Le Pays Lorrain
1914-1919
LES RUSSES EN LORRAINE EN
1814
Mémoires du général Kahovski - la campagne de 1814 (1)
Sarrebourg, 13 janvier (date
russe, 25 janvier français).
Après une nuit très froide,
bien plus mauvaise que celle passée à Lauterbourg où nous avions
pu dormir, le matin nous avons allumé un petit poêle de fonte
et, par suite de l'humidité du bois, on était si enfumé qu'on
était asphyxié au point de ne pouvoir se lever. Avec tout ce
froid, il fallut ouvrir les fenêtres et s'habiller au plus
vite-. Le thé cependant nous fut donné tard et après le grand
trajet de la veille, nous dûmes bon gré mal gré partir à dix
heures. Nous prîmes un guide en demandant à Dieu la paix, un
prompt retour et une meilleure répartition en cantonnements,
souhait auquel nous ne nous étions pas attendus en France. Après
avoir passé deux heures sur la grand'route exposés aux coups de
mitraille de la forteresse de Phalsbourg où a été laissée une
garnison française et que bloque Laline, nous avons tourné par
un sentier frayé à nouveau autour de la forteresse, on peut le
dire, jusqu'à la grand'route. A dire vrai, ces imbéciles de
Français - c'est assez comique - n'ont pas envoyé un boulet de
la forteresse. Il est passé beaucoup de bagages et, en outre,
dans le même temps, cette distance fut franchie par un
détachement de convalescents et les postes de blocus furent
changés. Laline était là avec un escadron de Badois qui avançait
avec une extrême difficulté par ce temps si mauvais et par la
neige. Les nôtres parvinrent enfin à la chaussée. Grâces, soient
rendues à Dieu pour cet heureux voyage ! à trois heures nous
arrivâmes ici après-avoir fait seulement huit lieues. Pour-faire
suite à notre logement d'hier, nous avons pu- ici, Dieu merci !
avoir celui qu'avait occupé notre comte. Mon propriétaire est un
fabricant de travaux de modelage faits d'une pâte particulière
imaginée par lui qui remplace la sculpture, non seulement sans
lui être inférieure, mais encore avec un réel avantage (2)
Aujourd'hui déjà nous avons franchi la frontière d'Alsace et
nous sommes déjà en Lorraine, dans la vieille France. Cependant
notre propriétaire Joseph Reinath, qui dit qu'il a servi comme
capitaine, est allemand. Nous avons deux magnifiques chambres.
II nous a montré son travail, disant que sa maison est
allemande, qu'on peut emporter de ses produits en Russie. Notre
comte est déjà au delà de Nancy et Dieu sait où il court.
Aklitchéiev et Ignatiev ont diné ici et tous deux sont partis;
le premier en voiture de poste et l'autre dans sa voiture. Pour
moi, j'ai ménagé mes chevaux; mais demain je veux coucher à
Lunéville distant d'ici de 14 lieues. Mon propriétaire nous a
donné des livres de Kotzebue, d'Iffland, et de Schiller; Gustave
et moi, nous lisons tout le temps. Par contre, nous avons
attendu le diner jusque 7 heures du soir; mais nous avons
superbement mangé et avons bu de bon Bourgogne ainsi que chacun
une coupe de Champagne. Maintenant, nous avons bu chacun un
petit verre de délicieux vieux rhum; Chefler lit der Magnetismus;
il est temps de dormir.
Lunéville, 14 janvier.
Après avoir magnifiquement dormi, je me suis levé aujourd'hui à
7 heures du matin j'ai mis ma cantine en ordre et nous sommes
partis à 9 heures après avoir remercié notre hôte pour sa bonne
réception. Le temps n'a cessé d'être mauvais et il y avait
tant-de neige qu'on aurait pu aller en traîneau. Vraiment, je ne
sais ce que ces Messieurs les admirateurs des Français qu'on
trouve chez nous, ont tant à dire de la France c'est un pays
comme tous les pays et il ne me plait en aucune manière. Des
pauvres nous arrêtent presque à chaque pas et par ce grand froid
auquel ils sont infiniment plus sensibles que nous, ils courent
quelques verstes après une calèche, tant qu'on ne leur a pas
donné quelque chose. A mi-chemin, dans la ville de Blâmont, nous
avons fait arrêt pour dîner, et sans dételer les chevaux, nous
sommes entrés dans la meilleure auberge qui est très pareille à
une gargote ordinaire de chez nous. On nous a donné un morceau
de viande de boeuf en bouillie avec de la mauvaise moutarde de
Dijon. Nous avons eu chacun un morceau de canard et une
omelette, puis comme dessert une pomme et des amandes sur une
assiette. De plus, nous avons bu deux bouteilles de Bourgogne
qu'on donne ici habituellement dans chaque maison, comme étant
le vin le meilleur marché (3); et pour ce régal une hôtesse qui
avait la langue bien, pendue, nous a pris 9 francs. De Blâmont,
nous allâmes à Lunéville assez vite, et 5 heure, nous étions
déjà-ici en quartiers, dans la maison du comte de Fermont.
Lunéville est une ville assez grande, et dont j'ai le souvenir,
surtout grâce aux récits de nos prisonniers d'Austerlitz et de
la campagne de 1806-1807 qui furent tenus-ici tout le temps.
Cette idée fait naitre en moi-bien des souvenirs divers, par
exemple celui du pauvre Poltoratski qui m'a tant parlé de-son
séjour ici, et de Constantin Kuroche. Tous deux jouissent déjà
de l'éternel repos : paix à leurs cendres ! Un soupir s'est
échappé de ma poitrine, quand j'ai murmuré leurs noms : oui leur
mémoire sera vengée. Mais c'est assez parler des morts, il
existe encore beaucoup de vivants qui verront les hôtes dont-il
ont été prisonniers,-entre autres Oranski : c'est dommage qu'il
ne soit pas là, il aurait un peu ri. Ici, je loge dans une très
grande maison; les chambres sont magnifiques, mais très froides;
il n'y a pas de poêles du tout; et avant qu'on fit du feu dans
la cheminée, le gendre de nos hôtes a d'abord fait son
apparition, ensuite parurent l'hôte lui-même, vieillard de 86
ans et sa femme, « baba » encore solide; ils palabrèrent
longtemps. Leur fils sert dans l'armée autrichienne en qualité
de lieutenant au Feld-maréchal. Le soir arrivé, Nabel qui va
avec les escadrons de Suma et le commandant du régiment de
Viatha, le major Ogon Doganovski, nôtre propriétaire de
Pociétché se sont assis pour prendre le thé et ont lu jusqu'à la
fin le drame d'Iffland « Gerbestag » qu'ils avaient emporté de
leur précédent gite tout à fait par hasard. Le comte partira de
Nancy demain et sa marcheroute est fixée jusqu'a Troie (sic).
Toul, 15 janvier.
Eh bien nous avons enfin, Dieu merci ! rattrapé le comte et nous
sommes maintenant ensemble. Après avoir dormi avec beaucoup
d'agitation à cause de l'extrême froid, nous nous sommes levés
assez tôt et nous nous sommes habillés près de la cheminée.
Après le thé, sans avoir revu nos hôtes dont nous avions pris
congé la veille, nous sommes partis pour Nancy et en retour de
l'hospitalité que nous avions reçue de nos hôtes, j'ai oublié
chez eux mon mouchoir de poche. Après avoir traversé la très
passable petite ville de Saint-Nicolas à une heure de
l'après-midi, nous fîmes notre entrée la grande et belle ville
de Nancy. Beaucoup disent que, pour le nombre des habitants et
par son étendue, elle le cède seulement à Paris ; en tout cas,
par son exposition et par ses beaux bâtiments, elle n'est pas
plus mal que la capitale française. Elle compte, 24.000
habitants. Je passai par une longue et large rue qui fait
faubourg. Nous primes par la porte de la Constitution
(St-Nicolas) et par la plus belle rue qui porte aussi ce nom, et
nous arrivâmes à une grande place magnifiquement entourée de
bâtiments, avec des fontaines dans les coins, et au milieu de
laquelle se dresse, entouré d'une grille de fer, le piédestal de
la statue de Louis XV anéantie par la Révolution. Ce vide sur un
haut piédestal force chacun à demander ce qu'il y avait là, et
après qu'on a reçu une réponse, on est envahi de je ne sais quel
dégout involontaire pour ce peuple qui a pu anéantir son
souverain légitime, les monuments mêmes de ses anciens
possesseurs et obéit maintenant avec servilité au tyran qui a
versé le sang de ces hommes pour sa propre gloire.
En cherchant nos quartiers de logements, nous avons traversé à
pied une assez grande partie de la ville enfin on nous a fourni
un logis au-delà de portes où se lisait l'inscription « A
Napoléon le Grand » et d'où part un magnifique boulevard qui va
jusqu'à l'énorme « maison du Gouvernement ». On nous a donné une
chambre très petite et, comme toujours, très froide. En
attendant qu'on ait fait du feu et préparé le dîner que nous
avons commandé au plus vite, désireux d'arriver à Toul et
d'atteindre le comte parti aujourd'hui même de Nancy, nous
décidâmes cependant qu'il valait mieux visiter la ville. Ce
matin, il y avait une magnifique gelée russe ; mais ensuite un
gentil soleil s'est mis à nous regarder et la journée a été
superbe. Le général Levenchtern vint à nous et nous allâmes
flâner ensemble. Il nous conduisit dans la cathédrale construite
en pierre de taille et d'architecture pas mauvaise du tout.
Cette église, à ce que racontent les habitants, a été d'une
richesse insigne ; mais les Français pieux et craignant Dieu qui
vivaient au temps de leur inoubliée révolution, affirmèrent
alors que la richesse et la splendeur seyaient mal à la sainteté
et à l'humilité et ils l'ont littéralement mise à nu. De
l'église, Levenchtern voulait nous conduire an monument du roi
de Pologne qui a été ici en exil. Mais, comme il fallait faire
plus de deux verstes par la rue que nous avions prises, nous
nous en sommes retournes sans même aller jusqu'à la porte de la
Constitution et nous nous sommes promenés par la ville,
accompagnés de petits mendiants qui, à chaque pas, criaient :
Vive le bon roi Alexandre ! et nous demandaient de l'argent.
Chéfler leur cria en riant: « Ah ! traîtres, il vous faut crier
Vive Napoléon ! » Et eux de crier tout de suite : « Vivat
Napoléon d'Autriche ! » Bien que nous ayons un brisement de coeur
en voyant une telle multitude de pauvres à chaque pas sur cette
terre que nos Messieurs qualifient d'heureuse, il n'était pas
possible de ne pas sourire.
Devant la boutique d'un italien qui vendait des estampes, nous
avons trouvé un gros rassemblement qui contemplait un portrait
de notre Empereur, absolument pas ressemblant d'ailleurs. Nous
entrâmes dans la boutique et j'achetai une carte de France pour
7 francs. Les estampes étaient si chères que pour six qui
représentaient Paul et Virginie, on m'a demandé 12 pistoles. De
là, nous sommes rentrés à la maison avec une telle suite qu'elle
m'a ôté toute espèce d'envie de recommencer une telle promenade.
On nous a servi un diner assez bon; et il est arrivé une bonne
femme de Deux-Ponts. Il faut dire que nous, avions passé là et
que même nous connaissions l'étable près de laquelle elle était
née. Au dessert, apparurent de nouveaux mendiants, il y en avait
même qui portaient des lettres en vers. Dieu merci ! - comme
l'écrivit Gustave dans son petit journal - grâce à l'Allemande,
nous repoussâmes cette attaque à coups de kreutzers. Ayant pris
congé de notre hôte qui injuriait sans miséricorde Napoléon,
nous nous mimes en route. A notre sortie, d'un côté de la
calèche, nous étions attendus. par une foule terrible de grands
et de petits mendiants, et de l'autre par des musiciens du même
genre, du milieu desquels nous pûmes, à grand'peine nous
échapper au galop hors de la ville. Et même sur la grand'route,
les mendiants ne nous laissèrent pas de repos.
Nous sommes arrivés ici à 7 heures ; notre logement est petit,
froid et, jusque maintenant le bois flambe mal dans la cheminée.
- Le comte est au concert et je ne sais pas si je le verrai
aujourd'hui. - Nous avons bu un petit verre de rhum et je me
suis mis à écrire mon journal. Chefler a déjà depuis longtemps
fini le sien, et, en le lisant, il m'a fait rire. Ce sera pour
moi une chose très agréable, lorsque Dieu m'aura béni au point
de me mettre en situation de pouvoir lire ces mémoires chez moi
parmi un aimable cercle d'intimes et lorsque je me rappellerai
tout ce que j'ai maintenant sous les yeux.- Toul est une
forteresse ; mais nous y sommes arrivés quand il faisait déjà
sombre et aujourd'hui je n'ai rien à en dire.
Village de Goudlencourt (sic), (Houdelaincourt) 16 janvier.
Aujourd'hui, dès le matin, j'ai été chez le comte, je l'ai
trouvé seul et nous avons beaucoup parlé. Il a ri de ce que
j'étais resté en arrière et de ce que j'avais été si longtemps
sans pouvoir le rattraper. Toul est une très petite ville, et à
part une place plantée d'arbres, je n'y ai rien remarqué de
convenable. Notre logement se trouvait dans une auberge portant
comme enseigne « Au-cheval de bronze » et le patron s'appelle
Stir. Pour le ferrage des chevaux, qui m'a couté 20 francs, nous
avons attendu à Toul presque jusqu'à 2 heures de l'après-midi.
Nous avons diné passablement et avons marché jusqu'au village
d'où j'écris, où nous, sommes arrivés à 7 heures du soir, après
avoir fait neuf lieues de poste par une route montueuse. Nous
avons traversé la petite ville de Vaucouleurs. Le village de
Goudlencourt n'est pas fameusement grand, et même, dans la
maison du simple paysan où nous logeons, nous n'avons pas trouvé
de poêle, tout au plus une cheminée dans l'antichambre. Dans
notre chambre, il n'y a rien et il fait si froid qu'en place de
poêle, on nous a apporté un pot de charbon et qu'après avoir bu
deux verres de punch, nous n'arrivions pas à nous réchauffer.
Nous avions les pieds plus gelés que nous ne les avions eus dans
la calèche, et cela quoique le temps fut au dégel. Tout cela
vient de ce que les murs des maisons-sont en pierre. Nous avons
acheté une paire de bouteilles de vin et nous allons souper. Je
n'irai pas voir le comte : c'est loin. J'ai lu un drame et trié
les papiers que j'ai reçus. Je dormirai comme je pourrai, sans
me déshabiller. O douce Germanie !
Ville de Joinville,17 janvier.
Après avoir dormi encore plus mal qu'hier, à cause du froid
extraordinaire et de mon mauvais lit, je me suis réveillé
plusieurs fois, pendant la nuit, j'ai du appeler Michel, aller
le chercher avec une bougie et je lui ai demandé du thé. Je suis
allé voir le comte et, chemin- faisant, j'ai rencontré
Aklitcheiev qui était extrêmement effrayé de ce que nous sommes
tournés par l'ennemi. Mais le comte avait déjà reçu un rapport
l'avisant que le corps prussien avait chassé l'ennemi et
occupait une position parallèle à la nôtre. Aklitcheiev a
conféré avec le comte assez longtemps, et ayant reconnu qu'il
était important pour nous de rester à Joinville, il est venu
prendre Ignatiev. Sur ce, nous nous mimes en route par des
montages hautes et décevantes. Nous fîmes sept lieues et eûmes
grand'peine à arriver. D'ailleurs, en approchant de la ville,
nous vîmes venir à notre rencontre, un officier du prince de
Wurtemberg qui nous a dit qu'avec notre équipage, il ne nous
était pas possible d'entrer dans la ville, parce qu'on entendait
la fusillade tout à côté. Cependant, nous entrâmes dans la ville
à la grâce de Dieu et nous n'entendîmes rien. En attendant les
événements, nous reconnûmes nos logements et nous allâmes voir
Pichnitski qui est ici. Nous avons bu chez lui de la vodka avec
Aklitcheiev et Ignatiev, après quoi nous sommes venus ici. Le
logement est froid, il a une cheminée comme toujours, il est
d'ailleurs tout à fait convenable. Je suis allé voir le comte
qui a reçu un courrier lui annonçant que de Wrède a ordre de
nous renforcer avec ses Bavarois. Du reste il est déjà arrivé
aujourd'hui et s'est rendu aussitôt chez le comte. L'ennemi
vient d'échanger une fusillade avec nos avant-postes et s'est
retiré ensuite sur la route de Saint-Dizier. On dit que c'est là
que se trouve la première position des Français et que la
deuxième est à Châlons. Napoléon doit être aujourd'hui à Vitry.
On dit que l'ennemi est très proche en conséquence, nous sommes
très prudents. Nous avons superbement diné; et, ce qui est
extraordinairement rarement rare, étant donné la cherté du
sucre, on nous a régalé de café après diner. Nous sommes allés
voir Teslev qui demeure dans le faubourg même, au-delà du pont.
Il a encore affirmé qu'il fallait être très prudent ; mais j'ai
encore tout ici, ma calèche, mon cocher et mes chevaux de selle
- tout, grâce à Dieu ! c'est en Dieu que nous mettons toute
notre espérance. Notre propriétaire est très bavard et déblatère
sans miséricorde contre Bonaparte. Autant qu'on en peut juger,
il fait cela de bon coeur ; comme ils ont souffert de la
Révolution et encore plus de Napoléon ! Tous, unanimement
désirent la paix. 0 mon Dieu ! exauce le désir de tous ! Ils
sont dévoués, coeurs et âmes à la maison de Bourbon et la joie
rayonne sur le visage de chacun, quand on leur dit que le duc
d'Angoulême est à notre quartier général. Teslev m'a affirmé que
demain nous attaquerions avec de Wrède ; mais il n'a pas encore
de dispositions prises.
Il faut dormir en capotes et sans se déshabiller. (Traduction
d'après la Rousskaïa Starina, février 1914).
La Revue historique, faisant la critique du livre de M. René
Perrin « L'Esprit Public dans le Département de la Meurthe de
1814 à 1816 (Berger-Levrault, 1913, 123 p. in-8°), notait que ce
livre très intéressant pouvait être complété à l'aide de
quelques recherches aux Archives de la guerre et aux Archives
nationales. Un homme grave, le comte Dejean, avoue dans une
lettre du 13 janvier (AFIV 1669) que les troupes ennemies alors
bien disciplinées, sont moins à charge que les nôtres. La
Lorraine, dont, dit-il, l'esprit « est très mauvais voit ainsi
arriver sans peine les Alliés qui du moins suppriment les droits
réunis. Mais, dès février, leurs pillages et leurs violences
modifient les sentiments du pays et rendent à Napoléon son
ancienne popularité ». Les fragments que nous apportons ici de
la correspondance du général Kahovski, confirment l'opinion du
comte Dejean et de la Revue historique. Il est très intéressant,
d'ailleurs, de signaler l'étonnement qu'éprouve ce général russe
à constater la grande misère qui règne dans la Meurthe en 1814.
Les Russes qui séjournèrent dans le Nord de la France en 18I4,
1815, 1816, ont au contraire été tellement frappés de la
prospérité de la France après tant de sacrifices en hommes et en
argent, après tant de revers, que la plupart sont devenus, selon
leur propre expression, des « occidentaux » et ont cru devoir se
grouper en loges maçonniques, en vue de donner à la Russie un
régime aussi prospère. La situation de la Lorraine sans cesse
traversée par des troupes durant toute la Révolution et tout
l'Empire, plus éprouvée que le Nord par les réquisitions de
toutes sortes, était sans doute moins propre à faire naitre un
tel enthousiasme.
Abel MANSUY.
(1) Notre
compatriote M. Abel Mansuy, lecteur à l'Université de Varsovie,
président de l'Alliance française-de cette ville, et auteur d'un
très beau livre sur le Monde slave et les Classiques français, a
bien voulu traduire pour nous les intéressantes pages qu'on va
lire. Nous lui adressons nos vifs remerciments.
(2) Voir, sur la fabrique de « pâtes de Sarrebourg », Ch.
Sadoul, Marie-Louise, en Lorraine (Pays Lorrain, 1910, p, 235).
(3) Il est-probable que cet excellent et peu couteux bourgogne
était tout simplement du vin de Lorraine 1811. (N.D.L.R.) |