Notice sur Nicolas
Remy - L. Leclerc - 1853
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Sorcellerie dans
le Blâmontois
Mémoires de
l'Académie de Stanislas (Nancy)
1853
Notice sur Nicolas
Remy par M. L. Leclerc
Incedit per ignes...
DISCOURS DE RÉCEPTION
MESSIEURS,
Pour un récipiendaire le meilleur de tous les exordes
est un remerciement, non pas dans les termes vagues et
pompeux d'une banalité polie, mais parti du coeur, et
simple comme la vérité.
Permettez-moi donc de vous remercier avant tout de
l'honneur que vous m'avez fait, en m'appelant à vous
avec une spontanéité qui devait en doubler le prix à mes
yeux.
Cet honneur que les plus dignes n'obtiennent souvent
qu'après une longue attente, vous me le décerniez au
lendemain de mon retour dans notre belle province, comme
pour consacrer une fois de plus l'heureuse et antique
alliance de la magistrature et des lettres, et ratifier,
en quelque sorte, par vos libres et intelligents
suffrages le choix du Souverain.
Tant de bonté m'inspirait une profonde reconnaissance et
je me croirais bien coupable de vous en apporter
seulement aujourd'hui l'expression, si ce retard ne
tenait à des causes diverses, connues, toutes plus
fortes que mon impatience et ma bonne volonté.
Je me trouve ainsi au moins deux fois votre débiteur,
car les intérêts accumulés d'une dette longtemps impayée
deviennent bientôt un second capital et, à cette séance
même, je voudrais, en vous satisfaisant d'une manière
complète, pouvoir me dire enfin libéré.
Mais comment atteindre mon but ? Qu'offrir à une Société
savante dont presque tous les membres sont des maîtres
dans l'art de penser ou d'écrire, et qui a, par cela
même, le droit de se montrer exigeante envers ses
derniers venus ?
Je me proposais d'abord de vous retracer la vie si
simple, si bien remplie, si justement honorée, de mon
prédécesseur (1). Mais M. Parade comptait autant d'amis
que d'élèves et il avait trouvé déjà dans l'un d'eux (2)
le plus exact, le plus éloquent et le plus autorisé des
historiens. Après avoir lu ces pages écrites avec son
coeur par un homme du métier, il m'a fallu renoncer à mon
dessein. Personne ne dira mieux désormais les travaux,
les services, les mérites de celui qui fut, du 26 juin
1838 au 29 novembre 1864, le Directeur éminent de
l'Ecole forestière de Nancy (3).
Si cette considération ne me permet point de vous
soumettre l'unique biographie contemporaine qui pourrait
avoir ici dans ma bouche quelque à-propos, elle me
laisse du moins couvert le champ plus vaste des siècles
passés, et je vais leur demander, pour sujet de mon
discours, l'un des noms les plus fameux de l'ancien
ordre judiciaire du pays.
Plusieurs raisons m'y déterminent.
Généralement bien accueillies de l'auditoire, auquel
elles n'imposent qu'une attention restreinte et sans
fatigue, les notices individuelles ont presque toujours
pour leurs auteurs tout l'attrait de la difficulté
vaincue et d'une sorte de création; soit qu'elles
réhabilitent un personnage trop sévèrement jugé, soit
qu'elles fournissent sur ses habitudes, son caractère,
ses ouvrages, sa personne, des détails curieux et
inédits.
Quand le biographe découvre, à grand'peine, un lieu, une
date, un mot, un fait, même le plus petit, se rattachant
à son héros, et qu'avec ces matériaux, longtemps épars
et ignorés, il parvient à le faire, pour ainsi dire,
revivre sous nos yeux, il éprouve une joie égale à celle
du peintre ou du statuaire qui, en l'absence du modèle,
à l'aide de réminiscences habilement provoquées, fait
sortir d'une simple toile ou d'un bloc de marbre un
saisissant portrait.
Ne sait-on pas, d'ailleurs, qu'en écrivant l'histoire de
certains hommes, on écrit celle de toute une époque, de
ses idées, de ses préjugés, de ses grandeurs, de ses
misères, et qu'on apporte ainsi sa modeste pierre au
majestueux édifice qui doit être un jour l'histoire
générale, l'histoire de tous ?
A ce point de vue, je me plais à le dire, parce qu'on
l'oublie, peut-être, un peu trop, je resterai fidèle à
la pensée de notre bien-aimé fondateur. Si je consulte,
en effet, les premiers statuts par lui donnés à la
Société Royale des Sciences et Lettres de Nancy (4), je
constate qu'il lui assigne surtout la mission de réunir
et de mettre en oeuvre les documents historiques d'un
peuple dont il faisait le bonheur, et qu'il voulait,
sans doute, consoler à l'avance, de sa nationalité
perdue, par le glorieux souvenir de ce qu'il avait été.
I
Nicolas Remy est né à
Charmes, Vosges, dans le premier tiers du seizième
siècle (5), sans qu'on puisse, d'une manière certaine,
assigner à sa naissance une date plus précise.
Il appartenait à une de ces familles plébéiennes,
morales dans leurs habitudes, simples dans leurs goûts,
intelligentes, laborieuses, au sein desquelles la
magistrature aime à se recruter et se recrute toujours
avec profit. Il n'y trouva point la fortune, mais le
quotidien et salutaire exemple de toutes les vertus
domestiques, et cette heureuse médiocrité qui place les
âmes d'élite dans les meilleures conditions de succès,
parce qu'elle leur apprend à ne chercher qu'en
elles-mêmes les moyens de l'obtenir et de l'honorer.
Il sut de bonne heure se suffire, et, après avoir
assidûment suivi les Universités de France (6), devenu
licencié ès loix, il se fit professeur de littérature et
de jurisprudence, non-seulement pour ne relever que de
lui dans la satisfaction de ses besoins, mais encore
afin de se mieux préparer au sacerdoce judiciaire par
l'un des plus pénibles et des plus féconds noviciats.
Cette épreuve volontaire ne dura pas pour lui moins de
vingt ans, et il devait en avoir à peu près quarante,
lorsque, le 25 mars 1570, un de ses oncles maternels,
François Mittat, lieutenant-général au baillage de
Vosges, sollicita l'autorisation de lui transmettre des
fonctions que la vieillesse et les infirmités ne lui
permettaient plus de convenablement remplir (7).
Nicolas Remy avait bientôt, dans cette première charge,
donné sa mesure et le Duc de Lorraine, comprenant tout
le parti qu'il pouvait en tirer, l'attacha à sa personne
en qualité de secrétaire ordinaire, le 4 novembre 1575
(8).
Il allait ainsi devenir le confident intime et
l'interprète habituel d'un des princes les plus
distingués de son temps. C'était le Duc Charles III,
surnommé le Grand, le fils de Christine de Danemarck, le
gendre de Henry II et de Catherine de Médicis, le
petit-neveu de Charles-Quint, le proche des Guise,
l'émule de Henri IV (9)
En reprenant à Nicolas Remy la lieutenance-générale de
Vosges, pour l'appeler dans sa capitale, le Duc ne
voulait pas seulement demander à son intelligence, à sa
discrétion, à son zèle, des services personnels, il
songeait aussi, dans l'intérêt de la justice, à utiliser
sa science de jurisconsulte, et, l'année suivante, en
1576, il en faisait l'un des membres du Tribunal des
échevins de Nancy (10).
Par la nature de ses pouvoirs et l'étendue de son
ressort, le Tribunal des échevins ou du change, auquel
nos annalistes aiment à donner les noms de Tribunal
souverain du Prince (11), constituait, en réalité, après
les Assises de la chevalerie, la plus haute juridiction
du duché (12).
On ne devait l'honneur d'y siéger, ni au hasard de la
naissance, ni à un de ces tristes marchés qui faisaient
ailleurs descendre la plus noble fonction au niveau de
la plus vile marchandise, mais à des moeurs
irréprochables, à une longue expérience et à de fortes
études. D'après un contemporain, plus en situation qu'un
autre d'en dire son sentiment (13), il se composait de «
gradués, personnes excellentes et bien choisies,
instruites en matières civiles et criminelles » (14).
Les matières civiles et criminelles se partageaient, en
effet, ses longues audiences.
Il jugeait, au civil, avec ou sans appel, les affaires
des gentilshommes, anoblis et autres privilégiés, hors
les cas que réservait la coutume (15).
La qualité des justiciables révèle ici l'importance des
juges, à une époque où l'aristocratie se refusait à
admettre l'égalité devant la loi; et cependant, si, le
Tribunal des échevins n'avait connu que des litiges
civils de la noblesse lorraine, le souvenir en serait,
sans doute, depuis longtemps effacé; mais il faut
surtout voir en lui un Tribunal de répression; et, c'est
en l'envisageant sous cet aspect, que l'on comprend la
notoriété dont il jouissait et que lui a conservée
l'imagination d'un peuple ignorant, superstitieux et
effrayé.
Au criminel l'autorité du Tribunal des échevins
s'étendait à toutes les parties de la Lorraine; s'il
n'instruisait et ne jugeait les procès que dans la
prévôté de Nancy, de partout ailleurs les procédures
devaient lui être toujours communiquées, afin qu'il
donnât préalablement son avis.
Cet avis, d'abord facultatif, devint peu à peu
obligatoire, encouragé par le prince dont il augmentait
l'influence et auquel il permettait de surveiller et de
régulariser dans ses Etats le plus important des
services publics et le plus redoutable des droits de la
puissance souveraine, celui de punir (16).
Les membres de la chevalerie eux-mêmes, ces
gentilshommes si fiers de leur origine, si jaloux de
leurs prérogatives, subissaient la loi du Tribunal des
échevins, quand ils se rendaient coupables d'un délit ou
d'un crime, sans autre faveur que l'adjonction, dans
tous les cas, de quelques-uns de leurs pairs ou
l'évocation au conseil du Duc, s'il s'agissait
d'affaires touchant le point d'honneur (17).
Nicolas Remy fut, pendant quinze années, l'un des
membres les plus instruits, les plus laborieux, les plus
fermes du Tribunal des échevins. Que, dans
l'appréciation de certains faits, son énergie ait
dépassé le but, je n'hésite pas à le reconnaître, me
réservant toutefois de plaider tout à l'heure les
circonstances atténuantes devant l'histoire, ce grand
jury, dont toutes les sentences ne sont pas des
verdicts, et qui doit à ceux qu'il condamne, sinon
l'indulgence, du moins la plus exacte justice, la plus
scrupuleuse impartialité.
Quand ici j'évoque l'histoire, le mot peut paraître
ambitieux, et pourtant, il n'est que vrai; car, de nos
vieux magistrats Lorrains, bien peu ont, autant que
Nicolas Remy, attiré les regards des historiens et,
laissant dans l'ombre ce qui le recommandait à l'estime
des hommes, les historiens n'ont cessé, sous l'empire
des idées modernes, de le traiter, comme juge, avec une
excessive rigueur.
Il ne pressentait pas les colères qui s'attaqueraient un
jour à sa mémoire et contre lesquelles on dirait que le
prince cherchait à le protéger par les témoignages
répétés de sa confiance, de son approbation et de sa
faveur.
Des lettres patentes du 9 août 1583 lui conférèrent la
noblesse, sans attendre qu'avec le temps elle fût pour
lui la conséquence naturelle et régulière de l'exercice
de ses fonctions (18).
Le 1er août 1589 il entrait au conseil privé en qualité
de conseiller et sans cesser d'être échevin (19).
Le conseil privé l'aurait, du reste, à lui seul,
maintenu dans la sphère de ses aptitudes spéciales,
puisque ce conseil s'occupait des matières de
législation, de justice, de grâce puisque c'était de
plus, et tout à la fois, une Cour d'appel et une Cour de
cassation (20).
Nicolas Remy y rendit de nouveaux services qui, de plus
en plus appréciés, lui valurent, le 24 août 1591, le
titre de procureur général de Lorraine (21).
Ce titre avait plus d'importance encore qu'aujourd'hui
il conférait des attributions nombreuses et diverses,
les unes purement judiciaires et de police, les autres
essentiellement politiques. Ainsi, le procureur général
devait veiller à la sécurité des personnes et au
maintien de l'ordre public; ne laisser impunie aucune
infraction à la loi pénale; défendre devant toutes les
juridictions, les plus élevées aussi bien que les plus
humbles, les intérêts du prince, ceux des veuves et des
orphelins. Et puis, quand les Etats s'assemblaient pour
voter des subsides entendre les doléances du peuple,
pourvoir à quelque nécessité imprévue et urgente, il y
prenait la parole, comme ferait aujourd'hui un ministre,
au nom du Souverain (22). Car, Messieurs, pour le dire
en passant, avec un de nos plus illustres et de nos plus
regrettés confrères (23), la Lorraine possédait un
gouvernement représentatif et constitutionnel, alors
qu'en France les assemblées de la nation, tombées dans
le discrédit, ne se réunissaient presque plus, et que
l'Angleterre elle-même, après avoir subi les convulsions
de la guerre civile et la honte du régicide, s'essayait
à la pratique, encore bien imparfaite, de la liberté.
Les forces d'un seul homme n'auraient pas suffi à
l'accomplissement de tous ces devoirs; aussi le chef du
Parquet pouvait-il en déléguer une partie à des
substituts de son choix (24).
Mais, en dépit de ses auxiliaires et de sa vigueur
exceptionnelle, Nicolas Remy, presque septuagénaire,
commençait à sentir le poids des ans il résolut de
transmettre sa charge à son fils Claude, probablement
l'aîné, qui acquérait de plus en plus à Paris l'habitude
des affaires et la science du droit.
Le 26 août 1599, cédant aux instances de sa belle-fille,
la Duchesse de Bar (25), Charles III accorda à son
procureur général la faveur qu'il lui demandait; et, à
cette faveur déjà si grande, il en joignit une autre
plus grande encore, parce qu'elle était plus rare, celle
de continuer ses fonctions, « soit en l'absence ou en la
présence du nouveau titulaire, tant et aussi longuement
qu'il le voudroit » (26).
Aux yeux du Prince, Nicolas Remy justifiait par sa
valeur personnelle et ses bons offices, une dérogation à
la règle commune. Pour lui, il n'avait pas été seulement
un magistrat de l'ordre le plus élevé et un conseiller
fidèle, il avait été encore, quand il le fallait, un
négociateur habile.
On le voit, selon la coutume du temps, souvent au
dehors, chargé de missions délicates, presque toujours
en compagnie des personnages les plus considérables,
dont les noms, par leur rapprochement, ajoutaient encore
à l'éclat du sien (27).
Il remplissait aussi quelquefois un rôle plus facile et
tout honorifique. Pour n'en citer qu'un exemple, quand
la petite ville de Marsal, envahie d'abord par les
Huguenots, qui s'y livraient à tous les désordres, et
tombée plus tard en la puissance de Charles III, à la
suite d'un siège et d'un assaut, dut passer, en vertu du
traité de Saint-Germain-en-Laye, des mains de l'Evéque
de Metz en celles du Duc de Lorraine, celui-ci envoya
son procureur général en prendre officiellement
possession (28).
On sait que cette formalité diplomatique, empruntée au
droit Romain, s'accomplissait généralement avec une
certaine pompe et que les hautes parties contractantes
s'y faisaient représenter par des mandataires dignes
d'elles.
A quelque point de vue qu'on se place et sans trop
s'arrêter à de menus détails indifférents à l'histoire,
mais que les allures plus modestes de la biographie
autorisent, on peut donc dire que, au dix-septième
siècle, dans notre Lorraine, peu d'existences ont été
plus honorées et mieux remplies que celle de Nicolas
Remy.
Vous n'en connaissez cependant encore que moitié après
vous avoir montré l'homme public s'élevant de lui-même,
et par son mérite, d'une humble position au faîte des
dignités, il me reste, par l'exacte appréciation de ses
ouvrages, à vous montrer l'écrivain et l'homme privé.
II
A la fin de sa longue
et laborieuse carrière, Nicolas Remy avait plus que tout
autre acquis le droit au repos; mais chez lui les forces
paraissaient grandir avec l'âge, et il ne voulut, à
l'imitation du grand Arnaud (29), se reposer que dans
l'éternité.
Au moment où les mieux doués déposent la plume que leurs
débiles mains se refusent à tenir, il reprit la sienne
avec plus d'ardeur et de suite.
Jusque-là, absorbé par les exigences journalières de
fonctions multiples, la poésie et l'histoire ne
charmaient que de loin en loin ses loisirs. De toutes
ses veilles il ne lui restait que des notes rares,
brèves, sans lien entre elles, et sans utilité pour ses
successeurs; la pensée lui vint de laisser après lui
quelque chose de plus durable, en mettant à profit son
expérience et ses souvenirs.
De cette pensée sortit un premier livre dont tout le
monde connaît le titre, dont on parle souvent, mais que,
de nos jours, personne ou presque personne n'a lu, et
sur lequel il faut, par cela même, que je m'arrête un
peu plus, afin de vous le faire apprécier.
Après m'avoir entendu, vous vous étonneriez que ce livre
ait été pour son auteur une oeuvre favorite, si vous ne
saviez que le vieux juge, comme le vieux soldat, aime à
parler de ses campagnes et à en redire les moindres
particularités.
Dans le cours du dix-septième siècle, en Lorraine plus
qu'ailleurs (30), la sorcellerie compta de nombreux
adeptes malgré ses lumières et son noble coeur, Charles
III prêcha contre eux une véritable croisade (31); les
magistrats à tous les degrés reçurent des ordres précis,
répétés, sévères en moins de quinze ans huit ou neuf
cents périrent sur le bûcher, après avoir subi la
torture (32), et la Demonolatrie (33) n'est pas autre
chose que leur lamentable histoire écrite en assez bon
latin.
Nicolas Remy ne s'y pose pas en novateur (34) il suit
modestement la trace de ses devanciers; il croit ce
qu'ils ont cru il affirme ce qu'ils ont affirmé
seulement, à l'appui de leurs affirmations et de leurs
croyances, il apporte des preuves nouvelles, et ces
preuves il les emprunte aux procès qu'il a instruits ou
jugés.
Il cite les noms, les lieux, les dates, le fait en
lui-même, ses circonstances accessoires, les témoins,
leur demeure, toutes choses qui rendaient le contrôle
facile, et qui, vérifiées ou pouvant l'être par les
contemporains, excluent à ses yeux, d'une manière
invincible, la supposition d'un mensonge ou d'une erreur
(35).
Son langage, parfois très-imagé, porte, du commencement
à la fin, la vive empreinte d'une profonde conviction il
s'étonne que, quand la sorcellerie se révèle aux hommes
par tant de malheurs et de crimes, on ne la reconnaisse
pas à ces signes, comme à fumée on reconnaît l'existence
du feu (36) ; il invoque souvent son propre témoignage,
raconte ce qu'il a vu ou entendu (37) et s'excuse de
défendre, trop énergiquement peut-être, ce qu'il atteste
sous la double garantie de son expérience et de sa bonne
foi (38).
Ce qu'il atteste est cependant bien étrange et on
s'étonne que des hommes sérieux et instruits y aient
jamais cru.
Il nous montre le démon prenant toutes les formes pour
aborder ses victimes (39); exploitant leur faiblesse,
leur ignorance, leur pauvreté, pour les séduire; faisant
appel, pour atteindre le même but, aux passions qui les
agitent le plus, à la vengeance, à la haine, à l'amour,
à la cupidité (40); se les attachant par des serments
exécrables (41) leur imprimant sur le corps, en un lieu
qui devenait insensible, le stigmate de ses ongles (42)
les souillant de son contact impur (43) les soumettant
aux devoirs du plus honteux servage (44) leur imposant
les plus douloureux sacrifices (45); infligeant à leur
désobéissance les traitements les plus cruels (46).
Les sorciers, ou plutôt les sorcières, partout et de
beaucoup plus nombreuses (47), ne tardaient pas à se
repentir (48); mais leur petit maître (49), c'est ainsi
qu'elles appelaient le diable, les retenait sous sa
domination par des menaces terribles et ordinairement
suivies d'effet (50). Il exécutait, d'ailleurs, envers
elles, quelques-unes de ses promesses; car, si son or
était poussière, si ses caresses étaient glacées et
stériles (52), jamais contre un adversaire ou un ennemi
elles n'invoquaient en vain son secours (53) il les
associait dans une large mesure à l'exercice de son
pouvoir il leur remettait dès le premier jour une poudre
noire qui tuait, une poudre grise qui rendait malade,
une poudre blanche qui guérissait (54). Il leur
apprenait à composer certaines mixtions dont la vertu
opérait des prodiges (55) il leur apprenait aussi à
amonceler les nuages, à former les brouillards, la
gelée, la grêle, à lancer la foudre et, à l'aide de ces
maléfices, à détruire en un instant les espérances du
vigneron et du laboureur (56).
Je n'ose pas ranger parmi les moyens de séduction du
malin esprit ces assemblées nocturnes où les sorcières,
trompant leurs maris, et s'échappant par le tuyau d'une
cheminée (57), se rendaient, à travers l'espace, le
mercredi et le samedi, à cheval sur un manche à balais
ou sur le dos. d'un bouc où elles dansaient en rond,
retournées et masquées pour ne pas se reconnaître (58)
où elles prenaient enfin un repas inconsistant, fétide,
sans pain, sans sel (59), au milieu d'une effroyable
musique dans laquelle un bâton creux, un crâne et des os
servaient d'instruments (60).
Ces derniers rêves, enfants d'imaginations en délire,
dépassaient toutes les limites assignées à la crédulité
aussi Nicolas Remy hésite-t-il, non pas à les raconter,
mais à y ajouter une foi entière, et il concède que
quelques-unes de ces femmes qui disaient avoir assisté
au Sabbat pouvaient bien être les dupes d'une illusion
du sommeil ou des sens, parce qu'on a constaté avec
certitude qu'elles dormaient chez elles au moment même
où elles se croyaient assises au banquet de Satan (61).
Dans le même ordre d'idées, et à ses heures de doute, il
hésite également à admettre la soudaine et fréquente
métamorphose des sorciers et des sorcières en chiens, en
chats, en loups, parce que Dieu qui a créé l'homme à son
image et à sa ressemblance, un peu au-dessous de l'ange,
n'a pas pu permettre au démon de dénaturer son oeuvre et
de la réduire aux proportions d'un animal (62).
Et ces deux concessions ne sont pas les seules qu'il
fasse au bon sens et à la réalité. D'autres semblent
prêtes à lui échapper encore celles-ci trop indécises
pour qu'on en saisisse bien l'étendue celles-là plus
accentuées, mais, pour ne pas blesser de chastes
oreilles, impossibles à dire ici (63).
Nicolas Remy n'avait rien à nous apprendre de la
procédure de son temps on traitait les sorciers comme
les autres criminels (64) on les soumettait à la torture
le bourreau devenait l'auxiliaire des juges les
grésillons, les tortillons, l'échelle arrachaient dans
de longs interrogatoires, et par d'atroces douleurs, des
aveux suspects et, ces aveux une fois obtenus, le
patient montait au bûcher pour y expier un crime
imaginaire, et plus d'une fois victime d'une odieuse
délation (65).
Les enfants seuls échappaient à cet affreux supplice on
se contentait de les faire passer nus trois fois sous
les verges près du lieu où leurs pères l'avaient subi
(66). L'auteur de la Demonolâtrie aurait voulu
qu'infectés d'un vice incurable, qu'issus d'une race à
jamais maudite, on les traitât comme leurs aînés; et
c'est, sans doute après avoir lu sa longue dissertation
sur ce triste sujet (67), qu'à la fin du siècle dernier
l'un des meilleurs historiens de notre province lançait
contre lui l'anathème et le comparait à Torquemada (6S).
Ce sévère jugement d'une conscience indignée et que des
consciences plus calmes, et non moins honnêtes (69), ont
depuis accepté, doit-il être, en définitive, le jugement
de l'histoire ?
Je ne le pense pas, et, ou je me trompe, ou vous ne le
penserez pas plus que moi.
Pour juger un homme d'une manière équitable, il ne faut
pas appliquer à ses actes les règles abstraites et trop
absolues du juste, du bien, du vrai il. ne faut pas
surtout le séparer de ses contemporains il importe au
contraire de le replacer dans le milieu où il a vécu et
de bien connaître les idées qui y avaient cours et qui
ont exercé sur lui une secrète et irrésistible
influence.
L'esprit a, comme le corps, ses maladies épidémiques,
préjugés ou erreur.
Lorsqu'ils règnent en maîtres, lorsque surtout ils
procèdent d'un sentiment religieux, les préjugés nous
aveuglent au point d'obscurcir à nos yeux la lumière et
d'enchaîner notre liberté.
L'erreur, l'erreur commune, ressemble à l'air qui nous
entoure, qui nous enveloppe, qui nous pénètre, que nous
respirons et que nous ne pourrions pas, sans cesser de
vivre, ne pas respirer; elle est si subtile, si
puissante, si inévitable, que dans les transactions
humaines, quand plus tard on la découvre, la loi
elle-même lui attribue la force et l'autorité du droit
(70).
Comment dès lors, Messieurs, je vous le demande, dans le
jugement à porter sur un homme, ne tenir aucun compte
des préjugés et de l'erreur, auxquels il a fatalement
payé son tribut (71) !
Aujourd'hui que la raison émancipée et plus sûre
d'elle-même a relégué les maléfices, les sortilèges, le
sabbat, au rang de ces contes dont s'effrayait ou
s'amusait notre enfance, on n'en parle plus que pour en
rire mais autrefois, il y a moins de deux cents ans,
tout le monde y croyait, tout le monde, le peuple, les
classes élevées, le Prince (72). Les magistrats
eux-mêmes, quoique plus instruits, partageaient
l'opinion générale au lieu de voir dans les sorciers des
dupes, des malades, des hallucinés, des fous (73), et de
les traiter avec miséricorde et pitié (74), ils y
voyaient les ennemis de Dieu, les fléaux de la société
et ils se constituaient les vengeurs de l'un et de
l'autre, bien convaincus que, plus ils se montraient
inexorables et mieux ils s'acquittaient d'un grand et
saint devoir (75).
Sur ces déplorables aberrations de la justice humaine et
sur leur cause la Démonolâtrie ne laisse aucun doute
c'est au nom du salut public et la main sur l'Evangile
(76) que les juges envoient à la mort tant de
malheureux.
Dans l'accomplissement de leur tâche si ingrate, ils
n'éprouvent pas le moindre scrupule (77) ils se sentent
d'autant plus à l'aise qu'ils ne redoutent pas qu'on les
accuse d'obéir à la crainte d'un danger personnel; ils
savent que, par un bienfait spécial de la Providence,
démons et sorciers ne peuvent rien contre eux (78).
Nicolas Remy insiste avec complaisance sur ce
merveilleux privilège, cite ses preuves et en prend
occasion pour exhorter les juges de la terre à la
confiance et à la fermeté, en leur rappelant, avec un
mot des Saintes Ecritures, qu'ils sont presque des
Dieux, Deos uti se appellans (79).
Malgré l'approbation qu'il leur donne, des sanglants
holocaustes dont il se fait trop facilement l'historien,
il ne doit cependant accepter que sa part effective de
responsabilité. Or, au Tribunal des Echevins, il ne
siégeait pas seul il siégeait en compagnie des
magistrats les plus savants, les plus sages de la
contrée (80), et, alors comme aujourd'hui, à la suite
d'une délibération consciencieuse et libre, la sentence
exprimait le sentiment de la majorité (81).
Et puis, ce qu'on parait ignorer, c'est que, pour le
crime de sorcellerie, le Tribunal des Echevins n'avait
pas, même dans la prévôté de Nancy, une compétence
exclusive (82); les justices seigneuriales et communales
en connaissaient au moins une fois sur trois, et, chose
digne de remarque ! dans ces justices particulières, le
droit de juger n'appartenait pas aux officiers du
seigneur ou de la commune, mais d la multitude, multitudinis suffragiis. Le peuple assemblé, après avoir
ouï le rapport des procèz, asseyait son jugement (83).
Que signifient ces mots multitudinis suffragiis qui se
trouvent dans la Demonolâtrie ou ceux-ci, le peuple
assemblé dont se sert le duc Charles IV dans son
ordonnance du 6 octobre 1629 ? Quelle que soit leur
généralité, ces mots ne sauraient s'appliquer au peuple
tout entier, alors trop ignorant pour jouer un aussi
grand rôle ils ne concernent évidemment que quelques
hommes élus ou choisis dans son sein (84). En quel
nombre, par qui, sous quelles conditions, avec quelles
garanties d'aptitude et de moralité ? Je n'ai pu le
découvrir. Mais le fait lui-même, l'intervention du
peuple dans l'administration de la justice criminelle,
reste indubitable et je l'invoque avec un patriotique
orgueil, parce qu'il prouve que la Lorraine, dotée déjà,
comme on l'a vu, longtemps avant sa réunion à la France,
d'un gouvernement constitutionnel, jouissait aussi, dans
sa forme primitive, du jugement par les pairs,
c'est-à-dire de l'institution du jury.
Pour revenir à mon sujet, ai-je besoin de montrer
combien cette institution allège encore la
responsabilité de l'homme dont je plaide ici la cause ?
Peut-on équitablement le rendre responsable de
condamnations auxquelles ni lui, ni ses collègues n'ont
concouru ? Que dis-je, Messieurs, non-seulement le
Tribunal des Echevins ne concourait pas aux
condamnations émanées des justices seigneuriales, mais
il exerçait sur elles une bénigne et salutaire influence
; il n'intervenait dans les procédures que pour
s'assurer de leur régularité et de la suffisance des
charges ; il n'intervenait dans la peine que pour lui
assigner à l'avance une limite qu'en aucun cas elle ne
devait dépasser (85). Il était tout à la fois un
modérateur et un guide, et, dans l'ordre d'idées qui
nous occupe, il y a plus d'honneur que de désavantage à
avoir été, comme Nicolas Remy, l'un de ses membres
influents.
Si le juge me paraît excusable, je me sens plus
d'indulgence encore pour l'écrivain, quand je songe à la
bonhomie avec laquelle il livre son oeuvre au lecteur.
Pour excuser ce qui lui manque, en la forme, sous le
rapport de la méthode et de l'art, il explique qu'il en
a d'abord réuni les matériaux sans intention de les
utiliser jamais et que, pressé plus tard par ses amis de
les mettre en oeuvre, il n'a pas eu le temps de les
mettre en ordre, ce qui donne à son livre l'apparence
bizarre ou d'un vêtement formé de diverses étoffes, ou
celui d'une ville à l'origine et aux accroissements
successifs de laquelle aucun plan n'a présidé (86). Ces
comparaisons pleines de modestie ne manquent pas de
justesse; on voudrait trouver dans les parties d'un
tout, relativement considérable, plus d'harmonie, de
cohésion, et de suite mais la critique s'arrête à la
pensée qu'avec ce pêlemêle d'observations erronées et de
faits incroyables, l'auteur, en dépit de ses divisions
et de ses subdivisions d'apparence scientifique, n'avait
pas l'ambition téméraire de composer ce que, dans la
langue de la science, on nomme traité.
Telle qu'elle est, la Demonolâtrie a fait de Nicolas
Remy tout au moins l'égal des Delrio (87), des Leloyer
(88), des Boguet (89), des de Lancre (90), et des Bodin
(91). Peut-être même, son titre, dont généralement on se
contente sans aller plus loin (92), lui a-t-il valu une
plus grande et plus triste célébrité.
Aussi l'histoire a-t-elle été pour lui bien plus
impitoyable que pour eux elle n'en a pas fait seulement
une sorte de bourreau sous la toge, elle a voulu lui
infliger encore la peine du talion et en faire un
sorcier. On lit, en effet, dans un livre moderne et
intéressant sur les sciences occultes, que désespéré «
de n'être pas cru sur parole quand il affirmait que
presque tout le monde était coupable de magie, il finit
par se déclarer sorcier lui-même et fut brûlé sur ses
propres aveux (93). »
Pour le venger de cette supposition gratuite, qui ne
tendait à rien moins qu'à le rendre ridicule après
l'avoir rendu odieux, il m'a suffi d'en interroger
l'auteur ; sa réponse courtoise et franche me permet de
vous assurer que, sur la foi d'un autre, il a pris un
conte en l'air pour la réalité (94).
J'en ai fini, Messieurs, avec la Demonolâtrie; malgré
mon vif désir d'être bref, je m'y suis longtemps
attardé, parce qu'aux yeux du plus grand nombre,
derrière elle disparaissent tous les autres titres de
Nicolas Remy; il en a cependant de bien meilleurs et de
plus sérieux.
Je rencontre d'abord, dans l'ordre des dates, le Recveil
des principaux points de la remontrance faite à
l'ouverture des plaidoieries du Duché de Lorraine, après
les Rois en l'an 1597 (95).
Autrefois, comme aujourd'hui, à certaines époques de
l'année, le Procureur Général entretenait ses collègues
des devoirs, de la discipline, des moeurs judiciaires, et
Nicolas Remy était dans l'exercice de sa charge quand il
prononça le discours dont je donne ici l'indication.
La Lorraine entrait en possession de sa coutume écrite
(96) les avocats, désormais séparés des procureurs (97),
allaient prêter un serment professionnel et renouvelé
tous les ans (98).
C'est ce serment que, le 21 janvier de l'année susdite,
Nicolas Remy prit pour texte de sa Remontrance, en
mettant en saillie, avec beaucoup de précision et de
nerf, les principales obligationss qu'il imposait au
Barreau.
Il y recommande le respect des magistrats, celui des
!us, style et coutumes, le choix des bonnes causes et
des bons moyens, l'abréviation de la justice et de ses
délais, la modération dans les honoraires, l'urbanité et
la convenance dans les relations confraternelles.
Ce discours de rentrée, le premier ou l'un des premiers
que l'on connaisse (99), est un curieux spécimen de
l'éloquence du temps; mais il ne donne pas de la manière
d'écrire de Nicolas Remy une idée aussi exacte et aussi
complète qu'une autre production due à ses veilles et
qui nous permet de le regarder comme l'un de nos plus
illustres ancêtres, en même temps qu'elle le place au
premier rang de nos historiens. Je veux parler, aucun de
vous ne saurait s'y méprendre, du Discours des choses
advenves en Lorraine depuis le décez du Duc Nicolas
iusques à celuy du Duc René (100).
Dans cette remarquable et instructive monographie, la
langue du XVIe siècle devient plus correcte et plus
concise sous la plume de Nicolas Remy on y rencontre
moins d'inversions et de réminiscences latines, moins
aussi de locutions empruntées au patois Lorrain, et,
après une ou deux pages, on se voit bien rarement arrêté
par un mot dont on ignore ou dont on ne devine pas le
sens.
Le style a quelque chose de si ferme, la raison a
quelque chose de si droit que les réflexions morales,
souvent mêlées au récit, ressemblent à ces axiomes qui
se transmettent d'âge en âge comme d'indiscutables
mérités (101).
Le fond, du reste, ne le cède en rien au mérite de la
forme.
Assez rapproché, par sa naissance, du règne de Réné II
pour en recueillir les derniers échos, mais pas assez
pour que son impartialité en ressentît quelque gêne,
Nicolas Remy se trouvait dans les conditions les plus
favorables à un historien; sa haute position lui faisait
ouvrir toutes les archives il avait à sa disposition,
comme il nous l'apprend lui-même (102), des manuscrits
précieux, des documents contemporains; il possédait
notamment la Chronique Lorraine dont il ne nous reste
que des copies imparfaites, et dont il suit si
exactement la version que, sans trop de témérité, on
peut y reconnaître, avec l'un de nos plus érudits
confrères, ceste médalle cooverte de roülle que le
hasard lui a fait découvrir et qu'il offre, dans sa
préface au comte Palatin du Rhin, après lui avoir donné
quelque polissure affin d'y faire revivre les véritables
traicts de sa première perfection (103). »
Aidé d'un guide aussi sûr, il marche droit au but, sans
se laisser aller à des digressions inutiles, et si,
parfois, il peut craindre qu'on ne l'accuse de manquer à
cette règle élémentaire et de bon goût, il prend soin de
s'en défendre en termes qui désarment le lecteur le
moins indulgent et le plus pressé (104).
Il expose les faits dans leur ordre, à leur date; il
assigne à chacun d'eux une place proportionnée à son
importance et à l'intérêt qu'il doit éveiller.
C'est assez dire qu'il consacre ses meilleures pages à
la lutte glorieuse et suprême dans laquelle le Duc de
Lorraine avait presque autant à redouter les ruses et
tes perfidies de son allié, le vieux roi de France,
Louis XI, que les emportements et les convoitises du duc
de Bourgogne, ce Chartes le Téméraire, si digne de son
nom qu'il rêvait l'empire du monde et ne craignait rien
autre chose que la chute du ciel (105).
A côté des grandes scènes du drame émouvant et terrible
qui devait finir sous les murs de Nancy par la victoire
du jeune et vaillant René II et la mort de son puissant
agresseur (106), on rencontre partout d'intéressants
épisodes ; ici, la description d'une petite ville assez
bien traitée pour qu'on y entrevoie ou qu'on y devine le
lieu natal de l'auteur (107) ; là, une énumération non
moins complaisante et un peu hyperbolique de nos
richesses locales (108) ; ailleurs, les navrantes
péripéties de deux sièges (108a), une harangue du duc de
Bourgogne, chef-d'oeuvre d'habileté et de clairvoyance
(109), le discours d'un Bourgmestre de Zurich plus
remarquable encore par le bon sens et l'honnêteté (110),
le dévouement individuel poussé jusqu'à l'héroïsme
(111), les coupables défaillances d'une noblesse ingrate
et bientôt ramenée par la fortune du Prince au sentiment
de l'honneur et de la fidélité (112). Tout cela exposé
en ce langage substantiel et simple, qui convient tant à
l'histoire et dont elle perd toujours à s'écarter.
Une question de droit public très-délicate et
très-controversée se posait, pour ainsi dire, au
frontispice de son livre, celle de savoir si, en
Lorraine, les femmes héritaient de la couronne, à
l'exclusion des collatéraux, et Nicolas Remy la résout,
non pas en philosophe ou en publiciste, d'une façon
spéculative et à l'aide de considérations tirées de la
politique ou de l'intérêt des peuples, mais en
historien, qui interroge les faits, et en jurisconsulte,
qui connait et qui applique la loi; il rappelle le
testament du duc Charles II, l'approbation qu'il a reçue
non-seulement de l'assemblée des Etats, mais encore du
concile de Bâle, et enfin et surtout « les us et
coustumes suivant lesquels les filles à faute de fils ou
de leur représentant excluent tous autres du parenté en
la succession de leur père et mère (113). »
Et quelque laconique qu'elle fût, cette solution
empruntait une autorité si grande à la renommée de
science et de droiture de son auteur qu'un peu plus tard
Charles IV chercha à empêcher la réimpression de
l'ouvrage où elle se trouvait consignée, quand, dans son
ambition turbulente et inquiète, il voulut, au détriment
de sa cousine germaine, et à l'aide d'une odieuse
comédie, attribuer à son père François, comte de
Vaudémont, une couronne qu'il se proposait de bientôt
lui reprendre (114).
Serait-ce parce qu'on y lisait la démonstration du droit
héréditaire de sa fille aînée Nicole que le bon duc
Henry crut devoir donner sa haute approbation au
Discours des choses advenues en Lorraine depuis le décez
du Duc Nicolas iusques à celuy du Duc René ? Je
n'oserais pas le prétendre mais je sais que ce discours
a valu à son auteur une marque de la munificence ducale
le 7 mars 1609, le trésorier général lui versait 1,000
fr. (115) et la pièce comptable qui fournit ce
renseignement en donne un autre que je me garderai bien
de négliger.
Elle prouve que Nicolas Remy avait reçu la mission de
rédiger par écrit et qu'il a rédigé, en un volume, le
recueil des édits et des ordonnances de la Province. Ce
recueil qui lui avait demandé beaucoup de peines et de
soins, il aurait voulu le mettre en lumière mais, pour
des causes restées inconnues, le duc de Lorraine lui
refusa cette petite satisfaction d'amour propre, en lui
allouant, à titre de consolation et de récompense, une
somme de 3,000 fr.
payable en trois années consécutives sur les recettes en
blé de Charmes et de Châtel (115 a).
Il faut, Messieurs, regretter aujourd'hui un travail
confié à d'aussi habiles mains et qui résumait, en
définitive, avec la coutume et son style, toute la
législation du duché (116).
Nicolas Remy, à peu près octogénaire, n'imposait pas
toujours à sa verte vieillesse d'aussi rudes et d'aussi
longs labeurs. Selon le précepte d'Horace, il calculait
ce que ses épaules pouvaient porter (117), réglait avec
intelligence l'emploi de son temps et savait prévenir
l'ennui et la fatigue de l'étude par sa variété (118).
Sous ce rapport d'immenses ressources s'offraient à lui;
il connaissait aussi bien la langue d'Homère et de
Démosthènes que celle de Virgile et de Cicéron (119)
l'antiquité sacrée ou profane pouvait ainsi, chaque
jour, lui ouvrir ses trésors la science moderne
elle-même découvrait à ses yeux émerveillés des horizons
sans cesse agrandis déjà, dans son admirable structure,
le corps humain n'avait plus pour lui de secrets (120);
mais la poésie surtout répondait aux besoins de sa
nature ardente et riche, et instinctivement il lui
demandait ses plus fréquentes et ses plus chères
distractions (121). Il faisait des vers latins aussi
bien que Guy Coquille (122) et Estienne Pasquier (123);
il en a laissé beaucoup, tous d'une forme irréprochable
et quelques-uns très-heureusement inspirés. Les
meilleurs, au nombre de 967 précèdent la Démonolâtrie
(124) et lui servent d'introduction; après les avoir
lus, on pourrait fermer le livre, car le livre, dans sa
prose, n'apprend rien de plus et ne renferme rien de
mieux.
On doit ranger parmi les délassements poétiques de
Nicolas Remy la relation latine de l'entrée solennelle à
Nancy de Marguerite de Gonzague, seconde femme du duc de
Bar, depuis Henri II (125).
Cet opuscule de 16 pages, sorti des presses de Clairlieu
et devenu très-rare, a, à cause de son extrême rareté,
toute la valeur d'un diamant dans l'écrin d'un
bibliophile, mais je ne crois pas qu'il ajoute quelque
chose à la réputation de l'écrivain.
Je préfère de beaucoup le petit poème consacré à l'éloge
du duc Charles III; on y sent d'un bout à l'autre le
souffle divin d'une naïve admiration, d'une sincère
gratitude et d'une profonde douleur (126).
Lorsqu'en 1611 la capitale de la Lorraine voulut, d'une
manière rétrospective, fêter le joyeux avènement de son
nouveau duc, ce fut encore à Nicolas Remy, malgré son
grand âge, qu'elle envoya son ambassadeur (127), pour
obtenir de lui un programme que Son Altesse, par un
sentiment d'économie très-louable, ne permit pas
d'exécuter. L'ancien procureur général s'était chargé de
la harangue officielle, et le vieux poète des
inscriptions versifiées selon le goût du temps.
III
Depuis que ses
fonctions ne retenaient plus Nicolas Remy à Nancy dans
sa maison de la rue du Hault-Bourget (128) et près de sa
paroisse de Notre-Dame (129), il vivait retiré, tantôt à
Charmes (130), où reposaient les cendres de son père, ce
praetor urbanus (131) dont il ne parle jamais qu'avec
vénération, tantôt à sa petite campagne de Saint-Mard
(132), où, à l'exemple de Lhospital (133), il cultivait
ses fleurs et récoltait ses fruits; heureux de jouir
encore, au terme de sa longue vie, d'une âme saine dans
un corps sain (134); satisfait comme le sage d'une
médiocrité à laquelle le Prince ajoutait ses largesses;
entouré des soins les plus intelligents et des égards
les plus tendres fier d'une descendance nombreuse et
dont l'aîné portait déjà très-dignement son nom (135).
Il goûta ce bonheur jusqu'au mois d'avril 1612 (136).
La mort ne pouvait pas le surprendre; elle pouvait
encore moins l'effrayer; car il avait cette foi robuste,
cette foi de nos pères, qui, avant la dernière heure,
entrouvrait à leurs yeux les portes du ciel.
De même qu'il admirait tout dans la nature, tout lui
plaisait dans la religion, ses dogmes, sa morale, sa
liturgie, ses rites, ses pompes; les cloches
elles-mêmes, si souvent accusées d'importunité,
trouvaient en lui un généreux défenseur s'il combattait
le préjugé vulgaire qui attribue à leur sonnerie le
pouvoir de conjurer la foudre, il leur savait un gré
infini d'appeler les fidèles à la prière (137), et, pour
les chanter, il eût été bien certainement avec Schiller
(138) contre Boileau (139).
On aime, Messieurs, à voir ainsi ce magistrat qu'une
peinture grossière (140) et la tradition trompée nous
représentent avec un visage presque farouche, et, sur
son siège, sévère jusqu'à la cruauté, apparaître au
contraire, quand on l'étudie dans ce qui nous reste de
lui, c'est-à-dire dans ses ouvrages, simple comme un
enfant, ému comme un poète, croyant comme un apôtre,
accessible enfin à tous les sentiments honnêtes,
généreux et bons.
L'harmonie renaît alors dans cette remarquable
personnalité le noble coeur explique les grandes pensées
et les grands services.
Messieurs, on répète tous les jours que notre époque
est, en histoire, l'époque des réhabilitations, et je
confesse que beaucoup de celles que l'esprit de parti a
tentées me laissent incrédule ou mécontent.
Je n'ai donc eu ni la volonté ni le présomptueux espoir
de réhabiliter Nicolas Remy; je voudrais seulement, pour
me servir d'une expression judiciaire en parlant d'un
magistrat, que cette notice si incomplète, malgré sa
longueur, éveillât chez un autre la pensée équitable et
libérale d'instruire à nouveau et de réviser
impartialement son procès.
Ces révisions désintéressées, consciencieuses,
inoffensives, faites sur pièces, à deux ou trois siècles
de distance, n'ont rien de suspect elles n'inquiètent
personne mais elles honorent les compagnies savantes qui
les accueillent et ne peuvent être qu'un utile et tardif
hommage rendu à la vérité.
NOTES
Dom Calmet,
Bibliothèque Lorraine, ou histoire des hommes illustres,
qui ont fleuri en Lorraine, dans les trois Evêchés, dans
l'Archevêché de Trêves, dans le duché de Luxembourg,etc,
col. 802-803. - Dom Ambroise Pelletier, Nobiliaire
armorial général de la Lorraine et du Barrois, p. 690. -
Chevrier, Histoire militaire, ecclésiastique, politique
et littéraire de Lorraine et de Bar, t. IX, p. 74-77, et
Mémoires pourr servir à l'histoire des hommes illustres
de Lorraine t. I, p. 125-129.
Ces trois auteurs, et tous ceux qui se sont après eux
occupés de Nicolas Remy, ne savaient presque rien de sa
vie; ils ne connaissaient ni le lieu de sa naissance, ni
l'époque de sa mort, ni les nombreuses fonctions qu'il a
remplies, ni l'existence, ni les titres de tous les
ouvrages qu'il a composés; ils ont été jusqu'à le
confondre avec l'un de ses fils. Pour rectifier ces
erreurs et combler ces lacunes, il fallait plus que de
pures et simples affirmations, il fallait apporter des
preuves, indiquer des sources et les notes qui suivent
pourvoiront, je l'espère, dans une suffisante mesure, à
cette nécessite.
Je dois à l'obligeance aussi infatigable qu'éclairée de
M. Henri Lepage, archiviste du département de la
Meurthe, tous les documents tirés de l'ancien Trésor des
Chartes de Lorraine ; et, avant de m'en servir, je me
plais à lui offrir ici l'expression de ma vive et
sincère gratitude.
(1) M. Adolphe-Louis-François Parade, né
à Ribeauvillé (Haut-Rhin), le 11 février 1802, Directeur
de l'Ecole Forestière de Nancy, Officier de l'Ordre
impérial de la Légion d'honneur, Chevalier des Ordres de
Saint-Stanislas de Russie, de Notre-Dame de Conception
du Portugal, de Charles III d'Espagne, appartenait à
l'Académie de Stanislas depuis le 6 février 1863. Il est
mort à Amélie-les-Bains, le 29 novembre 1864, avant
d'avoir, pour ainsi dire, pris possession de son siège.
(2) M. Tassy, aujourd'hui Conservateur des forêts.
(3) M. Parade, sa vie et ses oeuvres.
(4) Mémoires de la Société Royale des sciences et
belles-lettres de Nancy, T. I, p. 100 Statuts du 27
décembre 176i, art. 35 et 36.
(5) M. Dupin, Eloge de Guy Coquille, p. 4-5.
La naissance de Nicolas Remy ne doit être ni antérieure
à 1525, ni postérieure à 1530, c'est-à-dire qu'elle se
reporte à peu près au temps où Guy Coquille, qui fut,
lui aussi, Procureur général de sa province, naissait à
Decize, en Nivernais. Il a eu ainsi, et comme lui, pour
contemporains et pour émules, les plus savants
jurisconsultes et les plus grands magistrats Dumoulin et
Cujas, Antoine Loisel, Estienne Pasquier, les frères
Pithou, Gilles Lemaistre, Chrétien de Lamoignon, Michel
de l'Hospital, Christophe de Thou, Achille de Harlay...
(6) Dom Calmet, Histoire de Lorraine, T. V, col.
765-771. - De Rogéville, Dictionnaire historique des
ordonnances et des tribunaux de la Lorraine et du
Barrois, T. II, p. 489-499, 508-509, 626. - Chevrier,
Histoire de Lorraine et de Bar, T. IV, p. 206-221.- M.
Neveu-Lemaire, Discours de rentrée, prononcé, à Nancy,
le 3 novembre 1864, p. 8-20.
Les Universités de France, que Nicolas Remy a suivies et
dont parlent les Lettres patentes auxquelles j'emprunte
ce détail, étaient probablement celles de Paris,
d'Orléans ou de Toulouse, les plus célèbres d'alors.
Canoniquement instituée, à la demande du cardinal de
Lorraine, par une bulle du 5 décembre 1572, l'Université
de Pont-à-Mousson n'ouvrait ses classes de grammaire
qu'au mois d'octobre de l'année suivante et son école de
droit que cinq ans plus tard, en 1578, avec le concours
de l'Ecossais William Barclay, et, bientôt après, sous
le décanat de Grégoire de Toulouse, l'un des meilleurs
élèves de Cujas.
(7) B. 39° f° 205 (*). Lettres patentes.
« CHARLES, etc. L'humble supplication de nostre cher et
féal François Milalte, lieutenant général en nostre
bailliage de Vosge, avons receue, contenant que... se
sentant vieil et caducque... et ayant désir de veoir
continuer sa parenté en nostre service, à l'imitation de
ses ancestres, et qu'à ces fins il auroit, depuis
quelque temps, retiré en grande instance ung sien nepveu,
nommé Me Nicolas Remi, licencié ez loiz des universitez
de France, où il auroit versé l'espace de vingt ung ans,
faisant profession, la pluspart d'iceulx, d'enseigner
tant les lettres humaines que les droictz; nous
suppliant très-humblement vouloir donner et conférer à
sondict nepveu ledict estat et office de lieutenant
général en nostredict bailliage de Vosge, comme idoine,
suffisant et capable pour le faire et exercer; lequel
estat, à ceste occasion, il remettoit volontairement
entre noz mains. Sçavoir faisons que nous, ce que dict
est considéré,... ayant égard et considération au bon et
fidel rapport.qui nous a esté faict des sens, science,
preudhommie, intégrité, expérience, littérature et bonne
diligence estans en la personne dudict Me Nicolas Remi,
son nepveu, et qu'il est besoing et requis prouveoir
audict estat...
de lieutenant général, tant pour l'administration de la
justice a qu'à la conservation de noz droictz et
aucthorité audict bailliage de Vosge, pour ces causes...
avons, ce jourd'huy, audict Me Nicolas Remi, son nepveu,
donné, conféré et octroyé... ledict estat. à charge
toutefois qu'il fera sa résidence au lieu de
Mirecourt... Données en nostre ville de Nancy le...
vingt-cinquieme de mars mil soixante-dix.... »
(*) Dans cette formule abrégée, et qui se reproduira
souvent, la lettre B. signifie Trésor des Chartes,
anciens fonds de la Chambre des Comptes de Lorraine ; le
chiffre qui suit est le numéro d'ordre da volume; le
dernier, celui de la page, recto ou verso.
(8) B. 45, f° 115, v°. Lettres patentes.
« Charles, etc. Comme naguères nous ayons reprins en noz
mains l'estat de lieutenant général du bailliage de
Vosges des mains de nostre amé et féal Nicolas Remy,
licencié ez loix, afin de le retirer à nostre service et
près de nostre personne; sçavoir faisons que, pour les
sens, discrétion, sçavoir et preudhomie estans en la
personne dudict Remy, avons icelluy, pour ces causes et
autres bonnes considérations nous mouvans, prins et
retenu, prenons et retenons par ces présentes en esat de
secrétaires des nostres, aux droictz, honneurs,
franchises, libertez, irnmunitez, prérogatives et aux
gages que cy-après luy ordonnerons sur nostre estat...
Données en nostre ville de Nancy, le quatrième jour du
mois de novembre a mil ve soixante quinze.... »
(9) Dom Calmet, Histoire de Lorraine, T. V, col.
631-902. Chevrier, Histoire de Lorraine et de Bar, T.
IV, p. 440-258.- Digot, Histoire de Lorraine, T. IV, p.
145-.403. - Joseph-François Coster, Eloge de Charles
III, dit le Grand, Duc de Lorraine, Marchis, Duc de
Calabre, Bar, Gueldres, etc.
Le Duc Chartes III, dont l'heureux et long règne,
commencé le 12 juin 1545, ne finit que le 14 mai 1608,
avait épousé Claude de France, le 22 janvier 1559.
Personne n'ignore que la Lorraine a dû à sa vigoureuse
et intelligente initiative de nombreuses ordonnances sur
les matières les plus importantes et les plus diverses,
la rédaction de ses principales coutumes, la
substitution d'une Cour souveraine au Tribunal des
Assises, la dotation de ses hôpitaux, l'extension de son
territoire, les fortifications de ses places frontières,
celles réputées admirables de sa capitale, la ville
neuve de Nancy, son église primatiale, l'ordre et
l'économie dans les finances, l'efficace protection des
sciences, des lettres, des arts, de l'industrie, et du
commerce, le calendrier Grégorien. II avait une
instruction variée et solide; il parlait presque toutes
les langues de l'Europe, et, s'il faut en croire Dom
Calmet, il était si beau que tous les autres souverains
voulaient avoir son portrait.
(10) B. 1172, f° 166, v°. Compte du Trésorier général.
On ne trouve pas, au registre des Lettres patentes,
celles qui ont conféré à Nicolas Remy le titre
d'Echevin, mais on y supplée par les comptes du
Trésorier Général de Lorraine, où il figure pour la
première fois à ce titre en 1576. - Les Échevins
touchaient 50 fr. chacun, le Maître-Echevin en touchait
400.
(11) J.-J. Lionnois, Histoire des villes vieille et
neuve de Nancy, depuis leur fondation jusqu'en 1788, T.
I, p. 311.
(12) M. Auguste Prost, Notice sur le Maître-Echevinat à
Metz, Mémoires de l'Académie impériale de Metz, année
1853, p. 144-157. - L'Abbé Clouet, Histoire de Verdun et
du pays verdunois, T. I, p. 428. - Stile pour
l'instruction des procés és sieges tant supérieurs des
Bailliages de Nancy, Vosges et Allemagne, qu'inférieurs
des Précostez et Mairies estans és districts et ressorts
d'iceux, tit. art. 1 et 2. - Recueil des édicts,
ordonnances et règlemens de très-magnanime, auguste et
puissant Prince Charles IV, Duc de Lorraine et de Bar et
de aucuns serenissimes Ducs, ses devanciers et
progéniteurs.
1307-1631. Code manuscrit de la riche collection de M.
Beaupré, conseiller honoraire de la Cour Impériale de
Nancy, tiv. II, p. 30-52. - De Rogéville, Dictionnaire
historique des ordonnances, T. I, p. 60-64 et 552. -
J.-J. Lionnois..., Ibid, T. I, p. 311 et T. III, p.
32-33 et 70.
L'Echevinat à Nancy n'avait point comme à Metz et à
Verdun, un caractère mixte, c'est-à-dire tout à la fois
municipal, administratif et judiciaire; les Echevins
n'étaient que des juges, juges ayant des attributions
particulières comme tribunal, et de plus juges
assesseurs, non-seulement au Bailliage, mais encore à la
Prévôté et à la Gruerie de Nancy.
A la fin du seizième siècle, ce tribunal se composait de
quatre membres, dont l'un prenait le litre de
Maître-Echevin; peut-être même, dans l'origine, ne se
composait-il que de deux, ce qui expliquerait pourquoi
Nicolas Remy l'appelle toujours collège des Duumvirs,
Duumvirorum Nanceianorum collegium.
Il tint d'abord ses séances sur la place des Dames, à
l'hôtel du Change, qui lui donna son nom, et dans la
suite seulement à l'Hôtel-de-Ville, dont la démolition,
en 1751 ou 1752, a fait la place Mengin.
Quatre règlements successifs, en date des 23 mai 1606,
25 janvier 1608, 31 décembre 1610 et 1er février 1616,
fournissent des renseignements précis et curieux sur son
organisation intérieure et sur ses travaux.
Il siégeait le mardi et les trois jours suivants, avant
ou après la messe: depuis Pâques jusqu'à la Saint-Remy,
le matin, de sept heures à dix heures, le soir, de deux
heures à cinq heures; depuis la Saint-Remy jusqu'à
Pâques, le matin, de huit heures à dix heures, le soir
de une heure à quatre heures. Les absents et les
retardataires, sans motifs légitimes, payaient 2 fr.
d'amende.
Le Greffe, situé proche la salle d'audience, restait
ouvert en été, le matin de six heures à onze heures, le
soir de une heure à six heures en hiver, de sept heures
à onze heures, et le soir de une heure à quatre heures.
Le Greffier apportait avant l'audience au Maître
Échevin, en la chambre du conseil, tous les procès, dans
la huitaine au plus tard de leur mise en état, et
celui-ci les distribuait, d'une manière égale, aux
Echevins chargés d'en faire le rapport par extrait fidel
et exact et non verbalement et de bouche. L'exactitude
et la fidélité de ce rapport étaient, d'ailleurs,
contrôlées par la lecture des pièces soigneusement
inventoriées.
Le rapporteur opinait le premier et les autres après
lui, à commencer par le dernier reçu.
Les opinants devaient être au nombre de cinq au moins,
s'ils étaient six, et qu'il y eût partage, au civil, la
voix du Maître-Echevin l'emportait; mais, au criminel,
on remettait l'affaire à un autre jour, pour entendre te
septième, ou, à son défaut, le plus ancien avocat du
siège.
Le Maître-Echevin rédigeait les jugements rendus sur
plaidoiries et le rapporteur ceux des procès par écrit.
Tous les jugements étaient intitulés du nom du Bailli,
ou de son lieutenant et des Maitre-Echevin et Echevins;
aucun ne pouvait se rendre hors de l'auditoire; les
simples décrets, que les Echevins donnaient chez eux,
échappaient seuls à cette règle absolue et d'ordre
public.
Afin de prévenir les sollicitations indiscrètes, le nom
du rapporteur demeurait toujours inconnu aux parties.
La taxe des dépens et des épices se faisait par la
compagnie entière.
Les Echevins s'assemblaient, aux jour et heure convenus
entre eux, dans la chambre du conseil, dont chacun avait
la clef, pour y entendre les rapports, délibérer,
résoudre les procès et faire toutes autres choses
concernant le fait de leur charge et devant être
expédiées hors des audiences.
Le Maître-Echevin et les Echevins, ainsi que les
avocats, portaient la robe longue et le bonnet carré,
pendant tout le temps qu'ils vaquaient aux devoirs de
leurs fonctions ou de leur ministère, à l'audience et au
Palais. Le Clerc juré, c'est-à-dire le greffier, et son
commis, portaient au contraire la robe courte et une
toque.
Le Maître-Echevin jouissait de toutes les prérogatives
d'un chef de compagnie, quoiqu'il n'en prît pas le
titre. Il faisait observer les règlements, ordre et
respect dus a la Justice. Il présidait en l'absence du
Bailli et de son lieutenant il avait la garde du sceau
qu'il apposait à tous les actes qui devaient en être
revêtus il convoquait extraordinairement ses collègues
dans les cas requérant célérité il mettait les scellés
sur les biens des mineurs décédés et des absents.
Le Bailli ne délibérait pas avec les Echevins, mais il
avait une juridiction spéciale et toute personnelle. En
cas d'urgence, sous le titre de commissions ou de
lettres du Bailli, il rendait des sentences provisoires,
que, dans notre droit moderne, on appellerait des
ordonnances de référé. - En matière ordinaire, à moins
que les parties ne s'adressassent à lui, de leur gré et
consentement, pour être jugées, ses pouvoirs se
bornaient aux actes préparatoires et d'instruction
qu'énumèrent, dans leur vieux langage, les art. 1 et 2
du titre Ier du Stile pour l'instruction des procès
autres que ceux portés devant les assises. - Il assurait
l'exécution des sentences rendues sur le fonds des
procès. - Il exerçait enfin un pouvoir disciplinaire à
l'égard des sergents, qu'il révoquait en cas de
malversation.
Les vacances et féries des fenaison, moisson et vendange
se réglaient à l'audience, les avocats ouïs et de l'avis
du Bailli.
Par ordonnance du 22 décembre 1633, en attribuant au
Tribunal des Echevins la connaissance des affaires
contentieuses des mineurs et de celles se rattachant à
l'administration de leurs biens, le duc Charles IV créa
deux nouveaux offices d'Echevins et en porta à 9 le
nombre qui s'était déjà progressivement élevé de 4 à 7.
Même avant l'ordonnance précitée, les affaires des
mineurs avaient toujours eu en Lorraine un caractère
particulier et privilégié, à ce point, que, dans les
premiers temps, on leur assignait des audiences
spéciales et on en tenait registre à part.
(13) L'avocat Guinet.
(14) Dom Calmet. Histoire de Lorraine et de Bar. -
Dissertation sur l'ancienne jurisprudence de Lorraine. -
Mémoire sur l'état des duchés de Lorraine et de Bar,
auquel ils étoient avant la guerre de 1633. T. III, col.
ccxxxiii.
(15) Coutâmes anciennes du Duché de Lorraine, tit. I,
art. 5. Recueil du Stile à observer es instructions des
Procédures d'Assizes, és Bailliages de Nancy, Vosges et
Allemagne, tit. i, art. 5. - Stile pour l'instruction
des procés és siéges tant supérieurs des Bailliages de
Nancy, Vosges et Allemagne qu'inférieurs des Prévostez
et Mairies estans és districts et ressorts d'iceux. Tit.
VIII, art. 4, 5, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17. - De Rogéville, Dictionnaire, T. I, p. 60-61 et
64-65.- Guinet, Mémoire sur l'état des Duchés de
Lorraine et de Bar. - Dom Calmet, Hist. de Lorr., T.
III, col.ccxxix-ccxxxi. - Aug. Digot, Hist. de Lorr., T.
V, p. 90-92, 96. -
M. le comte d'Haussonville, Histoire de la réunion de la
Lorraine à la France. T. I, p. 444-445.
Au civil, le Tribunal des Échevins remplissait les
fonctions du Bailliage; on pourrait même dire que, à
Nancy, il était le Bailliage, s'il n'avait eu, en
certaines matières, des pouvoirs autres et plus
considérables.
Il jugeait toutes les affaires personnelles des
gentilshommes de l'ancienne chevalerie, des nobles,
anoblis et autres privilégiés il jugeait aussi leurs
affaires réelles, moins celles qui s'intentaient au
petitoire, « pour fiefs, arrière-fiefs, chasteaux,
maisons fortes, rentes, revenus, revenus et droits
seigneuriaux, francs aloeuds, nobles enclavés esdit
Bailliage, pour villes ou « villages, droits de
patronage lay et pour toutes autres choses de pareille
nature et condition ».
L'appel n'était interdit qu'exceptionnellement et dans
des cas très-rares lorsqu'il s'agissait de salaires,
loyers, gages, mercèdes de serviteurs et manouvriers,
legs pieux bien reconnus, trait de bouche, choses mises
en dépôt en matière de saunage; dans les cinq cas de
chose jugée, de serment loqué, acte de trouble et
nouvelleté faite depuis an et jour injure et crime;
enfin, dans toutes les instances introduites par un
étranger contre un régnicole pour chose n'excédant pas
la valeur de 100 fr.
Presque toutes les affaires jugées en dernier ressort se
traitaient sommairement et de plain, nonobstant toutes
féeries et vacances et elles ne comportaient qu'une
sorte de recours en cassation par la voie de plainte au
Conseil du Duc, en faute de justice.
Dans les autres affaires, quand il y avait appel, la
sentence, ou pour me servir de l'expression consacrée
par l'usage et trop justifiée par le profond sentiment
de la faillibilité humaine, le semblant était déféré à
Messieurs de l'Ancienne Chevalerie au droict de l'hôtel
de Monseigneur; ce qui explique cette étrange formule
des arrêts en cas de confirmation, « le droict de
l'hôtel de Monseigneur le Duct dict que le semblant des
Maîtres-Eschevins de Nancy est bon » et en cas
d'infirmation, « le droict de l'hôtel de Monseigneur le
Duc dict, en infirmant le semblant des Maîtres-Eschevins
de Nancy, que... » ; suivait le dispositif en termes
brefs et précis.
L'appel devait être interjeté sur-le-champ, si les
parties ou leurs procureurs assistaient à l'audience, et
relevé par l'appelant dans la quinzaine, avec
consignation d'une somme de six francs. « Des quels six
francs, dit Guinet, le Greffier du Bailliage, pour
instruire et mettre le procès dans le sac, le cacheter
et le porter au Greffier de l'Assise, prenait six gros
et on bailloit autres six gros au Greffier de l'Assise
pour toutes choses, et il étoit obligé d'en charger son
registre, et de le rapporter au Greffier du Bailliage,
avec l'arrêt de l'Assise le tout cacheté. Les autres
cinq francs se mettoient dans le sac, et appartenoient
aux Gentilshommes, qui ne prenoient point épices, ni
autres profits, et venoient exprès à l'Assise à leurs
frais, pour rendre la justice; et quant à ces cinq
francs, ils ne les partageoient pas; pour l'ordinaire
ils les bailloient partie à leurs Greffiers, partie aux
pauvres.
« La forme de prononcer étoit par écrit au bas de la
sentence,... et le cachet secret apposé, qui étoit des
alérions de cire verte, et le papier dessus, et signé
par le Greffier de l'Assise ; laquelle étant finie, ceux
qui vouloient poursuivre et qui croyoient avoir gagné
leur procès, faisoient assigner leurs parties devant les
Juges dont étoit appel, pour voir faire l'ouverture du
droit revenu de l'hôtel de Monseigneur le Duc ; et, à
l'audience, le Greffier du Bailliage ouvroit le sac et
en faisoit lecture, et on en demeuroit là, pour exécuter
ce qui étoit ordonné sans autre longueur; point d'appel,
point de révision, point d'opposition, point de requête
civile, point de proposition d'erreur, point de chicane
plus avant. »
La procédure antérieure à l'arrêt se recommandait par
une simplicité au moins aussi grande. « Il n'y avoit
point de griefs, point de production nouvelle, point
d'intervenant. »
S'il s'agissait d'un procès par écrit, « on jugeoit
précisément sur la sentence, dont étoit appel, et sur
les écritures et pièces sur lesquelles elle avoit été
rendue. Si c'étoit une sentence d'audience, les avocats
qui avoient plaidé bailloient pardevant les Juges des
écritures d'agrément qui dévoient être agréées de part
et d'autre, c'est-à-dire que l'on demeurait d'accord que
c'étoit ce qu'on avoit plaidé, et ces écritures, avec
les extraits de la demande et de la sentence, faisoient
toute l'instruction. On les enfermait dans un sac, puis
on les portoit comme les autres par écrit. »
Quand un interlocutoire paraissait utile, comme une
enquête, une vue des lieux ou toute autre procédure du
même genre, « le Bailli nommait un commissaire, qui
étoit d'ordinaire le Lieutenant général, que l'on
appeloit le Lieutenant du a Bailli, ou quelqu'honnête
praticien bien connu, qui se transportaient sur les
lieux. Les enquêtes faites se lisoient en l'Assise, on y
en ordonnoit. Les nullités, reproches et contredits se
baillaient sur-le-champ enfin toutes les longueurs et
tous les frais étoient bien retranchés ; ce qui arrive
toujours, quand les Juges baillent leurs preuves gratis.
« On ne faisoit qu'une enquête, et si le demandeur, par
exempte, avoit fait l'enquête, si elle étoit suffisante,
on prononçait : le Demandeur en a assez fait, et rien de
plus ; mais cela signifioit que les conclusions de la
demande lui étoient adjugées avec dépens. Si elle n'étoit
pas suffisante, on disait : un tel a peu fait, et rien
de plus ; mais cela signifioit qu'il perdoit son procès.
Quoiqu'on ne donnât point d'écritures, ni point de
griefs à l'Assise, néanmoins on faisoit des factums et
des remontrances imprimées que l'un distribuoit à
Messieurs de l'Ancienne chevalerie ; on les sollicitoit
même tant que l'on vouloit, quelque grands seigneurs
qu'ils fussent et quelque pauvres que fussent les
parties ; ils les recevoient toujours et les écoutaient
et les avocats avec beaucoup d'honnêteté; et comme ces
messieurs avoient des amis et leurs avocats pour leurs
affaires particulières, s'il se présentoit quelque
question difficile à juger, où ils n'eussent point
d'engagements, ils les consultoient volontiers et s'en
instruisoient avec sincérité et on ne trouvait parmi ces
grands seigneurs aucun soupçon de corruption. »
Celui qui désertait son appel ou y renonçait, encourait
une amende de deux francs.
(16) Dom Calmet, Histoire de Lorraine, T. III, col.
ccxxxiii-ccxxxiv et T. V, col. 883-884. - J.-J. Lionnois,
T. I, p. 311-313 et T. III, p. 33 et 34. Aug. Digot,
Histoire de Lorrarie, T. V, p. 96-97. Dumont, Justice
criminelle des Duchés de Lorraine et de du Bassigny et
des Trois-Evêchés, T. I, p. 73-78. -B. 2197. Pièces
justificatives du compte du domaine d'Amance pour
l'année 1615.
Il n'est pas, en Lorraine, de point de droit criminel
plus clairement établi que l'obligation pour tous les
Tribunaux d'adresser avant le jugement leurs procédures
au Tribunal des Echevins de Nancy, afin d'obtenir son
avis. Et cependant cette obligation, née peu à peu de
l'usage, ne repose à l'origine sur aucun texte ; elle
ressemble à ces fécondes et nombreuses conquêtes que les
Juristes ont faites en France, sur le pouvoir féodal, au
profit de la royauté et que le législateur n'a
réglementées que beaucoup plus tard.
Grâce à l'avis qu'on lui demandait toujours et qu'il
devait toujours émettre, le Tribunal des Échevins
constituait bien moins un Tribunal, dans le sens
rigoureux de ce mot, qu'une sorte de Chambre des mises
en accusation.
Sur le vu des pièces, et en assemblée spéciale, il
disait si des charges suffisantes s'élevaient contre
l'accusé ; il indiquait aussi la peine à appliquer mais
cette indication de la peine, pas plus que la
déclaration de charges suffisantes, ne liait le Juge ;
elle n'avait pour lui d'autre valeur que celle d'un
maximum qu'il ne pouvait pas dépasser.
L'avis des Échevins était le plus souvent demandé deux
fois ; la première, avant la question et pour savoir
s'il convenait d'y appliquer l'accusé ; la seconde,
après cette terrible épreuve, et pour en apprécier les
résultats. L'avis définitif relatait presque toujours
celui qu'on pourrait appeler l'avis interlocutoire.
« Les maistre eschevin et eschevins de Nancy, qui ont
veu derechef le présent procès extraordinairement
instruict par les prévost et gens de justice d'Amance
contre la dénommée..., et notamment ce qu'a esté faict
depuis leur advis du deuxième du présent mois, dient
que, pour réparation dudict crime dont ladicte prévenue
est suffisamment convaincue, y a matière d'adjuger au
sieur procureur général de Lorraine ses fins et
conclusions du 25e septembre dernier. Faict à Nancy, en
la chambre du conseil de l'Auditoire, le 5e d'octobre
1615. »
Voici, d'après le dénombrement de la Lorraine, dressé
par le Président Alix, en 1594, le nom des villages qui
composaient la prévôté de Nancy et dans lesquels le
tribunal des Ecbevins instruisait etjM~6a!)< les procès
crimines:
Nancy, Saint-Nicolas, Art-sur-Meurthe, Champigneulles,
Dombasle, Frouard, Gérardcourt, Heillecourt, Houdemont,
Houdelmont, Jarville, Laxou, Lupcourt, Ludres,
Laneuveville-devant-Nancy, Malzéville, Maxéville,
Manoncourt-en-Vermois, Pulnoy, Pierreville, Parey-saint-Césaire,
Richardménil, Varangéville, Vandoeuvre, Ville-en-Vermois,
Villers-lès-Nancy, Azelot, Anthelupt, Bouxières-aux-Dames,
Burthecourt-aux-Chênes, Crévic, Eulmont, Flainval,
Flavigny, Grandvezin, Hudiviller, Lay-saint-Christophe,
Sommerviller, Benney, Bosserville, Crévéchamps,
Crantenoy, Ceintrey, Dommartemont, Essey-lès-Nancy,
Fléville, Gerbécourt, Haroué, Herbémont, Haplemont,
Jevoncourt, Lenoncourt, Lemainville, Laneuveville-devant-Bayon,
Méréville, Messein, Maron, Neuviller-sur-Moselle, Ormes.
Affracourt, Pulligny, Pixerécourt, Saint-Max, Séchamps,
Saint-Remimont, Saulxures-Iès-Nancy, Vaudeville,
Tomblaine, Vaudigny, Voinémont, Ville-s.-Madon,
Xirocourt.
Quelque étendue qu'on suppose la Prévôté de Nancy, j'ai
peine à admettre que le Tribunal des Echevins ne jugeait
pas les procès criminels au delà de ses limites je
regarde comme beaucoup plus vraisemblable, eu égard à
son importance hiérarchique et judiciaire, qu'il pouvait
les juger dans tout le Bailliage et, si je n'affirme son
droit à cet égard que pour la prévôté de Nancy, c'est
parce que je n'ai trouvé qu'en ce qui la concerne, des
jugements criminels rendus par le Tribunal des Echevins.
Dans d'autres, dans celle d'Amance notamment, les
jugements criminels émanaient de la Justice locale, et
des lors se présente la difficulté de concilier ce droit
de la Justice locale avec celui du Tribunal des
Echevins, s'il existait, à moins d'attribuer compétence
concurremment et simultanément à tous deux.
(17) Mory d'Elvange, Etats, Droits, Usages en Lorraine,
p. 5. - J.-J. Lionnois, T. I, p. 311-312. - Dumont,
Justice criminelle, T. I, p. 104-105.
Les lettres patentes du 1er septembre 1595 portaient «
que les procès criminels de ceux de l'Ancienne
Chevalerie et autres leurs Pairs-fielvés en Lorraine,
prévenus de crime,... seront faits, instruits et jugés
par les Maître-Echevin et Echevins de Nancy et
assisteront à l'instruction et confection d'iceux en
nombre égal Gentilshommes de la qualité avant dite, pour
à cette fin nommés et députés, lesquels avenant qu'ils
reconnoissent le délinquant avoir été contraint du point
et sentiment d'honneur, de tomber en l'inconvénient dont
il sera recherché, lui en feront rapport et à ses
successeurs ducs, et pourront supplier d'en connoitre, à
ce que si le point d'honneur l'a poussé à cet
inconvénient, il lui plaise d'en retenir la connoissance,
y appelant les gentilshommes jà députés et autres leurs
pairs en nombre plus grand, tel qu'il lui plaira mieux
ordonner si du contraire, il se trouve que l'acte ne
soit commis par sentiment d'honneur, soit le prévenu
renvoyé par devant les Juges premiers, auxquels pour le
parachèvement du procès, assisteront comme auparavant
les dits Gentilshommes jà députés jusqu'à sentence
définitive exclusivement ; la résolution et
prononciation de laquelle sera et demeurera auxdits
Maître-Echevin et Echevins seuls. »
Aux Etats de 1607, les membres de la Chevalerie
obtinrent un droit de récusation dont le duc se
réservait d'apprécier l'exercice; ils obtinrent aussi
que les Gentilshommes commissaires assistants au procès
auraient communication des conclusions du Procureur
général et de la sentence du Tribunal des Echevins avant
sa prononciation, pour qu'ils pussent, en cas de rigueur
excessive, solliciter du Prince l'ordre d'une autre
résolution ou la grâce du coupable.
(18) B. 53, f° 24, v°. Lettres patentes. - Dom
Pelletier, Nobiliaire, p. 690. - Lallain de Montigny,
Annoblis tant du duché de Lorraine que de celui de Bar,
par le duc René, avec le blason de leurs armes à
commencer depuis p. 69. J.-J. Lionnois, T. I, p.
313-314. - Bernard de la Roche-Fiavin, Treize livres des
Parlemens de France, liv. x, chap. 5, p. 591. - Emmery,
Recueil des Edits, Déclarations, Lettres Patentes et
Arrêts du Conseil enregistrés au Parlement de Metz,
ensemble des arrêts de Règlement rendus par cette cour,
T. II, p. 609. - Le vicomte de Bastard d'Estang, Les
Parlements de France, T. I. p. 258. - M. de Lacuisine,
le Parlement de Bourgogne depuis son origine jusqu'à sa
chute, T. I, p. 57. - M. G -M.-L. Pittot, Histoire du
Parlement de Sandres, T. II, p. 312-323. - Emmanuel
Michel Histoire du Parlement de Metz p. 289-291.
« Pour ce est-il que nous, aians plaine et certaine
congnoissance des louables, fidelles et vertueux
déportemens qui sont en nostre amé et féal Nicolas Remy,
licencié ez droitz, conseiller et secrétaire des nostres
et eschevin en la justice ordinaire de ce lieu de Nancy,
tant en l'exercice de sesdicts estatz et offices,
desquelz l'aurions expressément honnoré pour ses vertus,
après qu'il se seroit voluntairement démis en noz mains
de la lieutenance générale au bailliage de Vosges, qu'ès
exécutions de belles et honnorables charges à luy par
nous déférées et commises, pour l'entière et parfaicte
asseurance qu'avons de ses intégrité de meurs,
preud'homie, idointé et suffisance, mesme qu'il se
seroit comporté en chacune d'icelles avec tel acquis et
satisfaction de son debvoir, que nous en aurions
tousjours receu bon contentement, et noz subjectz, à qui
il auroit attouché support et soulaigement; pour ces
causes et autres justes considérations ad ce nous
mouvans, avons icelluy... annobly et annoblissons...
VouIons... que luy et ses enfans masles et femelles, nez
et à naistre, descendans de luyen léal mariage. soient à
toujoursmais tenus, traictez et réputez pour nobles...
sans ce qu'ilz soient tenus ne puissent estre
contrainctz... d'en payer à nous et à noz successeurs
ducz de Lorraine aulcunne finance, laquelle, de nostre
grâce spéciale, avons quictée, remise et donnée...
audict Nicolas Remy en faveur et contemplation de ce que
dessus... Que furent données à Thiecourt, le neufième
jour d'aoust l'an de grâce Nostre Seigneur mil cinq cens
quatre vingt et trois...
Nicolas Remy portait d'or, écartelé en sautoir d'azur, à
deux serpents volants, affrontés d'argent, mouchetés,
allumés et armés de gueules, et, pour cimier, un serpent
de l'écu.
Sous l'ancienne monarchie française, les fonctions
judiciaires exercées pendant un certain temps au sein
d'une cour souveraine suffisaient pour conférer la
noblesse.
Dans des lettres patentes du janvier 1583, Chartes III
déclare que le Maitre-Echevin et les Echevins de Nancy
jouissent « des franchises, libertés, exemptions,
prérogatives et immunités de noblesse telles et
semblables que peuvent être celles dont usent et peuvent
jouyr les conseillers des cours du Parlement du royaume
de France. »
(19) B. 58, f 222. Lettres patentes.
« ...Comme, par bonne expérience, nous avons remarqué et
congnu les sens, discrétion, preudhommie, habiliité,
suffisance, dextérité, vertuz, science et autres bonnes
et louables parties estans en la personne de nostre amé
et féal conseillier secrétaire ordinaire des nostres et
eschevin en la justice de Nancy Mre Nicole Remy;
considérant mesmement que, depuis dix-neuf ans ençà
qu'il est à nostre service, nous l'avons employé à
diverses charges et commissions pour noz importans
affaires, dont il s'est fidellement acquité, à nostre
contantement; et soit que, pour l'entière confidance
qu'avons en luy, et affin de luy donner occasion de
continuer de bien en mieulx, nous ayons advisé et
délibéré le gratiffler et honnorer de quelque estat
honnorable proche de nostre personne, condigne à ses
vertuz et mérites; Sçavoir faisons que nous, ce que
dessus favorablement considéré, et pour aultres bons et
justes respectz nous mouvans, avons retenu... ledict Mre
Nicole Remy en estat de conseillier en nostre Conseil
privé... et aux gages de quatre cens frans par chacun
an, que luy avons ordonné et establi, pour cause dudict
estât; et moyennant quoy, les deux cens frans qu'il
souloit tirer de nous d'estat de secrétaire, demeureront
estainctz... en quoy sy néaulmoins n'entendons
comprendre son estat d'eschevin, que voulons estre par
luy exercé comme il faisoit auparavant... »
(20) De Rogéville, Dictionnaire, T. I, p. 369. - Dom
Calmet, T. III, col. cxxxiii-ccxxxiv, et T. V, col.
885-886.
Quand on se pourvoyait au conseil du prince, au lieu de
dire appel, On disoit plainte; et on consignait une
amende de 30 fr.
Le duc siégeait en personne, dès huit heures du matin,
entouré des princes de sa Maison, des conseillers d'Etat
et des quatre maîtres des Requêtes.
« Le maître des Requestes en quartier rapportoit les
requêtes sur lesquelles on prenoit résolution; après on
faisoit entrer les avocats et leurs parties seulement;
ceux dont il falloit plaider la cause, qui étoient
introduits par l'huissier du conseil. Ils plaidoient
avec leurs robes et têtes nues devant le duc, après une
révérence. L'avocat plaidoit sommairement et
cavallièrement celui qui déduisoit le fait plus
nettement et brièvement était le mieux écouté ; on y
mêloit quelques raisons de droit que l'on vouloit ; on
répliquoit de même sur-le-champ; et après avoir conclu,
les parties et les avocats sortoient. On opinoit et le
maître des Requêtes dressoit l'arrêt en son logis, qu'il
rapportoit le lendemain au même conseil, pour voir si c'étoit
l'intention du Duc et de son conseil. Il y avoit des
secrétaires du Conseil qui retiroient des mains du
maître des Requêtes en quartier, les requêtes cottées et
les minutes des arrêts, qu'ils mettoient en forme sur
papier, les faisoient signer par le duc et les
contresignoient pour les délivrer aux clients; car
toutes expéditions du conseil étoient signées du duc. »
Les recours en grâce se jugeaient aussi sur le rapport
du maître des Requêtes en quartier, qui se faisait
apporter les informations « et si le duc tenoit le cas
rémissible, il accordoit la grâce par un simple décret,
sans autres frais. »
(21) B. 61, f° 197. Lettres patentes.
« ...Comme nous ayons appellé. George Mainbourg à l'estat
de maistre des requestes en nostre hostel, et, par
raison de ce, l'estat de procureur général de Lorraine,
qu'il souloit tenir par cy-devant, soit présentement
vacquant et de besoing y prouvoir et establir personnage
capable et à nous fidel, affin que noz droictz,
aucthoritez et jurisdictions soient bien et diligemment
gardées, conservées et maintenues, et nostre peuple
soulagé et secouru de justice; sçavoir faisons que,
recongnoissant de longue main les scavoir, expériance,
suffisance, preudhommie, dilligences et autres bonnes et
louables parties estans en la personne de nostre
très-cher et féat conseiller d'Estat et eschevin en la
justice de Nancy, Nicol Remy, ainsy que les effects nous
l'ont faict congnoistre depuis vingt deulx ans que nous
l'avons appelle à nostre service, tant en l'estat de
lieutenant général au bailliage de Vosges, secrétaire
ordinaire des nostres, eschevin de ladicte justice de ce
lieu et conseiller en nostre conseil privé, qu'aultres
plusieurs notables commissions particulières èsquelles
nous l'avons emploié, où il se seroit comporté
tellement, que nous avons recongnu le fruict de son
labeur au bien et advancement de nostre service et à
nostre contantement; nous, pour ces causes, avons ledict
Remy créé, ordonné, nommé... nostre procureur général au
duché de Lorraine. luy donnant pouvoir, puissance,
commission et mandement spécial de garder, poursuivre,
pourchasser, démener et deffendre toutes et une chacune
noz causes, prétentions, demandes, actions et dénonces
contre tous et envers tous, tant en demandant qu'en
deffendant, et faire poursuittes de toutes amendes,
excès commis et détictz qui se feront et commettront en
nostredict duché, à ce que pugnition et corection s'en
ensuivies sans estre délaisses, impugnés, et
générallement faire, dire, procurer et besongner en tout
ce qu'il congnoistra. estre requis pour la conservation
de noz droictz et aucthoritez, ainsy qu'à bon et loial
procureur appartient, et mesmement de prouvoir et faire
substitutz audict duché, où il verra estre de besoing,
manutention de nozdictz droictz et auchtoritez, et ainsy
que par cy-devant ses prédécesseurs audict office ont
accoustumé faire à condition que, pour la taxe de la
finance dudict estat, il nous paiera la somme de deux
mil cinq cens frans... Au moyen de quoy avons permis...
audict Remy qu'il puisse disposer librement, en son
vivant, vingt jours avant son décès, dudict estat de
procureur, à personne capable et ydoine, en nous paiant
la quart partie de ladicte somme de deux mil cinq cens
frans. »
Les gages du Procureur général de Lorraine étaient de
cinq cents francs et ceux de son substitut de Nancy, de
cent francs le substitut de Lunéville n'en recevait que
trente.
(22) De Rogéville, Dictionnaire t. II, p. 224-226.
(23) M. Victor de Saint-Mauris, décédé le 27 août 1868,
membre honoraire de l'Académie de Stanislas, Études
historiques sur l'ancienne Lorraine, T. I, p. 133. - Dom
Calmet, Histoire, T. III, col. CCXXXI-CCXII, T. V, col.
CCXLIII-CCXLVI, et p. 882-883. - M. le comte d'Haussonville,
T. I, p. 430-439. - Augt. Digot, Mémoires de l'Académie
de Stanislas, 1854, p, 29-138.
(24) De Rogéville, Dictionnaire, T.II, p. 225. -
Règlement établi par les Etats du 4 décembre 1532, art.
6 : « Il ne commettra aucuns substituts ès villes ou
l'on a accoutumé en avoir, qui ne soient gens de bien et
de bonne fame, diligens et sçavans à entendre les
affaires de notre souverain seigneur et à ses dépens. »
(25) Dom Calmet, Histoire, T. V, col. 857-864. - Mme la
comtesse d'Armaillé, Catherine de Bourbon, soeur de
Henri IV, 1559-1604 p. 246-316.
Charles III voulait, par sa condescendance et ses
bontés, faire oublier à sa bru la froideur de l'accueil
que la catholique Lorraine faisait à la fervente
calviniste. Les mortelles tristesses de la Fille de
France ont inspiré à une plume féminine et
très-aristocratique quelques pages pleines de charme et
de vérité.
(26) B. 70, f° 109, V. Lettres patentes, et B. 1292, f°
180 vo. XIe compte du Trésorier Général de Lorraine,
Claude de Malvoisin. - De Rogéville, Dict., T. II p.
257.
« ...Receue avons l'humble supplication et requeste de
nostre très-cher et féal conseiller en nostre Conseil d'Estat
et procureur général de Lorraine, Mre Nicolas Remy,
contenant que jà par longue espace d'années, il
entretient aux estudes ung sien filz, nommé Claude Remy,
présent résidant et receu en estat d'avocat en court de
Parlement à Paris, eu intention de le rendre idoinne et
capable pour estre emploie à nostre service nous
suppliant tres-humblement, suivant le pouvoir à !uy
donné par noz lettres d'institution et establissement
dudit estat de procureur général de Lorraine, d'en
prouvoir iceluy son filz. Sçavoir faisons qu'aians en
bonne et favorable recommandation les agréables et
fidelz services dudit Nicolas Remy, père, mesmement nous
estans amplement informés des sens, suffisance,
capacité, sçavoir et expérience dudit Claude Remy, filz,
nous, pour ces causes et autres bons respects nous
mouvans, notamment en faveur de nostre très-chère et
très-amée belle-fille Madame la duchesse de Bar, qui
nous a prié et requis, avons, dès à présent, créé,
nommé, estably. ledit Claude Remy, filz, en estat et
office de nostre procureur général... Et affin de donner
audit Remy, filz, tant plus de moien et commodité de
continuer, poursuivre ses estudes et se façonner à la
praticque en ladicte court de Parlement à Paris, pour le
rendre tousjours tant plus ydoine et capable à exercer
ledit estat de procureur et s'acquicter d'autres
affaires ausquelles il pourra estre employé pour nostre
service, nous avons octroié et permis. audit Nicolas
Remy d'exercer ledit estat et office de procureur
général de Lorrainne et d'en con tinuer les charges et
fonctions tant et sy longuement qu'il voudra, soit en
l'absence ou en la présence d'iceluy Remy, son filz, et
sans que pour ce néantmoins il soit de besoing ny
nécessaire que ledit Claude Remy, filz, en obtienne
cy-après autres provisions ny lettres de nous plus
expresses, nonobstantes toutes ordonnances que pourrions
avoir faictes cy-devant, contraires à la teneur de
cestes, et ausquelles nous avons pour ceste fois
dérogé... »
C'est en 1606 que Claude Remy a touché ses gages pour la
première fois d'où l'on doit induire que c'est à cette
époque aussi qu'il a pris possession effective de sa
charge et que son père y a définitivement renoncé.
Claude Remy a été remplacé comme procureur général de
Lorraine par Claude d'Hacourt, le 16 juillet 1631.
(27) B. 1215, f° 387 v° et 413 v°. B. 1217, f° 373 v° -
B. 1244, f° 338. - B. 1257, f° 340. - B. 1261, fos 262,
265, 266. - B. 1265, f° 281 v°. - B. 1268, f° 270 v°. -
B. 1274, f° 239, 240 v°. - B. 1285, f° 238. - Comptes du
trésorier général de Lorraine pour les années 1588,
1589, 1596,1599,1600,1601,1602,1603,1605.
Nicolas Remy se transporta seul, pour le service de Son
Altesse, à la Mothe en 1587, à Pont-à-Mousson en 1589, à
Toul en 1596.
Des difficultés s'élèvent, en 1599 avec le comte de
Zollern, en 1600 avec le duc de Deux-Ponts et le comte
de Nassau, en 1602 avec la France et le pays Messin, en
1603 avec les Maître-Echevin, Treize et Communauté de
Metz, en 1605 avec le comte de Nassau et, pour les
aplanir, Nicolas Remy assiste, au nom de son maître, à
des conférences ouvertes à Bitche, à Hornbach, à Toul, à
Nomeny, à Saint-Avolt.
Il avait pour collègues, tantôt le sr de Raigecourt,
gouverneur de Bitche, le lieutenant général du comté de
Vaudémont et François Lepois ; tantôt Jacques Bournon,
président de la Cour des Grands-Jours de Saint-Mihiel,
Georges Mainbourg, conseiller d'Etat, et Jean Bourgeois,
procureur général de Lorraine et Barrois tantôt le baron
de Créhange, bailli d'Allemagne.
La dépense de ces commissaires s'élevait quelquefois à
des sommes assez importantes 295 fr., 399 fr., 779 fr.,
800 fr., 2,004 fr.
(28) B. 1240, f° 298, v°. Compte du trésorier général de
Lorraine. Dom Calmet, Hist. de Lorraine, T. V, col.
758-759 et Notice de la Lorraine, v°, Marsal - Artézé de
la Sauvagère, Recherches sur la nature et l'étendue d'un
ancien ouvrage des Romains, appelé communément
Briquetage de Marsal, avec un abrégé de l'histoire de
cette ville, p. 33-35.
Henri Lepage, Le département de la Meurthe, statistique
historique et administrative, 2° partie, p. 353; et Les
communes de la Meurthe, T. II. p. 9-10.
Mandement du 25 janvier 1594 : « Au sieur Nicolas Remy,
Procureur Général de Lorraine, la somme de cent quarante
sept francs, neuf gros, huit deniers, pour remboursement
de semblable somme qu'il a fraié et despencé, allant, de
l'ordonnance de Son Altesse, prendre possession de
Marsal, ses appartenances et dépendances au nom
d'Icelle... »
Le traité de paix de Saint-Germain-en-Laye, conclu en
1594, entre le roi de France Henri IV et le duc de
Lorraine, ne faisait qu'affermir aux mains de ce dernier
la propriété de Marsal que, par un contrat d'échange du
14 décembre 1593, le cardinal de Lorraine, évêque de
Metz, avait cédée au duc Charles III, son père.
(29) Nisard, Histoire de la littérature française, liv.
III, ch. 5 § 5.
(30) J.-F. Huguenin, Les chroniques de la ville de Metz,
p. 112, 253, 259, 285, 287, 676. - Journal d'Aubrion,
Bourgeois de Metz, p. 200-204. - Histoire générale de la
ville de Metz, par des Religieux Bénédictins de la
Congrégation de St-Vannes, T. II, p. 651. - Journal de
Jean Bauchez, p. IX-X, 219-220.- Procès pour sorcellerie
et jugements rendus par les justices de Metz,
Plappeville, Antilly, Woippy, Valières, Vezon, Sainte-Iure,
Talange et Vic pendant les années 1576, 1588, 1594,
1595, 1602 et 1622, avec les informations, dépositions
de témoins et condamnations.- Catalogue des manuscrits
de la ville de Metz, n° 9. Dom Calmet, Hist. de Lorr.,
T. VII, col. 30-35.-Lionnois, T. II, p. 349-363.-
Richard, Traditions populaires, croyances
superstitieuses, usages et coutumes de l'ancienne
Lorraine, p. 256. - M. Viville, Statistique du
département de la Moselle, T. II, p. 212-213, 320-322,
392, 420, 445-446. - Dumont, Justice criminelle, T. Il,
p. 23-61 et 69-95. - E. de Bouteiller, Les sorciers de
Plappeville. L'Austrasie, revue de Metz et de Lorraine,
T. III, p. 149-164. - Louis Spach, Lettres sur les
archives départementales du Bas-Rhin, p. 247-250. -
Renouard, Histoire de la médecine, T. II, p. 117.
Si ce fut surtout au XVIIe siècle que les prétendus
sorciers désolèrent la Lorraine, ils y avaient fait
longtemps auparavant leur première apparition; dès le
XIVe le pays messin en comptait déjà quelques-uns.
En 1372, a une bourgeoise de Mets, nommée Bietris, fille
a de Symon de Halefedange, et son mari et deux aultres
femmes, furent arses entre les deux ponts, pour tant
qu'elles usoient de certains voeulx et charmes et
auttres cais deffendus par a l'esglise, et pour le
pareil cas fut prins Willamme de Chambre, a nepveu à
maistre Williamm le seelleur, lequel s'estrangla en a la
prison et fut trayné en l'isle et lié à ung pal; et là
fut ars a comme les aultres, tout mort quil estoit. »
Plus tard, en 1445, « on prit à Verdun trois sorcières
servantes de tous les ennemis de l'enfer qui par leurs
sortilèges firent tonner, grêler et causèrent des
tempêtes si furieuses que les bleds, les vignes et les
maisons de plusieurs villages furent saccagés. La
première, appelée Jeannette, étoit boiteuse; elle avoit
déjà élé prise à St-Germain-les-Metz, pour un fait à peu
près pareil et avoit été marquée au visage avec un fer
chaud, avec menace de la brûler, si jamais elle
récidivoit. Elle fut reprise du côté de Verdun pour
avoir recommencé ses maléfices. Après lui avoir refait
son procès, elle fut a marquée de nouveau au visage et
condamnée au feu. Le nom qu'elle portoit dans les
assembtées de sorciers étoit Lochatte, celui du diable
son maître Cloubaut; l'hommage qu'elle lui rendoit
consistoit à lui baiser le derrière. La seconde, nommée
Jeanne s'appeloit dans les assemblées, Chamet; elle
avoit pour maîtresse Marquelse et pour maître Carbolette,
à qui elle baisoit le dos. La troisième, enfin, appelée
Didet, femme du maître échevin de Verdun, se nommoit
dans les assemblées Hapillat et avoit pour maîtresse
Jacobée et pour maître Grispanier, qu'elle baisoit sur
la bouche et à qui elle offroit les rognures de ses
cheveux et de ses ongles, au lieu que les deux autres
offroient une poule. Celles-ci furent brûlées, et la
femme du maître échevin, en considération apparente de
son état, fut sauvée. »
A partir de cette époque, sous l'influence croissante de
l'ignorance et de la misère, les sorciers devinrent de
jour en jour plus nombreux, et l'histoire locale n'eut
plus qu'à enregistrer à chaque page, avec leurs tristes
exploits, les sanglantes représailles d'une société
troublée par la peur.
Il ne faut pas croire, du reste, que la Lorraine
souffrait seule de ce mal étrange; l'Europe entière
semblait, comme elle, frappée de vertige les pays
protestants eux-mêmes n'échappaient pas à la contagion,
et on ne doit pas s'en étonner, quand on songe que
Luther partageait, à l'égard des sorciers, les préjugés
du vulgaire et racontait ses luttes incessantes avec le
diable qui, sous la figure d'un moine, venait argumenter
avec lui.
(31) Recueil de documents sur l'histoire de Lorraine,
868. Extrait des coupures de Bournon, p. 35. - Aug.
Digot, Hist. de Lorr., T. V, p. 115-116.
Les prédécesseurs de Charles III s'étaient montrés moins
sévères que lui. Le duc Raoul se contentait de décréter
« que celui qui feroit magie, sortiléges, billets de
sort. seroit honni et payeroit 10 livres tournois » et
le duc Antoine ordonnait, à son tour, en 1529, « que
l'on ne procédât pas légèrement à sa prise, si doncques
ne fust qu'il y eust partie formelle. »
(32) Sprengel, Histoire de la médecine, T. III, p. 232.
- Michetet, la Sorcière, 4° édit., p. 198. - P. de
Lancre, L'incredulité et mescréance dv Sortilége
plainement convaincve, ov il est amplement traicté de la
vérité ou illusion du Sortilége, de la Fascination, de
l'Attouchement, du Scopelisme, de la Diuination, de la
Ligature ou Liaison Magique, des Apparitions ; et d'une
infinité d'autres rares et nouveaux subjects, p.584.
Huit où neuf cents ! ce chiffre est énorme, sans doute;
mais il le fut bien davantage ailleurs. Dans le seul
électorat de Trèves, il s'éleva à six mille cinq cents
en quelques années ! A Toulouse, quatre cents
démonolâtres montèrent au bûcher en un jour sous le
règne de François Ier, cent mille furent, en France,
déférés à la justice
(33) NtGOLAI REMIGII Sereniss. Dvcis Lotharingiae a
concitiia interioribvs, et in eivs ditione Lotharingicâ
cognitoris publici DENONOLATRAE LIBRI TRES. - Ex
Iudiciis capitalibus nongentorum plus minus hominum, qui
sortilegii crimen intra annos quindecim in Lotharingiâ
capite luerunt. - Ad illustrissimum Principem,
amplissimumque Cardinalem Carolum a Lotharingiâ -
Lvgdvni. in officinâ Vincetii, M.D.XCV. - In-4° prelim.
12 ff. y compris le titre texte, 394 p.
La Démonolâtrie a été, l'année suivante, imprimée à
Cologne et à Francfort : Colonioe Agrippinae apud
Henricum Falkenburg, anno 1596. pet. in-8°. -
Francofvrti in officinâ Palthenii. M.D.XCVI. pet. in-12.
L'éditeur de Francfort a ajouté au titre primitif :
Miris ac iucundis narrationibus, variarum naturalium
qusestionum ac mysteriorum Daemonicorum discussionibus,
valde suaues et grati, adque sales mouendos inprimis
apti. »
Mes renvois se réfèrent tous à l'édition française, de
beaucoup la plus belle et la meilleure.
« (34) Demonolatria, ad lectorem, in fine.
« Quamquam hic mihi bene conscius sum, nihil certandi
scripsisse studio, nihil quo ex argumenti novitate
admirationem moverem, gratiam captarem; sed tantùm in
eum veritatis scopum, quo muiti alii, quorum tamen minus
instructa esset jaculis pharetra, quam nostra nunc est,
collimasse (sic) atque oculorum aciem direxisse. »
(35) Id., epistola dedicatoria, in medio.
« Sed cùm hoc ne sic quidem validum ad persuasionem
videretur (quis enim, eo orationis genere, ipsam etiam
veritatem mendacii suspectam non habeat ?) adhibui quae
ad eam assearendam momenti atque authoritatis plurimum
apud homines habere solent, rerum, personarum, locorum,
atque temporum, quae intercessissent, peculiarem, certam
ac luculentam desiagnationem. »
(36) Id., ibid. et lib. III, cap. 1 et 12, p. 305 et
580.
« Verum cùm ea sive deliratio, sive impietas habeat
conjunctam atque implicatam societatem veneficii
aliorùmque scelerum quae se facilè produnt, mirum est
quod aliquando ex fumo ignem non deprehenderint. »
Nicolas Remy déclare ailleurs, à deux reprises
différentes et à peu près dans les mêmes termes, que
vouloir expliquer les sortilèges et les maléfices, par
des causes naturelles, c'est vouloir mesurer ou toucher
le ciel en étendant la main.
« Quae omnia si quis velit ad certum naturae modum atque
ordinem referre, nihilo plus agat quam si caelum, passâ
a manu, demetiri tentet. »
« Ut qui velit ea ex causis naturalibus aestimare,
nihilo plus agat, quam si conetur digito ipsum coelum
attingere. »
(37) Id., epistol. dédic.
« Certè mihi cui à tôt annis contigil de iis qua; in
Lotharingia capitaliter admissa sunt judicia exercere,
jam nihil reliqui esse putavi, quin pleraque omnia, quae
de istiusmodi maleficiis vel ad prodigium narrantur vera
ducerem, an praeterea qualia ipse ex quaestionum quae de
iis habitae in manus meas pervenere inspectione comperi,
mémoriae ac litteria proderem. »
(38) Doempl. ad lectorem, in fine.
« Fit enim ut, quae quis praesens vel vidit, vel audivit,
ea orationis majore narret fiduciâ, praefacriusque,
adversus eos qui contrà sentiunt, defendat.é
(39) Id., lib. I, cap. 7 et 23.
(40) Id., lib. I.cap.
(41) Id., lib. I, cap. 18.
(42) Id., lib. I, cap. 5, p. 47 et 48. - J.-J. Lionnois,
T. II, p. 355-353. - Dumont, Just. crim., T. II, p.
34-35.
En indiquant que quelquefois le Démon choisit pour
déposer son empreinte l'endroit du corps où s'est faite
l'onction du Baptême, Nicolas Remy le compare au voleur
de brebis qui, après avoir effacé la marque du
propriétaire, y substitue la sienne.
« His adeo barbarae atque inhumanae servitutis veluti
tesseris inustos ac insignitos etiamnum hodie habet
Diabolus quos recens sibi addixit praecipueque, aiunt
non nulli, eâ in parte corporis quae, à sacrorum
Antistite in die cujusque initiali chrismate fuit
delibuta, uti fures abacti pecoris signa suis impressis
immutare solent. »
Et cette marque du démon n'était pas seulement
insensible, une aiguille profondément enfoncée dans la
chair n'en faisait pas sortir la plus petite goutte de
sang. « Et quod magis mirum a videri possit, totus ille
locus ita exsanguis est ac sensu labefactatus, ut ne
admissa quidem acus altissimè aut dolorem faciat, aut
sanguinis minimum eliciat. »
Aussi les magistrats commençaient-its presque toujours
par faire rechercher sur toutes les parties du corps,
même les plus secrètes, cet endroit privé de sensibilité
et de sang, sans prendre le moindre souci de la pudeur
de l'accusé ou de l'accusée, et en appelant à leur aide
ou le bourreau ou la personne vile du lieu. « Idque ita
jam pro comperto habent rerum capitalium vindices, ut
inde quaestionis ac tormentorum saepe initium faciant.
(43) Doemonol. lib. l, cap. 6.
(44) Id., lib. cap. 20, p. 144.
« Sed praetera, dictu indignum ! ab invitis ingerenda
esse oscula Daemonis podici, postquam is sese immutavit
in hircum horridum ac muttô gravius olentem quam haedi
solent ineunte brumâ, multi memorant. »
(45) Id., Iib. i, cap. 15.
(46) Id., ibid.et cap.17.
(47) Id., lib. III, cap. 12, p. 386. - Pierre de Lancre,
Tableav de l'inconstance des mauvais des Anges et
Démons, ou il est amplement traicté des Sorciers et de
la Sorcellerie. Livre très vtile et nécessaire non
seulement aux luges, mais à tous ceux qui viuent sous
les loix Chrestiennes - Avc un discours contenant la
procédure faicte par les Inquisitions d'Espagne et de
Navarre à 53 magiciens, Apostats, luifs et Sorciers en
la ville de Logrogne en Castille, le 9 novembre 1610. En
la quelle on voit combien l'exercice de la lustice
enFrance est plus iuridiquement traicté, et auec de plus
belles formes qu'en tous autres Empires, Royaumes,
Républiques et Estats. Liv. Ier, Disc. 3, chap. 2, p.
54. - J. Bodin, La Démonomanie des Sorciers. - Le
docteur Félix Marchal, tableau historique, chronologique
et médical des maladies endémiques, épidémiques et
contagieuses qui ont régné à Metz et dans le pays
messin, depuis les temps les plus, reculés jusqu'à nos
jours, p. 216.
« Sed mares, licèt id infrequentia quidem, aequè sibi in
hoc obsequii genere devotos, addictosque habet Daemon. »
Tout en reconnaissant avec Nicolas Remy que les hommes,
eux aussi, devenaient les disciples du diable, les
autres démonologues constatent que le fait était
très-rare; Jean Bodin va même jusqu'à prétendre, dans sa
réfutation du livre de Wyer, qu'il y avait cinquante
sorcières pour un sorcier, et quand Pierre de Lancre
cherche à expliquer cette singularité, il ne trouve rien
de mieux que ceci
« Bodin dict très bien que ce n'est pas pour la
foiblesse et fragilité du sexe, puisqu'on voit quelles
souffrent la torture plus constamment que les hommes...
ce seroit plus tôst la force de la cupidité bestiale qui
pousse et réduit la femme à des extrémitez es quelles
elle se iette volontiers pour ioüir de ses appétits,
pour se venger, ou pour autres nouueautez et curiositez
qui se voyent es dictes assemblées. »
Dans sa savante et fidèle nosographie messine, M. le
docteur Maréchal exprime à peu près la même opinion,
mais en un langage dont la science atténue la crudité.
« Nous ferons remarquer sans y insister pour le moment,
combien le nombre des femmes condamnées comme sorcières
est infiniment plus considérable que le nombre des
hommes accusés du même fait; cette disproportion n'a
rien d'étonnant quand on songe à la fréquence des
hallucinations chez les femmes et à l'impressionnabilité
physique et morale dont les hystériques et les chloro-anémiques
sont douées. »
(48) Daemonol. lib. III cap. 6.
(49) Dumont, T. Il, p. 53-54. - Dom Calmet, Hist. de
Lorr., T. VII, col. 32.
Magistellus, ce mot, diminutif de magister, se retrouve
sans cesse sous la plume de Nicolas Remy. - Le Diable
avait en Lorraine différents noms Persin, Persil, Napnel,
Joli-bois, Saute-Buisson, Verdelet, Bonnot.
(50) Daemonol. lib. I cap. 13 et lib. III, cap. 6.
(51) Id., lib. I, cap. 4, p. 46. « Nihit eorum quae
promittunt ex se tradere possunt daernones ; sed visu
tantum quaedam inania suis cultoribus afferunt, varia
prorsus et instabilia... testas ac carbones... arborum
folia... calculum ferrugineum, qui etiam contractu primo
facilè in frusta dissiliret. »
(52) Id., lib. I, cap. 6.
(53) Id., lib. II, cap. 7, 12, 13, 14, 15.
(54) Id., lib. I, cap. 2, p. 36-37.
« Minutum pulverem, primo quoque congressu, administrat
diabolus, qui morbi necisve certissimam, cui ita
constituerit, causam praebeat.eum qui necat atri, qui
morbum tantum facit cinertiti, aliquando etiam ruffi
esse coloris;... tertium accipiunt albi coloris, cujus
vel aspersione, vel in esculentum poculentùmve
immissione, morbus proputsetur. »
(55) Id., lib. I, cap. 3 et 14, p. 120 lib. II, cap. 3.
(56) Id., lib. I, cap. 25.
(57) !d., lib. I, cap. 14, p. 120. « Sed, ut ad
intermissum de nocturnis illis conventibus sermonem
redeam, juvat, quo magis eorum veritatem adjuvem, modum
quoque et viam, quâ ad illos properatur, exponere. Ac
primùm vulgatissima ea ab omnibus perhibetur, quae per
camini vaporarium esse consuevit. »
(58) ld., lib. I, cap. I, p. 121; cap. 17, p. 134-135 et
cap. 18.
« Quibus omnibus et hoc obiter non erit absurdum
adjicere, quod de die, quo sic unà conveniunt, ab illis
vulgo dicitur... Omnes quorum quaestiones capitales
hactenus in Lotharingià expendere licuit, non aliis
noctibus, quàm quae proximè praecedunt diem vel Jovis,
vel Dominicum, ejusmodi conventus agitari autumant.
« Porro circulares esse omnes choros, qui sic agitanlur,
atque ab aversis saltatoribus, uti una Gratiarum in
choro depingitur, tripudiari affirmant sagae... Addit
Sybilla Morelia gyrum semper in loevam progredi. Dubium
quae tam praeposteri ordinis causa atque occasio, nisi
si forte ea est, ne se recta atque ex adverso intuentes
tam facilè agnoscant. Nam non leve periculum esse putant
in judicio, quod qui ejus sceleris fiunt manifesta de
conseils saepè apud quaestorem vi tormentorum
profitentur. Ob idque et saepè personati, ut alibi
dictum a est, conveniunt. »
(59) Doemonol. lib. i, cap. 16, p. 127-128.
« Ac primùm in confesse est omnibus, quos sic daemon sua
dignatur mensâ, adeo omnes ejus epulas sordere, sive
earum apparatus oculis, sive odor naribus percipiatur,
ut vel famelico ac latranti stomacho facilè nauseam
parere possint... Cibos illic, aiunt, apponi omnium
generum, sed adeo viles, illiberales, ac malè conditos,
ut vix sint vescendo. Nicolaus Morelius ita tristem,
austricum atque atque amarum esse illis gustum, ut
sumptos confessim, prae molestia, sibi necesse
fueritexpuere. Vinumpraetera, instar atri atque
insynceri sanguinis, in sordido aliquo simpulo
epulonibus solitum propinari. »
D'autres moins difficiles ou moins sincères que Nicolas
Morel prétendent qu'à ce banquet du diable, rien ne
manquait que le pain et le sel : « Nullarum feré rerum
copiam illic deesse praeterquam salis et panis. »
(60) Doemonol. lib. t, cap. 19, p. 141.
« Ergo miris modis illic miscentur ac turbantur omnia,
nec ullâ oratione salis ;exprimi queat, quàm strepant
sonis inconditis, absurdis ac discrepantibus. Canit hic
ad tibiam, vel veriùs ad contum aut baculum aliquod,
quod fortè humi repertum buccae, ceu tibiam admovet...
Ille pro lyra equi calvariam pulsat ac digitis concrepat...
Alius fuste vel clava graviore quercum tundit; unde
exauditur sonus ac boatus veluti tympanorum vehementius
pulsatorum. »
(61) ld., lib. I, cap. 14, p. 110.- Histoire de Metz t.
III, p. 165.
« Res est controversa et plena dissensionis, inter eos
qui haec sagarum tractant portenta; eae ne reverà ad
illos quos sic jactant daernonum conventus avolent ac
présentes iis adsint.. Nam et certis authoribus
compertum habemus extitisse, quae, cùm domi, imù in
eodem cùm marito cubili, manifestè pernoctassent,
recenserent tamen postero manè, ac confidenter dicerent
multa ad ejusmodi conventus pertinentia, quibus se
superiore nocte interfuisse affirmarent. »
Aux auteurs dont il parle ici, Nicolas Remy aurait pu,
cinquante ans plus tard, ajouter le célèbre Gassendi,
dont le témoignage se fortifie de la confiance qu'il a
inspirée, même en cette matière délicate, aux savants
Bénédictins. « Ce philosophe, chanoine et prévôt de la
cathédrale de Digne, rapporte qu'un jour étant allé dans
une terre de sa prévôté, il vit, en y arrivant, les
paysans attroupés autour du berger du lieu. Il en
demanda le sujet. On lui répondit que ce berger était
sorcier. Notre savant charmé de s'instruire par lui-même
du fait de la sorcellerie, demande qu'on lui confie le
berger. Il le mène en sa maison, l'interroge et le
berger confesse qu'il est réellement sorcier, qu'il ira
au sabbat la nuit prochaine; que M. Gassendi
l'accompagnera, s'il le veut. Le philosophe accepte la
proposition et dit à cet homme de l'avertir de l'heure
du départ. Lorsqu'elle fut venue, le berger tira de sa
poche un pot de graisse, dont il avala une certaine
quantité et dit à M. Gassendi de faire de même. Celui-ci
feignit de ne pouvoir prendre cette graisse qu'il ne
l'eût mise dans du pain à chanter; prit le pot, entra
dans son cabinet, substitua de la confiture à la graisse
et vint se mettre au coin du feu près du berger qui se
coucha par terre. Il ne tarda pas à s'endormir, et dès
que la graisse commença à se digérer, il entra dans une
agitation extraordinaire, qui dura jusqu'au lendemain
matin qu'il s'éveilla et dit à M. Gassendi : Oh ! oh !
monsieur, on vous a fait bien de l'honneur; vous avez
baisé le cul du grand bouc, etc. Ce pauvre malheureux
croyoit avoir été au a sabbat, et n'avoit pas changé de
place. »
(62) Doemonol. lib. II, cap. 5, p. 237.
(63) Id., lib. i, cap, 6.
(64) Dumont, Justice criminelle, T. I, p. 78-90 et T.
II, p. 34. - Doemonol. lib, m, cap. 8, p. 351 et 355.
M. Dumont a, en termes souvent indignés, décrit avec une
saisissante exactitude toutes les phases de cette
procédure impuissante et barbare dont Nicolas Remy
appelle les moyens de preuve, c'est-à-dire les
instruments de supplice, exquisitae Judicis artes, comme
il appelait la misère de la prison, le commencement du
salut, carceris miseria salutis initium.
(65) Mémoires du marqui de Beavau pour servir à
l'histoire de Charles IV, p. 10-11 - Calmet, Histoire de
Lorr., T. VI, col. 41-42, note. - J.-J. Lionnois, T. Il,
p. 344-349 et 373-376.- Chevrier, Hist. de Lorr., T. IX,
p. 75-76.- Henri Lepage, André. des Bordes ; Episode de
l'histoire des sorciers en Lorraine. Bulletins de la
Société d'Archéologie Lorraine, T. VII, p. 5-55. - M. le
comte d'Haussonville, T. p. 155-158. - Dumont, T. II, p.
198-200. - Aug. Digot,T.V,p. 120.
L'accusation de sorcellerie était une arme des plus
redoutables dans la main d'un adversaire ou d'un ennemi.
Il suffisait qu'un sorcier ou, une sorcière, aux prises
avec le tourmenteur, signalât l'homme. le plus innocent
et le plus inoffensif du monde comme l'ayant vu au
sabbat, pour que cet homme devînt bientôt lui-même un
accuse. Les situations les plus élevées ne mettaient pas
à l'abri d'une poursuite et en devenaient quelquefois
l'occasion. Sans remonter jusqu'à Jeanne d'Arc, ce pieux
et touchant symbole du dévouement, de l'abnégation et du
patriotisme, notre histoire locale a conservé le
souvenir de deux noms qui mettent en vive lumière cette
triste vérité. André Desbordes, seigneur de Gihaumeix et
Melchior de la Vallée, chantre de la collégiale
Saint-Georges, avaient été les familiers et les conseils
du duc,Henri; à la mort de ce, prince, son neveu, depuis
Charles IV, ne leur pardonna point de s'être, autant
qu'ils le pouvaient, opposés à son mariage avec la
princesse Nicole, en recommandant de préférence le baron
d'Ancerville, bâtard d'un Guise. Pour se venger d'un
fait qu'il aurait eu grand peine à élever à la hauteur
d'un crime, il leur imputa des sortiléges et six
commissaires, plus faciles à convaincre que des juges,
acceptèrent cette imputation comme une réalité.
Le marquis de Beauvau raconte ainsi ce qu'il savait de
ce curieux procès
« Dans le commencement du règne, un nommé Desbordes,
valet de chambre, et fort affectionné au feu duc Henri,
avec un autre homme dit le chantre l'un de ses
aumôniers, et qui avait eu aussi grande part en ses
bonnes grâces, furent poursuivis criminellement, étant
tous deux soupçonnés de sortiléges. Le sieur Sarazin,
échevin en la justice de Nancy, assez crédule et
rigoureux, à ce que l'on dit, sur cette matière, leur
fut donné pour commissaire, et les ayant jugés
suffisamment convaincus de ce crime, il les condamna à
être a brûlés; ce qui fut exécute. Pour le premier, j'ai
oui dire qu'il avoit fait souvent certains tours de
souplesse de corps, qui paraissoient extraordinaires, et
même surnaturels, et qu'il avoit confessé son crime sur
le point d'être exécuté; mais pour le chantre il mourut
constamment, sans le vouloir jamais avoüer, protestant
toujours qu'il n'en étoit point coupable. Il confessa
seulement qu'il ne laissoit pas de mériter justement la
mort, pour divers sacriléges qu'il avoit commis, comme
d'avoir déjeuné quelquefois avant de dire la messe, et
d'être tombé dans d'autres irrégularités. Cependant,
comme c'étoit lui qui avuit baptisé la duchesse Nicole,
ce fut une des causes qu'on allégua depuis, pour la
prétendue dissolution de son mariage d'avec le duc son
mari, sur ce qu'ayant été baptisée par un sorcier, il n'avoit
pu conférer ce sacrement. Que le duc présupposoit avoir
épousé une chrétienne et qu'elle ne pouvoit l'être faute
du baptême. Qu'ainsi ayant été abusé, le mariage par
conséquent était nul. »
Dom Calmet est venu à son tour compléter, en ce qui
touche André Desbordes, le récit de l'historien de
Charles IV :
« On raconte de lui une infinité de faits fort
extraordinaires; par exemple qu'il ordonnoit aux
personnages d'une tapisserie de se détacher et de venir
faire la révérence à la compagnie; qu'il commanda un
jour à trois pendus de descendre et de venir faire la
révérence au duc Henri et qu'ils obéirent; qu'il avoit
une boîte à plusieurs cellules, qu'il dressoit une table
qui se couvroit de toutes sortes de mets, à mesure qu'il
ouvroit les petites chambres de sa boite qu'il se
mettoit à cheval sur un tonneau et s'en servoit comme
d'une monture. Un de ses témoins l'accusa de l'avoir
rencontré hors de la porte Notre-Dame qu'on venoit de
fermer sur le soir et que lui ayant dit qu'il voudroit
qu'on lui donnât du pied au c... et qu'il fût dans son
lit; qu'il reçut de lui ce coup et qu'effectivement ce
même soir il s'étoit trouvé dans son lit. »
C'est sur la foi d'allégations aussi absurdes qu'on
condamnait au dernier supplice même les gentilshommes,
quand la vengeance, la jalousie ou l'intérêt leur
suscitaient des dénonciateurs.
La sentence de mort prononçait toujours la confiscation
des biens du condamné; et, avec sa malveillance et sa
légèreté ordinaire, Chevrier suspecte l'impartialité du
prince ou du seigneur haut justicier que cette
confiscation enrichissait, et qu'il accuse,
non-seulement de provoquer les poursuites, mais encore
d'acheter des témoins. Ai-je besoin de dire que pas un
mot de ce que j'ai lu, soit dans la Démonolâtrie, soit
ailleurs, n'autorise cette grave et audacieuse
supposition !
En semblable matière, tout était, d'ailleurs, incroyable
et je n'en voudrais d'autres preuves que les
condamnations prononcées, avec toutes les formalités
judiciaires, contre des animaux. Presque tous ces
animaux avaient dévoré des enfants, mais il est bien
probable qu'on reprochait de plus à quelques-uns leur
complicité ou leur connivence avec des sorciers.
(66) Doemonol. lib. n, cap. 2. p. 200-201.
« Extiterunt et alii plures nostrâ memoriâ sic ab
ineunte aetate in malam rem a parentibus abducti, quos,
quoniam doli jam capaces videbantur, censuimus nos
Duumviri damnandos, ut nudi ter virgis coederentur
circum eum locum, ubi vivi parentes comburerentur. Quod
et ab eo tempore ferè sic est usurpatum. Sed ne hac
quidem ratione nunquam putavi plenè legibus esse satis
factum. »
(67) Id., ibid., p. 201-208.
(68) L'abbé Bexon, Histoire de Lorraine, T. I, p.
261-267.
(69) M. de Saint-Mauris, Etudes histor., T. Il, p.
46-47. Cet auteur appelle Nicolas Remy un boucher.
(70) Error communis facit jus. Argum. legis 3, ff. de
officioPrsetorum.
(71) Dumont, Justice criminelle, T. II, p. 61-68.
En se plaçant le premier à un point de vue raisonnable
et vrai, pour juger Nicolas Remy, M. Dumont a commencé
une oeuvre de justice, que je voudrais, sinon finir, du
moins continuer.
(72) Le comte de Résie, Histoire des sciences occultes,
T. II, p. 352 et suiv., 365 et suiv. - Joseph Bizouard,
Des rapports de l'homme avec le Démon, T. IV, liv. 23,
cbap. 4, p. 517-525. - Richard, Traditions populaires. -
Pommerel, Les sorcelleries Lorraines. - Revue spirite,
Journal d'études psychologiques.
Notre siècle, trop content de tui-même, a-t-il bien le
droit de s'étonner d'une crédulité si facile et si
grande, quand hier encore, malgré ses lumières, il
interrogeait les tables tournantes et se préoccupait des
esprits frappeurs ! quand, aujourd'hui même, le
spiritisme a, dans la presse, un organe mensuel l Il
n'est pas vrai de dire que les croyances superstitieuses
du moyen âge ont complétement disparu; on les retrouve,
partout et sans cesse, à l'état de traditions
populaires, en Bourgogne, en Franche-Comté, en Auvergne,
en Champagne, en Normandie, en Bretagne, dans le Médoc,
l'Agenois, le Morvan, la Bresse, le Rouergue, le Quercy,
le Maine, le Perche, le Poitou, le Berry, tout le Midi
et les départements qui avoisinent les Alpes.
On y montre le lieu où se tenaient les assemblées du
Sabbat, près d'une fontaine, ou d'une mare, sous un
arbre séculaire, dans une vallée profonde, ou sur un
mont escarpé. On s'y adresse avec confiance aux
guérisseurs et aux devins. On y signale avec effroi
certains individus aux allures suspectes, à la mine
sinistre, comme jetant des sorts aux animaux et aux
hommes. Les apparitions, les fantômes, s'y mêlent aux
récita des longues veillées d'hiver. Les loups-garous y
effraient le soir les enfants, les femmes, les voyageurs
attardés...
Notre Lorraine, si positive et chez laquelle la
sorcellerie a causé cependant tant de ravages et fait
tant de victimes, ne devait pas être moins longtemps
accessible que les autres provinces de France à toutes
ces misères, à toutes ces faiblesses de l'esprit et
chacun de nous peut, sans peine, en retrouver autour de
lui les dernières traces mat effacées.
(73) Le docteur Félix Maréchal, Tableau historique... des
maladies endémiques... p. 209.
A côté de ces dupes, de ces malades, de ces hallucinés,
de ces fous, qui composaient le gros de l'armée des
prétendus sorciers et qu'il fallait éclairer, absoudre
ou guérir, il y avait, en bien plus petit nombre, des
fourbes, audacieux et habiles, qui, à l'aide de
pratiques mystérieuses et coupables, cherchaient à
satisfaire leurs passions ou à servir leurs intérêts ou
leur haine; à ces derniers seulement la justice aurait
dû, comme aujourd'hui, réserver ses rigueurs.
(74) Tableav de l'hiconstance des mavvais Anges...
Pierre de Lancre entrevoyait cette vérité, lorsque, dans
sa dédicace à M. de Sillery, chancelier de France, il
disait « C'est à vous droictement à ietter l'oeil
partout et reiettant le soing sur les bons prélats de ce
royaume (les quels se trouueront, peut-estre, plus
heureux que les luges) les exhorter de veiller sur leur
Bergerie, la multiplicité des condamnéz à mort iusques
icy ayant faict voir à tout le monde que le sortilège
est vn crime ou maladie parfois autant ou plus digne de
commisération que de chastiment. »
Je constate à regret que Nicolas Remy ne partageait pas
ce sentiment et ne tenait pas non plus ce langage au
cardinal de Lorraine.
(75) De Lancre, L'incrédulité et mescréance.... p. 36-37.
- Dom Calmet, Hist. de Lorr. T. VII, col. 31-32-35. -
Joseph Bizouard, T. M, p. 3-5 et T. III, p. 447-435.
Les magistrats chargés de la répression en matière de
sorcellerie étaient déjà de leur temps l'objet de vives
attaques; on les accusait surtout de poursuivre une
chimère et il semble qu'ils n'aient voulu laisser à
personne le soin de les défendre quand on voit l'un
d'eux s'exprimer ainsi
« En chasque village trouuer vne Royne du sabbat que
Sathan tenoit en délices comme une espouse priuilégiée
confesser les mesmes caresses, dire les mesmes choses
tout à vn coup, et tout en mesme temps quelles auoient
veu en public et en priué : et tous les sorciers
d'Allemagne, d'Italie, d'Espagne, d'Angleterre, et de
toutes les autres contrées de France, et en fin de tout
l'Europe dire mesme chose. Est-il possible que si c'estoit
resuerie, illusion ou songe, que mesmes songes
roulassent dans la ceruelle de gens composez de si
diuerses humeurs? Les vns mélancholiques, les autres
ioyeux; les vns collerez, les autres paisibles, les vns
vieux, les autres jeunes, les autres de bon aage. Et tel
qui estoit fils de sorcier, dire la mesme chose et les
mesmes circonstances du sabbat que son père, ayeul ou
ayeule sorciers auoient dict et déposé en justice cent
ans auparauant.
« Ce n'est pas tout en mesme temps, en l'année 1609, que
nous vacquions par commission souueraine qu'il avoit
pieu à sa Majesté donner à monsieur le Président d'Espaignet
et à moy, on vaquoit aussi en Espagne et Nauarre à mesme
inquisition et recherche, i'en ay les procédures en
espagnol; si bien qu'il s'y trouue que ce sont mesmes
accusations, mesmes circonstances, et mesmes
dépositions. Toutes les sorcières, soient Françaises,
Espagnolles, ou Nauarroises, comme s'exerçant à mesmes
abominations, se trouuoient attainctes de mesmes crimes
et affligeoient le monde de pareilles maladies.
« Et, après tout, la France, l'Italie, l'Allemagne,
l'Espagne, l'Angleterre, Flandres et les Pays-Bas, bref
toute l'Europe estant touchée de ceste maladie, est-il
possible que tous les peuples resuent, et s'ils resuent
se peut-il faire que tant de gens si esloignés et si
dissemblables ayent mesmes resueries et mesmes
grotesques, facent mesmes songes, estans si diuers
d'humeur ? ayent le Diable en apparition en mesme forme,
ayent pareilles visions, pareilles cérémonies, maux
semblables ? Et ne se trouuans aux sabbats encourroient-ils
mesmes deffauts et le tout se passeroit-il ainsi auec
mesmes circonstances et mesmes folies ? »
A la fin du siècle dernier, Dom Calmet a apporté à la
défense de notre ancienne magistrature la bienveillance
et la modération de son caractère.
« Plusieurs lecteurs traiteront tout ceci de rêveries et
je ne doute pas qu'il n'y ait en effet beaucoup
d'imagination dans ce qu'on raconte des sorciers. Mais
comment se persuader qu'une infinité de procédures
faites avec tant de soin et de maturité, par de
très-graves magistrats, et par des juges très éclairés,
soient toutes fausses ? Que des effets aussi réels que
ceux que raconte, par exemple, M. Remy, homme grave et
savant, et dont il a rempli les trois livres de sa
Démonolâtrie, ayant exercé pendant plus de quinze ans
l'office de juge et de procureur général de Lorraine;
que tout ce qui a été écrit sur ce sujet par Binsfeld,
suffragant de Trêves, homme très-sage et très-capable ;
que tous les procès de sorciers et de sorcières dont les
greffes et les archives de la province sont remplis, ne
contiennent que des illusions et des faussetés ? Si l'on
nous citoit des choses éloignées, arrivées dans un autre
pays et dans un siècle d'ignorance et reculé, je m'en
défierois beaucoup davantage; mais les auteurs dont j'ai
parlé, vivoient dans le siècle même où ces choses se
passoient. Ils les entendoient et en étoient très-bien
informés. Ils ont écrit dans le temps le plus éclairé et
le plus fécond en hommes habiles qu'ait eus la
Lorraine...
« On dira, si l'on veut, que tout cela n'est qu'une
maladie de ce temps-là, ou une espèce de convulsion,
semblable à peu près à celle qu'on a vue ci-devant dans
les sauteurs ou les danseurs qui parurent dans le
diocèse de Trèves et aux environs, dans le XIVe siècle,
ou dans les Flagellants du XIIIe; qu'ainsi sur la fin du
XVIe siècle aura régné la maladie des sorciers et des
sorcelleries. On en croira ce qu'on voudra ; il me
suffira d'avoir ici rapporté historiquement ce que c'étoient
que ces gens qui parurent en ce temps-là dans le diocèse
de Trèves et dans la Lorraine. Il est certain qu'alors
on ne doutoit nullement dans le pays de la réalité et de
l'existence des sorciers, puisqu'on les rechercboit et
qu'on les punissoit publiquement des plus rigoureux
supplices; et l'on ne peut nier que les princes, les
évêques et les juges n'aient tenu, en les poursuivant
par les plus sévères châtiments, une conduile très-sage
et très-louable, puisqu'il étoit question d'arrêter le
cours d'une impiété très-dangereuse et d'un culte
sacrilége, ridicule, abominable, rendu au démon, qui
séduisoit et perdoit une infinité de personnes et
causoit dans l'état mille désordres très-réels. »
Enfin, de nos jours, Nicolas Remy et ses nombreux
collègues ont trouvé, dans un membre du barreau de
Paris, M. Bizouard, un défenseur encore plus éloquent et
plus convaincu.
« Que la sorcellerie, à dater surtout du XVe siècle, fût
une maladie singulière, ou les uns se croyoient les
meurtriers et d'autres les victimes, il est constant
qu'une telle maladie a sévi, comme autrefois la peste ou
la lèpre, comme aujourd'hui le choléra. Qu'il existe ou
non des esprits qui aient donné à certains hommes le
pouvoir de causer tant de maux, le fléau n'en a pas
moins sévi cruellement sur nos pères. Pour peu que nous
réfléchissions, au lieu d'accuser les magistrats de
cette époque de crédulité et de cruauté, nous
essayerions de découvrir la nature et les causes de ce
fléau, et si malheureusement il survenait de nouveau
parmi nous avec quelques changements dans sa
manifestation, n'étant point pris au dépourvu, peut-être
alors nous serait-il donné d'en atténuer les effets
désastreux, s'il ne doit jamais reparaître, soyons
justes, du moins réservés, envers ces magistrats appelés
à statuer sur des faits si peu connus de nous. En tout
cas, que ce fût une folie sui generis dans les accusés
qui avouaient, dans leurs accusateurs, dans les témoins
qui déposaient, et une erreur invincible dans les
magistrats qui condamnaient, félicitons-nous de n'être
pas contemporains d'un pareil malheur ! Mais n'accusons
pas trop légèrement nos Ancêtres; sachons que
généralement des juges consciencieux et intègres
n'épargnaient ni temps, ni étude pour examiner ces
procès extraordinaires : les populations atterrées
demandaient que justice fût faite, tous les crimes
étaient pour elles évidents et horribles. Si nous avions
à examiner les mêmes faits, si nous avions, comme les
magistrats de ce temps, le spectacle d'un maléficié
atteint subitement d'un mal étrange après quelques
gestes, quelques paroles ou un simple attouchement, que
dirions-nous ? si des médecins nous déctaraient que
cette maladie ne trouve d'analogue dans aucun traité de
pathologie, si des témoins non suspects déposaient
contre les accusés, si ceux-ci faisaient des aveux, si
nous avions enfin, comme ces magistrats, le spectacle
plus affreux encore d'un adulte ou d'un enfant
manifestant ce qu'on appelait les signes évidents de
possession si peu connus aujourd'hui, que ferions-nous
de plus ? Avec toute notre science du XIXe siècle,
ferions-nous mieux. Avant de répondre, compulsons ces
procédures, et non les écrits modernes qui les
dénaturent à dessein, et en attendant, on le répète, ne
nous hâtons pas trop d'accuser de cruauté ou de
crédulité la magistrature et le clergé pour avoir châtié
ces prétendus monomanes. Au milieu d'une épouvante aussi
générale, n'y aurait-il eu de la part du sorcier que la
seule intention de causer le mal, bien manifestëe par
des pratiques simplement ridicules, dès qu'elles
devenaient la cause d'un mal très-réel dans des
imaginations effrayées, ces monomanes méritaient une
rigoureuse répression supposons : qu'il y ait de nos
jours des natures étranges assez perverses pour vouloir
épouvanter des femmes et des enfants, et convaincues que
le moyen tout puéril dont elles usent peut causer l'épitepsie
ou la folie et même la mort, le magistrat devrait-il
rester dans l'inertie ?
(76) Doemonol. kib. III, cap. 12, p. 386. - Louis Spach,
Histoire de la Basse-Alsace, p. 209.
Après avoir donné pour épigraphe à son livre ce verset
du Lévitique : Vir sive mulier, in quibus Pythonicus vel
divinationis fuerit spiritus, morte moriayur, Nicolas
Remy invoque, dans son dernier chapitre, l'autorité de
l'Evangile, qui, malgré la douceur et l'indulgence de sa
doctrine, prononce la même sentence, dans son style
allégorique et figuré, contre ceux qui se séparent du
Christ. « In novo instrumento, quod jam mitiorem,
moderatioremque doctrinam continet, tamen gravissima
sententia pronuntiatur : eum palmitem, qui in Christo
non manserit, foras ejiciendum esse atque in ignem
mittendum. Omnino id dicitur et sine exceptione. Quod si
jus civile vetat nos distinguere ubi lex ipsa non
distinguit, quid faciendum tandem putabimus in Evangelio
cujus majestas est supra legem; cuique quicquam vel
addere, vel detrahere piaculum est sempiternis tuendum
flammarum incendiis. »
Pierre de Lancre s'inspirait aussi, dans sa sévérité,
d'un texte religieux : maleficos non patieris vivere.
Exode, 22.
Les Juges protestants ne maniaient pas avec moins
d'énergie le marteau des sorciers (*), que les Juges
catholiques; « ils rivaiisaient dans l'application des
lois rigoureuses portées contre des crimes imaginaires;
car les partisans de chaque culte voulaient, dans la
punition des coupables, faire preuve de zèle pour la
cause de Dieu contre le règne occulte du démon. »
(*) Malleus maleficorum; c'est ainsi qu'on nommait le
code de procédure nquisitoriale à la fin du XVIe siècle.
(77) Daemonol. lib. III, cap. 12, p. 393-394.
Nulle part Nicolas Remy ne révèle mieux la pensée intime
et inexorable qui présidait à toutes ses sentences que
dans la dernière page de la Démonolâtrie; on voit qu'il
a voulu que, par sa clarlé et son énergie, cette page en
fût comme le résumé et la péroraison.
« Vae igitur illis, ut cum Isaia loquar, qui sic foedus
cum morte percusserunt et cum inferno pactum fecerunt...
Vae quoque illis qui adeo horrendi atque execrandi
criminis odium deprecantur, poenasque minuunt,
excusatione metus, aetatis, sexus, imprudentiae, atque
aliarum id genus rerum, quas ne in levioribus quidem
praetexere quisquam sana; mentis audeat...
« Equidem non verebor qui sim tam longo et diuturno
maleficorum examinandorum usu exercitatus ac contirmatus,
palàm atque ingénue de iis sententiam meam ostendere ac
ipsam quantum potero proferre lucem veritatis. Videlicet
tôt impietatibus, veneficiis, portentosis libidinibus
flagitiosisque facinoribus vitam illis apertè esse
inquinatam ac contaminatam, ut è jure esse non dubitem
omnibus tormentis excruciatos igni interficere; tum ut
debitis poenis sua expient scelera, tum ut aliis sint
documento.ac magnitudine supplicii eos deterreant. »
(78) Doemonol. lib. I, cap. 2, p. 38-40. - Bizouard,
T.III, liv.XIV,ch.7,p.446.
« C'était un aliome en démonologie qu'un sorcier ne peut
rien contre ses juges. »
Nicolas Remy rappelle à ce propos l'objurgation
furibonde qu'une sorcière lui a un jour adressée en
plein tribunal « Quàm benè agitur vobiscum, ô Judices,
quod nobis in vos nihil quiequam licet ! nam nulli sunt
mortalium quos tam lubenter, insidiis nostris, appetamus,
qui sic gentem nostram omnibus poenis suppliciisque
prosequimini »
(79) Doemon. lib. I, cap. 10, p. 96 et lib. II, cap. 4,
p. 226 ; cap. 11, p. 275 et epist. dedic.
Nicolas Remy recommande aux simples mortels trois moyens
plus faciles et non moins eflicaces de se préserver des
embûches du démon la propreté des mains, la prière et la
pratique des vertus chrétiennes.
« Monebat ne, insalutato numine, illotisque manibus,
manè domo pedem efferret, si se à sagarum insidiis tutum
cuperet ac securum.
« Quin igitur adeo saevae truculentaeque bestiae
opponimus solidae fidei clypeum, spiritus gladium,
galeam salutis, alia quasi succenturiata praesidia,
temperantiam, integritatem, vigilantiam, jejunia,
precationes, obsecrationesque assiduas, ac praesertim
antelucanas et matutinas; nam iis certo suos conatus
prohiberi atque infringi ipsae etiam sagae profitentur.
» Nicolas Remy avait remarqué que nulle part la
sorcellerie ne s'était plus développée que dans les
villages où la parole de Dieu se donnait plus rarement
et moins bien, « apud quos aut frigidae, aut rarae, aut
omnino nullae conciones habentur de Deo, deque quae
fidem (cujus praesidio praecipuè tuti sumus a
veteratoris illius insidiis) in Christianorum mentibus
stabiliunt, fovent ac conservant. »
(80) M. Dumont, Just. crim., T. II, p. 62-63.
Nicolas Remy a eu successivement pour collègues au
tribunal des Echevins Nicolas Olry, Philbert Philbert,
Aubry Tarat, Claude Maimbourg, Chrétien Philbert,
Antoine Bertrand et Nicolas Bourgeois. - Nicolas Olry
Maître-Echevin en 1576, l'était encore en 1591.
M. Dumont se trompe quand, pour en atténuer la
responsabilité, il parait admettre que la plupart des
condamnations dont Nicolas Remy évoque partout le
souvenir dans sa Démonolâtrie, ont été prononcées
pendant qu'il exerçait les fonctions de Procureur
Général ; ces condamnations se rapportent toutes à
l'époque où il appartenait au tribunal des Echevins, et
c'est à ce dernier titre qu'il doit surtout en répondre.
(81) Code manuscrit de 1307 à 1631.- Nous avons déjà vu
qu'au tribunal des Echevins la voix du Maître-Echevin
n'était pas prépondérante, en cas de partage, quand il
s'agissait d'affaires criminelles et qu'on y exigeait
toujours la majorité effective des voix. Les accusés y
trouvaient une garantie plus rassurante encore pour
informer, il fallait l'autorisation préalable du
tribunal et on confiait l'information à l'un de ceux qui
en avaient reconnu la nécessité.
(82) Dans la prévôté de Nancy, composée de 74 communes,
il existait de nombreuses seigneuries particulières, et
ces seigneuries, ayant presque toutes droit de haute,
moyenne et basse justice, échappaient à la juridiction
du tribunal des Echevins.
(83) Doemonol. lib. I, cap. 2, p. 41. - B. 7354. Pièces
justificatives du compte du domaine de Nancy. - J.-J.
Lionnois, T. I, p. 305-308 et T. III, p. 33-34. - Aug.
Digot, T. II, p. 116-117 et 395, 397-398.
Nicolas Remy raconte d'abord que, lorsqu'il trouvait
décrits, au cours d'un procès criminel, quelques poisons
à l'usage des sorciers, il les faisait, dans la lecture
publique des pièces, passer sous silence par le
greffier, afin de prévenir le danger de leur
divulgation; puis il continue : « Sic enim sunt in
Lotharingiâ rerum capitalium judicia, ut imperitae atque
adeo armatae multitudinis suffragiis, cum summâ ditione,
ac citrà provocationem in reum in publico expositum
reddantur, ex Nanceiani tamen Duumviratûs sententia, ad
quem de totâ re prius referri oportuit. »
Ces quelques mots résument dans leur énergique concision
tout un système de procédure criminelle. La justice se
rendait publiquement, in reum in publico expositum ;
sans appel,
cum summâ ditione; d'office, citrà provocationem ; par
une multitude ignorante et armée, imperitae atque adeo
armatae multitudinis suffragiis ; d'après l'avis du
tribunal des Echevins, auquel il fallait préalablement
en reférer pour le tout, ex Nanceiani tamen Duumviratûs
sententia ad quem de re totâ prius referri oportuit.
Cette affirmation d'un homme aussi initié que Nicolas
Remy aux principes de l'organisation judiciaire de son
temps, aurait à elle seule une autorité considérable, et
elle est de plus confirmée par le préambule de l'édit du
31 août 1698, où le duc Léopold, rentrant dans ses Etats
et voulant y réformer la justice, s'exprimait ainsi :
« Etant informé que dans aucunes villes s'y trouvant
deux juridictions, l'une baillagère et l'autre
prévôtale, l'une et l'autre manquaient d'officiers; que
ceux des Hôtets-de-Ville nommés actuellement à la
pluralité des voix des Bourgeois, connaissent en
quelques endroits, non-seulement de la Police mais aussi
de la juridiction ordinaire en toute sorte de matières,
quoiqu'ils n'y soient aucunement verséz... »
Une ordonnance du 6 octobre 1629 éclairait déjà la même
question d'un jour non moins vif; car le duc Charles IV
y disait : « que sur les remontrances à lui faites par
son Procureur général des grands abus et désordres qui
arrivent ordinairement aux jugemens qui se rendent ès
procès criminels qui s'instruisent par les juges
ordinaires du bailliage des Vosges, par le moyen et la
diversité d'opinions qui se rencontre entre aucuns
particuliers d'entre le peuple assemblé pour ouïr la
lecture des procès et pour asseoir jugement contraire à
l'avis qui a été pris par des Maître-Echevin et Echevins
de Nancy, ce qui produit de très-grands inconvénients...
Pour à quoi obvier, selon l'obligation qu'il a de
maintenir la justice en son lustre et même de l'élever
au degré le plus éminent, il fait savoir qu'à l'avenir
il ne sera loisible au peuple assemblé pour procéder au
jugement d'un procès criminel d'adjuger par leur
sentence aucune peine autre plus grande, soit de mort,
fouet, bannissement perpétuel, torture, confiscation de
biens, que celle de laquelle les dits Maitre-Echevin et
Echevins auront donné avis, auquel ils seront obligés de
se conformer, sans augmenter la punition portée par
icelui, sous quelque prétexte que ce soit, à peine de
nullité de leurs jugemens et des dépens, dommages et
intérêts des parties, ou de leurs successeurs; demeurant
seulement loisible au dit peuple assemblé pour procéder
au dit jugement, de modérer la peine ou de l'adoucir,
sans pouvoir l'aggraver pour quelque considération que
ce soit... »
En transcrivant toute entière cette ordonnance de
Charles IV, l'abbé Lionnois ajoute : « Tel était le
droit du peuple en Lorraine, et dont il a joui jusqu'à
l'invasion de la France dans ce duché, où l'on admit les
lois du Royaume. »
Ce droit du peuple en Lorraine n'avait rien d'aussi
absolu que le langage de l'abbé Lionnois le ferait
supposer; il ne s'appliquait pas notamment au tribunal
des Echevins de Nancy, qui jugeait sans le concours de
la multitude, comme le prouve la sentence suivante et
toutes celles qu'il m'a été donné de consulter
« Veue la procédure extraordinairement instruicte par
nous les Maître-Eschevin et Eschevins de Nanci, à
requeste du sieur procureur générât de Lorraine, à
l'encontre Ysabelle Girarde, femme à Jan Masson,
demeurant à Benney, prévenue de sortilége et vénéfice,
sçavoir les interrogatoirs à elle faictz et ses
responses à iceulx portantes, ses confessions et
dénégations et variations, les conclusions dudict sieur
procureur et tout ce que faisoit à veoir et considérer
en ladicte procédure, disons que, par icelle, ladicte
prévenue est suffisamment attaincte etconvaincue dudict
crime de sortilége et vénéfice par sa propre confession
et recognoissance volontaire, pour réparation de quoy
l'avons condamné et condamnons à estre estranglêe à un
poteau, après avoir aulcunement senti le feu, pour estre
par après son corps bruslé et réduict en cendres au lieu
accoustumé, tous et un chacun ses biens déclairez acquis
et confisquez à qui il appartiendra, les fraiz de
justice raisonables préalablement prins sur iceulx, par
nostre sentence, jugement définitif et a droict prononcé
judiciairement en l'auditoire de Nanci le cinquième
juillet 1608. »
Rien dans cette condamnation capitale ne révèle la
présence de l'élément populaire et je crois qu'il en
était ainsi de toutes les sentences émanant des justices
ducales.
Les Ducs de Lorraine, qui supportaient avec une grande
impatience l'intervention de la Chevalerie dans le
jugement des affaires civiles, avaient du voir d'un oeil
plus ja)oux encore la participation du peuple au
jugement des affaires criminelles et tout mettre en
oeuvre pour la faire cesser.
Les Seigneurs moins puissants que les Ducs et dont les
justices n'offraient pas aux justiciables, sous le
rapport du personnel, les mêmes garanties de savoir et
d'impartialité, continuèrent seuls, comme par le passé,
à punir les coupables avec le concours d'une sorte de
jury.
Il en fut de même, et à plus forte raison, des communes
qui avaient reçu des chartes particulières ou qui
avaient été admises à jouir de la loi de Beaumont.
Cette loi confiait en effet, l'administration des
intérêts communs à un Mayeur et à des Jurés, élus pour
un an, et ce Mayeur et ces Jurés administraient aussi la
justice, ce que rend indubitable, non-seulement les
termes exprès de la loi, mais encore le partage, entre
le Seigneur, le Mayeur et les Jurés, de toutes les
amendes prononcées pour délit ou pour crime.
Art. IX. ln eâdem villâ, consensu omnium vestrum, Jurati
constituuntur, et Major similiter, qui fidelitatem nobis
jurabit et de redditibus et provintibus villae
ministralibus nostris respondebit.
Sed nec tempore Major et Jurati ultra annum, nisi de
voluntate omnium in officiis remanebunt.
« Art. XXIV. Nulli burgenses Bellimontis ad aliam
justitiam de alio burgensium clamorem transferre licebit,
quandiu alter justifias villae stare voluerit.
« Art. XXXI. Si quis contradixerit judicio Juratorum et
eos de falso judicio per testimonium Juratorum de
Brueriis comprobaverit, centum solidos solveot Jurati;
si autem eos convincere non poterit, centum solidos
solvet et expensam juratorum ; domino videlicet
sexaginta solidos, Majori quinque solidos, Juratis
trigenta quinque solidos.
« Art. XXXII. Judicium Juratorum stabile erit, nisi
aliquis, accepto statim consilio, judicium contradixerit.
De ces textes de la loi de Beaumont, ici en vigueur, là
en désuétude, on doit raisonnablement induire que si,
dans les derniers temps, le jury, existait en Lorraine,
il y existait, bien moins à l'état d'institution
proprement dite, qu'à l'état de souvenirs plus ou moins
vivaces et de vestiges plus ou moins effacés. Et
j'incline à penser que ces souvenirs et ces vestiges se
sont conservés dans les Vosges plus longtemps
qu'ailleurs, parce que, d'une part, c'est plus
particulièrement à l'occasion des désordres et des abus
commis dans le Bailliage des Vosges que l'ordonnance du
6 octobre 1629 a été rendue, parce que, d'un autre côte,
on ne trouve, que relativement à ce Bailliage, rapportée
avec quelque précision et quelques détails, la manière
dont les Jurés fonctionnaient encore à l'époque où la
Lorraine devint une province française.
L'abbé Lionnois fournit à cet égard des renseignements
curieux, dont il n'indique pas la source, mais qui
ressemblent au témoignage d'un contemporain.
« Dans la ville de Mirecourt où étoit établi un grand
Bailliage, le Prévôt avoit la connaissance et
l'instruction des procès criminels, non-seulement contre
les Bourgeois de cette ville, mais encore contre les
étrangers trouvés délinquans dans la Prévôté, mais les
jugements se rendoient par le peuple de la manière
suivante.
« Si le Prévôt estimoit que le prévenu méritât punition
corporelle, il commandoit aux Mayeur et Bourgeois de
s'assembler en armes sous la halle de Mirecourt où il le
faisoit mener par deux fois, à deux jours différents,
entre lesquels il en mettoit un ou deux d'intervalle,
s'il le jugeoit à propos. Le Greffier lisoit à haute
voix la procédure, après quoi le prévenu étoit reconduit
en prison.
« Le Prévôt remettoit ensuite le procès aux Echevins du
Mayeur, qui le portoient ou l'envoyoient à leurs frais
aux maître Echevin et Echevins de Nancy, pour avoir
avis.
« Lorsque le procès étoit rapporté, le Prévot faisoit
conduire le prévenu pour la troisième et dernière fois
sous la halle ; la procédure étoit lue de nouveau, puis
remise entre les mains du Mayeur qui, sur la réquisition
du Prévôt, ordonnoit à ses Echevins de donner sentence.
Ceux-ci munis du procès se retiroient à part, et avec
l'avis des bourgeois, ils formoient la sentence. S'ils
condamnoient à mort le prévenu, il disoient qu'il doit
amener. Le Prévôt leur demandoit comment ? Ils se
retiroient encore et revenoient ensuite dire : qu'il
doit amener de corps. Enfin s'étant retiré et revenant
pour la troisième fois, ils prononçoient la sentence qui
étoit exécutée à l'instant. »
(84.) J.-J. Lionnois, T. II, p. 355-360.
Outre les éléments de solution que, sur ce point
très-obscur, on peut emprunter à l'art. 9 de la loi de
Beaumont, je remarque que dans un procès de sorcellerie,
instruit à Fontenoy-leChâteau contre la nommée Claudon
Voillaume d'Amercy et dont l'abbé Lionnois donne les
parties principales, on voit partout figurer, à côté du
maire, deux bourgeois, Jean Corbot et Jean Durand, lurez.
Il est vrai que, dans une autre procédure, que je
possède et qui concernait la nommée Barbeline, femme de
Claudon Didier, les deux bourgeois assistent à toutes
les phases de l'instruction en qualité de ~emo!H~s mais
témoings ou jurez, peu importe, leur assistance était
pour la prévenue le gage d'une justice exacte, sinon
bienveillante.
(85) Ordonnance du 6 octobre 1629.
(86) Doemonol. ad lectorem.
« Dum igitur modo hoc, modô illud, prout unum quodque
sibi animus per occasionem decerpit, usurpo, ac seorsum
attingo ; idem usuvenit mihi quod iis solet, qui, è
quâque veste quam concinnant, segmenta in cistam primùm
quidem abjiciunt acervatim ac negligenter ; post ubi in
aliquem numerum jam accrevisse putant, retractant
diligentius singula, atque ex commodissimis quibusque
centonem aliquem colligunt...
« Haec sic singula primùm alligi, ut nihil minus
cogitarem quàm ea aliquando concinnare atque in unum
corpus redigere; sed ipsa jam per partes informata
materia atque equidem haud omnino poenitendo labore
tandem pervicit, ut in hanc, quâ nunc prodit, formam
quantumvis rudem sinerem coalescere.Veluti quae ex
temere primùm sparsis aedificiis progressu temporis
coagmentantur urbes, inordinatas incompositasque viarum
regiones habent; quia scilicet non fuit ab initio
destinata collocationis universa certaque facies... Haec
nunc, lector, tibi videnda exhibeo modicè ac fideliter
denarrans quae ipse diuturno usu atque observatione
comperi. »
(87) Martin Antoine Delrio, né à Anvers le 17 mai 1551,
mort à Louvain le 19 octobre 1608 d'abord sénateur au
conseil souverain de Brabant, puis auditeur de l'armée,
Vice-Chancelier et Procureur général, enfin Jésuite à
Valladolid, « savant mais crédule », disent les
biographes; ce sont ses Disquisitionum magicarum libri
sex, Louvain, 1599, in-4°. qui lui ont valu surtout
cette réputation de crédulité.
(88) Pierre le Loyer, né à Nuillé, Anjou, le 24 novembre
1550, mort conseiller au Présidial d'Angers en 1634. «
C'était un prodige d'érudition, mais il n'avait ni goût,
ni jugement ».
Il composa plusieurs ouvrages, plus étranges les uns que
les autres, et dont le moins mauvais est peut-être
Quatre livres des spectres ou apparitions et visions
d'esprits anges et démons se montrans sensiblement aux
hommes. Angers, 1586 in-4°.
(89) Henri Boguet, né dans le XVIe siècle, à Pierrecourt,
successivement Bailli de Gray, Grand Juge de la terre de
Saint Claude et conseiller au Parlement de Dôle. On a de
lui une vie de saint Claude, un commentaire des coutumes
de Bourgogne et le Discours sur les sorciers, in-8°.
Paris, 1603.
(90) Pierre de Lancre, né à Bordeaux d'une famille de
robe, au cours du XVIe siècle, mort à Paris en 1630. Il
exerçait les fonctions de conseiller au Parlement de
Bordeaux, lorsqu'on l'envoya dans le pays de Labourd, en
Gasgogne, pour y poursuivre les sorciers qui infestaient
cette province. C'est le souvenir de ces poursuites qui
lui a inspiré les deux ouvrages dont j'ai donné plus
haut les titres.
(91) Jean Bodin, né à Angers vers 1530, fut Procureur du
Roi à Laon, ou il mourut de la peste en 1596. Député aux
Etats de Blois en 1576, il y prit place dans les rangs
d'une sage opposition; il empêcha notamment l'aliénation
du Domaine et l'amoindrissement des Etats qu'on voulait
réduire aux proportions d'une simple commission, dont
les membres devaient être choisis par la cour dans les
trois ordres. Les six livres de la République lui ont
fait la réputation d'un profond politique et beaucoup
plus d'honneur que la Démonomanie des Sorciers. In-4°,
Paris, 1581. - Grosley, d'accord en cela avec Guy Patin,
suppose qu'en écrivant ce dernier livre, il obéissait à
un secret calcul qui tenait à sa position. Il n'admet
pas que Bodin « homme instruit et esprit indépendant »
ait cru aux sorciers, comme il feint d'y croire.
D'autres ont voulu « qu'il fut tout à la fois
protestant, déiste, sorcier, juif, athée ». D'Aguesseau,
meilleur juge, le signale comme « un digne magistrat, un
savant auteur, un très-bon citoyen. »
(92) Dom Calmet, Hist. de Lorr., T. VII, col. 30-35. -
M. Bizouard. T. II, liv. VII, chap. 3, p. 200-212.
Dom Calmet et M. Bizouard sont les seuls auteurs dont
les appréciations sur Nicolas Remy témoignent de la
lecture patiente et consciencieuse de la Démonolâtrie.
(93) Eliphas Lévi, Dogme et Rituel de la haute magie, T.
Il, p. 234-235.
(94) En réponse à ma lettre du 16 novembre 1868, M.
Alphonse-Louis Constant (Eliphas Lévi) m'écrivait le 20
même mois :
« ...Le fait que j'avance m'a été afirmé par un
journaliste distinguée, M. Alexandre Erdan, qui avait
fait de sérieuses recherches pour la composition d'un
livre, moins sérieux peut-être dans sa forme, qu'il a
intitulé La France mystique et qui ne se trouve plus en
librairie ; je ne possède pas ce livre et j'ai cessé
d'être en relation avec M. Erdan, qui depuis plusieurs
années est en Italie. Vous voyez que, malgré mon grand
désir de vous être agréable, je ne puis vous fournir les
preuves que vous me demandez. »
(95) Aug. Digot, Notice biographique et littéraire sur
Florentin le Thierrat. Mémoires de t'Académie de
Stanislas, années 1849, p. 265-266.
RECtEIL DES PRINCIPAUX POINTS DE LA REMONSTRANCE faitte
à l'ouuerture des plaidoiries du Duché de Lorraine,
après les Rois, en l'an 1597, par Nicolas Remy,
conseiller de son Alteze en son Conseil d'Estat et son
procureur Général en Lorraine. A Metz, par Abraham Faber...1597,
in-4° 16 ff. paginés de 2 à 30.
Cette remontrance a été reimprimée dans une collection
in-18, dont j'ignore le titre, et où elle occupe les
pages 703 à 746.
Elle a valu à son auteur, de la part de Florentin le
Thierriat, une pièce de vers déjà inserée dans les
Mémoires de l'Académie de Stanislas, et trop médiocre
pour que j'ose me permettre de la donner ici une seconde
fois.
(96) M. Beaupré, Essai historique sur la rédaction
officielle des principales coutumes de la Lorraine et du
Barrois, p. 67-99.
La rédaction des Coutumes de Lorraine, proposée aux
Assises de la chevalerie, des le 27 février 1584,
n'était achevée que onze ans plus tard, et, par un édit
daté seulement du 1er juin 1595, le Duc Charles III
ordonnait « de mettre le tout soubz la presse, pour en
donner à chacun une certitude et clarté plus grande. »
La presse, à l'imitation sans doute des commissaires
rédacteurs, ne fut pas non plus très-rapide dans
l'accomplissement de son oeuvre, car la première édition
connue des Coutumes de Lorraine porte la date du mois de
juillet 1596. Elle parut chez J. Janson, imprimeur
ordinaire et juré de Son Altesse. On y lit une adresse
des Etats de Lorraine au duc en remerciement de ce qu'il
a fait « à leur humble requeste, mettre en escrit ce
qu'auparavant, soubz l'assurance et certitude de leur
preud'hommie, avoit esté remis et confié à leur seule
mémoire, à fin que par prinse d'un mot pour l'autre,
l'artifice des subtilz alambiqueurs du droit n'ait tant
de force d'en corrompre et détorquer le sens, ni de
tordre autrement le né à justice. »
Quoique Nicolas Remy ne figure nulle part au nombre des
commissaires des Etats pour la rédaction des Coutumes,
Chevrier affirme et je crois qu'il a concouru à cet
important travail, au moins comme l'un des membres du
Conseil ducal chargés d'y mettre la dernière main, avant
son homologation.
(97) De Rogéville, Dictionnaire, T. I, p. 53 et T. II,
p. 366-372.
L'Ordre des avocats a dû être, en Lorraine, contemporain
de la Faculté de Droit de Pont-à-Mousson; avant elle on
plaidait sans grades. Les Procureurs tenaient leur
mandat de la confiance des parties et d'une commission
du Bailli. Les avocats ne voulurent pas seulement s'en
séparer, ils demandèrent, et ils obtinrent même un
instant, leur complète suppression.
(98) Voici la formule du serment commenté par Nicolas
Remy:
« Vous reuererez le Magistrat de ceste Court, auec tel
respect d'honneur qu'à luy appartient et signamment
lorsquil seerra en ce throne et sanctuaire de Iustice
pour l'administration d'icelle. - Vous ne prendrés
sciemment en main cause apparemment iniuste et où vous
la descouurirés telle, après t'auoir prince, la
quitterés et abandonnerés du tout. - Vous ne proposerés
en plaidant, soit verbalement ou par escrit, faicts et
articles calomnieux et impertinens, et n'alleguerés ou
soustiendrés vs, styles et coustumes que vous ne
sçachiës es!re vrayment reçeus et pratiqués en ceste
Court. - Vous ne chercherés fuytes et dilays seruans à
retarder le cours et le progrès de la cause. - Vous n'exigerés
de voz parties salaire excessif et ne paschiserés auec
elle de la quote de la liste. - Vous n'interromprés le
plaidoyé de vostre partie et n'estriuerés auec elle de
propos aigres, picquans et immodestes. »
(99) REMONTRANCES faites aux ouvertures de la St-Martin
de la cour souveraine de Lorraine et Barrois, par les
advocats généraux en icelle, depuis l'année 1705 jusqu'à
l'année 1717 inclus.
La Remontrance de Nicolas Remy est la première qui ait
été imprimée en Lorraine; plus tard, René Charlot et P.
Deschamps, imprimeurs ordinaires de S.A.R., ont donné,
sous le titre qui précède et en un vol. in-4° de 307
pages, celles de MM. Bourcier de Villers et Bourcier d'Autrey.
(100) M. Beaupré, Recherches sur les commencements et
les progrès de l'imprimerie en Lorraine jusqu'à la fin
du XVIIe siècle, p. 234-235. 313, 376-378.
Le DISCOVRS DES CHOSES ADVENVESEN LORRAINE, depuis le
décez du duc Nicolas, iusques à celuy du duc René, a été
imprimé trois fois 1° Av Pont à Mousson, Par Melchior
Bernard, imprimeur de Monseigneur le Duc de Lorraine, en
son Université. 1605, pet. in-4°. - Prélim. 4 ff. non
chiffrés y compris le titre; texte paginé de 1 à 196 et
suivi d'un feuillet non chiffrré pour l'errata. - 2° A
Espinal, par Pierre bouton, 1617, pet. in-4°. Prélim. 4
ff. Texte paginé de 1 à 158. - 3° Aussi à Espinal, par
Pierre Hovion, imprimeur de Son Altesse. M.DC.XXVI, pet.
in-8°, 2 ff. liminaires et 171 page de texte.
La première édition est, sous tous les rapports,
très-supérieure aux deux autres; elle a un beau titre et
un beau portrait de René II, gravés par Alexandre
Vallée. De mauvaises copies de ce titre et de ce
portrait se retrouvent dans la seconde édition; le titre
a disparu dans la troisième, et le portrait, gravé sur
bois, vaut moins encore que celui de l'édition
précédente.
Les deux premières éditions sont rares; la troisième est
à peu près introuvable je renvoie, dans ces notes, à la
seconde.
(101) Discours des choses advenues, p. 15, 34, 37,
39-40, 45, 82, 86, 90, 95-96, 111, 114, 119, 127,129,
132, 144,145,148,152-153.
(102) Id., p. 77.
(105) M. l'abbé Marchal, Recueil de documents sur
l'Histoire de Lorraine, 1859, p. v-vi.
(104) Disc. des choses advenues, p. 14, 133, 149.
(105) M. de Barante, Histoire des ducs de Bourgogne, de
la Maison de Valois. Règne de Charles-le-Têméraire, 6°
édit., T. VII, liv. VII, p. 239 et 247-249.
(106) Disc. des choses advenues, p. 96-114.
Livrée le 5 janvier 1477, la bataille de Nancy
s'élevait, par l'importance de ses résuttats, à la
hauteur d'un fait européen; aussi a-t-elle été souvent
décrite avec détails, mais, par aucun historien, d'une
manière aussi dramatique et aussi simpte, dans son vieux
et naïf langage, que par Nicolas Remy.
(107) Id., p. 17-18.
« Charmes est vne ville esleuée sur vn petit tertre, le
pied du quel la Moselle arrouse du costé du Septentrion.
Elle a à dos vers le midy vne petite prairie aboutie d'vne
haute colline plantureuse en vignoble, et à ses flancs,
tant du dessus vers le levant que du dessoubs vers le
ponent, de belles et amples campagnes, au trauers des
quelles ceste riuiere roule ses eaux auec vne telle
inconstance et impétuosité qu'il n'y a moyen de la
contenir en son lict et en empescher les saillies et
desbordements.
« Aussi en récompense de ce mauuais voisinage elle
foisonne en tant de sortes de poissons et si délicieux
que le dommage s'en noye aucunement dans le proufit. Et
en est au demeurant le seiour si aggreable, pour la
bonté et clémence de son air, que nulle ville de tout le
pays lui querelle ce pardessus. »
François, de Neufchâteau, disait plus tard, dans son
poëme des Vosges
Des hauleurs de Chaté, contemplez la Moselle !
Que Charme est bien placé ! que cette rive est belle !
(108) Disc. des choses advenues, p. 30-31.
(108 a) Id., p. 23-25, 50-51, 53-58, 66-68, 71, 80-85,
106-107.
(109) Id.,p. 27-31.
(110) Id., p. 72-73. - Dom Aubert Roland, La guerre de
René II, duc de Lorraine, etc., contre Charles Hardy,
duc de Bourgogne, p. 254-257. - Huguenin jeune, Histoire
de la guerre de Lorraine et du siège de Nancy, par
Charles-leTéméraire, duc de Bourgogne, p. 204-205.
M. Huguenin, qui juge le discours du bourgmestre
Waldmann comme je le juge moi-même, le donne presque
textuellement et en son entier. Le cordelier Dom Aubert
Roland n'avait fait, avant lui, que l'amplifier à la
façon de Tite-Live.
(111) Disc. des choses advenues, p. 43-44, 74.80, 83-84,
87-88.
(112) Id.,p. 25, 31, 119.
(113) Id., p. 2-3. - Vignier, La véritable origine des
tres!es maisons d'Alsace, de Lorraine, d'Avstriche, de
Bade et de quantité d'autres, p. 203.
En transcrivant, au milieu de ses travaux généalogiques
si consciencieux et si justement estimés, l'opinion de
Nicolas Remy, Vignier indique assez toute la valeur
qu'il y attachait.
(114) M. Beaupré, Recherches, p. 376-378.
(115) B. 1317, F° 242. Compte du Trésorier général de
Lorraine.
« Au sr Nicolas Remy, Conseillier d'Estat de Son Alteze,
la somme de mil francs que, pour ceste fois, sa dite
Alteze luy at donné et octroyé en considération des
peines et travaulx qu'il a employé au livre par luy
faict et mis en lumière des vie et gestes du feu Duc
René, trisayeul à S. A.. et pour l'encourager de tant
plus de mettre à chef le recueil, au quel il travaille,
des ordonnances tant de feu S.A. que de la Regnante. Par
mandement du vij de mars 1609.
(115 a) B. 1332, f° 236. Compte du Trésorier général de
Lorraine, pour l'année 1611.
« Au sr Nicolas Remy, Conseillier d'Estat de S. A., la
somme de mil frans sur et en déduction de trois mil
frans que sa dite Alteze luy a accordés en trois années
consécutifves à recevoir en trois cens reseaulx de bled
des receptes de Chastel et Charmes, en considération des
bons services qu'il a faict à feu S.A. et à la Regnante,
nommement pour les grands et laborieux travailles qu'il
a employé, du commandement de feu S. A. à compiler et
rediger par escript en ung seul volume toutes les
ordonnances des feuz ducz de Lorraine, et le quel volume
il a mis ez mains de S. A. pour estre tenu au Trésors de
ses chartes, n'ayant voulu, pour aucune raison, qu'il
passe soub la presse, comme estoit l'intention dudit a
sieur Remy. »
(116) Le Recueil des Ordonnances rédigé par Nicolas Remy
ne se trouve plus au Trésor des Chartes où le duc Henry
paraît cependant l'avoir déposé, et on ignore absolument
ce qu'il est devenu.
(117) Horatii Flacci, De Arte poetica, v. 38-40.
Sumite materiam vestris, qui seribitis, Bqaam
Viribus, et versate diu, quid ferre recusent,
Quid valeant hameri.
(118) Doemonol. epist. dedic.
« Ut soleo temporibus negotia mea dividere ac laboris
taedium varietate quantum possum effugere. »
(119) Doemonol. ad lectorem.
Dans sa Délmonolâtrie, Nicolas Remy fait preuve d'une
érudition vraiment prodigieuse et beaucoup plus commune
alors qu'aujourd'hui. Il invoque, sans cesse, l'Ancien
et le Nouveau Testament, les Pères de l'Eglise, les
philosophes, les historiens, les poètes de la Grèce et
de Rome, et puis et surtout, tous ceux qui, avant lui ou
en même temps que lui, s'étaient occupés de matières se
rattachant plus ou moins à son sujet. Il espère, par ce
luxe de précédents et d'autorités, plus facilement
dissiper les scrupules et les doutes des personnes
restées jusque-là étrangères aux choses de la
sorcellerie. « Ut et hunc scrupulum dubitationemque ex
illorum animis evellerem, qui ad ea peregrini atque
hospites fortè accédèrent, non piguit a ex locupletibus
et luculentis authoribus iis consentanea quaedam
breviter adjungere; siquidem rerum similiter gestarum
commemoratio non parvam veritati lucem authoritatemque
afferre perbibetur. »
(120) Id., lib. III, cap. 1, p. 302-303.
(121) Id., epist. dedicat.
« Sed cùm à re judiciarià subtraherem me ad amaeniora
studia, ac fortè ex recenti vel auditione, vel lectione,
adhuc haeereret aliquid de sagarum praestigiis ac
incantationibus; id quasi poëticum aliquod figmentum
arripiens, (nam ferè affinitatem aliquam habere videntur)
inde versus aliquos conficiebam ac post in adversaria
negligenter rejiciebam. »
(122) Les oeuvres de maistre Guy Coquille, sieur de
Romenay, in-fol., Bordeaux, M.DCCIII. Préface. M. Dupin,
Eloge de Guy Coquille, p. 7-8, 21-22, 46.
Guy Coquille avait de bonne heure, comme Nicolas Remy et
tous les grands magistrats de la Renaissance, contracté
le goût très-vif de la poésie latine. Si sa muse se
faisait le plus souvent l'écho discret de ses joies
intimes et de famille, quelquefois aussi elle éclatait
en patriotiques accents. Ainsi à l'heure même où le
chancelier de l'Hospital, retiré dans sa terre du Vignay,
écrivait son fameux excidat illa dies ! le vieux
Procureur général du Nivernais, en déplorant, lui aussi,
les horreurs de la Saint-Barthélémy, se rendait du moins
ce consolant témoignage que, grâce à lui, la ville de
Nevers y avait échappé.
Sed sola ferè orbs Nivernica clemens
Abstinnit misera et crudeli caede suorum.
(123) Les oeuvres d'Estienne Pasquier, in-fol.
Amsterdam, M.DCCXXIII, t. II. col. 830. - M. Dupin,
Eloge d'Estienne Pasquier, p. 55, 60.
Pour être juste, j'aurais dû dire que Nicolas Remy
faisait aussi bien les vers que Guy Coquille et qu'il
les faisait beaucoup mieux qu'Estienne Pasquier. Ami de
Ronsard, alors fort à la mode, et qu'il cherchait à
imiter, le savant auteur des Recherches de la France
versifiait très-médiocrement en latin et en français.
(124) In Doemonolatrioe librum primum periocha, cap. VII
et VIII, p. 4.
Nicolas Remy vient de nous faire l'histoire de ces 967
vers je voudrais maintenant, par la citation de
quelques-uns, permettre de les apprécier tous et je
choisis le portrait du diable :
Illud inauditum eerlè est, aapraque fidem, quod
Non exhorrescit mulier spectare maritum,
Cui ferrugineos flagrantia lumina vultus
Accendunt, nasus crispanti prominet uneo,
Aspera frons extat resupinis cornibus, aures
Arrecte villis horrent, immanis anhelat
Rietes, sulphureum patulo de gurgite odorem
Undat inaequali per rugas ordine mentum
Impexum setis, nutens, enorme, repandum.
Adde quod incurvos extremis artubus nugues
Exerit; haud aliter quàm dente harpago minaci :
Quod vasto informis se attollit corpore, quodque
Gutture vox illi presso interclusa remugit
Debilis ex imo testae velut excita fundo.
(125) Qvae svnt ad XVII Cal. IVL, An. M.DC.VI. honoris
ergo exhitibitaq. aduentante primùm ad vrbem Nanceium
Sereniss. Margarita Sereniss. Principis Henrici Barri
Ducis coniuge.
Clari-loci Ad Nanceium.- Excudebat Joannes Sauine
typographus. 1608 Pet. in-8° de 8 ff.. titre compris,
pag. de 3 à 16. - Au milieu du titre une gravure ovale
représente un guerrier tenant de la main droite une épée
nue, et de la gauche un bouclier sur lequel on lit : le
espère en Dieu qvi maidera.
(126) Herûvm Sereniss. potentiss. atqve optimi Principis
Caroli III. Dvcis Calabriae, Lotharingia;e, Barri,
Guetdriae, Marchisii, Marquionis Mussiponti, comitis
Vademontani, Albimontis, Zutphen. Clari-loci Ad Nanceium.
Excudebat Joannes Sauine Typographus. 1608. Pet. in-8°
de 6 ff., titre compris, page de 3 à 11. Même gravure
que sur le titre de l'entrée de Marguerite de Gonzague.
(127) M. Beaupré, Recherches, p. 239-240 et 243-246. -
Henri Lepage, les Archives de Nancy, T. II, p. 203-205.
L'ambassadeur envoyé à Nicolas Remy fut Florent Drouin,
chargé lui-même d'une partie des préparatifs de la fête.
La harangue et les vers composés par Nicolas Remy ont
été imprimés sous ce titre :
Qvse primvm Solennivs in vrbem Nanceivm ingredienti
Henirico II Duci Lotharingie XII cal. Maias anni M D.CX.
Ciues adornabant nisi, ut sumptibus parceretur,
veluisset eius Celsitudo.
- Nanceii, in oedib. Clari-loci per Joannem Sauine
Typographum. 1640. Pet. in-8° de 8 ff., titre compris,
paginés de 3 à 14.
M. Beaupré a péremptoirement établi que ces trois
opuscules, aujourd'hui rarissimes et dont il est
l'heureux possesseur, appartenaient à Nicolas Remy. En
chargeant de leur impression Jean Savine, après avoir
fait imprimer la Démonolâtrie, chez Vincent, à Lyon, Les
Principaux points de sa remontrance chez Faber, à Metz,
et le Discours des choses advenves, chez Melchior
Bernard, à Pont-à-Mousson, l'auteur a prouvé qu'il avait
le sentiment du beau, l'amour des livres et cette
conviction que l'écrivain manque à l'un de ses devoirs
essentiels envers le lecteur, quand il se contente de
satisfaire son esprit, sans se mettre en peine de
satisfaire aussi ses yeux.
Melchior Bernard et Jean Savine passaient, en Lorraine,
pour des imprimeurs distingués, et Vincent et Faber ne
jouissaient pas, en France et dans le Pays messin, d'une
moins bonne réputation.
(128) B. 7396. Roolle des Bourgeois, manans et habitans
de Nancy et de la ville noeuve du dit lieu, pour la
levée des solz, en l'année mil cinq cens quatrevingtz et
neuf.
LE HAULT BOURGET.
...
Me Nicolas Remy, Eschevin.
...
(129) J.-J. Lionnois, T. I, p. 201-202, 357-358 et le
plan de 1611, n° 21. - Henri Lepage, Les Archives, T.
III p. 342.
L'église Notre-Dame occupait tout le côté méridional de
la place de l'Arsenal. Le 3 juin 1598, Nicolas Remy y
fit baptiser son fils Charles, probablement le dernier.
- Le père devait avoir 70 ans !
Le 12 août de la même année, la fille Anne de
Claude-Marcel Remy recevait aussi le baptême dans la
même paroisse. En 1598, le père et le fils ont donc eu
tous deux, à deux mois d'intervalle, les joies de la
paternité !
(130) Doemonol, lib. I, cap. 17, p. 168. - Dom Calmet,
Biblioth. Lorr., col. 590 et 857-859. - Henri Lepage,
Archives de Nancy, T. II, p. 203-204. - François de
Neufchateau, Les Vosges.
J'ai dit en commençant que Nicolas Remy était né à
Charmes et je crois être le premier qui ait donné cette
indication, cependant bien facile à donner, puisque
l'auteur de la Démonolâtrie la donne lui-même, à propos
d'un incendie qui avait, dans son enfance, éclaté à
Charmes, et à la suite duquel on remarqua sur les débris
de l'édifice incendié des empreintes attribuées aux
ongles ou aux griffes du diable.
« Et memini, me nondum ex ephebis egresso, cùm Charmis
(*) (quae mihi patria est) fulmen universas aedes
propinqui mihi hominis esaet pervagatum, ad extremum eam
porticum qua id se foras ejecerat inscriptam profundis,
frequentibusque ungnium vestigiis reliquisse. Quae, cùm
populares rei novitate adducti, magnâ cum admiratione,
certatim inviserent, accurri et ipse eàque praesens vidi,
non sine aliquâ narium offensione, cùm sulphuris
teterrimo nidore aedes illae adhuc oppletae essent. »
(*) Le texte porte Chermis, mais c'est évidemment une
erreur, car on lit plus loin, p 306, non pas Chermarum,
mais Charmarum praetor.
Comme tous les coeurs bien nés, Nicolas Remy conservait
le souvenir et le culte de la patrie; il aimait Charmes,
il y venait souvent, et, puisqu'on a la preuve qu'il s'y
était retiré à la nn de sa vie, on peut, sans trop de
témérité, aftirmer qu'il y mourut.
Un peu après lui, Charmes a vu naître l'auteur de la
Recherche des Sainctes Antiquitez de la Vôge, Jean Ruyr;
et, vers la même époque, tout près de Charmes, Claude
Gelée, dit le Lorrain, naissait aussi à Chamagne, dont
les vertes et riantes prairies semblent avoir servi de
fond à ses immortels tableaux.
Ah faul-il s'étonner qu'en ces lieux pleins d'attraits,
De l'aimable nature épiant les secrets,
Gelée ait pu tracer ces riants paysages,
Ces ciels purs, ces beaux soirs, ces vaporeux nuages,
L'air qui joue à travers ces épis ondoyants,
Ces arbres agités et ces lointains fuyants ?
Ce grand peintre naquit au pied de nos montagnes ;
Il a dans ses tableaux transporté nos campagnes.
(131) B. 4024, B. 4032, B. 4033. Compte du Domaine de
Charmes. - Doemonol. lib. III, cap. I, p. 306.
En entrant dans la magistrature, Nicolas Remy resta
fidèle aux traditions de sa famille. Sa vocation
judiciaire s'était formée comme se forment les
meilleures; sans contrainte, d'elle-même,
instinctivement, au foyer domestique, au contact et à
l'exemple de son père Gérard Remy et de son aïeul
Nicolas Remy; tous deux prévôts de Charmes, le premier
en vertu d'un acte de l'autorité publique, le second à
la suite d'une sorte d'enchère et sous la promesse de
payer « chacun an la somme de quatrevingtz quinze
florins, dix gros pièce de principal, avec les droitz
accoustumez, assavoir douze florins pour les espices,
neufz florins pour les porcs, soixante libvres cire et
cinquante resalx avoinne, comme au plus offrant et
dernier enchérissant, à la chandelle... »
(132) Doemonol. lib. I, cap. 5, p. 51. - Michel,
Statistique administrative du département de la Meurthe,
p. 483. - Henri Lepage, Le Département de la Meurthe, T.
Il, p. 511 et les Communes, T. II p. 473.
« Dum in Sanmardano nostro rusticor. » St-Mard est un
très-petit village de l'ancienne province de Lorraine,
situé dans une gorge, à droite de la Moselle, à 5 kil.
de Bayon. On le dit fort ancien, quoiqu'aucun titre ne
le mentionne. Si Nicotas Remy y avait une campagne, il
ne paraît pas qu'il ait été le seigneur du lieu; car,
d'après les seuls documents qu'on connaisse, la haute,
moyenne et basse justice appartenait d'abord, pour des
parts inégales, au comte d'Haussonville et au marquis de
Blainville, et, plus tard, au chevalier Drouot,
conseiller en la chambre des Comptes de Lorraine.
(133) M. Dupin, Inauguration du tombeau et de la
chapelle du chancelier de Lhopital en 1836 et Discours
de rentrée prononcé le 9 nov. de la même année.
(134) Doemonol. lib. III, cbap. XII, p. 370.
Mens sana in corpore sano.
Nicolas Remy se louait surtout de ses yeux qui le
servaient à merveille.
(135) Dom Ambroise Pelletier, Nobiliaire p. 690.
Nicolas Remy avait épousé Anne ou Chrétienne Marchand,
fille de Henry Marchand et de Méline Le Galland. Il en
eut au moins sept enfants : I. Claude ou Claude Marcel,
Procureur général de Lorraine, du 26 août 1599 au 16
juillet 163, époque de sa mort; II. Emmanuel, Echevin à
Nancy le 5 février 1603, puis Gouverneur de la saline de
Marsal; III. African, dont la jeune muse s'est associée,
par un quatrain, à celle de ses frères aînés, pour
saluer l'apparition de la Démonolâtrie; IV. Charles,
baptisé à l'église Notre-Dame le 3 juin 1598; V.
Claude, dame de Rosières-en-Blois et du Breuil; VI et
VII. Deux filles mariées, l'une à François Vernet, de
Neufchâteau, et l'autre à Gaspard Vallée, Prévôt de
Charmes.
De cette famille, à l'origine, si nombreuse, il ne reste
pas aujourd'hui un seul représentant direct. M. Millet
de Chevers, premier Président de la Cour royale de
Colmar sous la Restauration, se disait l'arrière-neveu
de Nicolas Remy, et on assure que M. le comte Henry de
Saint-Germain élevé la même prétention, mais sans avoir,
ni l'un ni l'autre, aucun acte, aucun titre, qui
établisse ce lien de parenté éloignée. Le premier
possédait le portrait du Procureur général de Lorraine,
qu'il a légué à sa petite-fille, Mme la comtesse de
Montangon, et le second conserve précieusement, dans ses
archives domestiques, les lellres-patentes par
lesquelles le duc Charles III a conféré la noblesse à
son fidèle conseiller le 9 août 1583.
(136) B. 1317, f ° 242.- Chevrier, Hist. de Lorr. T. IX,
p. 77, et Mémoires pour servir à l'histoire des hommes
illustres... T. I, p. 129.
Après avoir définitivement résigné ses fonctions de
Procureur général en 1606, Nicolas Remy n'avait plus de
gages, lorsque, par un mandement spécial du 7 mars 1609,
le duc Henri, en lui maintenant son titre de Conseiller
d'Etat, lui accorda « doresnavant et par chacun an, au
terme et jour de Noël, sa vie durante, la somme de trois
cens frans. »
C'est à cette dernière libéralité du prince qu'on doit
de connaître l'époque du décès de Nicolas Remy. On lit,
en effet sur le compte du Trésorier général de Lorraine,
pour l'année 1612, en marge du nom du Conseiller d'Etat
émérite : « Obiit au mois d'april 1612. »
En présence de cette mention officielle et irrécusable,
que devient la téméraire affirmation de Chevrier que
Nicolas Remy est mort au mois de janvier 1600 !
La date du mois d'avril, déjà si précise, pourrait le
devenir plus encore.
On se souvient que le duc de Lorraine avait donné à son
ancien Procureur général une somme de 3,000 fr., payable
en trois années consécutives, 1611, 1612, 1613, sur les
recettes en blé de Charmes et de Châtel, pour un Recueil
des édits et ordonnances de la province. Or, Nicolas
Remy n'a profité que des deux premières annuités, et sa
seconde quittance porte la date du 13 avril 1612. La
troisième et dernière quittance a été donnée par son
fils aîné, Claude-Marcel, qui signe tant en son nom
qu'en celui de ses cohéritiers. Nicolas Remy est donc
mort en avril, et dans la seconde quinzaine de ce mois.
(137) Doemonol. lib. I. cap. 26,p. 165-166 et lib . II,
cap. XI, p.276.
« Quo magis demiror quorundam in censendis christianorum
moribus inconsideratam, supinamque sapientiam, qui, si
quod nolanis de mane datur signum, quo excitentur
homines ad tam salutares ac pias preces et iis quasi
oscitantibus auris a vellicetur ; id illicô damnent
atque improbent, quia nimirum ab illis usurpatur à
quibus in constituendâ, colendâque religione dissentiunt.
(138) Das Lied von der Glocke - M. Duchesne, Le chant de
la Cloche ou le poème de la vie, Mémoires de l'Académie
de Stanislas, année 1866, p. 21-47.
Qui ne connaît ce petit chef-d'oeuvre, si difficile à
traduire et qui a trouvé, naguère, au sein de L'Académie
de Stanislas, un si exact et un si habile traducteur
(139) Boileau, Les embarras de Paris. Satire IV.
J'entends déjà partout les charettes courir,
Les maçons travailler, les boutiques s'ouvrir
Tandis que dans les airs mille cloches émues
D'un funèbre concert font retentir les nues
Et se mêlant au bruit de la grêle et des vents,
Pour honorer les morts font mourir les vivants.
(140) Ce grossier portrait, que reproduit fidèlement la
gravure placée en tête de la présente notice, doit être
lui-même la copie d'un portraite exécuté en 1590. En
conservant à la légende de cette copie le millésime
primitif et en donnant à Nicolas Remy le titre de
Procureur général en la cour souveraine de Lorraine et
Barrois, on a commis un double et évident anachronisme
car, en 1590, la cour souveraine de Lorraine et Barrois
n'existait pas encore et Nicolas Remy n'est devenu
Procureur général que le 24 août de l'année suivante. |