						septembre, vers neuf heures du matin, au château de 
						Fontenoy, en la seigneurie de Haulmont, nous, Démange 
						Vannerot, maire en ladite seigneurie, assisté de Jean 
						Carbot, Jean Durand, jurez, et Nicolas Bernard, échevin, 
						en exécution des requises du sieur Procureur fiscal, 
						après des dénégations de la part de l'accusée, avons 
						fait raser et visiter par toutes les parties de son 
						corps, en nos présences, la nommée Claudon Voillaume, d'Amecy, 
						prisonnière pour cas de sortilège et vénéfice dont elle 
						est présumée, afin de voir si on pourrait reconnaître 
						quelques marques diaboliques sur son corps. Me Claude 
						Picart, chirurgien, demeurant â Conflans, homme expert 
						et usité, commis à cet effet, nous a fait voir à l'oeil, 
						quatre marques sur la personne de ladite Claudon, l'une 
						au derrière de la tête, une autre au bras dextre, une 
						autre sur la cuisse dextre, et la quatrième sur la 
						hanche senestre. Dans toutes quatre ledit Picart a 
						planté de grandes épingles assez profondément et 
						jusqu'aux os sans que ladite Claudon ait fait aucun 
						semblant d'en ressentir douleur, ni que desdites piqûres 
						en soit sorti aucune goutte de sang, ainsi que nous 
						l'avons vu et reconnu. Ledit Picart, sous la foi du 
						serment, a déclaré que ces marques, en tout semblables à 
						celles qu'il a précédemment constatées sur d'autres 
						sujets, étaient vraiment des marques du malin esprit... 
						»
 Ensuite de cette constatation, la malheureuse Claudon 
						fut condamnée par les juges susnommés, à subir devant 
						eux la question ordinaire et extraordinaire, avec cette 
						seule différence que Me Jacob, autre chirurgien audit 
						Fontenoy, prit la place de Picart.
 Solennellement ajournée (adjurée) et enquise par le 
						Président de dire si elle est sorcière, ayant renoncé â 
						Dieu pour prendre le Diable pour maître, l'accusée a 
						fait réponse qu'elle n'est pas sorcière, mais femme de 
						bien.
 Lui avons remontré que sa maltraite renommée, les 
						indices violents qui résultent contr'elle par son 
						procès, lesquels vérifiés, témoignent assez qu'elle est 
						sorcière, enjoint pourtant de confesser la vérité, 
						autrement qu'il sera passé outre à ladite question, 
						l'intimidant de plusieurs tourments qu'elle voit lui 
						être préparés.
 A dit qu'on fasse ce qu'on voudra.
 Sur son refus persistant d'avouer, nous l'avons fait 
						prendre par l'exécuteur des hautes-oeuvres, lequel l'a 
						déshabillée en chemise, puis l'a fait asseoir sur la 
						petite sellette. A cet effet il lui a appliqué les 
						grésillons aux pouces des mains. En sentant la douleur, 
						elle s'est écriée: Jésus Maria, douce vierge Marie !
 Enquise si elle n'a pas fait mourir une vache à Vaubourg 
						CoIinchard, a dit : Nian, sire, par ma foi.
 Lesdits grésillons appliqués aux doigts, s'est écriée : 
						Je vous crie, mercy, Messieurs.
 S'il n'est pas véritable qu'elle a fait malade et mourir 
						Nicolas, fils de ladite Vaubourg, a dit: Que non.
 Interrogée, depuis quel temps elle est séduite, et que 
						le malin esprit l'a tentée, a dit : Qu'elle n'a pas été 
						tentée.
 Lesdits grésillons appliqués aux orteils des pieds, et 
						enquise si elle ne fit aussi malade Colin Colin.
 Répond, faisant semblant de pleurer, sans néanmoins 
						jetter larmes, qu'elle n'a fait mal ni à bêtes ni à 
						gens.
 Si elle n'a fait mourir deux autres vaches de ladite 
						Vaubourg?
 Dit que nenny, et qu'on la fasse mourir.
 Et ayant été environ un quart d'heure auxdits 
						grésillons, l'exécuteur l'a couchée sur l'échelle, lui a 
						lié les pieds avec cordes au bois d'icelle, et les bras 
						à une autre corde attachée autour, puis lui a mis le 
						bois triangle sous le dos, et avant que la tirer, lui a 
						enjoint de dire la vérité, et s'il n'est pas vrai 
						qu'elle donna une maladie à Nicolas Raguel, d'Anery.
 A dit: Nian, sur ma foi, s'écriant: Jésus. - De tirer un 
						quart détour, s'est écriée : Jésus Maria !
 Enquise depuis quel temps elle est sorcière ? - N'a 
						voulu répondre.
 Si, en la même année, elle ne fit encore mourir une 
						vache â ladite Nicole ?
 Répond : Nany, ma foi.
 S'il n'est pas véritable qu'elle fit encore mourir deux 
						veaux â Claude Girardin ?
 A dit qu'elle n'a fait mourir ni veaux ni vaches.
 Par quels moyens elle fit mourir lesdits veaux? - A dit 
						qu'on la lâche et qu'elle dira la vérité.
 Si elle ne fit, par ses imprécations, rompre la jambe du 
						cheval de Maison Grillot ?
 A dit: Que non; ne sachant toute fois, si au moyen 
						desdites imprécations ledit accident arriva ou non.
 Qu'elle ne se contenta de causer la perte dudit cheval 
						audit Grillot, mais encore, huit jours après elle fit 
						rompre la jambe d'un autre cheval, appartenant audit 
						Grillot? - Répond: Que de Dieu soit-il maudit, celui qui 
						l'a fait.
 Comment elle fit rompre la jambe audit cheval?
 N'a voulu répondre autre chose.
 De tirer d'un autre quart de tour. - Et enquise si elle 
						n'a pas fait malade et guéri l'enfant d'Isabel Rouyer de 
						Moyenpal ? A dit que : Par si digne foy, elle ne l'a pas 
						fait.
 Depuis quel temps elle a été séduite par le malin 
						esprit?- Dit qu'elle ne l'a pas été, que ce sont tous 
						faux témoins qui ont déposé contre elle.
 Et ayant été environ demi-heure étendue sur ladite 
						échelle, l'exécuteur lui a appliqué les tortillons aux 
						jambes et aux cuisses, et bras droit, et avant que de 
						lui en faire sentir la douleur, enquise s'il n'est pas 
						vrai qu'ayant icelle guérie ledit enfant, elle lui 
						tordit le bras d'une autre sorte qu'il n'était et comme 
						il est encore â présent?
 A répondu : Par ma foy, je ne l'ai pas fait.
 Si elle n'a pas donné une maladie et lait mourir Claudel 
						Gérardin d'Annery ?
 A dit que non.
 Aux douleurs desdits tortillons, enquise si elle n'a pas 
						fait mourir une vache à Claudel Gérardin ?
 Répond : Que non, par ma foy.
 Si elle n'a pas fait tarir le lait d'une vache de 
						Pierron Vaubourg ?
 A dit : Que non, disant ces mots : Ha ! les méchants 
						laix.
 De qui elle entend parler ? De Mongeotte, veuve de Jean 
						Vaubourg à laquelle elle guérit une vache du lanqueux.
 Comment elle fil pour la guérir ? Dit qu'elle ne peut 
						dire autre chose que ce qu'elle a dit en son audition, 
						et que ce fut par une prière y mentionnée et écrite.
 Si elle ne fit pas malade et mourir Jean Vaubourg, d'Annery?
 A répondu : Nian, par ma foy.
 Si, il y a environ neuf ans, elle ne fit pas tarir le 
						lait à ladite Mougeotte, en haine de ce qu'elle ne 
						s'était pas servie d'elle à son accouchement ?
 A dit : Nian, je vous promets, ma digne foy.
 Et ayant été ladite Claudon aux tortillons, ainsi comme 
						est dit, ledit exécuteur l'a mise â l'estrapade, et 
						avant de la soulever lui avons enjoint de nous dire la 
						vérité, et s'il n'est pas vrai qu'elle fit aussi tarir 
						le lait â Marguerite Mourel, femme de Claude Demangel ?
 A dit : Nian, par ma foy.
 Comment elle a été le lait à ladite Mougel ?
 A dit : Par ma foy, je ne l'ai pas fait.
 Depuis quel temps elle est sorcière ?
 A dit qu'elle ne l'est pas.
 Soulevée d'environ un pied et demi de terre, enquise si 
						elle n'a pas aveuglé le cheval de Vaubourg-Gauthier ?
 Dit : Que non.
 Si elle ne fit mourir une chèvre de ladite Vaubourg 
						Gauthier ?
 Dit : Nenny, par ma foy.
 Finallement l'avons admonestée de sauver son âme et 
						confesser la vérité des crimes qu'elle nie : et sur ses 
						dénégations avec invocations â Dieu, l'avons fait ôter 
						de ladite question, approcher du feu et r'habiller, puis 
						mettre en prison, ce vingt-huit desdits mois et an, 
						comme le lendemain où, après avoir ouï lecture de notre 
						besogne de la veille, elle a persisté dans ses 
						négations, déclarant ne vouloir dire autre chose.
 ....L'abbé Lyonnois (Id. t. II, pp. 560-561) cite la 
						condamnation à 500 et a 200 francs d'amende des juges, 
						et à la mort, des Procureur d'office et bourreau, sur 
						l'appel de la veuve de Jean Gaudel, mort, parce que les 
						dits Procureur et bourreau avaient complotté entre eux 
						de le mettre sur une chaise hérissée et parsemée de 
						chevilles pointues pour inhumainement tourmenter ledit 
						Gaudel, comme il aurait été fait la nuit du jour qu'il 
						eut la question, avec telle inhumanité et cruauté que la 
						mort s'en serait ensuivie la même nuit. Ce jugement du 
						26 septembre 1620 devait être exécuté pour les condamnés 
						à mort, sur la place du marché de la ville neuve à 
						Nancy.
 - Voici quelques faits qui attestent l'ignorance et la 
						cruauté qui ani- maient les esprits à cette époque.
 Simon le Malfait, ainsi nommé parce qu'il avait une 
						figure difforme, fut traité d'une manière inouïe. On le 
						mit (à Metz) dans une cage ou geôle de fer et on l'y 
						brûla à petit feu. Selon sa propre confession, dit la 
						Chronique, il avait fait mourir environ soixante-dix 
						personnes, outre celles dont il ne se souvient pas ; et 
						en avait d'ailleurs rendu plusieurs percluses de leurs 
						membres, ou tourmenté d'infirmités cruelles, (Hist. de 
						Metz, t. III, p. 163.)
 Vaincues par les douleurs de la torture, les victimes, 
						pour faire cesser le supplice, avouaient tout ce qu'on 
						voulait. C'est ainsi que Barbe, femme de Jean Remy, de 
						Moyemont (Docum. inéd. de l'Hist. des Vosges, t. I), 
						entre autres crimes, communs â tous les sorciers et 
						sorcières, avoue (après la torture de l'échelle) avoir 
						porté au diable des hosties consacrées. Par sentence, 
						confirmée à Nancy, le 17 juillet 1613, elle fut brûlée 
						vive.- On condamna en 1603 un enfant de onze ans pour 
						crime de sortilège, (Id.,, de pp. 133 à 441.) «  Le bruit 
						ayant couru dans la ville de Saint-Dié, qu'un jeune 
						garçon qui y mendiait son pain, du nom de Claude, fils 
						de Claude Jean Perrin, du village de Remeymont, exécuté 
						trois ans auparavant par le feu, après avoir été 
						convaincu du crime «  de sorcerie », que ce garçon se 
						déclarait lui-même sorcier, et avouait avoir donné le 
						mal à Marie Thouvenin, bourgeoise dudit Saint-Dié, mal 
						dont elle languissait encore, le maire et gens de 
						justice des seigneurs de la ville le firent arrêter et 
						interroger après l'avoir emprisonné. »
 L'extrait suivant résume assez exactement 
						l'interrogatoire et donne une idée de la procédure.
 ... «  Le procureur d'office des sieurs vénérables, doyen 
						et chapitre de Sainct-Diey souscript, qui a veu (vu) la 
						présente procédure instruicte allencontre de Claude, 
						fils de Claude Jean Perrin, de Remeymont, prévenu de 
						sortilèges et vénéfices, notamment l'act du tesmoing de 
						l'aage du dit Claudel et tout ce que faict à veoir et 
						considérer, dit que par les confessions propres et 
						volontaires d'iceluy, il est suffisamment attainct et 
						convaincu d'avoir esté aux sabbats et assemblées du 
						diable, par deux diverses fois, y ayant été porté par le 
						dict Claude, son père, renoncé nostre créateur, prenant 
						le diable pour son maître, et par les moyens de la 
						pouldre qu'il luy a donné, aurait causé l'estrange 
						maladie à Marie Thévenin (en lui jetant de la poudre 
						dans le dos) encore de présent allictée, et à une autre 
						seconde fois se mis en debvoir d'en donner à ung jeune 
						garson qui l'avait battu, en quoy faisant, il a fait 
						acte de sorcier et vénéficien, ne le pouvant son bas 
						aage qu'est de onze ans, exempter de la peine dicte 
						contre les sorciers. Pour réparation de quoy requiert 
						ledit procureur, qu'iceluy Claudel soit condamné d'être 
						exposé au carquant, à la vue du peuple, puis conduit au 
						lieu où l'on al accoustumé supplicier les délinquants, 
						attachés à ung posteau, qu'à ceste fin y sera dressé, 
						estre estranglé, son corps bruslé et rédigé en cendres, 
						ses biens déclairés acquis et confisqués aux seigneurs 
						qu'il appartiendra sur iceulx au préalable prins les 
						frais de justice raisonnable. Faict â Saint-Diey, ce 
						XXII janvier 1603. Signé: Ruiz.
 «  Les maitre-eschevin et eschevins de Nancy ayant veu la 
						présente procédure, extraordinairement faite à rencontre 
						de Claudel, fils de Claudel Jean Perrin, de Remeymont 
						(hameau de Remémont), prévenu de sortilège et vénéfice, 
						disent qu'iceluy prévenu est suffisamment allaient 
						convaincu des dictz crimes, et parlant y a matière 
						d'adjuger au procureur d'office ses conclusions 
						d'autres... Signé Bourgeois, Guichard, de Bernécourt, 
						Gondrecourt...»
 - Les bourreaux des sorciers ne respectèrent pas plus la 
						vieillesse que l'enfance. Ainsi (Livre des Enquerreurs, 
						p. 220), en 1617, messire Jean, prêtre à Offraucourt, 
						âgé de 70 ans, atteint et convaincu de sortilège, fut en 
						premier lieu condamné à être dégradé ; ce qui eut lieu 
						au cloître de l'église Saint-Mansuy ; puis il fut brûlé 
						à Offraucourt.
 - Dumont (t. II, p. 47) montre que la non-observation 
						des commandements de l'Eglise amenait l'accusation du 
						crime de sorcellerie.
 «  Jean Grégoire Matins, en 1609, est mis à la torture et 
						interrogé sur le reproche de n'avoir pas communié â 
						Pâques précédent.
 «  Interrogé s'il n'est pas vrai que, sur la remontrance 
						qu'on lui fit d'aller crier merci à Révérend M. le grand 
						prévôt, de ce qu'il n'avait pas fait son devoir de bon 
						chrétien à Pâques dernier, il ne répondit pas que le 
						diable l'emporte, s'il y allait, ou propos semblable ?
 «  A répondu qu'il n'en a usé, qu'il est homme de bien, 
						ou que Dieu le veuille faillir.
 «  Interrogé s'il est donc pas vrai qu'il n'a été 
						confessé ni communié à Pâques dernier ?
 «  A dit que oui ; mais que ce fut bien malgré lui et 
						pour ce qu'il ne peut être mis hors de saonne et de quoi 
						il crie merci à Dieu et audit sieur Révérend.
 «  Enquis s'il n'a pas dit que plutôt d'aller demander 
						pardon à MM. les vénérables, ses seigneurs, on le 
						traînerait plutôt par sa cheminée.
 «  Dit, qu'il n'en a usé, ou que Dieu le faille....
 - Le 27 jour d'avril 1576, une poure femme, demeurant au 
						Wa-de- Bollon, fut appréhendée de justice, accusée 
						d'être sorcière et mise en prison. Après quelques jours 
						en fut mis hors comme innocente. Lors le peuple s'en 
						émut de telle façon qu'elle fut tuée, oyant ce bruit 
						qu'elle avait fait engeler les vignes. Ce nonobstant, 
						les vignes, au bout de cinq ou six jours furent engelées. 
						(Mém. des choses advenues à Metz, Bibl. de M. Noël.) - 
						En 1622, des enfants poursuivirent tellement une femme 
						estimée sorcière, qu'ils la lapidèrent. (DUM., t. II, 
						p.61, note.) Là même année une pauvre veuve avoua dans 
						les tortures que depuis vingt-trois ans elle était 
						possédée par le diable. On la brûla vive dans le village 
						de Talange, à trois lieues de Metz. (VIVILLE, p. 41.)
 - Claudon Hardier, pâtre à Hesse, fut poursuivi, en 
						1608, par le maire de ce lieu qui exerçait la justice 
						pour l'abbé de Hauteseille. Son plus grand crime était 
						d'employer, pour la guérison des animaux, des prières 
						rimées. Quoique placées sous l'invocation de la 
						Sainte-Trinité, elles furent jugées diaboliques et 
						entraînèrent sa condamnation. Il avoua que l'un de ses 
						chiens, plus ardent que les autres, était le diable 
						déguisé; que plusieurs fois, sous la forme d'un loup, 
						l'ancien maire de Neuting et un surnommé Chausel étaient 
						allés harceler les troupeaux, et lui avaient parlé ainsi 
						métamorphosés. (DUMONT.)
 -Le curé de Vomécourt, Dominique Cordet,par ses études 
						sur la sorcellerie, acquit la certitude que ce crime, 
						d'ailleurs très manifeste à ses yeux, ne méritait pas le 
						feu. Il exorcisait ses paroissiens pour les préserver du 
						bûcher. Accusé par Cathelinotte, femme perdue de 
						réputation, il fut traîné alternativement des cachots de 
						Saint-Dié en ceux de Toul, pendant près de deux ans. Le 
						malheureux prêtre, réclamé par ses paroissiens et par 
						ses compatriotes, n'obtenait de sursis que pour subir de 
						nouveau les cruelles épreuves de la question. Accusé 
						d'avoir introduit Cathelinotte au sabbat, de l'avoir 
						présentée à Maître Persin, homme grand, sec et noir, 
						froid comme glace (etiam in coitu),habillé de rouge, 
						assis sur une chaise couverte de poil noir, pinçait ses 
						néophytes au front pour leur faire renier Dieu et la 
						Vierge. Cordet était inculpé, en outre, d'avoir profané 
						les mystères en célébrant la messe à minuit, en 
						jacquette rouge et avec une hostie noire pour la 
						réception de Cathelinotte ; d'avoir fait rôtir et servir 
						aux convives diaboliques les enfants de Cathelinotte, 
						dont il était père, et enfin d'avoir exorcisé des gens 
						qu'il aurait dû faire brûler. Cordet fut condamné et 
						exécuté, en 1632, avec la malheureuse tante de l'infâme 
						accusatrice.
 
 (5) Nous empruntons les curieux détails suivants à une 
						intéressante monographie composée par un de nos plus 
						jeunes écrivains, M. Albert Denis, avocat à Toul, à 
						l'aide de patientes recherches personnelles et de notes 
						laissées par son aïeul, qui avait consulté les archives 
						de la vieille cité épiscopale lorraine et colligé ses 
						procédures... (*)
 La multiplicité des condamnations prononcées dans les 
						années 1619,1621 et 1622. est épouvantable: ainsi, en 
						1610, il y eut huit exécutions, dont six en un seul 
						jour, autant qu'on en compte aujourd'hui par année dans 
						toute la France, pour crimes de droit commun; en 1621, 
						dix condamnations dont sept suivies d'exécution ; soit 
						dix-huit personnes livrées au bûcher à Toul, dans le 
						cours de trois années... (p. 75).
 Dans certaines dépositions des témoins contre des 
						prévenus de sorcellerie, nous trouvons les 
						particularités étranges, bizarres, que voici :
 - 15 avril 1592. Le témoin Henri de Gye, laboureur â 
						Toul, âgé de 60 ans, dont la jambe enflée l'empêchait de 
						marcher et de travailler, blessa encore ce membre malade 
						avec sa hache en coupant une branche d'arbre. Se 
						regardant comme ensorcelé, il demanda â un tiers un 
						remède pour se guérir. On lui dit «  de trouver moyen 
						d'avoir du pain et du sel secrètement de la maison de 
						celui ou de celle qu'il soupçonnait l'avoir ensorcelé, 
						et les ayant, de saler lui-même une partie du pain, le 
						couper en quatre morceaux et en jeter lui-même la moitié 
						au feu, avec ledit sel, après avoir fait un âtre pour 
						cet effet, le couvrir et le laisser consumer, puis 
						manger l'autre moitié...». Il exécuta la prescription et 
						vingt-quatre heures après il se trouva grandement allégé 
						de la jambe qui désenfla peu â peu, si bien qu'à présent 
						il n'y ressent que t bien peu de douleur...» (pp. 
						55-56).
 - 28 mai 1594. Une dame Claudon, après avoir mangé de la 
						quiche et bu de la pique que lui présenta son ancienne 
						logeuse, devint très malade. Un premier remède resta 
						sans effet. Elle en obtint un second, fait avec du vin 
						blanc. Quand elle eut bu ce breuvage... elle tomba par
 terre quasi comme en extase, ayant les dents serrées, et 
						sans mouvement aucun, de sorte qu'il a fallu la secouer 
						violemment par mouvements violents pour la faire revenir 
						à soi. Incontinent fut saisie
 d'un grand vomissement ayant du premier coup jeté, à son 
						avis, un crapeau (sic), des cheveux, de la crasse de 
						maréchaux, des charbons, et plusieurs autres choses qui, 
						au passage de la gorge, lui faisaient grande douleur 
						comme plusieurs personnes ont vu...s (pp. 60 et 61).
 En effet, deux témoins, Catherine... et Barbe, 
						attestent, - la première, que Claudon «  lui montra un 
						verre rempli de villenies comme cheveux, petites bêtes, 
						le tout entortillé de la grosseur d'une noix et fort 
						qu'elle avait jeté par la bouche... » - la seconde, que 
						«  ladite Claudon lui .raconta sans nommer ladite 
						Laurence (prévenue comme sorcière), que s'en étant allée 
						quelque temps en son logis, elle lui donna de la quiche 
						(et elle ajoute tous les détails précédents, même le 
						vomissement de crapeaux, de cheveux, crasse de 
						maréchaux, charbons et » plusieurs petites bêtes)... » 
						(pp. 60-61-62).
 - Dans les procès de sorcellerie, on trouve des faits 
						absurdes semblables à ceux-ci, articulés dans la 
						déposition de Claude Bourguignon contre Catherine, femme 
						de Démange Noël, de Barbonville.
 ... «  Revenant une fois des champs â deux heures de 
						nuit, ce fut une nuée avec de grands éclairs et étoiles. 
						Approchés qu'ils furent de la maison de Guillaume, ils 
						aperçurent au devant une femme hideuse, noire, de grande 
						et grosse stature, appuyée contre la porte, sans 
						mouvement, dont il fut grandement effrayé; ce qui 
						l'occasionna de demander audit Guillaume ce que ce 
						pouvait être. Il lui répondit que c'était le taureau, 
						d'autant qu'il était rouge.
 ... «  Un autre témoin dit qu'en battant à la grange il a 
						vu un chat noir qui est venu se jeter entre les fléaux, 
						sans que l'on ait pu toucher dessus, et se sauva. »
 - Noël (Mém. lit), au sujet de la sorcellerie, raconte 
						le fait curieux suivant: «  Catherine de Lorraine, fille 
						de Charles III, abbesse de Remiremont, étant tombée 
						malade, s'adressa aux Capucins qui, après de longues et 
						impuissantes prières, lui suggérèrent l'idée de faire 
						béatifier l'un des leurs. La princesse adoptant l'idée 
						envoya à Rome soixante-dix mille livres pour la 
						béatification de Félix Cantalice. En échange de son 
						argent elle reçut un os du bras de ce nouveau béatifié. 
						(CHEVRIER) Essai inutile ! On conclut alors que le 
						diable devait se mêler de l'affaire. La princesse, 
						interrogée avoua que le chevalier de Tr..., en 
						plaisantant avec elle, s'était permis une familiarité 
						inconvenante. Immédiatement on conclut qu'il était 
						sorcier, qu'il avait jeté un sort à la princesse, punie 
						ainsi de lui avoir permis une privauté. Il fut pendu 
						sans forme de procès sur la place de Châtel (pp. 29-30, 
						note). Le pape avait accordé à cette princesse un bref 
						pour faire gras les jours défendus. Au sujet de cette 
						princesse Chevrier (t. V, pp. 12 et suiv.) constate 
						l'esprit mystique permanent de la cour ducale lorraine. 
						Le duc Simon avait donné toute sa confiance aux 
						Bernardins, René II aux Cordeliers, etc.
 - Tout était possible dans ces temps de grossière 
						superstition. «  Ce fut un procès contre les rats qui, en 
						1531, fit la célébrité du jurisconsulte Chassané ou 
						Chassaneux (Chassaneus) qui ayant été nommé leur 
						défenseur a fait sur la matière un véritable traité 
						écrit en latin et imprimé sur vingt feuillets in-folio. 
						- Gravier (pp. 231-235) raconte, en ces termes, un 
						procès, dit du PORC CLAUDON (1572). «  Arrêté en flagrant 
						délit de dévorer un enfant, le vorace animal fut, à la 
						diligence du procureur de l'abbé, traduit es prisons de 
						l'abbaye de Moyenmoutier et écroué sous le nom de porc 
						Claudon. Ce magistrat requit les informations usitées et 
						la confrontation des témoins avec l'accusé ; il dénonça 
						au prieur du monastère la négligence des pères et mères 
						dans la garde de leurs enfants. Les actes de cette 
						procédure furent soumis â la sanction des échevins de 
						Nancy qui opinèrent pour la mort du coupable.
 La justice locale prononça donc la sentence suivante... 
						«  Nous trouvons et disons par notre sentence que, heu 
						l'égard à l'inconvénient de mort, advenu de l'enfant 
						Claudon François, dévoré par un sien porc, et afin que 
						les pères et mères preignent meilleure garde à leurs 
						enfants ; que ledit porc doit être pendu et étranglé en 
						une potence, au lieu où on a accoutumé faire semblables 
						exécutions. Et quant â la pénitence et correction des 
						père et mère dudit enfant, cela appartient et est à la 
						charge de Monsieur le Prieur de céans... Comme de toute 
						ancienneté l'on a accoutumé, qu'ayant ledit Révérend 
						Seigneur Abbé aucuns criminels en ses prisons condamnés 
						à pugnition corporelle, sa justice les met et délivre en 
						ce lieu et place es mains d'un sieur prévost Saint-Dié, 
						tout nuds avecque leur procès, pour en faire les 
						exécutions ; et à cause que ledit porc, est une bête 
						brute estant lié d'une corde, les maire et justice vous 
						le délivrent en cedit lieu, et laissent ledit porc, lié 
						d'icelle corde, en grâce spéciale, et sans préjudice 
						dudit droit et usaige de vous rendre lesdits criminels 
						nuds ; aussi vous met tent et délivrent es mains 
						l'information et procédure sur ce fait, pour dudit porc 
						faire faire l'exécution au contenu de ladite sentence. »
 (*) Ce respectable savant mourut en 1863 ; son père 
						était en ardent patriote. H. Etienne (Hist. de Lorr.) 
						cite de lui le trait suivant (p. 318) : «  La bataille de 
						Waterloo ouvrit aux armées coalisées la Lorraine, qui 
						fut fort tourmentée par des passades continuels de 
						troupes. Un trait suffit pour montrer le patriotisme des 
						habitants au milieu, de toutes tes calamités d'une 
						seconde invasion. Un imprimeur de Commercy, M. Denis, à 
						qui l'on proposait une pièce de vers en l'honneur d'un 
						monarque étranger, imita l'exempte de Callot en 
						répondant qu'il aimerait mieux briser ses presses que de 
						se déshonorer par cette indigne publication »
 C'est ce noble citoyen qui mit â découvert, en grande 
						partie à ses frais, la ville gallo- romaine de Nasium, 
						reconnu l'emplacement de temples, le tracé des rues, les 
						bains et les mosaïques, etc.
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