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Sorcellerie, sorciers en Lorraine - J.B. Ravold
(notes renumérotées)

Voir Sorcellerie dans le Blâmontois


Histoire démocratique et anecdotique des pays de Lorraine, de Bar et des trois Évêchés (Metz, Toul, Verdun), depuis les temps les plus reculés jusqu'à la Révolution française. Tome 3
J.-B. Ravold
Éd. Paris 1889-1890

Sorcellerie, Sorciers. - A lire le panégyrique qui précède, on se croirait arrivé au XVIIIe et même au XIXe siècle. Hélas ! l'exposé de faits d'une brutalité inouïe, relatifs aux malheureux accusés de sortilège, maléfice et vénéfice, nous ramène vite à la sombre réalité de ces temps d'ignorance et de fanatisme aveugle, et fait justice des dithyrambes des écrivains aux gages de Charles III. Dans tout le pays, le seigneur haut justicier possédait marques, échelles, piloris, carcans et prisons, qui devaient êtres sures, larges, hautes et non infectées. Pendant une heure entière, il avait le droit de faire donner la question aux malfaiteurs. Cette latitude allait être étendue aux prétendus sorciers et sorcières. Le geôlier devait veiller â ce que le patient «  le prisonnier n'usât de sçavoir, raison ou mots extraordinaires ou inconnus, qui souvent invoquait le démon », et ne portât sous les ongles et sur d'autres parties du corps des caractères mystérieux qui détruisaient le sentiment de la douleur. C'est sous l'empire de pareilles billevesées qu'on allait procéder contre les sorciers qui surgissaient sur tous les points du territoire. Charles III lui-même y croyait (1). Moins éclairé sur ce point que son père, Antoine, qui, en 1529,avait décidé qu'on ne procéderait légèrement à leur prise (des sorciers) (2) «  si doncques ne fust qu'il y eust partie formelle », il permit à son procureur général Remy (3) de s'acharner à la poursuite de ces malheureux hallucinés, auxquels d'atroces tortures arrachèrent des aveux où l'odieux, le grotesque, le disputent à l'absurde. Or, voici ce que généralement on reprochait à ces infortunés. Les pauvres sorciers qui avaient vendu leur âme à Satan pour des richesses imaginaires, réduites, en fin de compte, à des feuilles sèches d'arbres, tenaient avec le diable des assemblées nocturnes dans des campagnes désertes ou au milieu de sombres forêts. Au moment du pacte, ils recevaient de leur nouveau maître un onguent magique; il suffisait d'en oindre son corps pour pouvoir se transporter avec une inconcevable rapidité dans le lieu où les sorciers de la contrée devaient se réunir, sous la présidence de leur possesseur infernal. C'était à cheval sur un bouc, un chien ou même un manche à balai qu'on accomplissait ce mirifique voyage, et le tuyau de la cheminée était la voie que l'on prenait pour sortir de sa demeure. En arrivant, on s'asseyait à un prétendu festin où les convives ne voyaient paraître que des viandes fades, sans saveur, sans sel et grossièrement apprêtées. Elles n'apaisaient pas même la faim. Le repas terminé, on formait une ronde, animée par un orchestre dont les instruments n'étaient rien moins qu'harmonieux. Les flûtes se composaient de tibias percés de trous; les violons de têtes de chevaux sur lesquels on avait tendu des fils de cuivre; enfin la basse consistait en un tronc de chêne creusé par les ans et sur lequel on frappait avec un marteau. Après la danse, les sorciers se livraient â des actes infâmes où les hommes et les femmes se mêlaient sans choix ni distinction; les plaisirs honteux qu'on espérait goûter se trouvaient être feints, stériles, froids et sans effet satisfaisant; avant l'aurore chacun se retrouvait dans sa maison. Le démon se montrait à ses esclaves sous les apparences d'un bouc, d'un chien ou d'un chat noirs, d'un cheval ou d'un loup; quelques fois cependant il avait la figure humaine; mais des ongles démesurés et une longue queue suffisaient alors pour le reconnaître. Une des grandes faveurs octroyées parfois aux privilégiés c'était de le baiser au derrière. Satan se faisait appeler Persil, Persin, Jolibois, Verdelet ou Saute-Buisson. Quand il daignait adresser la parole aux sorciers, c'était d'une voix si faible et si cassée qu'on avait peine à l'entendre.
En dehors de la fantasmagorie de posséder de l'or, les sorciers et sorcières étaient alléchés par l'attrait de pouvoir exercer des actes de vengeance sur leurs ennemis. Satan, pour les corrompre, s'adressait surtout aux femmes, aux pauvres, aux gens qui se trouvaient dans de fâcheuses affaires ou animés de violentes passions, haine, avarice, amour, etc. II enseignait à ses adeptes l'art de préparer des philtres, de broyer des poisons, de Jeter des sorts, et leur remettait certaines poudres dont une petite dose opérait les effets les plus extraordinaires: la blanche rendait la santé, la grise causait des maladies, et la noire donnait la mort. On s'en servait pour frapper les hommes aussi bien que les animaux (4). Les opérations magiques et diaboliques avaient le pouvoir de gâter les fruits de la terre, d'exciter des tempêtes, de produire des animaux dangereux et des insectes qui désolaient la campagne, corrompaient l'air et les eaux, excitaient et nourrissaient dans les hommes des passions honteuses et criminelles.
Cette folie n'était pas particulière à la Lorraine; elle sévissait dans d'autres pays. A Toul (5), du 5 novembre 1584 au 26 septembre 1623, on jugea soixante-sept procès de sorcellerie dont un seulement se termina par un acquittement. (DAULN., p. 265.) A Metz, on brûla, le samedi 8 août 1588, huit sorciers d'un coup. et. le 20 du même mois, douze autres.
Tous étaient catholiques: pas un juif, pas un protestant ne se trouvait au nombre des malheureux hallucinés poursuivis par la justice.
A côté des sorciers figuraient les possédés qu'on rencontre même au XVIIIe siècle. On tenait pour certain (GRAVIER, p. 240) que les démons qui se logeaient dans des corps humains donnaient à leurs hôtes la science universelle, et qu'ils connaissaient à fond toutes les langues anciennes et modernes. C'est par le défaut de ces connaissances que les exorciseurs de bonne foi parvenaient à découvrir la supercherie des compères à qui l'on faisait jouer le rôle lucratif de possédés; mais ces exorciseurs étaient rares. On n'aimait pas en général, que les médecins se mêlassent d'interroger les possédés, lorsqu'ils étudiaient encore Hippocrate dans le texte grec: souvent ils mettaient le diable en défaut. A côté des sorciers, il y avait les morts qu'on supposait revenants. Pour ceux-ci c après prières, on enlevait la terre qui les couvrait; si le cadavre se trouvait entier, on lui enfonçait un pieu qui devait lui traverser le coeur ».(D. CALMET, des Vampires et des Apparitions.) (NOËL. Mém. V. notes, p. 61.)
Parmi les nombreuses contradictions qui rendent ce siècle si remarquable, la plus frappante, et peut-être la moins aperçue, c'est que les femmes supportaient tout le poids des iniquités du genre humain. Les cinq huitièmes des sentences de mort prononcées contre les prétendus sorciers ont pour objet des femmes... Si l'on a brûlé moins de femmes de qualité que de filles du peuple, c'est que les dames ne vont au sabbat qu'en masque et qu'on ne peut les reconnaître qu'à l'allure, à la taille: ce qui doit rendre un juge plus réservé sur les preuves. Un véritable sorcier, d'après l'auteur, ne doit peser que quinze livres. Dans l'épreuve de l'eau froide, il fallait qu'il surnageât pour être brûlé; s'il allait au fond de l'eau il était innocent, mais il mourait asphyxié. (Démonolât. de Remy. Arch. de Saint-Dié. Traité de l'épreuve de l'eau froide dans l'examen des sorciers. Francfort, 1686.)



(1) Le duc Charles III (A... I..., t. XIII, p. 121) «  ayant vu, dit-il, lui- même, les heureux effets des exorcismes faits par les religieux de Saint-Barnabé et de Saint-Ambroise ad Nemus de Milan, sur plusieurs personnes qui se trouvaient molestées par sorts, possessions et obsessions des malins esprits, et considérant le grand bien et soulagement que telles personnes pourraient apporter, tant en ces pays qu'es circonvoisins » leur permit, en 1604, de fonder un monastère à Saint-Nicolas. Les historiens (DIGOT, t. IV, p. 319) prétendent que ces religieux furent appelés d'Italie, à l'occasion de la maladie du cardinal de Lorraine, lequel voyant que la médecine était impuissante, pensa que les exorcismes auraient plus de pouvoir.
Ce prince (comme nombre des plus notables gentilshommes) (DUMONT, t. Il, pp. 17-18) ne craignant pas d'attribuer les guerres, la peste, la famine et la stérilité aux jurements aussi impuissants qu'insensés de quelques ivrognes, étendit l'amende de dix, vingt, cinquante, soixante et cent sous à l'arbitraire du juge. Un tiers devait être attribué aux pauvres, un tiers à la fabrique et un tiers aux travaux publics, pour les cas peu graves. Mais si le blasphème était si exécrable, méchant et indigne d'un chrétien qu'il ne pût être assez puni d'une amende, on infligeait une peine corporelle arbitraire. Pour la septième fois, le carcan, la huitième, même peine ou section de la lèvre supérieure, la neuvième, percement de la langue (pp. 17-18).

(2) On compte neuf cents arrêts rendus en Lorraine, dans l'espace de quinze ans, pour crime de sorcellerie. A Metz, dans les seuls mois d'août et de septembre 1588, trente-trois sorciers furent brûlés vifs. Voltaire fait remarquer qu'ils ont disparu depuis qu'on a cessé de les livrer aux flammes. (VIVILLE t. I., p. 192, note.) v

(3) Remy Nicolas (l'abbé BEXON, pp. 264 et suiv.), magistrat en Lorraine, sur la fin du XVIe siècle, dont il reste un livre intitulé : Démonolatriae libri tres, ex judiciis capitalibus nongentum plus minus hominum, qui sotilegi erimen, intra annos quindecim, in lotharingia capite luerunt. Lugduni 1595. En quinze ans neuf cents hommes mis à mort en Lorraine pour crime de sorcellerie. O misérable humanité ! Le livre porte pour épigraphe ce verset du Lévitique : Vir, sire mulier in quibus Pythonicus, sire dicinationis fuerit spiritu, morte moriatur. Il serait difficile de trouver un monument tout â la fois plus horrible et plus honteux de cruauté et d'extravagance. C'est une tête perdue, frappée et remplie de visions monstrueuses et de tous les fantômes de la manie et de la peur; c'est un inquisiteur sanguinaire qui raconte froidement les supplices qu'il a fait souffrir â des malheureux moins ensorcelés que lui. Tout ce que le plus sombre délice peut enfanter de songes impurs et affreux ; tout ce que la vile scélératesse imagina jamais de noir et d'impuissant, trouve croïance dans ce dépôt de stupidité -, une profusion d'érudition ridicule et dégoûtante ; une continuelle profanation des paroles de l'Ecriture y servent d'assortiment et d'appui. On trouve en tête les gratulations que font â leur père deux fils imbéciles, pour avoir mis au jour cette oeuvre de ténèbres. Dès les premières pages, on lit en frémissant ces mots écrits de sang-froid : «  Je compte que depuis seize ans que je juge à mort en Lorraine, il n'y a pas eu moins de huit cents sorciers convaincus, envoyés au supplice par notre tribunal. Outre un nombre à peu près égal de ceux qui ont échappé à la mort par la fuite ou par leur constance à ne rien avouer dans les tortures » (suit le texte latin). Car cet homme était leur juge ; on l'eut cru leur bourreau. Si nous en partons ici, ce n'est jus sans doute que nous prétendions illustrer ce Torquemada de la Lorraine ; c'est que malheureusement le délire et l'absurdité tiennent toujours une grande place dans l'histoire de l'esprit humain ; c'est qu'il faut conserver ces images hideuses pour épouvanter du moins les âmes atroces, encore, toutes prêtes peut-être à renouveler ces barbares fureurs. On fouettait les enfants nuds à l'entour du bûcher où l'on brûlait leurs pères... Ce qui a, dit-il, été pratiqué communément depuis que mon collègue et moi pensâmes l'ordonner. Et il ne nomme pas le Cannibale qui déchirait avec lui ces déplorables victimes ; mais il doute, si par là, les loix sont encore satisfaites; il eut voulu pour la sûreté publique, exterminer aussi toute cette race perverse... Du reste, continue-t-il, les lois contre les enfants ont quelque fois été bien plus sévères ; et il le prouve par les Athéniens qui condamnèrent l'enfant qui avait crevé les yeux â son moineau, et par les quarante enfants dévorés par deux ours, pour s'être moqués du prophète Elisée qui était chauve. Il cite les noms, les lieux, les personnes... Le Démonolâtre termine le roman informe de ses contes absurdes et impies, par ces paroles dignes de tout le reste : «  Ceux, dit- il, qui estiment que dans ce genre d'accusation il faut avoir pitié de l'âge, du sexe, de la simplicité ou de la séduction, sont des insensés et je les maudis... »
Pour moi qui par un long usage suis au fait de juger les sorciers, j'en dirai franchement mon avis que je crois être la pure lumière de la vérité : c'est que je ne doute pas que, suivant toutes les lois, il ne faille, après les avoir déchirés de toutes sortes « le tortures, les jeter au feu... Ce qui est incompréhensible, c'est que, sous le grand, le sage Charles III, ces scènes d'horreur et de folie aient couvert toute la Lorraine. Tel est donc le pois de l'opinion sur les têtes les plus fortes et les plus saines. Mais quand on pense qu'il faut peut-être absoudre Nicolas Remy de tout l'odieux de ces jugements ; quand on pense que ce fut le crime de son temps beaucoup plus que le sien ; que son siècle le vit, le souffrit, l'applaudit sans doute ; on tremble, on se trouble, on frémit : ô misérable humanité !
Saint-Mauris (I. Il, p. 46) dit à ce sujet: A lui seul, Nicolas Bemy, ce magistrat, ou plutôt ce boucher, pendant l'espace de quinze ans que durèrent ses fonctions inquisitoriales, fit brûler neuf cents prétendus sorciers, et encore déplora-t-il dévotement â sa dernière heure de n'en avoir pas exterminé un plus grand nombre... Le malheureux cite les noms et surnoms des personnes ; il marque les dates, les familles, les demeures et villages des témoins qui ont été ouïs, et qui ont comparu devant lui, depuis les années 1580 jusqu'en 1590, à Nancy et dans les villages des environs. (LYONNOIS, t. II, p. 351.) N'oublions pas que lès procès en première instance par les divers juges de la Lorraine étaient révisés par les maitres-échevins et échevins de .Nancy.
Comment se persuader (D. CALMET, t. III, pp. 31-32) qu'une infinité de procédures faites avec tant de soin et de maturité, par de très graves magistrats, par des juges très éclairés, soient toutes fausses...
Si l'on nous citoit des choses éloignées, arrivées dans un autre pays, et dans un siècle d'ignorance et reculé, je m'en défierois beaucoup davantage; mais les auteurs (REMY, BINFELD, suffragant de Trêves) vivoient dans le siècle même où ces choses se passoient. Ils les entendoient, ils en étaient très bien informez. Ils ont écrit dans le temps le plus éclairé et le plus fécond en hommes habiles qu'ait eus la Lorraine...; l'on ne peut nier que les princes, les évêques et les juges n'ayent tenu, en les poursuivant par les plus sévères châtiments, une conduite tres sage et très louable, puisqu'il était question d'arrêter le cours d'une impiété très dangereuse et d'un culte sacrilège, ridicule, abominable, rendu au démon, qui séduisoit et perdoit une infinité de personnes et causoit dans l'Etat mille désordres très réels. »

(4) Pour donner une idée de la procédure suivie dans les cas de sorcellerie, et des billevesées dont on chargeait les malheureux accusés, nous transcrivons presque textuellement les pages suivantes du tome II, (p. 361 à 363), de l'Hist. de Nancy, par l'abbé J.-J. Lionnois (Nancy 1811):
«  L'an 1629 (longtemps après la retraite de Remy), le 22 septembre, vers neuf heures du matin, au château de Fontenoy, en la seigneurie de Haulmont, nous, Démange Vannerot, maire en ladite seigneurie, assisté de Jean Carbot, Jean Durand, jurez, et Nicolas Bernard, échevin, en exécution des requises du sieur Procureur fiscal, après des dénégations de la part de l'accusée, avons fait raser et visiter par toutes les parties de son corps, en nos présences, la nommée Claudon Voillaume, d'Amecy, prisonnière pour cas de sortilège et vénéfice dont elle est présumée, afin de voir si on pourrait reconnaître quelques marques diaboliques sur son corps. Me Claude Picart, chirurgien, demeurant â Conflans, homme expert et usité, commis à cet effet, nous a fait voir à l'oeil, quatre marques sur la personne de ladite Claudon, l'une au derrière de la tête, une autre au bras dextre, une autre sur la cuisse dextre, et la quatrième sur la hanche senestre. Dans toutes quatre ledit Picart a planté de grandes épingles assez profondément et jusqu'aux os sans que ladite Claudon ait fait aucun semblant d'en ressentir douleur, ni que desdites piqûres en soit sorti aucune goutte de sang, ainsi que nous l'avons vu et reconnu. Ledit Picart, sous la foi du serment, a déclaré que ces marques, en tout semblables à celles qu'il a précédemment constatées sur d'autres sujets, étaient vraiment des marques du malin esprit... »
Ensuite de cette constatation, la malheureuse Claudon fut condamnée par les juges susnommés, à subir devant eux la question ordinaire et extraordinaire, avec cette seule différence que Me Jacob, autre chirurgien audit Fontenoy, prit la place de Picart.
Solennellement ajournée (adjurée) et enquise par le Président de dire si elle est sorcière, ayant renoncé â Dieu pour prendre le Diable pour maître, l'accusée a fait réponse qu'elle n'est pas sorcière, mais femme de bien.
Lui avons remontré que sa maltraite renommée, les indices violents qui résultent contr'elle par son procès, lesquels vérifiés, témoignent assez qu'elle est sorcière, enjoint pourtant de confesser la vérité, autrement qu'il sera passé outre à ladite question, l'intimidant de plusieurs tourments qu'elle voit lui être préparés.
A dit qu'on fasse ce qu'on voudra.
Sur son refus persistant d'avouer, nous l'avons fait prendre par l'exécuteur des hautes-oeuvres, lequel l'a déshabillée en chemise, puis l'a fait asseoir sur la petite sellette. A cet effet il lui a appliqué les grésillons aux pouces des mains. En sentant la douleur, elle s'est écriée: Jésus Maria, douce vierge Marie !
Enquise si elle n'a pas fait mourir une vache à Vaubourg CoIinchard, a dit : Nian, sire, par ma foi.
Lesdits grésillons appliqués aux doigts, s'est écriée : Je vous crie, mercy, Messieurs.
S'il n'est pas véritable qu'elle a fait malade et mourir Nicolas, fils de ladite Vaubourg, a dit: Que non.
Interrogée, depuis quel temps elle est séduite, et que le malin esprit l'a tentée, a dit : Qu'elle n'a pas été tentée.
Lesdits grésillons appliqués aux orteils des pieds, et enquise si elle ne fit aussi malade Colin Colin.
Répond, faisant semblant de pleurer, sans néanmoins jetter larmes, qu'elle n'a fait mal ni à bêtes ni à gens.
Si elle n'a fait mourir deux autres vaches de ladite Vaubourg?
Dit que nenny, et qu'on la fasse mourir.
Et ayant été environ un quart d'heure auxdits grésillons, l'exécuteur l'a couchée sur l'échelle, lui a lié les pieds avec cordes au bois d'icelle, et les bras à une autre corde attachée autour, puis lui a mis le bois triangle sous le dos, et avant que la tirer, lui a enjoint de dire la vérité, et s'il n'est pas vrai qu'elle donna une maladie à Nicolas Raguel, d'Anery.
A dit: Nian, sur ma foi, s'écriant: Jésus. - De tirer un quart détour, s'est écriée : Jésus Maria !
Enquise depuis quel temps elle est sorcière ? - N'a voulu répondre.
Si, en la même année, elle ne fit encore mourir une vache â ladite Nicole ?
Répond : Nany, ma foi.
S'il n'est pas véritable qu'elle fit encore mourir deux veaux â Claude Girardin ?
A dit qu'elle n'a fait mourir ni veaux ni vaches.
Par quels moyens elle fit mourir lesdits veaux? - A dit qu'on la lâche et qu'elle dira la vérité.
Si elle ne fit, par ses imprécations, rompre la jambe du cheval de Maison Grillot ?
A dit: Que non; ne sachant toute fois, si au moyen desdites imprécations ledit accident arriva ou non.
Qu'elle ne se contenta de causer la perte dudit cheval audit Grillot, mais encore, huit jours après elle fit rompre la jambe d'un autre cheval, appartenant audit Grillot? - Répond: Que de Dieu soit-il maudit, celui qui l'a fait.
Comment elle fit rompre la jambe audit cheval?
N'a voulu répondre autre chose.
De tirer d'un autre quart de tour. - Et enquise si elle n'a pas fait malade et guéri l'enfant d'Isabel Rouyer de Moyenpal ? A dit que : Par si digne foy, elle ne l'a pas fait.
Depuis quel temps elle a été séduite par le malin esprit?- Dit qu'elle ne l'a pas été, que ce sont tous faux témoins qui ont déposé contre elle.
Et ayant été environ demi-heure étendue sur ladite échelle, l'exécuteur lui a appliqué les tortillons aux jambes et aux cuisses, et bras droit, et avant que de lui en faire sentir la douleur, enquise s'il n'est pas vrai qu'ayant icelle guérie ledit enfant, elle lui tordit le bras d'une autre sorte qu'il n'était et comme il est encore â présent?
A répondu : Par ma foy, je ne l'ai pas fait.
Si elle n'a pas donné une maladie et lait mourir Claudel Gérardin d'Annery ?
A dit que non.
Aux douleurs desdits tortillons, enquise si elle n'a pas fait mourir une vache à Claudel Gérardin ?
Répond : Que non, par ma foy.
Si elle n'a pas fait tarir le lait d'une vache de Pierron Vaubourg ?
A dit : Que non, disant ces mots : Ha ! les méchants laix.
De qui elle entend parler ? De Mongeotte, veuve de Jean Vaubourg à laquelle elle guérit une vache du lanqueux.
Comment elle fil pour la guérir ? Dit qu'elle ne peut dire autre chose que ce qu'elle a dit en son audition, et que ce fut par une prière y mentionnée et écrite.
Si elle ne fit pas malade et mourir Jean Vaubourg, d'Annery?
A répondu : Nian, par ma foy.
Si, il y a environ neuf ans, elle ne fit pas tarir le lait à ladite Mougeotte, en haine de ce qu'elle ne s'était pas servie d'elle à son accouchement ?
A dit : Nian, je vous promets, ma digne foy.
Et ayant été ladite Claudon aux tortillons, ainsi comme est dit, ledit exécuteur l'a mise â l'estrapade, et avant de la soulever lui avons enjoint de nous dire la vérité, et s'il n'est pas vrai qu'elle fit aussi tarir le lait â Marguerite Mourel, femme de Claude Demangel ?
A dit : Nian, par ma foy.
Comment elle a été le lait à ladite Mougel ?
A dit : Par ma foy, je ne l'ai pas fait.
Depuis quel temps elle est sorcière ?
A dit qu'elle ne l'est pas.
Soulevée d'environ un pied et demi de terre, enquise si elle n'a pas aveuglé le cheval de Vaubourg-Gauthier ?
Dit : Que non.
Si elle ne fit mourir une chèvre de ladite Vaubourg Gauthier ?
Dit : Nenny, par ma foy.
Finallement l'avons admonestée de sauver son âme et confesser la vérité des crimes qu'elle nie : et sur ses dénégations avec invocations â Dieu, l'avons fait ôter de ladite question, approcher du feu et r'habiller, puis mettre en prison, ce vingt-huit desdits mois et an, comme le lendemain où, après avoir ouï lecture de notre besogne de la veille, elle a persisté dans ses négations, déclarant ne vouloir dire autre chose.
....L'abbé Lyonnois (Id. t. II, pp. 560-561) cite la condamnation à 500 et a 200 francs d'amende des juges, et à la mort, des Procureur d'office et bourreau, sur l'appel de la veuve de Jean Gaudel, mort, parce que les dits Procureur et bourreau avaient complotté entre eux de le mettre sur une chaise hérissée et parsemée de chevilles pointues pour inhumainement tourmenter ledit Gaudel, comme il aurait été fait la nuit du jour qu'il eut la question, avec telle inhumanité et cruauté que la mort s'en serait ensuivie la même nuit. Ce jugement du 26 septembre 1620 devait être exécuté pour les condamnés à mort, sur la place du marché de la ville neuve à Nancy.
- Voici quelques faits qui attestent l'ignorance et la cruauté qui ani- maient les esprits à cette époque.
Simon le Malfait, ainsi nommé parce qu'il avait une figure difforme, fut traité d'une manière inouïe. On le mit (à Metz) dans une cage ou geôle de fer et on l'y brûla à petit feu. Selon sa propre confession, dit la Chronique, il avait fait mourir environ soixante-dix personnes, outre celles dont il ne se souvient pas ; et en avait d'ailleurs rendu plusieurs percluses de leurs membres, ou tourmenté d'infirmités cruelles, (Hist. de Metz, t. III, p. 163.)
Vaincues par les douleurs de la torture, les victimes, pour faire cesser le supplice, avouaient tout ce qu'on voulait. C'est ainsi que Barbe, femme de Jean Remy, de Moyemont (Docum. inéd. de l'Hist. des Vosges, t. I), entre autres crimes, communs â tous les sorciers et sorcières, avoue (après la torture de l'échelle) avoir porté au diable des hosties consacrées. Par sentence, confirmée à Nancy, le 17 juillet 1613, elle fut brûlée vive.- On condamna en 1603 un enfant de onze ans pour crime de sortilège, (Id.,, de pp. 133 à 441.) «  Le bruit ayant couru dans la ville de Saint-Dié, qu'un jeune garçon qui y mendiait son pain, du nom de Claude, fils de Claude Jean Perrin, du village de Remeymont, exécuté trois ans auparavant par le feu, après avoir été convaincu du crime «  de sorcerie », que ce garçon se déclarait lui-même sorcier, et avouait avoir donné le mal à Marie Thouvenin, bourgeoise dudit Saint-Dié, mal dont elle languissait encore, le maire et gens de justice des seigneurs de la ville le firent arrêter et interroger après l'avoir emprisonné. »
L'extrait suivant résume assez exactement l'interrogatoire et donne une idée de la procédure.
... «  Le procureur d'office des sieurs vénérables, doyen et chapitre de Sainct-Diey souscript, qui a veu (vu) la présente procédure instruicte allencontre de Claude, fils de Claude Jean Perrin, de Remeymont, prévenu de sortilèges et vénéfices, notamment l'act du tesmoing de l'aage du dit Claudel et tout ce que faict à veoir et considérer, dit que par les confessions propres et volontaires d'iceluy, il est suffisamment attainct et convaincu d'avoir esté aux sabbats et assemblées du diable, par deux diverses fois, y ayant été porté par le dict Claude, son père, renoncé nostre créateur, prenant le diable pour son maître, et par les moyens de la pouldre qu'il luy a donné, aurait causé l'estrange maladie à Marie Thévenin (en lui jetant de la poudre dans le dos) encore de présent allictée, et à une autre seconde fois se mis en debvoir d'en donner à ung jeune garson qui l'avait battu, en quoy faisant, il a fait acte de sorcier et vénéficien, ne le pouvant son bas aage qu'est de onze ans, exempter de la peine dicte contre les sorciers. Pour réparation de quoy requiert ledit procureur, qu'iceluy Claudel soit condamné d'être exposé au carquant, à la vue du peuple, puis conduit au lieu où l'on al accoustumé supplicier les délinquants, attachés à ung posteau, qu'à ceste fin y sera dressé, estre estranglé, son corps bruslé et rédigé en cendres, ses biens déclairés acquis et confisqués aux seigneurs qu'il appartiendra sur iceulx au préalable prins les frais de justice raisonnable. Faict â Saint-Diey, ce XXII janvier 1603. Signé: Ruiz.
«  Les maitre-eschevin et eschevins de Nancy ayant veu la présente procédure, extraordinairement faite à rencontre de Claudel, fils de Claudel Jean Perrin, de Remeymont (hameau de Remémont), prévenu de sortilège et vénéfice, disent qu'iceluy prévenu est suffisamment allaient convaincu des dictz crimes, et parlant y a matière d'adjuger au procureur d'office ses conclusions d'autres... Signé Bourgeois, Guichard, de Bernécourt, Gondrecourt...»
- Les bourreaux des sorciers ne respectèrent pas plus la vieillesse que l'enfance. Ainsi (Livre des Enquerreurs, p. 220), en 1617, messire Jean, prêtre à Offraucourt, âgé de 70 ans, atteint et convaincu de sortilège, fut en premier lieu condamné à être dégradé ; ce qui eut lieu au cloître de l'église Saint-Mansuy ; puis il fut brûlé à Offraucourt.
- Dumont (t. II, p. 47) montre que la non-observation des commandements de l'Eglise amenait l'accusation du crime de sorcellerie.
«  Jean Grégoire Matins, en 1609, est mis à la torture et interrogé sur le reproche de n'avoir pas communié â Pâques précédent.
«  Interrogé s'il n'est pas vrai que, sur la remontrance qu'on lui fit d'aller crier merci à Révérend M. le grand prévôt, de ce qu'il n'avait pas fait son devoir de bon chrétien à Pâques dernier, il ne répondit pas que le diable l'emporte, s'il y allait, ou propos semblable ?
«  A répondu qu'il n'en a usé, qu'il est homme de bien, ou que Dieu le veuille faillir.
«  Interrogé s'il est donc pas vrai qu'il n'a été confessé ni communié à Pâques dernier ?
«  A dit que oui ; mais que ce fut bien malgré lui et pour ce qu'il ne peut être mis hors de saonne et de quoi il crie merci à Dieu et audit sieur Révérend.
«  Enquis s'il n'a pas dit que plutôt d'aller demander pardon à MM. les vénérables, ses seigneurs, on le traînerait plutôt par sa cheminée.
«  Dit, qu'il n'en a usé, ou que Dieu le faille....
- Le 27 jour d'avril 1576, une poure femme, demeurant au Wa-de- Bollon, fut appréhendée de justice, accusée d'être sorcière et mise en prison. Après quelques jours en fut mis hors comme innocente. Lors le peuple s'en émut de telle façon qu'elle fut tuée, oyant ce bruit qu'elle avait fait engeler les vignes. Ce nonobstant, les vignes, au bout de cinq ou six jours furent engelées. (Mém. des choses advenues à Metz, Bibl. de M. Noël.) - En 1622, des enfants poursuivirent tellement une femme estimée sorcière, qu'ils la lapidèrent. (DUM., t. II, p.61, note.) Là même année une pauvre veuve avoua dans les tortures que depuis vingt-trois ans elle était possédée par le diable. On la brûla vive dans le village de Talange, à trois lieues de Metz. (VIVILLE, p. 41.)
- Claudon Hardier, pâtre à Hesse, fut poursuivi, en 1608, par le maire de ce lieu qui exerçait la justice pour l'abbé de Hauteseille. Son plus grand crime était d'employer, pour la guérison des animaux, des prières rimées. Quoique placées sous l'invocation de la Sainte-Trinité, elles furent jugées diaboliques et entraînèrent sa condamnation. Il avoua que l'un de ses chiens, plus ardent que les autres, était le diable déguisé; que plusieurs fois, sous la forme d'un loup, l'ancien maire de Neuting et un surnommé Chausel étaient allés harceler les troupeaux, et lui avaient parlé ainsi métamorphosés. (DUMONT.)
-Le curé de Vomécourt, Dominique Cordet,par ses études sur la sorcellerie, acquit la certitude que ce crime, d'ailleurs très manifeste à ses yeux, ne méritait pas le feu. Il exorcisait ses paroissiens pour les préserver du bûcher. Accusé par Cathelinotte, femme perdue de réputation, il fut traîné alternativement des cachots de Saint-Dié en ceux de Toul, pendant près de deux ans. Le malheureux prêtre, réclamé par ses paroissiens et par ses compatriotes, n'obtenait de sursis que pour subir de nouveau les cruelles épreuves de la question. Accusé d'avoir introduit Cathelinotte au sabbat, de l'avoir présentée à Maître Persin, homme grand, sec et noir, froid comme glace (etiam in coitu),habillé de rouge, assis sur une chaise couverte de poil noir, pinçait ses néophytes au front pour leur faire renier Dieu et la Vierge. Cordet était inculpé, en outre, d'avoir profané les mystères en célébrant la messe à minuit, en jacquette rouge et avec une hostie noire pour la réception de Cathelinotte ; d'avoir fait rôtir et servir aux convives diaboliques les enfants de Cathelinotte, dont il était père, et enfin d'avoir exorcisé des gens qu'il aurait dû faire brûler. Cordet fut condamné et exécuté, en 1632, avec la malheureuse tante de l'infâme accusatrice.

(5) Nous empruntons les curieux détails suivants à une intéressante monographie composée par un de nos plus jeunes écrivains, M. Albert Denis, avocat à Toul, à l'aide de patientes recherches personnelles et de notes laissées par son aïeul, qui avait consulté les archives de la vieille cité épiscopale lorraine et colligé ses procédures... (*)
La multiplicité des condamnations prononcées dans les années 1619,1621 et 1622. est épouvantable: ainsi, en 1610, il y eut huit exécutions, dont six en un seul jour, autant qu'on en compte aujourd'hui par année dans toute la France, pour crimes de droit commun; en 1621, dix condamnations dont sept suivies d'exécution ; soit dix-huit personnes livrées au bûcher à Toul, dans le cours de trois années... (p. 75).
Dans certaines dépositions des témoins contre des prévenus de sorcellerie, nous trouvons les particularités étranges, bizarres, que voici :
- 15 avril 1592. Le témoin Henri de Gye, laboureur â Toul, âgé de 60 ans, dont la jambe enflée l'empêchait de marcher et de travailler, blessa encore ce membre malade avec sa hache en coupant une branche d'arbre. Se regardant comme ensorcelé, il demanda â un tiers un remède pour se guérir. On lui dit «  de trouver moyen d'avoir du pain et du sel secrètement de la maison de celui ou de celle qu'il soupçonnait l'avoir ensorcelé, et les ayant, de saler lui-même une partie du pain, le couper en quatre morceaux et en jeter lui-même la moitié au feu, avec ledit sel, après avoir fait un âtre pour cet effet, le couvrir et le laisser consumer, puis manger l'autre moitié...». Il exécuta la prescription et vingt-quatre heures après il se trouva grandement allégé de la jambe qui désenfla peu â peu, si bien qu'à présent il n'y ressent que t bien peu de douleur...» (pp. 55-56).
- 28 mai 1594. Une dame Claudon, après avoir mangé de la quiche et bu de la pique que lui présenta son ancienne logeuse, devint très malade. Un premier remède resta sans effet. Elle en obtint un second, fait avec du vin blanc. Quand elle eut bu ce breuvage... elle tomba par
terre quasi comme en extase, ayant les dents serrées, et sans mouvement aucun, de sorte qu'il a fallu la secouer violemment par mouvements violents pour la faire revenir à soi. Incontinent fut saisie
d'un grand vomissement ayant du premier coup jeté, à son avis, un crapeau (sic), des cheveux, de la crasse de maréchaux, des charbons, et plusieurs autres choses qui, au passage de la gorge, lui faisaient grande douleur comme plusieurs personnes ont vu...s (pp. 60 et 61).
En effet, deux témoins, Catherine... et Barbe, attestent, - la première, que Claudon «  lui montra un verre rempli de villenies comme cheveux, petites bêtes, le tout entortillé de la grosseur d'une noix et fort qu'elle avait jeté par la bouche... » - la seconde, que «  ladite Claudon lui .raconta sans nommer ladite Laurence (prévenue comme sorcière), que s'en étant allée quelque temps en son logis, elle lui donna de la quiche (et elle ajoute tous les détails précédents, même le vomissement de crapeaux, de cheveux, crasse de maréchaux, charbons et » plusieurs petites bêtes)... » (pp. 60-61-62).
- Dans les procès de sorcellerie, on trouve des faits absurdes semblables à ceux-ci, articulés dans la déposition de Claude Bourguignon contre Catherine, femme de Démange Noël, de Barbonville.
... «  Revenant une fois des champs â deux heures de nuit, ce fut une nuée avec de grands éclairs et étoiles. Approchés qu'ils furent de la maison de Guillaume, ils aperçurent au devant une femme hideuse, noire, de grande et grosse stature, appuyée contre la porte, sans mouvement, dont il fut grandement effrayé; ce qui l'occasionna de demander audit Guillaume ce que ce pouvait être. Il lui répondit que c'était le taureau, d'autant qu'il était rouge.
... «  Un autre témoin dit qu'en battant à la grange il a vu un chat noir qui est venu se jeter entre les fléaux, sans que l'on ait pu toucher dessus, et se sauva. »
- Noël (Mém. lit), au sujet de la sorcellerie, raconte le fait curieux suivant: «  Catherine de Lorraine, fille de Charles III, abbesse de Remiremont, étant tombée malade, s'adressa aux Capucins qui, après de longues et impuissantes prières, lui suggérèrent l'idée de faire béatifier l'un des leurs. La princesse adoptant l'idée envoya à Rome soixante-dix mille livres pour la béatification de Félix Cantalice. En échange de son argent elle reçut un os du bras de ce nouveau béatifié. (CHEVRIER) Essai inutile ! On conclut alors que le diable devait se mêler de l'affaire. La princesse, interrogée avoua que le chevalier de Tr..., en plaisantant avec elle, s'était permis une familiarité inconvenante. Immédiatement on conclut qu'il était sorcier, qu'il avait jeté un sort à la princesse, punie ainsi de lui avoir permis une privauté. Il fut pendu sans forme de procès sur la place de Châtel (pp. 29-30, note). Le pape avait accordé à cette princesse un bref pour faire gras les jours défendus. Au sujet de cette princesse Chevrier (t. V, pp. 12 et suiv.) constate l'esprit mystique permanent de la cour ducale lorraine. Le duc Simon avait donné toute sa confiance aux Bernardins, René II aux Cordeliers, etc.
- Tout était possible dans ces temps de grossière superstition. «  Ce fut un procès contre les rats qui, en 1531, fit la célébrité du jurisconsulte Chassané ou Chassaneux (Chassaneus) qui ayant été nommé leur défenseur a fait sur la matière un véritable traité écrit en latin et imprimé sur vingt feuillets in-folio. - Gravier (pp. 231-235) raconte, en ces termes, un procès, dit du PORC CLAUDON (1572). «  Arrêté en flagrant délit de dévorer un enfant, le vorace animal fut, à la diligence du procureur de l'abbé, traduit es prisons de l'abbaye de Moyenmoutier et écroué sous le nom de porc Claudon. Ce magistrat requit les informations usitées et la confrontation des témoins avec l'accusé ; il dénonça au prieur du monastère la négligence des pères et mères dans la garde de leurs enfants. Les actes de cette procédure furent soumis â la sanction des échevins de Nancy qui opinèrent pour la mort du coupable.
La justice locale prononça donc la sentence suivante... «  Nous trouvons et disons par notre sentence que, heu l'égard à l'inconvénient de mort, advenu de l'enfant Claudon François, dévoré par un sien porc, et afin que les pères et mères preignent meilleure garde à leurs enfants ; que ledit porc doit être pendu et étranglé en une potence, au lieu où on a accoutumé faire semblables exécutions. Et quant â la pénitence et correction des père et mère dudit enfant, cela appartient et est à la charge de Monsieur le Prieur de céans... Comme de toute ancienneté l'on a accoutumé, qu'ayant ledit Révérend Seigneur Abbé aucuns criminels en ses prisons condamnés à pugnition corporelle, sa justice les met et délivre en ce lieu et place es mains d'un sieur prévost Saint-Dié, tout nuds avecque leur procès, pour en faire les exécutions ; et à cause que ledit porc, est une bête brute estant lié d'une corde, les maire et justice vous le délivrent en cedit lieu, et laissent ledit porc, lié d'icelle corde, en grâce spéciale, et sans préjudice dudit droit et usaige de vous rendre lesdits criminels nuds ; aussi vous met tent et délivrent es mains l'information et procédure sur ce fait, pour dudit porc faire faire l'exécution au contenu de ladite sentence. »
(*) Ce respectable savant mourut en 1863 ; son père était en ardent patriote. H. Etienne (Hist. de Lorr.) cite de lui le trait suivant (p. 318) : «  La bataille de Waterloo ouvrit aux armées coalisées la Lorraine, qui fut fort tourmentée par des passades continuels de troupes. Un trait suffit pour montrer le patriotisme des habitants au milieu, de toutes tes calamités d'une seconde invasion. Un imprimeur de Commercy, M. Denis, à qui l'on proposait une pièce de vers en l'honneur d'un monarque étranger, imita l'exempte de Callot en répondant qu'il aimerait mieux briser ses presses que de se déshonorer par cette indigne publication »
C'est ce noble citoyen qui mit â découvert, en grande partie à ses frais, la ville gallo- romaine de Nasium, reconnu l'emplacement de temples, le tracé des rues, les bains et les mosaïques, etc.

 

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