La Guerre
Mondiale
2 juillet 1915
Ed. Genève
Quarante septième semaine de guerre
(Du 20 au 27 juin 1915)
(Suite)
Les opérations en Lorraine
C'était bien le prélude d'une action
de quelque importance, ces « lignes portées en avant » le 14, dans la
forêt de Parroy et sur la route Lunéville-Avricourt.
L'histoire de la Lorraine depuis l'évacuation presque totale de
mi-septembre qui suivit la bataille de la Marne, peut s'écrire en
quelques lignes. Pendant tout octobre, novembre, décembre et janvier,
Immobilité à peu près absolue. La ligne de feu, assez lâche et laissant
entre les partis une zone libre visitée par des patrouilles, passe, côté
allemand, au nord de Nomeny et suit la Seille en même temps que la
frontière, jusqu'à la hauteur de Champenoux, d'où elle continue par la
Loutre noire, avec Bezange-la Grande aux Allemands et Arracourt au
Français, pour rejoindre le lac de Bures. Cette partie n'a point changé
: le 9 avril les Français pénétraient un instant dans Bezange, et le 26
juin les Allemands tentaient encore un coup de main infructueux sur
Arracourt.
Plus loin, la ligne suivait le canal de la Marne au Rhin, passait à la
lisière orientale du bois de Perroy, touchait Xures, piquait au sud sur
Emberménil, où le 24 janvier un détachement bavarois fut capturé,
reprenait au sud-est par les Remabois et Leintrey, où des hussards
français poursuivirent des patrouilles ennemies le 9 février, puis
atteignait à Blamont la Vezouze, qu'elle remontait par Cirey,
Saint-Sauveur et la Vezouze-du-Val, pour tomber sur la Marne à Bionville.
Or le 27 février se produisait la poussée germanique entre Bionville et
Blamont qui, complétée le 2 mars, amena les lignes au front la
Chapelotte (nord-est de Celles), le Chamois (1200 m. au nord de
Badonwiller), environs de Bréménil, enfin Verdénal (2 km. au sud-ouest
de Blamont). Les lignes de la plaine lorraine, bien que les Allemands ne
nous en aient rien dit sur l'heure, durent prononcer un mouvement
semblable à celles du pied des Vosges. En effet, ce
L'avance et le recul des Allemands en Lorraine (février à juin 1915)
même 27 février nous trouvons des éléments faisant le coup de feu à
Laneuveville, qui est.à 4 km. au sud-ouest d'Emberménil, sur la route de
Lunéville. Cette avance impliquait la prise de possession d'une partie
de la forêt de Parroy. Une série d'engagements isolés finirent par
porter, dès le 15 mars, les lignes jusqu'à courte distance du fort de
Manonviller, d'où elles longeaient la Vezouze jusqu'à Domèvre et
Ancerviller. En revanche, sur la route de Lunéville, les pointes ne
connurent guère la stabilité, car le 7 mars déjà nous trouvons les
Allemands ramenés à Emberménil.
Si secondaire que fût l'emprise ennemie sur cette partie du théâtre des
opérations, le commandement français résolut de reprendre le terrain
perdu, si tant est qu'on puisse appeler perdu un terrain sur lequel on
n'avait que des avant-postes volants, voire de simples patrouilles.
Bref, dès le milieu d'avril, une action débute qui aboutit le 1er mai à
un gain de 25 km. de front sur 3 à 4 de profondeur. Ce entre Parroy et
Ancerviller : la partie du pied des Vosges est restée en l'état. Son
tour viendra peut-être.
Au nord-ouest, on pouvait dire que tout était reconquis : le bois de
Parroy et Emberménil, qui, évacuée le 18 par l'envahisseur, fut repris
par lui le lendemain, mais abandonné trois jours plus tard et cette fois
définitivement : tous ses efforts des 23 et 24 pour y rentrer
demeurèrent vains.
Il n'en était pas de même du sud-est : là, la ligne passait encore par
la lisière nord de Veho, à mi-chemin de la Vezouze et de Leintrey-Remabois,
laissait Reillon aux Allemands, ainsi que Gondrexon et Chazelles, se
contentant de la cote 297, carrefour à mi-chemin entre ces deux
villages. Les Français avaient repris St-Martin par les combats du 18
avril, mais l'ennemi gardait Domèvre, 2 km. au sud de Verdénal, et 4 au
sud-ouest de Blamont.
L'effort de cette dernière semaine de juin consista à repousser vers le
nord-est la gauche et le centre de ce secteur. Le centre de la défense
allemande était à Reillon, qui surplombe la partie la plus large de la
vallée du Leintrey, et servait de point d'appui à 1500 m. de fortes
tranchées. Un vigoureux assaut fait tomber le 20 toute cette première
ligne entre les mains de l'assaillant, qui repousse deux
contre-attaques, cède à la troisième, mais revient de plus belle et
pulvérise la quatrième sous le feu. Peu de prisoniners. - 50 seulement -
mais des tranchées pleines de cadavres.
Les reconnaissances lancées aussitôt vers Chazelles à l'est, Gondrexon
au nord-est et la lisière méridionale de la forêt les Remabois au nord,
ne rencontrent personne jusqu'à proximité de ces villages, ni le long du
ruisseau de Leintrey, jusqu'aux collines qui défendent au sud cette
localité ainsi que les Remabois.
Comment, dans ces conditions, les Français ont-ils encore le lendemain
gagné 300 mètres vers le nord sur la crête à l'est de Reillon, puisque
cette crête ils devaient ils devaient déjà la tenir tout entière ? c'est
ce que l'on saisit difficilement. D'ailleurs à la même heure, c'est bien
au sud de Leintrey que se trouve le centre de la lutte. L'assaillant,
qui s'est installé sur crêtes, au sud des Remabois, y subit de fortes
contre-attaques, ainsi que ses voisins du nord-ouest devant Parroy.
Renouvelées le 23, ces contre-attaques n'arrive qu'à faire perdre le
lendemain au défenseur deux de ses ouvrages. Mais cela ne l'empêche
point de récidiver par deux fois le 24. Peine perdue, le Français ne
recule pas. Mais l'Allemand aussi, retranché dans ses positions
principales, résiste à tous les efforts. Nous sommes toujours à Leintrey
; il y a des chances pour que nous y demeurions encore longtemps. |