Nous avons annoncé hier l'expulsion d'Avricourt
de trente-huit employés des Chemins de fer de l'Est.
Ces trente-huit employés ont une famille. Cela fait une centaine
de personnes victimes de l'arrêté allemand.
On se rappelle que depuis l'annexion, ces employés habitaient à
Avricourt, village cédé à l'Allemagne, parce que le village en
deçà da la frontière, Igney, ne compte pas assez de maisons pour
pouvoir les loger.
A la suite de leur expulsion, il est probable que ces employés
habiteront Lunéville, en attendant qu'on ait fait des
constructions à Igney pour les recevoir.
L'administration allemande, sans motif aucun, a donc fait preuve
comme toujours d'une odieuse brutalité.
En revanche, l'arrêté que le préfet de Meurthe-et-Moselle avait
pris contre le sieur Wiesbach, l'industriel allemand établi sans
autorisation à Emberménil, n'a pas encore été appliqué.
Un délai de trois mois vient d'être accordé à ce personnage, ce
qui lui permettra d'écouler tout un stock de marchandises qui
n'ont payé aucun droit d'entrée.
Cette nouvelle décision a produit l'effet le plus déplorable.
Aujourd'hui, il obtient en partie gain de cause, alors qu'il
aurait déjà dû être expulsé.
Les Allemands ne vont-ils pas pouvoir désormais se croire tout
permis en France ?
Le sieur Wiesbach a un associé, nommé Stern.
La Dépêche de Nancy nous donne sur ce personnage les
renseignements suivants:
« Le 13 juillet, M. Stern, associé des frères Wiesbach, a lacéré
et brûlé un drapeau français qu'il avait trouvé entre les mains
d'un ouvrier français. »
SUR LA FRONTIÈRE
Des lettres venues de Nancy et de Lunéville signalent l'effet
déplorable produit par l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle
accordant un délai de trois mois à l'Allemand Wiesbach pour la
fermeture de sa fabrique de jouets.
Cet individu, établi avec son frère à Emberménil occupe cinq
maisons disposées de chaque côté de la voie ferrée. Son
industrie est prospère. Elle avait attiré plus de soixante
Allemands dans le village.
« Les deux Wiesbach, dit l'Avenir de l'Est, sont secondés dans
leur entreprise par un personnage louche, - le beau-frère de
l'un d'eux, - une espèce de Quasimodo, difforme, bossu, méchant
comme un âne, gallophobe enragé et qui est véritablement la
cheville ouvrière de cette boutique.
« C'est ce vilain petit monsieur qui, trouvant, le 13 juillet
dernier un drapeau français entre les mains d'un de ses
ouvriers, le lui arracha violemment, le piétina, et finalement
le brûla en disant « Che ne feux bas de ça izi ».
« C'est encore ce vilain petit bonhomme qui poursuivit un de ses
concurrents venu a Emberménil pour embaucher des ouvriers un
revolver à la main.
« C'est encore lui qui porta à Strasbourg les quelques
révélations faites sur le fort de Manonvillers par un trompette
d'artillerie que des ouvriers avaient fait boire. L'artilleur
fut condamné à trente jours de prison et changé de régiment. »
D'après l'Avenir de l'Est, il y a dans les magasins d'Emberménil
des réserves considérables qui vont être vendues au grand
détriment de l'industrie française.
Le séjour de ces Allemands dans le village a, en outre, pour
effet d'eu interdire l'accès aux soldats du fort de Manonviliers.
L'autorité militaire a dû prendre cette décision dans la crainte
de rixes graves.
Parmi les habitants, l'irritation est d'autant plus vive qu'on a
appris l'expulsion des familles françaises d'Avricourt,
expulsion prononcée pour ce seul motif que « l'administration du
statthalter voit avec déplaisir le séjour de ces employés
français dans la commune La plupart des expulsés étaient nés à
Avricourt ou y vivaient depuis longtemps.
La mansuétude du gouvernement français contraste si bien avec la
rigueur brutale de l'autorité allemande que jamais les
compatriotes de M. de Bismark n'ont été plus nombreux à
Lunéville, à Nancy et dans tous les départements de l'Est.
DIVAGATIONS
La presse allemande exploite selon son humeur sur l'affaire
Wiesbach.
La menace d'expulsion prise contre l'industriel d'Emberménil
sert de prétexte aux criaillerie de certains organes connus pour
leur gallophobie furieuse.
La National zeitung veut bien reconnaître qu'il n'y a pas là
matière un conflit officiel : « On ne tire pas, dit-elle, de
coups de canon contre les article français. » Mais elle nous
prévient charitablement que nous n'avons pas à compter sur les
industriels allemands pour embellir notre Exposition de 1889.
Elle ajoute que Paris n'offre plus de sécurité pour les
étrangers, et elle avertit les Italiens, les Anglais et les
Belges qu'iln ne sont pas mieux traités en France que les
Allemands. C'est de la folie pure. Les étrangers n'ont jamais
été si nombreux à Paris et dans toutes nos ville d'eaux qu'à
l'heure actuelle, c'est-à-dire au moment où la presse allemande
nous dénonce comme le peuple le plus inhospitalier du globe.
Comme tous nos hôtes, qui se comptent par millions, doivent rire
des divagations des journées de Berlin !
Si les Allemands ne viennent pas à notre Exposition, c'est
qu'ils n'ont rien à montrer d'attrayant. Nous n'avons, nous,
rien perdre s'ils ne viennent pas.
Qu'ils restent chez eux et que leurs journaux continuent leurs
mensonges habituels. La France n'en a pas le moindre souci.
A LA FRONTIERE
Ces jours derniers, une compagnie du 69e régiment de ligne en
garnison à Manonvillers, quittait le fort à cinq heures du matin
pour exécuter une marche militaire.
Sur son itinéraire se trouvait Vaucourt, un village dont la
dernière maison touche à la frontière, au nord d'Avricourt.
Dès que les enfants ont aperçu les soldats français, ils se sont
élancés au-devant d'eux. La compagnie entra dans le village ;
les tambours et les clairons battirent et sonnèrent la marche;
de tous côtés, les habitants se précipitèrent pour voir ceux
qu'ils n'avaient pas vus depuis longtemps.
L'instituteur, prévenu par le son des tambours, fit placer en
ligne tous ses élèves, garçons et filles quand les soldats
passèrent, à un signal donné par ce patriote, tous les enfants
se découvrirent et se mirent à crier : « Vive la France Vive
l'armée ! Vive le 69e ! »
« La compagnie continua sa route, dit le Moniteur de
Meurthe-et-Moselle, et, sur son parcours, elle rencontra des
hommes et des femmes pleurant à chaudes larmes en pensant au
passé et en espérant pour l'avenir.»
Mais voilà les bornes allemandes qui apparaissent un douanier
français porte les armes.
« Honneur à la population si patriotique de Vaucourt, ajoute le
Moniteur de Meurthe-et-Moselle, qui a si chaleureusement reçu
les soldats français qui depuis longtemps n'étaient plus passés
dans ce pays »
QUATRE SOLDATS NOYÉS
(De notre correspondant particulier)
Châlons-sur-Marne. 11 juin.
Quatre soldats de la 6e section d'ouvriers d'administration, en
garnison à Châlons, faisaient une partie de canot sur la Marne;
après s'être arrêtes quelque temps dans un cabaret de Sarre, les
passagers, un peu pris de boisson, s'étaient embarqués et
dansaient ou gesticulaient dans leur embarcation. Soudain un des
militaires tomba à l'eau, faisant chavirer le canot; ses
compagnons furent précipités à leur tour dans la Marne, où ils
disparurent.
Un témoin de l'accident, M. Fizen. garde-pêche au lieu dit« Le
Radois », monta dans une barque pour leur porter secours, aidé
de plusieurs personnes ; mais ce ne fut que quelques heures plus
tard que l'on put retirer les cadavres de trois de ces
infortunés.
Les victimes de cet accident étaient les nommés Devot, âgé de
vingt-trois ans, né à Ancerviller (Meurthe-et-Moselle),
caporal-tailleur ; Hiblot, âgé de vingt-trois ans, originaire de
Montmédy (Meuse), caporal-cordonnier; Réder, âgé de vingt-quatre
ans, soldat de 1re classe, né à Mangiennes (Meuse).
On ne connaît pas encore le nom de la quatrième victime, qui n'a
pas été retrouvé.
ENCORE DES BALLONS ALLEMANDS QUI PASSENT LA
FRONTIÈRE
Nancy, 28 mai.
Un ballon sphérique a atterri aux environs d'Herbeviller.
L'aérostat était monté par quatre passagers, que l'on croit être
des officiers allemands. Après avoir accompli les formalités de
douane habituelles, les aéronautes ont repassé la frontière,
emmenant le ballon dégonflé.
NOUVELLES EN DEUX MOTS
A Frémonville, prés de le jeune Popart a été tué par l'explosion
d'un obus allemand avec lequel il jouait. Son frère et un
réfugié ont été grièvement blessés.
Les défenseurs du fort de Manonviller seront
jugés aujourd'hui
Nancy, 14 mai (dép. Petit Parisien.)
Le conseil de guerre de la région jugera, demain samedi, le
commandant d'artillerie Rocolle et les officiers chargés avec
lui de défendre, en août 1914, le fort de Manonviller contre les
Allemands.
De nombreux articles dans les journaux aussi bien que dans les
ouvrages militaires ont consacré des études plus ou moins
passionnées à l'angoissant problème que pose la capitulation
d'un fort pourvu des moyens les plus perfectionnés pour
résister.
Est-ce, comme on l'a dit en dernière analyse, à l'absence de
ventilateurs exposant la garnison à l'action des gaz, qu'est due
une capitulation aussi prompte ? La riposte de nos canons,
tirant à 9 kilomètres, manquait-elle d'efficacité sous le feu
des mortiers autrichiens lançant des obus de 410 millimètres à
plus de 14 kilomètres ?
Quoi qu'il en soit, Manonviller fut investi de tous côtés après
que notre échec de Morhange eut ouvert aux Allemands les portes
de Lunéville et la vallée de la Meurthe. Le siège dura seulement
cinquante-trois heures. Le jeudi 27 août, à six heures du soir,
le drapeau blanc était arboré et, le lendemain matin, les 750
hommes dont se composait la garnison, ayant obtenu les honneurs
de la guerre, prenaient le chemin d'Ingolstadt avec leurs chefs.
Trois semaines plus tard, le 14 septembre, les Boches étaient
contraints d'abandonner la position. Une explosion qui donna aux
villages d'alentour l'impression tragique d'un tremblement de
terre, détruisait entièrement les casemates, les tourelles
blindées, les approvisionnements et les munitions. Manonviller
était anéanti d'un seul coup
Quels auraient été les résultats de la résistance ? Les
tranchées n'auraient pu s'établir dans le secteur de Veho à
Reillon et les phases de la guerre en Lorraine eussent subi des
modification considérables.
Les juges militaires diront si Manonviller était capable de
tenir.
Note : Le Figaro - 16
mai 1920
Le fort de Manonviller
Nancy, 15 mai.
Le Conseil de guerre, présidé par le général Aldebert,
commandant l'artillerie de la 20e région, a entendu ce
matin le commandant Rocolle, qui capitula le 24 août
1914, au fort de Manonviller, « sans avoir fait, dit
l'accusation, tout ce que lui prescrivait le devoir et
l'honneur ».
Le commandant Rocolle, originaire de Rochefort-sur-Mer,
est âgé de cinquante*six ans et sert actuellement à
Metz. Le capitaine rapporteur Tropet étudie, dans un
long document, le rôle que devait jouer le fort de
Manonviller. Parmi les témoins figurent surtout les
officiers qui assistèrent au Conseil de défense où fut
prise la résolution de hisser le drapeau blanc. Tous
décrivent les effets des projectiles des obusiers
autrichiens de 420 et parlent des nombreuses asphyxies
provoquées par les gaz.
L'accusation reproche au commandant Rocolle d'avoir
traité avec l'ennemi sans l'envoi préalable de
parlementaires..
M. Perrette, député de la Moselle, présente la défense
du commandant et montre que la reddition évita des
sacrifices inutiles.
Après une courte délibération, le commandant Rocolle a
été acquitté à l'unanimité. |
LES ACCIDENTS D'AUTO
Lunéville, 8 septembre (dép. Petit Parisien.)
Près d'Amberménil une automobile a accroché la camionnette de M.
Guillozet, boulanger à Croismare, et l'a projetée dans un fossé
de la route. Comme le chauffeur de l'auto avait pris la fuite,
sans se soucier de l'accident. un automobiliste, venant de Nancy
et de passage à cet endroit, offrit k M. Guillozet de poursuivre
le fuyard.
Rejoint, ce dernier a déclaré se nommer Laurent, de Sarrebourg.
MIGNEVILLE A FÊTÉ HIER UN AGRICULTEUR
CENTENAIRE
Nancy, 19 septembre (dép. P. Parisien.)
En même temps qu'elle célébrait la fête de sa reconstruction, la
population de Migneville, localité dévastée au cours de la
guerre, a voulu également fêter le centenaire de l'un de ses
enfants, M. Joseph Zalewski, lequel est né le 3 septembre 1826.
Le centenaire, qui est le petit-fils d'un ouvrier polonais qui
appartenait à la petite cour de Stanislas, le roi détrôné de
Pologne et beau-père de Louis XV. est d'une santé robuste,
puisqu'il se livre encore à des travaux agricoles, tels que
l'arrachage de pommes de terre ; il est titulaire de la médaille
d'honneur des ouvriers agricoles et chevalier du Mérite
agricole.
Au cours de la réception qui lui fut ménagée à la mairie par la
municipalité, ayant à sa tête M. Liengey, maire, un souvenir lui
fut offert. Aux habitants du pays s'étalent joints MM. Michel,
sénateur ; Mazerand, député et le préfet.
Après la réception, il fut procédé à l'inauguration de la
mairie, des écoles et d'un réseau d'eau installé depuis peu dans
la localité. Un banquet clôtura cette fête et au cours duquel de
nombreux discours furent prononcés par les élus.
|