On a vu qu'en
1638, le duc de Savelli, au
service de l'Empereur du Saint-Empire germanique Ferdinand III
de Habsbourg, tente de rejoindre le duc de Lorraine Charles IV
pour lutter contre les Français. Attaqué près de Réchicourt par
le marquis de Feuquières, Savelli gagne vers Blâmont, puis tente
de secourir son infanterie encerclée par les Français par
une attaque de sa cavalerie, avant d'ordonner le repli général
vers le château de Blâmont. Le 7 novembre 1638, les français
investissent Blâmont, et le château capitule le 8 novembre.
Si dans ses mémoires, le marquis de
Montglat relate la chute de Blâmont, il n'évoque pas le
devenir de Savelli lors de cette capitulation ; dans le tome 3
des Campagnes de Charles IV duc de
Lorraine et de Bar, Ferdinand des Roberts (ed. 1883)
nous indique que
« Longueville s'empara de 400 cavaliers, de 40 officiers, de
120 fantassins impériaux et de tout l'équipage de Savelli qui
s'enfuit dans le bois « lui septième », au lieu d'entrer
dans le château. »
Cette curieuse information du Duc de Savelli fuyant dans les
bois avec 6 autres fugitifs, est en réalité issue d'une lettre à
Richelieu, conservée aux Archives du ministère des Affaires
étrangères, et que l'on retrouve plus tard citée dans cet
ouvrage de 1905 :
Les origines de la
cavalerie française : organisation régimentaire de Richelieu, la
cavalerie weimarienne, le régiment de Gassion
Capitaine Henri Choppin
Éd.Berger-Levrault (Paris), 1905
Le 14 novembre [1638], M. le
duc de Longueville envoyait à Richelieu M. du Terrail (1), qui
s'était distingué au combat de Blamont, avec ce billet : «
Monsieur, j'ai creu que personne ne pourrait vous rendre un
compte plus exact de la deffaite de Savally que M. du Terrail,
qui commandait, en cette occasion, la cavalerie où il a servi
avec grand honneur et fort vaillamment, ainsy qu'il a fait en sa
charge toute la campagne. Il y a eu de pris quatre cens
cavalliers avec plus de six vingts hommes de pié. Le reste a été
en telle desroute qu'il ne pourroit pas s'en rassembler
cinquante.
Nous croyons Savilly dans Blamont; mais il s'estoit sauvé dans
les bois luy septième. M. du Terrail porte les cornettes et le
nom des officiers prisonniers (2). »
1. Jean de Courboursier. baron du Terrail,
capitaine de chevau-légers depuis longtemps, mestre-de-camp du
régiment portant son nom le 24 janvier 1638, maréchal de camp le
3 août 1641. Tué d'un coup de mousquet à Mardick, 1646 ; son
régiment fut donné à M. de Ternes.
2. Archives du ministère des Affaires étrangères
Le duc Federico de Savelli
(frère du prince de Savelli, très ancienne noble famille
romaine, comprenant divers sénateurs, et dont était issue le
pape Honorius IV (1210-1287)), général de l'empereur, sert d'abord en
Hongrie l'empereur Rodolphe II, puis est nommé par le pape Paul
V général du Bolonais, du Ferrarais et de la Romagne. Grégoire
XV, successeur de Paul V, le nomme lieutenant général de
l'Eglise romaine.
Savelli entre ensuite au service de l'empereur Ferdinand II.
Il commande la garnison d'Augsbourg lorsque l'empereur Frederic
III fait appel à lui. Le 3 mars 1638, il est fait prisonnier à
la bataille de Rheinfelden (après s'être dissimulé dans un
buisson), par le duc Bernard de Saxe-Weimar commandant les
armées françaises. Il obtient de Bernard de saxe-Weimar le droit
de rester en captivité à Lauffenburg sans être envoyé à Paris,
d'où il ne tarde pas à s'échapper sous un déguisement
ecclésiastique grâce à quelques complices, et atteint Baden en
Suisse puis se réfugie à Heilbronn. A Lauffenbourg, Savelli, logé
à l'Hôtel de Ville, avait obtenu le droit de circuler librement
dans la forteresse en se constituant prisonnier sur parole. Son
évasion sous déguisement par une fenêtre (puis franchissement
des murailles où l'attendait un cheval), explique sans doute sa
fuite peu glorieuse à Blâmont, pour ne pas subir les rigueurs
dues au manquement à sa parole. Car si le colonel Schonbeck,
commandant la place de Lauffenbourg, l'avait poursuivi en vain,
les complices du duc parjure furent sans pitié condamnée à mort
et exécutés par le duc de Saxe-Weimar : le prêtre catholique qui
avait été autorisé à rencontrer fréquemment Savelli, un
bourgeois et sa femme qui avaient favorisé l'évasion, un
capitaine, un lieutenant et deux soldats, pour défaut de
surveillance.
A Heilbronn, Savelli reconstitue des troupes, et rejoint le
général Götz pour défendre la forteresse de Breisach : il est à
nouveau défait par Bernard de Saxe-Weimar le 9 août 1638 à Wittenweier.
Le 12 août, Bernard de Saxe-Weimar assiège la forteresse.
Charles IV de Lorraine abandonne le siège de Lunéville le 20
septembre, et se porte à son tour vers Breisach : il est
cependant contraint le 15 octobre à la dispersion de son armée
près de Thann. Mais Savelli et Götz, qui ont reconstitué leur
armée, lancent leur attaque sur Breisach le 24 octobre 1638 ;
une fois de plus, survient Bernard de Saxe-Weimar et son armée.
Craignant d'être capturé, Savelli s'enfuit vers la Lorraine,
abandonnant la ville de Breisach, qui, ayant perdu tout espoir,
capitulera le 17 décembre, après l'ultime défaite de Savelli à
Blâmont les 7 et 8 novembre.
Savelli est alors envoyé à
Rome par l'Empereur comme ambassadeur auprès du pape. Il reprend ses activités militaires de lieutenant
général de l'Église au service du pape lors des guerres de
Castro en 1641-1642 (la ville sera ultérieurement complètement
rasée sur ordre du pape, le 2 septembre 1649).
Il se démet de son commandement et reprend son poste
d'ambassadeur de Ferdinand III à Rome, où il meurt le 19
décembre 1649.
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