Journal d'agriculture pratique, de jardinage et
d'économie domestique
18 septembre1890
Concours agricole de Blamont.
Mentionnons encore le concours du Comice agricole de Lunéville qui a eu
lieu à Blamont le 7 septembre avec un succès complet. Un discours très
applaudi a été prononcé à la distribution des récompenses par M. Paul
Genay; pour montrer combien est vif le mouvement qui entraîne tous les
esprits vers l'agriculture en détresse, le président du Comice a fait
une énumération des lois votées depuis quelque temps ou des réformes
proposées dans l'intérêt des campagnes : « C'est ainsi que les
cultivateurs ont pu se réunir en associations professionnelles; que le
privilège des propriétaires de biens affermés a été limité ; que la
vaine pâture a été réglementée à nouveau; que les communes pourront se
grouper en syndicats pour effectuer des travaux qu'isolées elles sont
impuissantes à entreprendre; que l'impôt foncier sur les propriétés non
bâties a été diminué; que le principal de l'impôt foncier sur la
propriété bâtie rurale d'une valeur locative de moins de 50 fr. n'a pas
subi d'augmentation ; que le renouvellement des traités de commerce pour
les produits agricoles est. bien battu en brèche et que l'établissement
de tarifs douaniers modérés et suffisants, aboutira; que les tarifs des
chemins de fer seront révisés de façon à favoriser les nationaux et non
les étrangers; que le crédit par les syndicats agricoles deviendra une
réalité; que l'agriculture, comme le commerce et l'industrie, aura sa
représentation légale, point politique, exclusivement professionnelle;
que les pauvres ouvriers en cas de maladie et les invalides de
l'agriculture ne seront plus dépourvus de toute assistance publique; que
les fermiers auront droit aux améliorations qu'ils auront réalisées sur
les terres qui leur sont affermées; que les droits si élevés de
transmission de la propriété en général et surtout de la petite
propriété seront réduits, etc., etc.
« Vous voyez, Messieurs, par cette sèche, quoique incomplète
nomenclature de projets que je me borne à citer sans les discuter, ce
qui sera l'objet de nos séances hivernales, combien la tâche est grande
et combien l'opinion publique a le souci du relèvement de l'agriculture
et de la propriété rurale. »
D'après M. Paul Genay, tous les procédés de culture recommandés à juste
titre pour le relèvement de l'agriculture viennent presque toujours
échouer dans la région de l'Est contre la constitution fâcheuse de la
propriété. En première ligne et avant toute autre amélioration, il faut
inscrire les questions de création de chemins ruraux, d'abornement, de
réunion de parcelles, c'est-à-dire la sûreté, la liberté, l'économie
dans l'exploitation du sol. « C'est avant tout sur ces trois points,
ajoute-t-il, que doit se porter l'attention des pouvoirs publics.
Sans eux, tout le reste ne sera que palliatif insuffisant, sans eux les
efforts les plus grands seront suivis de résultats mesquins. »
Journal d'agriculture
pratique, de jardinage et d'économie domestique
31 août 1899
Concours du comice de Lunéville.
Le Comice agricole de Lunéville a tenu son concours à Blamont le 20
août, sous la présidence de M. Paul Genay, dont l'allocution a été,
comme toujours, chaudement applaudie par les cultivateurs.
M. P. Genay constate tout d'abord que l'année 1899 doit être classée
dans la région parmi les plus productives du siècle.
Dans le canton de Blamont, la proportion des terres consacrées à la
culture du blé est considérable. Sur une superficie totale d'environ
22,000 hectares, on compte 14,000 hectares de terre arable, dont 4,500
sont ensemencés en blé. C'est le produit principal de l'agriculture,
celui sur lequel le cultivateur compte avant tout pour vivre, pour payer
ses divers frais d'exploitation, et, enfin, si faire se peut, économiser
les réserves en vue de l'avenir.
La récolte atteindra au moins cette année 16 quintaux à l'hectare, soit
quatre quintaux en plus qu'une année moyenne et le double d'une année
mauvaise. Par le bilan de ce qu'une exploitation d'une charrue aura à
vendre cette année, nous nous rendrons compte de l'importance d'une
bonne récolte au point de vue de la recette de la ferme.
Une exploitation de 40 hectares au total ensemencera en blé environ 10
hectares. Il faut réserver sur le produit 16 quintaux pour la semence et
à peu près 24 quintaux pour la nourriture de la famille du cultivateur
et des ouvriers, soit 40 quintaux qui ne donnent pas lieu à recette. En
bonne année, l'exploitation que nous avons prise pour base apportera sur
le marché 120 quintaux, en année moyenne 80 quintaux, en année mauvaise
40 quintaux seulement. Si nous appliquons les prix correspondant à ces
années, les recettes varieront comme suit : Bonne année, 120 X 18 =
2,160 fr.; moyenne année, 80 X 21 = 1,680 fr.; mauvaise année, 40 X 30 =
1,200 fr.
Si, maintenant, nous envisageons la récolte de la France en général, il
semble que l'année doive être considérée comme bonne, peut-être même
très bonne, et assurément plus que suffisante pour les besoins du pays.
S'il en est ainsi, nous sommes exposés à voir des prix bien bas. Le
droit protecteur de 7 fr. deviendra, non pas seulement insuffisant, mais
bien de nul effet pour le maintien des cours.
M. Paul Genay déplore que l'accroissement de la population suive en
France une marche si lente. Si la population avait augmenté comme en
Allemagne, l'excédent de notre production ne nous embarrasserait pas.
Dans l'état actuel, il nous faut chercher des débouchés au dehors.
Le président du comice de Lunéville examine les propositions de loi qui
ont été présentées dans ce but : C'est d'abord M. de Pontbriand et
quelques-uns de ses collègues qui demandent qu'à toute exportation de
blé ou de farine correspondante, il soit remis à la sortie une somme
équivalente au droit perçu à l'entrée.
Ce système de prime pure et simple et sans limite à l'exportation
pourrait causer, dans nos finances déjà obérées, des trous tels qu'il
faut l'écarter, malgré sa séduisante simplicité.
Les deux autres propositions ont beaucoup de ressemblance entre elles.
L'une faite par M. Debussy demande que : « toute exportation de blé,
avoine, orge, seigle, maïs, fèves, féveroles, farines de blé et de
fèves, malt pour brasserie, quelle qu'en soit la provenance, donne lieu
par la douane à la délivrance d'un bon d'exportation. Ce bon, transféré
au porteur, servira à acquitter les droits de douane sur les blés,
avoine, orge, seigle, maïs, fèves et féveroles importés en France, pour
la somme qu'il indique ».
L'autre proposition porte la signature de nos deux honorables députés,
MM. Papelier et Fenal. En voici la teneur :
« Tout importateur de blé, seigle, avoine, orge, escourgeon, fèves,
féveroles et maïs, qui paiera les droits de douane de ces marchandises à
leur arrivée en France, recevra de la douane en échange de paiement un
bon d'importation indiquant le poids et la qualité des marchandises
importées et le montant des droits de douane payés. Ce bon
d'importation, transmissible par voie d'endossement, sera remboursé en
totalité ou en partie, si, dans les six premiers mois de sa création, le
porteur du bon justifie qu'il a exporté par une frontière quelconque,
soit les céréales désignées ci-dessus, soit leurs dérivées. Etant
entendu que les sommes remboursées seront les mêmes que celles réclamées
par la douane à leur entrée en France. »
Nous faisons des voeux pour que l'une ou l'autre de ces deux
propositions, qui sont non seulement simples et pratiques, mais encore
très nécessaires, soient adoptées à bref délai par la Chambre.
En terminant son discours, M. Paul Genay exprime également le voeu que le
parlement fasse bon accueil à une proposition dont il est saisi et
d'après laquelle la terre serait imposée d'après son revenu net réel.
Une autre mesure qui aurait, dit-il, un très bon effet pour la
pacification des esprits, serait la création de tribunaux agricoles à
l'instar des tribunaux de commerce, dont ils pourraient peut-être
constituer une branche.
La prime d'honneur du comice a été décernée à M. Rupp, aux Sallières. |