Lorsque Joseph Bédier
publie en 1915 « Les crimes
allemands d'après des témoignages allemands »,
il est l'objet d'une première réplique allemande par la
gazette de l'Allemagne du Nord, à qui il répond en
publiant « Comment l'Allemagne essaye de justifier
ses crimes ».
En 1915, Max Kuttner réplique à son tour par «
Deutsche Verbrechen? Wider Joseph Bédier, Les crimes
allemands d'après des témoignages allemands », où il
s'attache à amenuiser les historiquement indéniables
crimes allemands en produisant des courriers mettant en
cause l'armée française, comme on le voit en bas de
cette page.
Sur la qualité de cette « Réplique à Joseph Bédier »
(titre de l'édition en français de Kuttner), Charles
Rist écrit dans la rubrique comptes-rendus critiques de
la « Revue Historique » de novembre-décembre 1915
(Tome 120, éd. Paris) :
Dr Max KUTTNER. Deutsche Verbrechen? Wider Joseph
Bédier, Les crimes allemands d'après les témoignages
allemands.
Berlin, Velhagen und Klasing, 1915. In-8°, 64 pages.
Voici encore une « réfutation » de la brochure désormais
célèbre de M. Bédier. Après beaucoup d'autres - et sans
doute ne sera-t-il pas le dernier - M. Max Kuttner,
professeur à la royale Augustaschule, à Berlin, entre en
lice.
La tâche n'est pas aisée. La brochure de M. Bédier étant
un simple recueil de textes, la réfutation d'un tel
dossier comporte la démonstration soit de la fausseté
des textes, soit de l'inexactitude de leur traduction.
Encore cette dernière démonstration ne vaudrait-elle pas
pour l'édition allemande, aujourd'hui publiée.
M. Kuttner prétend-il que les textes soient faux ? Il
l'insinue pour deux d'entre eux. Mais il n'insiste pas.
Il sait la preuve contraire trop facile à administrer.
C'est le traducteur que ses attaques visent
exclusivement. Que lui reproche- t-il? Les citations
empruntées par M. Bédier aux carnets de route des
soldats, aux proclamations ou aux journaux allemands
comportent environ 1,500 mots, que M. Kuttner s'est
naturellement gardé de reproduire. Sur ces 1,500 mots,
le professeur allemand en retient environ 50 pour les
soumettre à sa critique. Et c'est l'aveu tacite que les
1,450 autres sont inattaquables.
Cela déjà pourrait nous suffire. Voyons cependant ces 50
mots. Pour une partie d'entre eux, M. Kuttner se borne à
répéter les objections déjà soulevées par la Gazette de
d'Allemagne du Nord, et dont M. Bédier a fait justice
dans sa seconde brochure Comment l'Allemagne essaye de
justifier ses crimes d'une façon qui me dispense d'y
revenir (cf. Rev. histor., t. CXIX, p. 419). Restent les
critiques originales de. M. Kuttner qui, si l'on néglige
les questions puériles de points et de virgules,
qualifiées par lui-même de « Kleinigkeiten », visent
exactement 34 mots. Je les donne intégralement ici, en
plaçant en face la traduction française de M. Bédier :
Texte des carnets. -Traduction de M. Bédier.
Hatte auch Telephonverbin dung mit dem Feinde (p. 16). -
C'est qu'on avait le téléphone avec l'ennemi.
Ailes wird geplùndert (p. 16). - Tout est livré au
pillage.
Der eine hatte ein Auge verloren (p. 16). - Et l'un
avait un oeil crevé.
Sämtliche Zivilisten wurden erschossen (p. 17). - Tous
les civils ont été fusillés.
Eine Frau wurde erschossen weil sie auf Halt-Rufen nicht
hielt, sondern ausreissen wollte (p- 17). - Une femme
fut passée par les armes pour n'avoir pas obéi au
commandement de halte.
A toute personne non prévenue, ces traductions
paraîtront l'exactitude même. M. Kuttner trouve
cependant à y reprendre :
Dans la première phrase, le « c'est que » employé pour
traduire le « auch » allemand cache des intentions
malignes, que l'auteur ne désigne pas plus clairement.
Je les ai cherchées sans les trouver. - Dans la deuxième
phrase, la traduction « livré au pillage » au lieu de «
pillé » insinuerait méchamment d'après M. Kuttner un
ordre donné par des officiers. La philologie de M.
Kuttner est ici en défaut. L'expression « livrer au
pillage » n'a pas en français de ces sous-entendus. -
Dans la troisième phrase, c'est le mot « crevé « pour
traduire « verloren » qui -choque le professeur
allemand; c'est l'anodin « perdu » qu'il voudrait y voir
substitué. Voyons le contexte, que (sans doute par
hasard?) M. Kuttner a omis de reproduire. On y lit : «
Une femme avec deux enfants ; l'un avait une grande
blessure à la tête et perdu un oeil. » Le lecteur jugera
si, dans la pensée de l'écrivain, spectateur de la
scène, cette « perte » d'un oeil était accidentelle ou si
elle avait un rapport avec la « grande blessure à la
tête », et si M. Bédier a exagéré en rendant « verloren
» par « crevé ». - Dans la quatrième phrase, le
caractère littéral de la traduction française n'est pas
contesté. M. Kuttner cependant voudrait remplacer « les
civils », qui désigne tous les habitants d'un village,
par « ces civils », qui désignerait seulement une
cinquantaine d'entre eux, dont il a été question
quelques lignes plus haut et qui avaient tiré, dit
l'auteur du carnet, d'un clocher sur les troupes.
Interprétation plausible et que la traduction française
n'écarte pas plus que le texte allemand. Dans le doute,
M. Bédier a bien fait de s'en tenir au sens littéral. -
Dans la cinquième phrase enfin, M. Kuttner ne pardonne
pas à M. Bédier d'avoir omis la traduction des mots
sondern ausreissen wollte, qui signifient « mais voulait
s'échapper ». Je ne vois pas en quoi le sens de la
phrase ou la portée de l'acte commis s'en trouve
modifié.
Tel est le réquisitoire de M. Kuttner. Pense-t-il
sérieusement que ces chicanes diminuent si peu que ce
soit l'abomination des faits incontestés et
incontestables, révélés par M. Bédier, et qui - sauf en
Allemagne, où ne s'est jusqu'ici trouvé aucun honnête
homme pour les flétrir - ont soulevé et soulèveront
longtemps encore l'indignation du monde entier? Cette
abomination, M. Kuttner s'en rend si bien compte
lui-même que des dix-huit fac-similés de M. Bédier il
n'en reproduit que deux. C'est ce qu'il appelle (p. 5) «
sich die Dokumente der Reihe nach ansehen ». Encore
s'est-il gardé de transcrire en imprimé ces écritures
photographiées et presque illisibles, comme il le fait
cependant pour toutes les autres photographies de
manuscrits fournies par lui-même au débat.
Il n'y aurait rien d'autre à dire de ce pauvre libelle,
si l'auteur, prenant l'offensive à son tour, n'avait
cherché à démontrer par des extraits empruntés à des
carnets de route français saisis par les Allemands que
nos soldats, en fait de sauvagerie, ne sont pas demeurés
en reste. Nous ne saurions assez recommander aux neutres
la lecture de ces textes. Elle leur révélera deux
choses. La première, c'est que nos troupes n'ont à se
reprocher ni assassinats de femmes et d'enfants, ni
meurtres collectifs d'habitants paisibles, ni incendies
commandés de villes et de villages, ni viols de femmes
et de jeunes filles, ni emploi de civils placés comme
boucliers devant l'ennemi, ni pillages par ordre. Cela
suffit à les différencier des troupes allemandes devant
l'histoire. La deuxième constatation qu'on ne manquera
pas de faire, c'est que si malheureusement des actes de
pillage isolés ont été commis par nos soldats (et nous
ne mobiliserons certes pas quatre-vingt-treize
intellectuels pour le nier à la face du monde), les
ordres les plus énergiques du commandement français
(c'est M. Kuttner qui les cite) n'ont cessé de les
réprimer avec la dernière sévérité. Il est fâcheux pour
la cause de M. Kuttner qu'il n'ait trouvé à mettre en
regard aucun ordre du jour allemand condamnant de la
même manière les actes pires des soldats allemands.
Les attaques de M. Kuttner contre la France n'ont du
reste point d'importance. Mais nous ne pouvons laisser
passer sans y répondre une calomnie dirigée contre la
Belgique, et qui vient s'ajouter à toutes celles que,
sans se lasser, l'Allemagne lance contre ce noble et
malheureux pays.
Essayant d'excuser des crimes qu'il ne peut nier, M.
Kuttner réédite la légende des francs-tireurs belges.
Les soldats allemands, affirme-t-il (p. 13), ne
pouvaient en Belgique « passer à côté d'un enfant sans
s'attendre a être fusillés par derrière » (!). A l'appui
de sa thèse, il cite un document, un seul. Mais il est
d'importance. C'est une coupure du journal le Petit
Belge du 13 août 1914, reproduisant un récit publié par
le Telegraaf d'Amsterdam, qui décrit la résistance
farouche opposée par la population civile d'Herstal,
près Liège, à l'entrée des troupes ennemies. Vieillards
et enfants tirant des fenêtres, barricades, huile
bouillante versée par les femmes sur l'assaillant, rien
n'y manque. Rien, sauf une toute petite chose..., la
vérité.
Ouvrant en effet le livre de M. Waxweiler, la Belgique
neutre et loyale - et M. Kuttner ne déclinera pas
l'autorité morale de cet auteur - on lit à la page 227,
après l'analyse du même récit emprunté à la même source,
la phrase suivante : « Peu de jours après la publication
de cette description horrifique, on apprenait de source
officielle que rien, absolument rien ne s'était produit
à Herstal, et de fait il n'y a pas eu là l'ombre de
représailles. »
Bornons-nous à poser deux questions. Ou M. Kuttner,
ayant à formuler contre les Belges des accusations qu'il
considère comme graves, n'a même pas pris la peine
d'ouvrir le livre capital de M. Waxweiler. Que faut-il
alors penser de son esprit critique et de son souci
d'information? Ou bien il a lu ce livre et il sait le
démenti formel opposé officiellement au récit du
Telegraaf. Que penser alors d'un « savant » qui,
connaissant l'incertitude ou mieux l'inexistence de
certains faits, les présente à ses lecteurs sous une
forme qui doit nécessairement entraîner l'absolue
conviction de leur réalité ?
Ayant ainsi donné la mesure de sa probité scientifique,
M. Kuttner, en conclusion, s'écrie pathétiquement : « Je
vous accuse, M. Bédier, de falsification et de calomnie
intentionnelles » (p. 60). Une telle apostrophe sous une
telle plume ne manque pas de saveur.
Charles Rist.
Voici quelques
extraits de l'opuscule de Max Kuttner : car si son texte
est fort loin d'apporter une contribution utile au
problème des crimes de guerre allemands, il donne
d'étonnants détails sur le canton de Blâmont dans les
premiers jours de la guerre, jusqu'à l'offensive du
14/15 août 1914 et le franchissement de la frontière.
Le journal manuscrit que Kuttner attribue à Léopold
Cassel, du 143ème régiment d'infanterie
correspond bien au journal des marches et opérations du
régiment : le 14 août il est au nord de Vého, le 15, à
Reillon, Leintrey, Amenoncourt, et le 16 il marche sur
Avricourt.
Deutsche Verbrechen?
Wider Joseph Bédier Les crimes allemands d'après des
témoignages allemands
Zugleich eine Antwort aus französischen Dokumenten von
Dr. Max Kuttner.
[p. 23] Ich beginne mit dem 86 sauber geschriebene
Seiten umfassenden Kriegstagebuch eines Schullehrers aus
Carcassonne, Léopold Castel, vom 143. Infanterieregiment,
der nebenbei stolz ist auf seine « diplômes de
pédagogue ». [...]
[p. 26] Acht Tage sind die Deutschen in Donjevin
gewesen. Also muß doch ein rechtschaffenes
Kriegstagebuch Greuel erzählen. Schaudernd höre man:
« Installés en maîtres dans les familles ils ont dévoré
les poulaillers et tari les caves. Ces barbares Ont
épuisé les familles. - Tuez-les tous, disent les bonnes
gens du village ...
A l'ombre des portiques coquettement enguirlandés de
houblon, plusieurs vieillards sont là qui ont lutté en
70. Comme ils paraissent heureux de nous voir passer.
« Soyez vainqueurs, disent-ils, et nous, pauvres
inutiles, nous mourrons heureux!» Pauvres
vieillards,cassés par l'âge, chères loques de la vieille
France, restez en paix dans vos foyers, je crois que
l'heure de la revanche a sonné.»
Sie liegen auf Vorposten, und von einer ihrer
Schildwachen wird ein französischer Jäger, der sein
verwundetes Pferd herbeiführt, angehalten: « C'est un
tout petit paysan, presque imberbe, au visage rayonnant
de douceur et de bonhommie. »
Wie diese « douceur » und « bonhommie » im französischen
Sinne sich betätigen, mag aus dem Bericht hervorgehen,
den der Tagebuchschreiber den Helden geben läßt und der
zugleich ein Streiflicht auf die Vorstellung von
militärischer Disziplin im französischen Heere wirft:
« Ça a bardé mon vieux, dit-il ! J'étais en
reconnaissance avec mon peloton là-bas du coté de Lintrey. Quand tout à coup nous rencontrons une
patrouille de uhlans en reconnaissance. Ils étaient
cinq ! Chargez ! crie notre officier. Et sabre au clair,
nous partons de toute la vitesse de nos chevaux, en
criant comme des fous ! Ah ! comme ils trottaient nos
petits chevaux ! Ils rattrapent les fuyards après une
course furibonde à travers la campagne !
-- Camarades criaient-ils... grâce ! grâce !
Leur voix était rauque et avait des accents si
désespérés, si déchirants; leurs yeux étaient agrandis
par la grande épouvante de la mort.
Notre officier qui aurait voulu les faire prisonniers
criait:
- Ralliement.
Pensez donc si on allait leur laisser la vie à ces
moineaux. On a foncé dessus et on a tapé dans le tas!
D'un tourniquet de mon sabre j'ai partagé la tête de
l'un d'eux comme une noix de coco. C'était un fameux
coup de sabre, ajoute-t-il ! Les autres uhlans ont été
lardés de coups de lance et criblés de balles!
- Bravo! clame le cercle frémissant ! »
Aber sein Pferd ist dabei verwundet worden, und er zeigt
die Wunde, « tandis qu'une larme perle dans ses yeux
traduisant ainsi cet amour si naïf et si touchant des
cavaliers pour leur monture.
- Mon père a beaucoup souffert en 70, dit-il, et ¡'ai
juré de le venger durement.
Ces mots me paraissent terribles dans la bouche du petit
campagnard ! Combien sont-ils ceux-là qui vont se battre
pour venger leur père... cette revanche est peut-être
l'idée symbolique de cette grande guerre. »
„Vergeltung ! Rache !" das ist das Leitmotiv, auf dem sich
trotz aller amtlichen Ableugnung die ganze Symphonie des
politischen Lebens Frankreichs aufgebaut hat; durch den
Unterricht in den niederen und höheren Schulen klang es,
stets ein nie versagendes und willkommenes Echo weckend,
und jedem Redner sicherte es bei passenden und sehr
unpassenden Gelegenheiten einen guten Abgang.
Zwar hatte die lebende Generation keine klare
Vorstellung mehr davon, was es eigentlich zu rächen gab,
und so frischte man den verblaßten Inhalt dieses
modernen « Dieu le veut» dadurch auf, daß man es als eine
nationale Ehrenpflicht hinstellte, den „geknechteten,
leidenden Brüdern" in den „verlorenen Provinzen" die
Freiheit und die Heimkehr zur trauernden Mutter, douce
France, zu erkämpfen.
So schließt denn auch dieses Jägerlein seinen Bericht
für den engen Kreis der Kameraden mit derselben
sakrosankten Formel wie irgend ein Fest- oder
Volksredner: Vergeltung ! Rache !
Aber vielleicht hat der Erzieher der Jugend, der mit
Stolz seinen beim Abgang von der Schule erhaltenen «
prix d'histoire » erwähnt, eine abgeklärtere und
verfeinerte Empfindung? Hören wir:
« Là dans une verte prairie on aperçoit trois ou
quatre paquets noirâtres et difformes. La section
s'approche et le spectacle qui s'offre à notre vue est
horrible. Un cheval aux pattes raidies git le ventre
crevé. A côté se trouve un uhlan de haute taille, la
face contre terre. Sa tête partagée en deux laisse voir
la mate blancheur des os du crâne tandis que la cervelle
forme sur l'herbe une masse molle et sanguinolente. Les
yeux grands ouverts et presque sortis de l'orbite sont
figés dans l'attitude de la grande terreur.
A coté un sous-officier du même régiment, git égalemment
son corps haché de coup de sabres. Un autre cadavre est
couché dans le ruisseau. Les chasseurs français les ont
presque complètement dépouillés. Quand le sergent
Douanel - un de la légion - soulève le premier pour lui
enlever son porte carte, un get de sang noir s'échappe
des blessures béantes. C'est affreux! Je m'éloigne en
méditant de la destinée de ces malheureux que la mort a
sitôt enlevés de la grande guerre qui va se dérouler.
Cependant un sentiment de pitié n'est pas venu dans mon
coeur pour ces jeunes adolescents encore hier peut-être
pleins de vie et de jeunesse. Même dans la mort l'ennemi
reste toujours l'ennemi ! (Fig. 7.)
Déjà leurs corps ne sont plus que des tâches grisâtres
autour desquelles rôdent de noirs corbeaux affamés de
chair cadaverique.»
Lesen Sie Ihre Seite 16 nach, Herr Bédier. Lassen Sie
die Leichen liegen und von den Raben zerfressen, um Ihre
Soldaten kriegstüchtig zu machen?.
Ich habe einmal in Korsika ein erschütterndes Erlebnis
gehabt und es damals erzählt. Ich sah, als ein
Leichenzug durch die Straße kam, wie selbst ein
aufgeregter Irrsinniger, der auf einem Wagen angebunden
war, sich plötzlich beruhigte und vor der Majestät des
Todes beugte. Dieser Jugenderzieher verkündet den
Grundsatz: « Même dans la mort l'ennemi reste toujours
l'ennemi » !
Was ist da für unsere Verwundeten zu hoffen, wenn sie in
die Hand einer rohen, ungebildeten Menge fallen?
« Lintrey. Je ne trouve là que des femmes atterées
par les mauvais traitements subis pendand une dizaine de
jours que les Allemands sont restés ici. L'une d'elles
m'avoue cependant que la population du petit hameau
s'est vengée durement.
Un capitaine français était au village, dit-elle, quand
il voit arriver une patrouille allemande. Il laisse
approcher l'ennemi à une trentaine de mètres et presque
à bout portant en tue trois et en blesse deux.
Ces deux derniers sont restés là deux jours et deux
nuits, réclamant des soins et de l'eau. - Grâce, pitié,
à boire - criait l'un d'eux.
Tout secours leur a été impitoyablement refusé. Sauf un
vieillard qui à l'heure de l'agonie leur a donné un peu
d'eau froide moyennant de l'argent. Ils sont morts ces
pauvres blessés de froid, de faim, de soif et de fièvre.
Par ces temps de guerre l'impitié est sans bornes et le
coeur humain, même celui des femmes se ferme à tout
sentiment. Combien de choses affreusement horribles vont
se passer par manque de pitié.»
(Fig. 8.)
Welches sind denn nun aber die « mauvais traitements»,
die die Leute zu rächen haben?
« Aménoncourt. - On distingue à l'entrée du village
une maison démolie par les obus français.»
Man bemerke: französische Granaten! Dort plaudert er mit
einem alten Manne: « C'est le vieux sonneur du
village. Il hait les Allemands et voudrait les
exterminer tous. Quand ils vinrent l'autre jour, il
sonna les cloches à l'heure de l'angelus, selon le rite
habituel! Mais les « boches» croyant que le carillonneur
avertissait les Français de leur arrivée, le prirent et
le traduisirent sur le champ en conseil de guerre. On
voulait le fusiller mais finalement raison lui fut
donnée. Et le pauvre vieux agite son poing vers ces
soudards, son pauvre poing sans force à présent dit il !
Ah! s'il avait nos vingt ans ! »
Das ist der Dank für .die ihm widerfahrene Gerechtigkeit!
« Les barbares ont marqué leur passage par des
atroceries sans nom. Ils ont brûlé, sans motif, trois
maisons. Elles sont là ces ruines fumantes; au milieu
d'elles on distingue encore le cadavre d'un pauvre vieux
et celui d'un cheval, tous deux carbonisés. Que c'est
triste cette vision de maisons en ruines et de cadavres
le soir par un temps de mort.» Etwas Lamartine macht
sich immer gut!
Aber auf der vorhergehenden Seite hatte er von der
vernichtenden Wirkung der französischen Granaten in
demselben Ort gesprochen!
Damit kein Zug in dem Charakterbild fehle, klärt uns das
Tagebuch auch noch darüber auf, wie der französische
Soldat das fremde Eigentum achtet: « A travers la nuit je
me rends avec mon ami Emile chez une bonne femme pour
faire cuire un bon morceau de viande volé à
l'escouade... Pour tout repas nous partageons avec Emile
un demi-bol de lait et un oeuf trouvé, par hasard.»
Und wie er zu der Frage der Plünderung steht:
« Avricourt 16 août 1914. Etant allé en corvée d'eau
jusqu'au village, je suis arrivé jusqu'à la gare qui
offre un aspect de désolation. Les wagons sont éventrés
et les marchandises sont un amas inextricable sur les
quais et à l'intérieur des magasins. Les Allemands ont
pillé la gare française, nous pillons la gare allemande.
On emporte toute sorte d'objets utiles ou inutiles. On
dévaste même une cigarrerie allemande située dans le
village de « Deucht [Deutsch] Avricourt»: C'est un peu
l'esprit de revanche et puis on est en état de guerre.»
(Fig. 9.)
Ich verweise Sie wiederum auf Ihre S. 26, Herr Bédier,
und bemerke, daß irgend ein Beweis für die Plünderung
durch die Deutschen nicht angegeben wird. Und weiter: « de
là nous nous rendons avec mon soldat de corvée chez une
épicerie pillée par le 80e de Narbonne. Les vitrines
sont éventrées et les marchandises gisent à terre. Nous
volons de la graisse empaquetée, des raisins secs, des
berlingots et des cartes postales. Enfin pour clore
notre visite nous pénétrons dans une garnison de
volatiles ou à force coup de crosse de fusil nous
assommons pas mal de poulets. Ce sera une journée de
bamboche décidément. Malgré l'humidité un grand feu est
allumé et bientôt sur une broche improvisée se dorent
les poulets qu'un nonchalant soldat tourne et retourne
près des grandes flammes. Les autres en demi-cercle tout
autour se pourléchent d'avance les babines à l'idée de
l'heureux repas.» (Fig. 10a u. b.)
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