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Premier vol postal français - Nancy-Lunéville - Est-Républicain - 1912

Voir pour complément d'infirmation Premier vol postal français - Nancy-Lunéville - 1912



28 juillet 1912

La Poste par avions
Interview de M. Antoine
Le voila, le progrès, le voila bien.
Quand, pour la première fois, nous reçûmes, il y a six ou huit mois une correspondance venue de Fez à Rabat par la voie aérienne, messieurs les philatélistes, en grand émoi, se disputèrent avec une âpre frénésie la gloire de fixer dans leurs précieux albums le timbre émis pour la circonstance au Maroc.
Ce n'est plus Brégi, ni ses aventureux compagnons qui s'avisent, maintenant, de convoyer lettres, cartes postales et menus souvenirs à travers le désert.
Trois aviateurs militaires, les lieutenants Cheutin, Nicaud et Varcin, ont l'intention de venir samedi matin à Jarville pour employer leurs appareils au service postal qu'avec l'autorisation de M. Chaumet, on va, maintenant, inaugurer en Lorraine.
Nous avons tenu à recueillir auprès de M. Antoine, le sympathique conseiller municipal, dont les Nancéiens connaissent le zèle ardent pour le développement de l'aviation, quelques renseignements concernant l'initiative portée à la connaissance du public par un «  communiqué » un peu trop laconique.
M. Antoine ne recherche ni ne sollicite l'interview ; mais il ne témoigne pas à l'égard de ce mode d'information une antipathie farouche et, sans craindre de paraître indiscret ni importun, nous l'accablons de questions :
- En quoi consiste le nouveau mode de transport de nos correspondances ? Quels seront nos facteurs aériens ? Quelle taxe frappera notre courrier ? A qui sommes-nous redevables de cette innovation, de ce progrès ?
M. Antoine a voulu, d'une pierre, faire deux coups. La mise en vente d'un timbre spécial procurera, en effet, des ressources au comité des hangars d'aviation et un peu d'argent aux oeuvres scolaires.
- Comment l'idée de créer, nous dit M. Antoine, un service postal ayant chez nous le mérite d'être inédit, germa en même temps dans le cerveau de mes collègues et dans le mien ? C'est là, ma foi, une question assez embarrassante.... Je crois qu'il serait plus exact de dire que M. Brisson, l'aimable directeur des postes, nous a, en examinant avec nous divers projets, suggéré cette idée-là. »
M. Antoine ajoute ces détails intéressants :
- Avec la haute approbation de M. le sous-secrétaire d'Etat des Postes et Télégraphes, le comité des hangars d'aviation militaire de Nancy va faire, dans la journée du 28 juillet, un essai de transport des

correspondances par avion. C'est la première tentative de cette nature qui est réalisée en France. Etant donné le caractère artistique que prendront, aussi bien le timbre spécial que le timbre postal, apposés sur les correspondances confiées à l'occasion de cet essai à la poste, il n'est pas douteux que l'attention des collectionneurs ne soit vivement attirée par l'expérience faite à Nancy. Chaque objet, pour être transporté, devra être revêtu : 1° du timbre ordinaire officiel de l'administration des Postes, selon le tarif ; 2° du timbre spécial dessiné par notre grand artiste lorrain Friant et mis en vente par le comité au prix de 25 centimes. »
Les personnes qui participeront à cette tentative, la première en France, en même temps qu'elles contribueront à l'oeuvre si intéressante de l'édification des hangars à Nancy, auront entre les mains une pièce de collection dont la valeur pour les collectionneurs sera inappréciable.
L'honorable conseiller ne se dissimule pas que les gens pressés ne devront pas élever de plaintes trop vives, si, par hasard, leurs envois arrivent un peu tard à destination et il nous expose ses réserves à ce sujet :
- Tous les objets déposés dans les boîtes jusqu'au 28 juillet, à minuit, dûment affranchis, selon les tarifs postaux, et portant en outre le timbre spécial d'aviation, seront acheminés par la voie des airs sur un point quelconque d'atterrissage de notre région. En ce point, ils seront remis au service postal qui les fera parvenir par ses moyens ordinaires à leur adresse.
L'administration a demandé au comité, pour éviter toute confusion, de faire remarquer au public que du fait de ce transport par avion dans la soirée du 28, lies correspondances subiront nécessairement un certain retard dans leur acheminement.
Bien entendu, l'administration ne saurait encourir aucune responsabilité à raison des risques que comporte ce moyen extraordinaire de transport. »
Le nouveau timbre est déjà mis en vente ; il a obtenu un excellent accueil. Les facteurs pourront, en livrer, sur demande. Les élèves des écoles primaires de garçons et de filles, au nombre de quarante, -vendront également ces timbres, pendant l'après-midi de dimanche, dans l'enceinte réservée de la Pépinière où aura lieu, comme on sait, une fête enfantine ; une partie de leur recette sera versée dans la caisse des oeuvres enfantines de la ville de Nancy.
Naturellement, la première lettre, expédiée par avion, sera adressée à M. Chaumet, sous-secrétaire d'Etat aux P. T. T., pour le geste aimable et patriotique qu'il a eu en autorisant ce nouveau système de service postal.
Entre nous, ça vaut bien cela...
ACHILLE LIEGEOIS.


29 juillet 1912

L'aviation postale
Hélas !
Elle est en panne.
On attendait, dimanche matin, le retour des officiers aviateurs ; mais la bourrasque orageuse du matin les a empêchés de rejoindre à Jarville leur poste d'atterrissage.
Vers huit heures du matin, nous recevions de Saint-Mihiel une dépêche nous informant qu'à trois ou quatre kilomètres de cette ville le lieutenant Nicaud, parti de Verdun sur son biplan Farman, avait été obligé de descendre à cause de la violence du vent et de la pluie.
Nous voyions, une heure après, les sapeurs du camp de Verdun arriver à Nancy en automobile et nous leur communiquions cette nouvelle.
Par téléphone, les sapeurs demandaient alors au lieutenant Nicaud ce qu'ils devaient faire. Leur chef leur donnait l'ordre de revenir à Saint-Mihiel pour effectuer quelques opérations à son appareil, légèrement endommagé par un atterrissage trop brusque.
- L'aéroplane a un peu souffert, nous téléphonait dimanche matin notre correspondant ; mais son pilote est absolument indemne. » .
Allons ! tant mieux...
en- Quant aux lieutenants Cheutin et Varcin qui, eux, avaient l'intention de faire, par la voie des airs, un voyage de Bar-le-Duc, à Nancy, on était sans nouvelles sur leur sort, à midi.
Espérons que le mauvais temps a seulement retardé leur départ et qu'ils n'ont été victimes, en cours de route, d'aucun accident fâcheux.
Que les amis de l'aviation et les philatélistes, toutefois, se tranquillisent ! Les courriers - sans garantie du gouvernement - qui seront déposés dans les boîtes postales seront acheminés - avec le retard prévu au programme, ainsi que l'a pronostiqué M. Antoine - sur les points de destination, dans les conditions que nous avons précédemment indiquées.
Le reste de la journée s'écoula sans nouvelles - bonnes ou mauvaises.
L'aviation postale est en panne, soit !
Mais pour si peu de temps...


30 juillet 1912

L'aviation postale
Une dépêche, reçue lundi soir par M. Antoine, conseiller municipal, annonçait que le lieutenant Nicaud quittera Verdun mardi, vers sept heures du matin, pour entreprendre un raid aérien jusqu'à l'aérodrome de Jarville.
M. Antoine nous a confirmé cette nouvelle, ajoutant que l'aviateur militaire assurera le transport des lettres et cartes postales affranchies avec le timbre spécialement émis à l'occasion des fêtes ministérielles :
- Le succès de notre innovation, a déclaré l'honorable conseiller, dépasse nos prévisions. Le dévouement de nos vendeurs a été généreusement récompensé : un des vendeurs sut même augmenter sa recette de cinquante-cinq francs qu'il m'a versés avec une légitime fierté... Nous avons, d'accord avec l'administration postale, préparé un sceau oblitérateur mentionnant que l'expédition des courriers «  fut différé en raison de l'état de l'atmosphère ». C'est donc une double garantie, un double «  cachet » d'authenticité que posséderont les philatélistes, les amis de l'aviation postale qui, avec une patriotique et touchante unanimité, souscrivirent pendant deux jours au profit de la création d'une station d'aéroplanes militaires à Nancy... »
Les deux autres officiers, les lieutenants Varcin et Cheutin, doivent à cette heure se trouver - sauf erreur - sur les aérodromes de Versailles et de Buc. Ils ne rejoindront pas ici leur camarade Nicaud qui, après sa panne à Saint-Mihiel, fut obligé, dimanche de regagner son poste d'attache à Verdun.
Le lieutenant Nicaud, dont les Nancéiens connaissent l'habileté, l'esprit de décision, l'audace et te courageux sang-froid, avait donné rendez-vous à, ses compagnons pour les fêtes en l'honneur des ministres lorrain.
Il n'a pas dépendu d'eux que cette réunion fût ajournée ; mais nous croyons être bien informé en annonçant que la médaille d'or qui leur a été attribuée en récompense de leur intrépide participation au meeting de Pâques leur sera solennellement remise à brève échéance.
Le lieutenant Nicaud recevra probablement demain, pendant son séjour chez nous, ce témoignage de la sympathie, de la confiance et de la gratitude nancéiennes.


31 juillet 1912

L'aviation postale
Le lieutenant aviateur Nicaud, du 39e d'artillerie, est arrivé mardi matin à Jarville ainsi que nous l'avons annoncé. Nous avons pu causer avec lui quelques instants après son atterrissage, qui s est effectué, hâtons-nous de le dire, dans les meilleures conditions :
- Je suis parti ce matin de Verdun à 6 h 35 exactement, nous a-t-il déclaré... Je me suis élevé à une altitude de, quinze cents mètres. Le vent contraire gênait ma marche. Alors que le temps normal pour venir à Nancy est d'une heure, j'ai dû lutter sans cesse pour atteindre à huit heures l'aérodrome de Jarville... Je naviguais au-dessus d'un véritable océan de nuages. Un ciel absolument pur, en revanche, nous baignait de sa clarté...
«  Nous ne distinguions pas les vallées ni les villes ; mais, en approchant de Nancy, je me suis mis à descendre et c'est à ce moment que mon appareil a été violemment secoué, ballotté par des remous. J'ai pu néanmoins traverser sans incident l'épaisse couche de brume qui me cachait la terre... Je me suis posé tout doucement sur les pelouses de Jarville... Rien de plus simple et de plus banal, comme vous en jugerez, que mon voyage de ce matin... »
Le vaillant officier avait à son bord le sapeur Million. D'autre part, deux autres sapeurs sont venus en auto de Verdun à Nancy ; ils ont ensuite accompagné leur chef jusqu'à Lunéville, où le lieutenant Nicaud voulait se rendre compte, sur place, des moyens de transporter les sacs de dépêches que doit lui confier l'administration postale.
Ces sacs sont au nombre de trois et ils pèsent ensemble une cinquantaine de kilos.
Au cours de la visite que l'aviateur militaire a faite, mardi matin, à M. Brisson, directeur des PTT, les conditions du transport ont été minutieusement réglées.
Le départ du lieutenant Nicaud aura lieu vraisemblablement dans la matinée de mercredi, après une promenade aux environs de Vandoeuvre, où il est question d'établir des hangars pour l'aviation militaire.


1er août 1912

LES FACTEURS AERIENS
Pour la première fois en France la poste par avions fonctionne
DE NANCY A LUNEVILLE
 

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L'administration des postes compte désormais un facteur de plus. Un facteur comme on n'en verra guère. M. le lieutenant Nicaud s'est chargé, pour la première fois en France, du transport des lettres par la voie des airs.
Cette expérience n'a eu lieu jusqu'à présent qu'en Angleterre. Les résultats furent satisfaisants et ils comblèrent d'un légitime orgueil nos voisins d'Outre-Manche.
Ce qu'ont fait nos amis de l'Entente Cordiale vient d'être réalisé, grâce à la patriotique initiative de la commission des hangars militaires à Nancy que, par une autorisation spéciale, M. Chaumet, sous-secrétaire d'Etat aux postes et télégraphes, voulut bien encourager.
On sait en quoi consistaient ces essais. Moyennant un timbre émis à cette occasion et vendu 0 fr. 25 pendant les journées des 27 et 28 juillet, les lettres et cartes postales devaient franchir par la voie aérienne la distance de Nancy à un poste d'atterrissage plus ou moins éloigné de notre ville.
L'étape qui, en fin de compte, parut convenir et sur laquelle se fixa le choix de l'administration fut celle de Nancy à Lunéville.
M. Brisson, directeur des P. T. T. en Meurthe-et-Moselle, décida que la remise des trois sacs de dépêches postales contenant tout le courrier reçu pendant les deux journées de fêtes ministérielles, serait faite mercredi matin au lieutenant aviateur Nicaud, sur l'aérodrome de Jarville.
A ce sujet, M Brisson nous informe que toute la correspondance déposée dans les boîtes après trois heures du matin, lundi, avait été naturellement acheminée immédiatement sur ses lieux de destination : c'est ce qui explique qu'un certain nombre de nos concitoyens ont reçu, dès hier, des cartes affranchies avec le timbre-aviation.
M. le lieutenant Nicaud accepta avec beaucoup de bonne humeur l'exceptionnel emploi de facteur auquel il était promu :
- Vous toucherez vos étrennes au Nouvel-An... lui promirent ses amis de la commission des hangars. »
Le vaillant officier s'était rendu, à bord d'une Peugeot, jusqu'à Lunéville, où il fut absolument enthousiasmé de voir le merveilleux terrain d'atterrissage que lui offrait le Champ-de-Mars où évoluent les troupes de cavalerie de la garnison.
Mercredi matin, à sept heures, nous avons assisté au départ de la poste aérienne.
Peu de monde sur la pelouse. Trois voitures amènent les personnages officiels ; il y a là MM. Brisson, Floquet, doyen de la Faculté des sciences ; Antoine, conseiller municipal, secrétaire général du Comité des hangars - et, non loin de là, naturellement, un employé des P. T. T., le facteur Lesire, qui veille sur les trois sacs précieux apportés dans la rapide Peugeot de M. Henri Chèvre.
L'aéroplane, un biplan Farman, est sorti de son abri ; l'officier et son compagnon, le sapeur Million, y prennent place. Les sacs postaux sont chargés, puis le pilote aérien, pour remplir les formalités administratives, signe alors le bulletin que lui tend son collègue d'un instant, le facteur Lesire.
Tandis que l'auto emmène vers Lunéville à tire d'ailes (car Peugeot seul est capable de lutter de vitesse avec les oiseaux) les officiels et leurs invités, M. le lieutenant Nicaud prend le départ. Il s'envole exactement à 7 h. 16 minutes.
Le voyage s'effectua en dix-sept minutes. Le receveur des postes lunévillois, M. Stoll, et le facteur Martin, prévenus télé-

phoniquement, se trouvaient sur le terrain de manoeuvres au moment où s'y posa l'aéroplane.
Une foule de curieux était accourue. De nombreux officiers étaient présents. M. le général de Contades, commandant la brigade de chasseurs, consentit volontiers à subir les indiscrétions de notre reportage photographique.
Quand se furent renouvelées - mais en sens inverse - les formalités du départ, c'est-à-dire quand le lieutenant Nicaud eut obtenu de M. Stoll la signature de son bulletin, il était exactement 8 h. 12.
Le courrier, légalement, avait donc franchi l'étape en cinquante-six minutes.
De Lunéville, les courriers seront maintenant dirigés sur leurs destinations par la voie ordinaire.
Plusieurs envois ne portaient que le timbre-aviation ; mais, sur ses propres fonds, la commission des hangars a prélevé le prix des affranchissements à cinq et dix centimes pour épargner les désagréments d'une taxe supplémentaire à ceux qui recevront ces souvenirs d'une expérience dont les philatélistes s'empresseront de profiter en enrichissant leurs collections.
Le lieutenant Nicaud doit regagner jeudi matin, entre six et sept heures, son poste de Verdun par voie aérienne.
ACHILLE LIEGEOIS.

Les officiers aviateurs reçoivent leur médaille

Un banquet intime a réuni mercredi, à midi, dans un des salons de la Brasserie Viennoise, l'Association des Amis de l'Aviation de Nancy et leurs invités, à l'occasion de la remise de leur médaille d'or aux officiers aviateurs qui prirent un part si brillante au meeting de Pâques.
Prévenus par dépêche, les lieutenants Cheutin et Varcin vinrent de Saint-Cyr pour rejoindre à Nancy leur camarade Nicaud.
Le banquet fut plein d'entrain.
On remarquait, parmi les convives, MM. le maire de Nancy, ayant à sa droite le lieutenant Cheutin et à sa gauche M. le doyen Floquet, les lieutenants Nicaud et Varcin.
MM Antoine, conseiller municipal ; Daum, membre de la Chambre de commerce ; Laffitte secrétaire général de la Chambre de commerce ; Brisson, directeur des P.T.T., MM. Brun, secrétaire général de la Société industrielle ; Calvayrac, directeur de la Société française de tramways ; Lucien Larcher, avocat ; Déon, Peltier, Bussière, conseillers municipaux, Henri Chèvre, agent commercial de la maison Peugeot, nos confrères de la presse nancéienne.

Le toast de M. le Doyen de la Faculté des sciences
A l'heure psychologique des toasts, M. le doyen Floquet prononce une allocution à chaque instant interrompue par les applaudissements. Il s'exprime en ces termes :
Mon cher lieutenant,
Au nom de la-commission extra-municipale qui fut chargée de l'organisation des fêtes des 7 et 8 avril derniers, au nom de la commission des hangars d'aviation militaires, j'ai l'honneur et le plaisir de vous adresser nos plus cordiales félicitations à l'occasion de la remise de la médaille d'or qui vient si justement sanctionner vos exploits aériens de Nancy.
Nous saluons en vous un des héros de cette aviation militaire, si chère à la Lorraine et au pays tout entier, aviation dont les coutumières randonnées nous remplissent de confiance et d'admiration.
Vous êtes né à Antibes, au bord de cette mer dont les flots sont d'un bleu si profond. Est-ce cette couleur qui, en charmant vos yeux naissants, vous a fait aimer l'azur des cieux ? Je ne saurais le dire. Toujours est-il que vous l'aimez passionnément, cet azur, et, hier encore, pour venir à nous, alors que d'épais nuages nous masquaient malencontreusement sa vue, vous n'avez pas hésité à les trouer et à aller l'atteindre en vous élevant à l'altitude de 1.500 mètres.
Lors des fêtes de Pâques, vous avez offert à Nancy de merveilleux spectacles aériens et c'est pour nous une joie de vous voir remis aujourd'hui un souvenir de gratitude et de sympathie. Depuis, nous vous avons vu survoler Nancy, atterrir à fa ferme Saint-Jacques. Mais aujourd'hui même, vous avez acquis cette gloire d'inaugurer, pour la première fois en France, la poste par avion.
Je ne m'attendais pas au bonheur de compter aujourd'hui au nombre de nos convives MM. Varcin et Cheutin. Ils ont droit à une part, non la moindre, de notre sympathie et de notre gratitude.
Nous sommes pleins de reconnaissance envers M. le directeur Brisson, qui en a eu l'idée ; envers M. le sous-secrétaire d'Etat aux postes et télégraphes, qui en a autorisé l'application ; envers vous, mon cher lieutenant, qui avez bien voulu et qui avez su la réaliser avec tant de bonne grâce.
Je serais le pire des ingrats, si je ne citais aussi notre grand artiste lorrain, Friant, qui, non seulement nous a dessiné le joli timbre que vous connaissez, mais qui en outre a multiplié ses démarches en haut lieu pour aboutir au succès.
La somme importante, recueillie par l'effet de notre innovation postale, va s'adjoindre à celles sur lesquelles nous comptons pour acheter et aménager le champ des hangars militaires, et c'est ainsi, mon lieutenant, qu'en bon officier, vous avez contribué à la réussite d'une entreprise si intéressante pour notre vaillante armée.
Intéressante pour l'armée, ai-je dit, mais intéressante par cela même et surtout pour notre cité frontière. Abritée sous ses hangars, l'escadrille volante s'en élancera pour rayonner sur la contrée et nos concitoyens, dépourvus de fortifications tenant au sol, auront désormais une sécurité nouvelle en se sentant veillés par votre admirable garde aérienne.
C'est pour cette belle oeuvre que vous avez bien voulu vous faire postier ce matin, mon cher lieutenant ; soyez assuré de toute notre reconnaissance.
Messieurs, je vous convie à lever votre verre en l'honneur du lieutenant Nicaud, notre brillant messager aérien, le premier de France en avion, à la continuation de ses succès

Le maire de Nancy prend la parole
M. Laurent maire de Nancy, dit qu'il aurait voulu remettre avec plus de solennité, la médaille de la ville de Nancy décernée aux aviateurs qui ont contribué avec un si beau désintéressement au succès du meeting d'aviation, pendant les fêtes de Pâques :
«  Nos prédécesseurs ont rendu hommage à vos rares mérites; dit-il, en vous témoignant leur reconnaissance et leur affectueuse estime ; nous sommes heureux, dans cette circonstance, d'exaucer leur désir et de vous exprimer leurs remerciements. Cela signifie que votre médaille d'or, messieurs, vous est remise en réalité par la Ville de Nancy tout entière unie dans le même sentiment et dans, la même pensée. ».

Les trois aviateurs remercient la ville
M. le lieutenant Cheutin se lève à son tour. Il déclare, au nom de ses camarades Nicaud et Varcin dont il sera le fidèle interprète, accepter avec un plaisir mêlé d'émotion la médaille d'or offerte par la Ville de Nancy :
- S'il m'est permis de former un souhait ajoute-t-il, je formerai celui d'obtenir comme une récompense suprême la joie et l'honneur d'être affecté à l'un des postes d'aviation qui se créeront dans la région de Nancy. »
De chaleureuses acclamations accueillent les paroles du brillant officier, dont les conférences de propagande ont contribué, avec tant de force, à la création et au développement de l'aviation en Lorraine
Après le banquet, trois automobiles conduisaient les officiers aviateurs et les membres de la commission d'aviation sur les terrains de Brabois, dont l'aménagement permettra à bref délai l'installation d un centre d aviation à Nancy.
L'espace est largement suffisant : un petit bois de sapins sera abattu afin que les deux champs qu'il sépare actuellement forment un vaste et commode emplacement où les avions pourront atterrir sans risques ni périls.
LUDOVIC CHAVE.

 

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