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Blâmont-Badonviller - Combats du 7 au 12 août 1914


Revue d'infanterie
1er janvier 1925

LE 20e BATAILLON DE CHASSEURS
En couverture au début d'août 1914

SITUATION AU DÉBUT DE LA CAMPAGNE.

A la fin de juillet 1914, le 20e bataillon de chasseurs tenait garnison dans la petite ville de Baccarat. En raison de la tension politique, tous les permissionnaires avaient été rappelés et chacun se tenait prêt à partir au premier signal.
Des bruits alarmants commençaient à courir au sujet des intentions de l'ennemi. On parlait de gros rassemblements de troupe, notamment de cavalerie, au voisinage immédiat de la frontière, à une vingtaine de kilomètres à peine de Baccarat. Les Allemands allaient-ils envahir notre pays sans déclaration de guerre et venir surprendre nos chasseurs, avant qu'ils aient eu le temps de songer à se défendre ?
Le 30 juillet au matin, les nouvelles reçues des préparatifs ennemis deviennent de plus en plus alarmantes. Une patrouille cycliste du 20e bataillon de chasseurs (1 officier, 1 sous-officier et 4 hommes) est envoyée à Badonviller, avec la mission de surveiller les routes aboutissant à cette localité et de recueillir des renseignements auprès de nos postes de douaniers et de gardes forestiers. Elle fait connaître, dans la journée, que la cavalerie allemande patrouille près de la frontière et que des troupes nombreuses d'infanterie sont signalées à Hattigny, Saint-Georges, Niederhoff.
Vers 17 heures, au reçu de ces nouvelles et en vue ce prévenir toute surprise, la 1re compagnie du 20e bataillon de chasseurs reçoit l'ordre de s'établir sur les hauteurs immédiatement à l'est de Baccarat, vers la ferme de Créviller.
On s'attend bien à la guerre et chacun y est prêt, mais on a encore un peu d'espoir que les choses s'arrangeront quand, le 31 juillet, à 2 h. 15, arrive le télégramme ministériel prescrivant aux troupes de prendre immédiatement leurs emplacements de couverture.
La mobilisation, minutieusement préparée, s'opère dans le plus grand calme et, à 7 heures, le bataillon quitte son casernement se dirigeant sur Montigny, pour y prendre les emplacements prévus dans le plan de couverture.
La mission générale des troupes de couverture définie par l'Instruction sur la conduite des grandes unités, consistait :
Au début, à arrêter les reconnaissances, ou les détachements de l'ennemi, qui chercheraient à pénétrer sur notre territoire;
Ultérieurement, à retarder la marche de corps plus considérables, qui pourraient troubler les débarquements et la Concentration des armées.
Pour l'accomplissement de ces missions, un secteur de couverture était affecté à chacun des corps d'armée stationnés près de la frontière.
Le dispositif à réaliser dans chaque secteur comportait :
1° Des groupes de couverture, poussant en avant, sur la frontière même, un réseau de surveillance constitué par la cavalerie et renforcé par les douaniers et les forestiers;
2° En arrière, un gros de couverture, disponible pour la manoeuvre.
Le 21e corps d'armée, dont, faisait partie le 20e bataillon de chasseurs, avait pour mission d'assurer la couverture dans le secteur de la haute Meurthe, de Fraize à Avricourt, afin de couvrir la concentration prévue en arrière du front Charmes-Bruyères (voir croquis n° 1).

Son gros devait se réunir dans la région de Rambervillers, Bruyères et les groupes de couverture devaient être établis à Fraize, Saint-Dié, Celles et Montigny.
Le groupe de Montigny (celui qui nous intéresse) comprenait les 17e et 20e bataillons de chasseurs et trois pelotons du 4e chasseurs à cheval; il devait être renforcé ultérieurement par la 6e division de cavalerie. Sa mission consistait à assurer la couverture de Cirey-sur-Vesouze à Avricourt.
Tout le monde, au 20e bataillon de chasseurs, connaissait bien le secteur où l'on allait opérer; des manoeuvres fréquentes et de nombreux exercices avaient eu lieu dans la région.
Le bataillon était placé sous les ordres du commandant Michaud, chef énergique, venant du Maroc, où il avait eu l'occasion de se distinguer au feu et qui possédait à la fois la confiance et l'affection de sa troupe.
En arrivant à Montigny vers 9 heures, le commandant du 17e bataillon, qui commande le groupe de couverture donne ses instructions pour la journée du 31 juillet :
«  Le 17e stationnera à Montigny et tiendra la partie ouest du secteur.
«  Le 20e, disposant d'un peloton du 4e chasseurs à cheval, cantonnera à Sainte-Pôle, couvert par une compagnie à Ancerviller et une compagnie à Saint-Maurice. Il a pour mission de garder le secteur compris entre les routes Montigny - Domèvre et Montigny - Badonviller.
«  A sa droite, le 21e bataillon de chasseurs tient Badonviller. »
La 6e division de cavalerie commence ses débarquements dans la journée; le général commandant cette grande unité prend le commandement du groupe de couverture et fait parvenir ses ordres dans la soirée du 31.
Le 20e bataillon de chasseurs doit assurer la surveillance du secteur compris entre la route Cirey - Badonviller et la route Blâmont - Baccarat; le gros du bataillon venant s'établir vers le Petit-Ancerviller, Halloville, couvert par :
Une compagnie à Barbas, tenant la crête bois de Trion, ferme Saint-Géon;
Une compagnie à Harbouey;
Une compagnie au bois du Haut de la Tour.
Ces mouvements s'exécutent dans la nuit du 31 juillet au 1er août. Les compagnies, se portant vers la frontière, rencontrent en route les réservistes des villages voisins, qui ont reçu dans la journée leurs ordres d'appel individuels et parlent vers leurs corps de mobilisation, la plupart en chantant.
Mais une cruelle déception attend nos troupes; celles-ci sont à peine installées quand arrive, un peu après minuit, l'ordre de faire immédiatement demi-tour. Il faut reprendre en sens inverse la route que l'on vient de suivre. La marche est moins rapide, non en raison de la fatigue, mais les chasseurs ne comprennent pas. On tourne le dos à l'ennemi. Pourquoi ? Beaucoup sont du pays et s'inquiètent.
A l'arrivée à Sainte-Pôle, on apprend la décision du gouvernement, prescrivant à nos troupes de se tenir à une distance d'au moins 10 kilomètres de la frontière, afin d'éviter tout ce qui pourrait paraître une provocation.
Dans ces conditions, les ordres donnés au 20e bataillon sont encore une fois modifiés (voir croquis n° 2) :
«  Le gros du bataillon s'installera à Sainte-Pôle, couvert par une compagnie à Ancerviller-le-Petit, tenant le Clair-Bois, une compagnie au bois des Chiens, gardant le secteur compris entre la lisière est du bois Bénal et le signal de la Vigne; une compagnie au bois des Haies, surveillant le front compris entre le signal de la Vigne et Montreux, en liaison vers la cote 338 avec des éléments du 21e bataillon de chasseurs, qui a deux compagnies à Badonviller. »

La position choisie pour les avant-postes est particulièrement favorable; elle suit une ligne de crêtes avec des vues lointaines et des champs de tir étendus, sur les pentes descendant vers le ruisseau de Vacon. Aucune patrouille ennemie ne pourra approcher sans être signalée. Les bois qui jalonnent la position forment des points d'appui excellents, qu'il sera facile d'organiser. Enfin, l'étendue du secteur (7 kilomètres environ) permet d'assurer une surveillance étroite du front à couvrir.
Les ordres donnés par le commandant de la 25e brigade, qui vient de prendre le commandement du groupe de couverture (la 6e division de cavalerie devant opérer plus à l'ouest) prescrivent de tenir la lisière des bois (Clair-Bois, bois Bénal, bois des Chiens, bois des Haies). En cas d'attaque par des forces importantes, première position de repli, Ancerviller; puis hauteurs de la rive gauche de la Blette.
Dans la journée du 1er août, les réservistes arrivent en renfort. L'effectif du bataillon est porté à 25 officiers et 1.000 hommes; les compagnies comprennent chacune plus de 250 hommes.

LES PREMIÈRES ESCARMOUCHES (Blâmont, 7 août).

Jusqu'ici, l'ennemi n'a montré aucune activité devant le front. Il s'est borné à occuper, près de la frontière, des pylônes d'observation construits avec soin en temps de paix sur les points dominants de la région, d'où il lui est facile de surveiller nos mouvements.
Pourtant, le 2 août et avant toute déclaration de guerre, une patrouille de cavalerie pénètre sur notre territoire à Cirey. Aussi, dans la journée du 3 août, l'interdiction de s'approcher de la frontière à moins de 10 kilomètres est levée et nos postes de cavalerie sont poussés en surveillance sur la frontière même.
Nos unités s'installent de leur mieux sur les emplacements qui leur ont été fixés. Les compagnies d'avant-postes organisent soigneusement le terrain, creusent des tranchées en arrière des lisières de bois, placent des réseaux légers de fils de fer. Tous les chemins sont barrés par des abatis ou des barricades.
Jusqu'au 8 août, aucun événement important ne survient devant le front.
De nombreuses patrouilles de cavalerie tâtent sans cesse nos lignes et s'efforcent d'y pénétrer, venant de Blâmont, de Cirey-sur-Vesouze et de Val-et-Châtillon. Mais notre défense est si active et si vigilante, qu'elles ne peuvent réussir.
Accueillies par des feux bien ajustés et tirés à courte distance, elles laissent chaque fois des blessés ou des prisonniers entre nos mains, sans avoir pu obtenir le moindre renseignement sur la situation de nos troupes.
De son côté, notre cavalerie ne reste pas inactive; elle pousse des reconnaissances sur les routes principales venant de la frontière et recueille auprès des habitants de nombreux renseignements sur les mouvements de l'ennemi.
Le 2e escadron du 13e chasseurs à cheval, commandé par le capitaine Thierry et faisant partie de la 6e division de cavalerie est appelé notamment, au cours de ces journées, à jouer un rôle particulièrement intéressant (voir croquis n° 3). Cet escadron avait été envoyé le 6 août à Blâmont, avec la mission de reconnaître la direction de Sarrebourg et les passages de Cirey-sur-Vesouze; il devait occuper Blâmont en vue de permettre éventuellement le débouché de la découverte de la division de cavalerie au nord de la Vesouze, en opérant en liaison avec le groupe de couverture n° 4. Une section du 17e bataillon de chasseurs était, d'ailleurs, venue le renforcer dans la matinée du 6.

Vers midi, le capitaine Thierry apprend qu'une colonne importante de cavalerie, avec de l'artillerie, a été vue vers 10 heures sur la route de Sarrebourg, sa tête à hauteur de la frontière. De nombreuses patrouilles de cavalerie sont, en outre, signalées dans le bois de Blâmont.
Il estime, qu'avec ses faibles forces, il ne saurait tenir Blâmont contre une attaque importante, et il décide de renvoyer à Domèvre la section de chasseurs à pied qui ne pourrait être qu'une gêne pour lui et de continuer à surveiller la marche de la colonne ennemie ainsi que les débouchés de Blamont et de Cirey-sur-Vesouze.
La section du 17e bataillon de chasseurs se replie sur Domèvre avec l'aide de deux pelotons de cavalerie. Les sacs des hommes sont portés par les cavaliers; trois voitures prises à Blâmont servent au transport de quelques hommes. Grâce à ces mesures, la section est ramenée très rapidement à 3 kilomètres en arrière, au croisement du chemin de Barbas, d'où elle rentre sans encombre à Domèvre.
Les deux pelotons d'escorte rallient, vers 13 h. 30, le reste de l'escadron qui a multiplié les patrouilles. Un renseignement reçu à 10 heures annonce que la colonne ennemie a fait demi-tour vers midi et s'est repliée sur Saint-Georges, où elle parait s'être installée.
La journée du 6 se passe sans incidents autres que le défilé, toujours aux allures vives, de cavaliers ennemis (tous des isolés) qui arrivent jusqu'à Gogney.
A 18 heures, le capitaine Thierry reçoit l'ordre d'évacuer Blâmont ordre émanant de la 6e D. C.) et d'aller se mettre au Clair-Bois, à la disposition du commandant du groupe de couverture n° 4, qui doit lui donner de nouvelles instructions.
L'escadron se replie à 19 heures, après ralliement de tous ses éléments détachés. Ceux-ci confirment la grande activité des patrouilles de cavalerie ennemie dans les secteurs qu'ils devaient surveiller.
En arrivant au Clair-Bois vers 21 heures, le capitaine Thierry reçoit l'ordre du commandant du groupe de couverture de se porter de nouveau sur Blâmont, pour y surprendre les détachements ennemis qui viennent y faire des réquisitions. Il doit, dans la journée du 7, rester dans la région de Blâmont et faire des prisonniers.
Deux sections du 20e bataillon de chasseurs sont mises à sa disposition. On lui fait connaître, en outre, que la 6e division de cavalerie a reçu une mission l'amenant à opérer dans un autre secteur et qu'il ne devra pas compter sur elle pour le soutenir. Sa ligne de repli sera donc sur Domèvre, le Clair-Bois. Départ à 23 heures.
Il faut, dans cette mission, agir par surprise et faire vite. Il faut surtout arriver à pied d'oeuvre sans être éventé. Pour cela, se porter rapidement au dernier couvert (bois du Trion) où se prendront les dispositions d'attaque.
Un premier bond amène le détachement à Barbas, où se rassemblent les chasseurs à pied. Quelques vedettes seulement aux lisières du bois du Trion couvrent le détachement. A Barbas, se trouve un peloton du 2e dragons (6e D.C.) envoyé en découverte la veille
Son chef, mis au courant de la mission du capitaine Thierry, se met spontanément à sa disposition. C'est un renfort appréciable qui va permettre de libérer complètement l'escadron en lui enlevant tout souci de sécurité à assurer à l'infanterie.
Le capitaine Thierry décide de faire attaquer Blâmont par les deux sections du 20e bataillon de chasseurs, qui devront y faire une brusque irruption par le sud. «  Il donne l'ordre d'attaquer droit devant soi. Objectif : lisières nord de Blâmont. Mouvement couvert à l'est par les dragons, qui devront en outre barrer le chemin de Frémonville. »
Le 2e escadron, tout entier, débordera au préalable Blâmont par le sud et par l'ouest, en franchissant la Vesouze à un gué que connaît un des chasseurs du 20e bataillon, précisément originaire de Blâmont. Il viendra s'établir au nord de Blâmont, face au sud, de manière à barrer la route à tout ce qui tenterait de s'échapper vers le nord.
Pour réaliser la surprise, la concordance entre les deux mouvements doit être intime. Le seul moyen de l'assurer est de fixer une heure pour l'attaque de l'infanterie. On convient de 3 h. 30, ce qui permet d'escompter un délai suffisant pour la mise en place de l'escadron.
La marche de la cavalerie est heureusement facilitée par un splendide clair de lune. Dans Blâmont, on entend des cris, des bruits de chevaux sur les pavés. Sans aucun doute, l'ennemi s'y trouve.
A 2 heures, l'escadron, défilant au pied du château Sainte-Marie, à travers le parc, arrive à hauteur de la station de Blâmont. A quelques centaines de mètres plus au nord, il fait un à-droite brusque et entre dans l'eau. La rivière est franchie une seconde fois sans encombre. Le mouvement s'exécute par demi-pelotons; il est masqué par de nombreux bouquets d'arbres et par des haies qui longent la rivière. Par un heureux hasard, personne ne manque à l'appel; pas un incident fâcheux ne se produit. A 3 heures, trois pelotons sont pied à terre, face au sud, couchés de part et d'autre de la route des crêtes et tenant la grande route de la vallée, prêts à ouvrir le feu. Leur couverture est assurée, vers le nord, par un peloton porté à hauteur du ravin situé au sud de 348.
A l'heure dite (3 h. 30), les deux sections du 20e bataillon de chasseurs attaquent Blamont par le sud. A peine ont-elles pénétré dans le village que des cavaliers ennemis en sortent à toute allure. Deux d'entre eux sont tués sur la grande route. Quatre autres viennent s'abattre sur un obstacle, disposé en travers du chemin de crête (Blamont, 348). Ils sont facilement capturés. Tous appartiennent au 15e uhlans. L'un d'eux, un sous-officier, déclare qu'ils avaient pour mission de reconnaître Blamont et d'y détruire le télégraphe. C'est, en effet, aux abords du bureau de poste, dans la grande rue, que les chasseurs les ont surpris.
Tous ces hommes sont conduits sous escorte jusqu'à Domèvre, où une compagnie du 17e bataillon de chasseurs les dirige sur l'arrière.
Cette première mission remplie, le capitaine Thierry estime que, Blâmont étant un point suffisamment important, c'est là qu'il faut rester pour y tendre une embuscade; ne doutant pas que, dans la journée comme la veille, des éléments ennemis chercheront à y pénétrer.
Mais, en raison de l'éloignement des premières lignes françaises, il lui paraît dangereux et inutile de garder avec lui les deux sections du 20e bataillon de chasseurs, qui ont participé à l'opération de nuit sur Blâmont. L'escadron doit être suffisant pour l'embuscade. En cas d'attaque par des forces supérieures, la vitesse assurera, mieux que toute autre disposition, la sécurité nécessaire. Les deux sections sont, en conséquence, renvoyées au Clair-Bois dès 5 heures du matin.
L'escadron reste seul à Blâmont : un peloton, face au nord, occupe la station. Les hommes s'y dissimulent facilement derrière une forte levée de terre, formant tranchée. Quelques fils de fer sont abattus et fournissent une excellente défense accessoire. Des bois en grume sont roulés en certains endroits et permettent de réaliser un véritable fortin, d'où l'on a des vues excellentes et lointaines sur la vallée.
Un autre peloton se dissimule près du signal et barre la route des crêtes. De ce côté, la vue est aussi bonne : on trouve sur place le nécessaire pour constituer des défenses accessoires excellentes. Grâce à l'entrain de tous, la position est organisée en un tour de main. Les hommes ont leurs 164 cartouches sur eux. Les chefs de peloton repèrent les distances de tir; il est entendu qu'on n'ouvrira le feu qu'à très courte distance. En principe, le capitaine seul en donnera l'ordre, en faisant sonner une grosse cloche qui se trouve dans la gare. La proximité des deux pelotons permet d'assurer un commandement unique, que vient faciliter la présence d'une tourelle donnant des vues sur le terrain.
Les deux autres pelotons et les chevaux des hommes pied à terre sont placés au sud de la localité, bien dissimulés.
Pas de service de sûreté éloignée, puisqu'on veut éviter de donner l'éveil.
Vers 10 heures, le capitaine Thierry, qui se tient de sa personne à la station, entend une sérieuse galopade venant du sud. En même temps, un cavalier de l'un des pelotons de réserve arrive au galop en criant : «  Les Allemands ! » Et, avant même d'avoir pu demander une explication complémentaire, le capitaine Thierry voit s'avancer au galop allongé, venant du sud-ouest, un fort détachement ennemi, qui s'engage, à plein train, le long de la Vesouze, entre la rivière et le chemin qui suit les pentes du château.
Il y a là au moins trois pelotons, qui marchent en goum, à une allure désordonnée. A moins de 200 mètres, nos cavaliers pied à terre, placés sur le flanc de l'ennemi, ouvrent un feu rapide. Les premiers chevaux culbutent et le détachement ennemi vient buter sur cet obstacle d'un nouveau genre. Notre feu s'abat sur cette masse, qui essaie de refluer, mais en vain.
Quelques isolés réussissent à s'échapper en gravissant les pentes ouest de la rivière, où ils utilisent quelques couverts qui les dissimulent. Mais le plus grand nombre reste par terre.
Un de nos pelotons de réserve, qui a vu l'affaire, n'a pas été long à monter à cheval. Son chef, avec beaucoup de sang-froid et d'à-propos, l'enlève d'un bond. Il n'y a pas de combat : l'ennemi se rend.
La prise est sérieuse : près de 40 chevaux, une trentaine d'hommes dont trois sous-officiers. Un officier, le lieutenant Pfaffenhausen, est relevé blessé d'un coup de pointe au poumon.
Tous appartiennent au 9e hussards rhénan. Ils disent qu'ils ont été envoyés en reconnaissance la veille au soir, et qu'ils ont traversé Blâmont à 2 heures du matin.
Après avoir déterminé le contour apparent de nos lignes, ils ont passé la matinée dans le bois des Prêtres (nord de Domèvre) et leur chef ne s'est décidé à rentrer que vers 9 h. 30. Ils croyaient Blâmont inoccupé et n'ont vu nos chasseurs qu'au dernier moment.
L'évacuation des prisonniers se fait sur Domèvre, tenu par le 17e B. C. P. Le commandant du secteur de couverture en profite pour préciser au capitaine commandant le 2e escadron qu'il doit rester à Blâmont tant qu'il le jugera possible, le laissant libre de continuer sa mission jusqu'au moment où la situation lui paraîtrait commander un repli.
Aussitôt après la capture des prisonniers, il devenait évident que l'ennemi serait prévenu de notre présence à Blâmont et il fallait s'attendre à quelque tentative de sa part.
En effet, vers 13 heures, on constate une grande activité des patrouilles ennemies. Des reconnaissances sont signalées à Cirey-sur-Vesouze et à Frémonville, puis vers Harbouey et Barbas. Sur la grande route de Sarrebourg, à hauteur de Gogney, notre poste, placé à 371, aperçoit une colonne de cavalerie ennemie.
Celle-ci gagne le haut du terrain et se déploie, face au sud, de chaque côté de la route des crêtes. A 1 kilomètre au nord de Blâmont, un escadron ennemi met pied à terre et engage le feu avec nos postes avancés.
Un des pelotons de réserve vient renforcer les deux pelotons déjà en position. Par feux de salve bien ajustés, nos cent cavaliers arrêtent net la progression de l'ennemi. On voit maintenant d'autres escadrons qui mettent pied à terre et se préparent à déborder Blâmont par l'est.
Un renseignement arrive peu après, faisant connaître que l'ennemi passe le pont de Frémonville et s'avance sur la ferme Saint-Jean.
Dès lors, la situation est précisée : il faut évacuer Blâmont où pourrait se dérouler un combat inégal et sans aucun profit. Le capitaine décide de regagner l'abri de nos avant-postes.
Moins d'une demi-heure plus tard, l'escadron rompait le combat et se repliait sur Domèvre, en amenant toutes ses prises et sans avoir perdu ni un homme ni un cheval.
Pendant ces deux jours, le 2e escadron du 13e chasseurs avait fait 52 prisonniers, dont un officier et trois sous-officiers et capturé une quarantaine de chevaux.
La première mission de la couverture : «  Arrêter les reconnaissances et détachements de l'ennemi cherchant à pénétrer sur notre territoire », avait donc été parfaitement. remplie. Le colonel allemand von Raith le reconnaît nettement, dans son ouvrage, La campagne de Lorraine en 1914 : «  Une chaîne compacte de postes avait jusque-là (9 août) presque complètement empêché les reconnaissances de la cavalerie de l'armée. »

L'OFFENSIVE ALLEMANDE (9-10 août).

Le haut commandement allemand, qui désirait être renseigné sur la situation de nos troupes, va être obligé de prescrire une opération de large envergure, afin de percer notre défense.
Dès le 8 août, l'activité de l'ennemi devient plus grande. De nos lignes, on remarque des officiers qui observent nos positions à la jumelle, notamment en face de Montreux. Dans la journée, une patrouille envoyée sur le bois de la Tour rend compte que ce point est fortement occupé.
Vers 18 h. 30, une troupe ennemie, évaluée à environ deux compagnies, est signalée marchant de Blâmont sur le bois du Trion; elle se porte bientôt à l'attaque du Clair-Bois, tenu par la 4e compagnie du 20e bataillon. Notre infanterie, bien renseignée, est sur ses gardes et ses feux arrêtent net l'élan de l'ennemi, qui ne peut dépasser le ruisseau du Vacon.
Les unités ennemies profilent de la nuit tombante pour se replier, et nos patrouilles envoyées sur Barbas trouvent ce village inoccupé.
C'est à ce moment que, par suite de la nécessité d'envoyer en Alsace des effectifs importants, le front du bataillon va être modifié et notablement étendu.
Le 21e bataillon de chasseurs, qui tenait la région de Badonviller, doit être, en effet, relevé le 9 août dans ce secteur, par le 20e (voir croquis n° 4).

La 1re compagnie est portée d'Ancerviller sur Bréménil, la 4e, du Clair-Bois sur Badonviller; elles remplacent en ces points les unités correspondantes du 21e bataillon.
Le front du bataillon s'étend maintenant sur une dizaine de kilomètres environ depuis Bréménil à l'est, jusqu'à la lisière ouest du bois des Chiens. Trois compagnies sont aux avant-postes; la 1re à Bréménil, la 3e au bois des Haies, la 2e au bois des Chiens. En arrière, la 4e compagnie est à Badonviller, les 5e et 6e avec la section des mitrailleuses, en réserve à Saint-Maurice. Chacune des compagnies a maintenant à garder un front de plus de 3 kilomètres.
Pendant que ces mouvements s'exécutent dans la journée du 9 août, l'ennemi, poursuivant ses reconnaissances offensives, attaque, vers 17 h. 15, le 17e bataillon de chasseurs sur le front Herbéviller Clair-Bois. Celui-ci est obligé de replier sa droite et découvre ainsi le flanc gauche de la 2e compagnie du 20e bataillon de chasseurs, qui occupe le bois des Chiens.
Au même moment, un bataillon ennemi se porte de la ferme Saint-Jean (1.500 mètres est de Blâmont) sur Halloville. Maladroitement pris à partie par le feu d'un de nos postes avancés, aux limites extrêmes de la hausse, ce bataillon, qui marchait groupé, sans se couvrir par une avant-garde d'infanterie, s'arrête immédiatement. Il déploie une compagnie, qui ouvre à son tour le feu sur nos positions, et se porte ensuite à l'attaque du bois des Chiens. La 2e compagnie ne peut empêcher la progression de l'ennemi sur son flanc gauche, qui est découvert; la première ligne n'est bientôt plus qu'à 500 ou 600 mètres de nos positions; il faut au plus vite rompre le contact pour éviter l'accrochage.
Nos chasseurs se replient, en utilisant la lisière ouest du bois des Haies, où ils échappent aux vues de l'ennemi, et viennent s'établir, sans difficultés, sur la crête 314 (900 mètres sud d'Ancerviller), en échelon en arrière et à droite du 17e bataillon qui lient Ancerviller.
Mais le repli de la 2e compagnie oblige sa voisine de droite, la 3e, à évacuer le bois des Haies. Elle vient occuper, sans être inquiétée par l'ennemi, la ligne cote 329 (1.500 mètres ouest de Neuviller) - lisières nord de Neuviller - carrefour à 900 mètres à l'est de ce village. La 1re compagnie continue à tenir Bréménil.
Le 10 août au matin, l'ennemi ne poursuit pas ses attaques et les patrouilles envoyées en avant de nos lignes font connaître que le bois des Haies n'est pas occupé. Aussi, le commandant Michaud, d'accord avec le commandant du 17e bataillon, prescrit que les positions évacuées la veille seront immédiatement réoccupées.
La 2e compagnie se porte sur le bois des Chiens et le signal de la Vigne: ces points sont atteints sans coup férir vers 8 heures; mais le 17e bataillon ne peut pénétrer dans le Clair-Bois, qui est fortement tenu par les Allemands.
La 2e compagnie du 20e bataillon de chasseurs, étendue sur un front de plus de 1.500 mètres, n'a personne à sa gauche. Le capitaine Brillat-Savarin, qui la commande, préoccupé de cette situation, vient personnellement sur la hauteur 331, au sud d'Halloville, où se trouve son poste de gauche. Il aperçoit de cet observatoire un escadron ennemi massé à 2 kilomètres environ au nord d'HalIoville et une colonne d'artillerie, évaluée à un groupe, arrêtée sur la route Blâmont - Halloville, la queue au sud de Blâmont.
Au même moment, deux cavaliers viennent lui rendre compte que son poste de droite, installé à la lisière du bois des Haies, près du signal de la Vigne, s'est retiré dans le bois. Ce poste, très important, assurant la liaison avec la 3e compagnie, couvrait la droite et il était absolument nécessaire de le rétablir.
Le capitaine Brillat-Savarin porte aussitôt sa section de réserve vers ce point. En arrivant à la lisière du petit bois qui se trouve à l'ouest du signal de la Vigne, le capitaine Brillat-Savarin aperçoit un escadron ennemi, massé pied à terre sur la route Nonhigny - Montreux, au sud du bois qui sépare ces deux localités; il fait ouvrir immédiatement le feu à répétition sur l'ennemi. Très rapidement, l'objectif disparaît; des chevaux échappés filent en groupe dans la direction de Cirey; les cavaliers se réfugient dans le bois voisin, laissant sur le terrain de nombreux tués ou blessés.
Mais, de l'endroit où se trouvait la section, on n'aperçoit pas les pentes qui descendent vers la vallée au nord du signal de la Vigne; il est indispensable de se porter vers le nord, à 150 mètres environ. Une- demi-section y est envoyée, et le capitaine Brillat-Savarin part avec elle.
Nos chasseurs avancent sans difficultés; mais, à une quinzaine de mètres du petit mur de soutènement du signal de la Vigne, une vive fusillade les accueille. En quelques secondes, la demi-section est mise presque complètement hors de combat; le sous-lieutenant Conchard, qui la commande, est tué et le capitaine Brillat-Savarin grièvement blessé.
Au même moment, l'ennemi, débouchant à la fois du Clair-Bois et d'Halloville, dirige sur le bois des Chiens une attaque concentrique vigoureusement appuyée par l'artillerie.
Nos chasseurs ouvrent le feu à courte distance sur l'infanterie ennemie, mais ne peuvent l'empêcher de progresser. Leur ténacité permet, toutefois, aux fractions établies au sud du signal de la Vigne de se replier vers le bois des Haies, sans être accrochées.
L'ennemi, épuisé par son effort, ne peut déboucher du bois des Chiens. Nos pertes sont sensibles, environ 50 hommes hors de combat et 2 officiers, dont le capitaine Brillat-Savarin, qui a dû être abandonné, grièvement blessé, sur le terrain.
Vers 14 heures, la 2e compagnie se replie en bon ordre sur Saint-Maurice et va se reconstituer à Pexonne, puis à Vacqueville.
Pendant que ces opérations se déroulaient à la gauche du secteur du 20e bataillon de chasseurs, des événements beaucoup plus graves survenaient à sa droite.
La 3e compagnie avait, dès le début de la matinée, repris sans difficulté ses emplacements du 9 août sur le front signal de la Vigne - cote 338 (sud de Montreux). Mais la 1re compagnie, à Bréménil, allait bientôt subir le choc principal de l'ennemi.
Vers 6 heures du matin, en effet, nos cavaliers signalent une forte colonne de toutes armes, débouchant de Cirey et marchant sur Parux.
Peu après, des patrouilles d'infanterie apparaissent dans les vergers de Parux et sur la croupe 407 (1 kilomètre est de Parux).
La 1re compagnie ouvre aussitôt le feu sur ces premiers éléments, bientôt renforcés par des unités plus importantes, qui s'efforcent de déborder Bréménil par l'ouest.
Mais celles-ci sont prises, à leur tour, sous les feux de la 3e compagnie, qui, très habilement commandée, va manoeuvrer toute la journée en liaison parfaite avec la 1re compagnie, dont elle couvrira sans cesse le flanc gauche.
Se rendant très nettement compte que l'attaque principale de l'ennemi est dirigée sur Bréménil, le capitaine Gerboin (3e compagnie) laisse une section face à Montreux et porte les trois autres sur la croupe 345, à l'ouest de Bréménil. Elles ouvrent, de ce point, un feu intense sur les nombreux tirailleurs ennemis débouchant de Parux; ces tirailleurs, surpris par la violence du tir, subissent des pertes et ne peuvent continuer leur progression.
Le commandant Michaud considère, lui aussi, dès le début de la matinée, que l'attaque qui se développe à la droite de son secteur est la plus importante, et il donne l'ordre à la 5e compagnie, qui était en train d'organiser une position de repli au sud de Saint-Maurice, de se porter entre Badonviller et Neuviller.
Il demande, en même temps, au commandant- de la brigade, de faire appuyer notre défense par l'artillerie.
Pendant ce temps, l'ennemi se renforce et met en ligne de nouvelles troupes, qui s'efforcent de déborder les défenses de Bréménil par les deux ailes, tandis que son artillerie entre énergiquement en action sur ce village.
La nôtre s'est portée vers la cote 316 (sud de Sainte-Pôle); mais, de ce point, elle n'a aucune action sur l'ennemi.
Livrée ainsi à ses seules forces, notre infanterie ne peut tenir plus longtemps Bréménil. Vers 9 heures, la 1re compagnie et les éléments avancés de la 3e, couverts par les feux des 4e et 5e compagnies, se replient sur les crêtes au sud des carrières de Bréménil.
L'ennemi, malgré ses pertes, poursuit sa marche, toujours appuyé vigoureusement par son artillerie; il déborde maintenant notre défense, en s'infiltrant dans les bois à l'est de Bréménil. Avec beaucoup
d'habileté, nos chasseurs se replient peu à peu par échelon, en évitant l'accrochage.
A 15 heures, la 1re compagnie, renforcée par des fractions des 3e et 4e, tient les lisières nord de Badonviller et peut s'y maintenir jusqu'à 17 h. 30, au moment où l'ennemi, ayant déployé ses unités au sud des Carrières, ouvre un feu violent d'infanterie et d'artillerie sur le village.
Les 1re et 4e compagnies se replient alors sur les crêtes au sud de Badonviller, tandis que les 3e et 5e viennent occuper la lisière des bois à 1 kilomètre au sud de Neuviller. Le capitaine Gerboin (3e compagnie) est en observation, avec son groupe de liaison, derrière un buisson; son képi le signale à l'attention des tireurs ennemis et une grêle de balles s'abat autour de lui; heureusement, aucune ne l'atteint et il aperçoit une compagnie allemande qui marche en colonne par demi-sections vers le moulin des Tocs, paraissant vouloir déborder notre défense par l'ouest. Il se porte aussitôt en reconnaissance dans cette direction, en longeant la lisière du bois, à l'abri des vues de l'ennemi; il revient à son poste de commandement quelques minutes plus tard, mais il ne retrouve plus ses unités; seule, une demi-section de sa compagnie n'a pas bougé. Les autres fractions s'étaient repliées au sud de la Blette, craignant sans doute d'être accrochées par l'ennemi, qui a pris pied dans Badonviller.
A la nuit, le 20e bataillon a rompu le combat; il stationne en cantonnement d'alerte, à Fenneviller, Pexonne et Vacqueville, couvert dans les directions de Badonviller et de Saint-Maurice par les 3e et 4e compagnies.
L'ennemi, épuisé par son effort et ayant subi de très lourdes pertes, n'a pas dépassé la Blette; l'horizon est éclairé par de vives lueurs; les Allemands viennent de mettre le feu à tous les villages qu'ils ont occupés dans la journée.
Il est à craindre, pourtant, que l'ennemi ne poursuive son offensive dans la journée du 11, et le commandant du 20e bataillon va prendre toutes ses dispositions pour y parer.
En exécution de ses ordres, le 11 au matin, trois compagnies vont s'établir face à Saint-Maurice, et trois face à Badonviller.
Devant Saint-Maurice, la 6e compagnie et la section de mitrailleuses s'organisent sur la hauteur entre Blette et Verdurette, les 1re et 2e compagnies se placent en réserve à Vacqueville.
Les trois autres compagnies (3e, 4e et 5e) travaillent dès le point du jour à la construction de tranchées sur la croupe à l'est du cimetière de Pexonne.

REPRISE DE BADONVILLER (11 août). - DEUXIÈME ATTAQUE ALLEMANDE (12 août).

La matinée s'écoule ainsi sans aucune réaction de la part de l'ennemi, et les travaux entrepris pour l'organisation de la nouvelle position sont déjà presque terminés, quand, vers midi, le commandant du 20e bataillon de chasseurs reçoit un ordre de la 25e brigade, qui fait connaître que le 8e corps d'armée, nouvellement arrivé dans la région de Baccarat, va prononcer un mouvement offensif pour se rendre maître des hauteurs au nord de la Blette. A l'est, cette attaque devra être appuyée par le 17e bataillon de chasseurs, qui se portera sur la ligne Saint-Maurice - Neuviller, et par le 20e bataillon, qui prendra pour objectif Badonviller et Bréménil. Un bataillon du 17e régiment d'infanterie et une batterie d'artillerie coopéreront à l'attaque sur Badonviller.
Le commandant Michaud donne, aussitôt ses instructions : Premier objectif du bataillon : Badonviller.
Dispositif : trois compagnies en 1re ligne (3e, 4e et 5e), déjà face à ce village, dans les tranchées à l'est de Pexonne; elles seront placées sous les ordres du capitaine Gerboin, qui devra s'efforcer de débordes Badonviller par ses deux flancs.
Trois compagnies en 2e ligne (1re, 2e et 6e).
A la gauche du 20e bataillon, le 2e bataillon du 17e régiment d'infanterie a pour objectif le bois à l'ouest de Badonviller.
L'attaque doit commencer à 15 h. 15.
Cet ordre parvient au capitaine Gerboin à 15 heures; il donne comme direction Fenneviller, qui est atteint sans difficulté, puis Badonviller. La 4e compagnie doit attaquer le village de front, tandis que la 5e, à sa gauche, se déploie à l'ouest de la voie ferrée; la 3e, à droite, marche sur la croupe 391, à l'est de Badonviller.
En arrière, les compagnies de 2e ligne suivent, prêtes à appuyer le mouvement.
La 5e compagnie, qui a à sa gauche le bataillon du 17e d'infanterie, progresse facilement, malgré le tir de l'artillerie ennemie; elle franchit la Blette et atteint le bois situé au nord du ruisseau. De la lisière est, le capitaine Singery aperçoit des groupes d'Allemands qui s'avancent vers Badonviller, venant de Bréménil, il fait ouvrir aussitôt le feu sur cet objectif. L'ennemi subit de fortes pertes et s'arrête, surpris par les feux, qui le prennent d'écharpe.
Au même moment, le capitaine Singery entend des cris violents dans le bois très touffu où il vient de pénétrer ; et il aperçoit, à quelques mètres de lui, une fraction du 17e qui se replie, poursuivie par une troupe allemande importante. Malgré l'infériorité numérique du petit groupe qui l'accompagne, il s'élance vers l'ennemi en criant : «  En avant, à la baïonnette ! » L'ennemi, croyant avoir devant lui des forces supérieures, n'attend pas le contact et s'enfuit vers la lisière nord, que la 5e compagnie peut alors atteindre facilement.
A l'est de la voie ferrée, la-progression est moins facile; les 4e et 3e compagnies parviennent jusqu'aux abords immédiats de Badonviller; mais elles sont arrêtées, à une centaine de mètres environ des lisières nord du village, par un feu violent de mitrailleuses et par des tirs nourris d'artillerie qui leur causent des pertes sensibles. La 3e compagnie s'efforce de gagner du terrain plus à l'est par la croupe 391, d'où elle ouvre le feu sur les Allemands.
Le capitaine Singery, qui, comme nous venons de le voir, a atteint avec sa compagnie les lisières nord et ouest du bois situé à l'ouest de Badonviller, laisse une section dans ce bois et, avec les trois autres, remonte le cours de la Blette, s'efforçant de déborder Badonviller par le nord-ouest.
Au même moment, une des batteries, placée près du cimetière de Pexonne, ouvre le feu sur le village, et le commandant Michaud pousse la 6e compagnie derrière la 3e et la 1re derrière la 5e.
Craignant d'être enveloppés, les Allemands évacuent Badonviller, où les 3e et 5e compagnies pénètrent un peu avant la nuit. Le capitaine Singery, aux lisières nord-est, se porte en avant en reconnaissance, mais il est blessé assez gravement et doit être évacué.
Le 20e bataillon, réuni tout entier à Badonviller, s'y installe au cantonnement d'alerte; les issues sont rapidement barricadées et solidement tenues.
L'objectif fixé a été atteint. Toutefois, la journée a été dure, en raison non seulement des pertes sérieuses dues à la violence du feu de l'ennemi, mais encore par suite de la chaleur, qui a rendu la marche particulièrement pénible.
Le commandant Michaud juge qu'il est imprudent de garder le bataillon tout entier rassemblé dans Badonviller. Le dispositif manque de profondeur; en outre, le bataillon n'est protégé à l'est que par des patrouilles de cavalerie, dans la zone boisée qui le sépare de la vallée de la Plaine et l'on n'a pas de nouvelles bien précises de la situation à l'ouest de Badonviller.
Aussi, la 3e compagnie et la section de mitrailleuses reçoivent l'ordre de se porter, le 12 dès le point du jour, au sud du village, sur la croupe nord de Fenneviller et d'y occuper les tranchées préparées en ce point dans la journée du 10.
Ce mouvement venait à peine d'être exécuté, vers 3 heures du matin, quand les Allemands ouvrent brusquement un feu violent d'artillerie sur Badonviller. Le commandant Michaud demande instamment l'appui de notre artillerie, mais celle-ci, se croyant inutile la nuit, s'est repliée sur Merviller, d'après les errements alors en vigueur, pour y faire reposer ses chevaux. A cette heure matinale, elle n'est pas encore revenue en position et nos troupes restent soumises à un bombardement intense.
A 6 heures, l'infanterie ennemie se porte à l'attaque avec de gros effectifs. Elle a profité de la nuit et des moissons très hautes qui entourent le village, pour s'approcher de Badonviller à faible distance.
Le feu est ouvert immédiatement par nos chasseurs, mais ils ne peuvent songer à tenir sur place; ils reçoivent l'ordre de se replier sur la croupe à l'est de Fenneviller; ce mouvement s'exécute sous la protection des feux de la 3e compagnie, déjà en position. Les 1re et 6e compagnies combattent dans le village même.
Un groupe ennemi de 105 bombarde alors violemment Badonviller et Fenneviller, pour permettre à son infanterie de continuer sa progression.
Notre artillerie a pu enfin s'établir, vers 6 h. 50, sur la croupe au nord-est de Neuf-Maisons; une brume intense rend difficile l'observation des coups et l'empêche notamment de combattre l'artillerie ennemie.
Les 1re et 3e compagnies, qui continuent à tenir dans les tranchées au nord de Fenneviller, peuvent effectuer des tirs très efficaces sur l'ennemi, à environ 1.000 mètres, et arrêtent net son élan.
Les autres compagnies du bataillon profitent de cette accalmie pour se porter au sud-est de Pexonne, sur une position couverte par une branche de la Verdurette.
A leur tour, les 1re et 3e compagnies et la section de mitrailleuses se replient, sans être inquiétées par l'ennemi; celui-ci occupe Fenneviller et Pexonne sans pousser plus loin son attaque.
A la nuit, le 20e bataillon vient cantonner à Neuf-Maisons.
Les pertes sont sensibles; un quart environ de l'effectif est hors de combat. Ce pourcentage élevé est dû, notamment, à l'effectif trop élevé des sections; les chasseurs, encore peu aguerris, se sont pendant l'attaque groupés autour de leurs chefs, offrant des cibles trop visibles aux coups de l'ennemi.

Mais la mission du bataillon a été entièrement remplie; l'ennemi, malgré sa supériorité numérique écrasante (1) et l'appui d'une artillerie nombreuse, n'a réussi à progresser que de quelques kilomètres et en essuyant lui-même des pertes très lourdes (2).
Les débarquements et la concentration de nos troupes avaient pu s'effectuer sans être inquiétés et, le 13 au matin, le 20e bataillon de chasseurs était relevé par la 13e division, se portant à l'attaque avec les 1re et 2e armées.

(1) La conduite de nos chasseurs avait été si brillante, que l'ennemi a cru avoir eu à lutter, à Badonviller, contre deux régiments d'infanterie et plusieurs bataillons de chasseur appuyés par une
nombreuse artillerie et sept pelotons de mitrailleuses. (Historique du régiment de corps bavarois.)
(2) L'attaque de Badonviller avait été menée par le régiment de corps bavarois; ses pertes, au cours de la journée du 12 août, furent particulièrement sévères : 7 officiers tués. 14 blessés; 90 soldats  tués et 308 blessés.

 


 

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