BLAMONT.INFO |
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Déjà avant Callot, les mêmes causes avaient produit les mêmes effets ; à la suite de chaque guerre ou des troubles de la France, les soldats sans emploi tombaient sur nos provinces par bandes, comme des animaux féroces, impatients de se livrer à leurs plus mauvais instincts. Les débris des archives des époques reculées attestent les passages de ces hordes malfaisantes, ainsi que la funeste influence qu'elles exerçaient sur les moeurs de la population. Les vols et surtout les violences, coups de javelines, rixes, injures, outrages aux officiers publics, étaient l'accompagnement ordinaire de la perturbation qu'elles apportaient avec elles. Ces brigands, disposés à tout entreprendre contre la chose publique, se chargeaient, dans l'occasion, de satisfaire des vengeances privées; moyennant quelques sous, ils donnaient une volée à un rival ou à un concurrent; pour quelques francs de plus, ils le tuaient. La plus grande rigueur fut partout proclamée, mais sa mise à exécution était plus difficile ; les gibets, néanmoins, purgèrent d'un grand nombre. C'était plutôt la force que la bonne volonté qui manquait ; on allait même à leur égard jusqu'à l'injustice ; En 1497, des hommes de Rancourt ayant violé une femme qui se trouvait à la suite de ces bandes, en furent quittes pour 50 fr. d'amende, tandis qu'à l'égard de toute autre femme, ils eussent payé ce crime de leur vie. Le duc Antoine, en 1554 et 1541, ordonna de dépouiller les Égyptiens et d'arrêter ceux soupçonnés de crime. Charles III, par des édits publiés en 1566 et 1568, menaça de son indignation les prévôts et mayeurs qui admettraient ces étrangers dans leur résidence. En 1572, il ordonna de les chasser; en 1592, il prescrivit de les emprisonner. En 1599, ils étaient si nombreux, que les bois en étaient remplis ; ils n'en sortaient que pour piller et voler à main armée, à tel point, que les communes furent autorisées à leur courir sus et à les faire juger sommairement. Le 6 novembre 1612, il fut commandé à d'autres bandes, survenues depuis, de sortir de la province dans les vingt-quatre heures, sous peine de prison et de punition corporelle. Le 23 mars 1616, la mendicité fut interdite à Nancy; ceux qui y étaient pris étaient rasés et expulsés ; la seconde fois, ils recevaient le fouet sous la custode ; les religieux et les ermites en étaient seuls exceptés. Vingt ans plus tard, la guerre causa un débordement de vagabonds qui surpassa tous ceux précédents. La Lorraine, vaincue encore par la famine et la peste les plus affreuses, réduite au quart de ses habitants, fut inondée de toutes les bêtes dont parle l' Apocalypse, savoir : de l'écume des nations polonaise, hongroise, bohémienne, allemande, suédoise, lorraine, française, italienne et espagnole, à qui le due la laissa à l'abandon (1). Ces soi-disant soldats, qui se désignaient tous sous le nom de Cravates, se chargèrent de piller et de détruire tout ce que l'ennemi ne trouvait pas. Les Français, devenus les maîtres, ayant seuls en main la police, firent de vains efforts pour les détruire. Pour les Trois-Évêchés, le roi avait prononcé contre eux la peine des galères; pour la Lorraine, il ordonna de pendre et de rouer tout ce qu'on pourrait appréhender. Mais, plus forts que lui, ils trouvèrent moyen de résister pendant trente ans sur les ruines du pays. Semblables bandes ayant reparu sous le règne de Léopold, commandement leur fut fait, le 5 septembre 1698, de sortir dans la huitaine, sous peine du carcan et du fouet. Les bailliages et autres tribunaux furent autorisés à les juger en dernier ressort, sur le simple procès-verbal de capture. Les mendiants indigènes qui ne rentraient pas chez eux encouraient une peine arbitraire, et afin de diminuer le danger de la présence de ces hordes aux abords des chemins, il fut ordonné d'essarter ceux-ci à 50 toises de chaque côté, précaution qu'il fut nécessaire de renouveler en 1702, et dont les bons effets se sont fait sentir jusqu'à nos jours. Le 14 février 1700, la même expulsion fut ordonnée, sous peine, après quinzaine, du fouet par le bourreau. La sentence devait être prononcée par sept gradués. Cette dernière garantie semblant enhardir les délinquants qui s'étaient répandus jusque dans Nancy, ordre leur fut donné d'en sortir dans les vingt-quatre heures, et de la province dans les quatre jours, à peine de fustigation pour la première fois, de la marque pour la deuxième, et de la mort pour la troisième, avec cette différence que le tout devait être jugé et exécuté prévôtalement. En 1715, la Cour, remettant en vigueur l'ordonnance du 14 février, prescrivit de l'appliquer rigoureusement, mais de rendre les décisions au nombre de sept gradués, toutefois sans figure de procès. De 1713 à 1750, la Lorraine fut ainsi constamment parcourue et dévastée par ces troupes de soi-disant Égyptiens et Bohémiens, l'écume des brigands de tous les pays limitrophes. Ils rançonnaient les fermes isolées et les villages, en usant de toutes sortes d'hypocrisies, de ruses, de menaces, de tortures et de crimes, intimidant les populations par leur nombre et leur audace, et les poussant au désespoir. Il fallut prodiguer les peines, les amendes et les récompenses, intéresser les communautés à leur prise, jusqu'à faire payer, par celles qui avaient négligé des captures, partie des contributions des communes qui avaient opéré l'arrestation. Ce fut l'objet des ordonnances des 8 mai 1717, 17 mars 1720, 12 avril 721, 23 juillet et 11 octobre 1722, 28 décembre 1723, 23 octobre 1725. En 1727, la grâce fut promise à ceux qui viendraient se déclarer, et en outre 300 fr. à ceux qui procureraient l'arrestation de leurs complices. Mais ces mesures étaient le plus souvent paralysées ; des maires craintifs, au lieu de les faire incarcérer, leur donnaient des certificats de bonne conduite, dans l'espoir que, sans dommage pour leur commune, ils iraient se faire pendre ailleurs ; de sorte que d'autres, trop crédules, leur laissaient toute latitude de mal faire. Ce fut enfin une véritable plaie sous le règne de Léopold, occasionnée par celui si désastreux de l'imprévoyant Charles IV. Le dernier moyen employé pour mettre un obstacle salutaire à cette lutte ouverte contre l'ordre public, fut d'enlever aux régnicoles tout prétexte de mendier, afin de priver les contrevenants de la facilité de dissimuler leur qualité d'étrangers. A cet effet, par ordonnance du 4 juin 1727, une maison de force fut créée à Nancy. Il fut prescrit d'y conduire tous les Lorrains mendiants et de les y faire travailler ; ceux étrangers furent déclarés devoir rester sous le coup dès anciens édits, à appliquer dans toute leur rigueur. Soit que le fléau fut arrivé à son terme, soit que ce moyen fût le seul efficace, le pays recouvra bientôt sa tranquillité. Toutefois, malgré l'intérêt que ce dernier avait à cette amélioration, l'exécution de l'ordonnance fut accompagnée de démonstrations qui pourraient paraître assez étonnantes : Quand un mendiant était saisi et conduit dans la maison de force, il ne manquait pas de jeter des cris de détresse inspirés par les rigueurs redoutables qu'il entrevoyait ; il espérait aussi intéresser en sa faveur et les sbires qui l'emmenaient et le peuple qui le regardait. Celui-ci, renfermant toujours quelques amateurs de troubles, ne demandait que l'occasion de se distraire ; les écoliers surtout mettaient beaucoup de zèle à participer aux émotions de ce genre, et avaient grand plaisir à ravir une proie aux gens de la police. La cause de cette conduite avait son principe dans un esprit de justice qui ne doit pas être passé sous silence, quoique les masses aient la réputation méritée d'être aveugles et d'agir de même : Cette mendicité, défendue aux pauvres dénués de toutes ressources, écrasés par une impuissance héréditaire, était permise à des religieux qui n'avaient aucune excuse pour recourir à cette honteuse extrémité ; devant les uns se baissaient avec empressement les hallebardes, s'inclinaient respectueusement les chasse-pauvres; derrière les autres se fermaient rudement les portes de tristes cachots, pour ne plus s'ouvrir jamais. De là l'excitation de la jeunesse généreuse à aider à la justice populaire, nonobstant les menaces du duc François d'être expulsée du collège, et de la rigueur des lois, tant il est vrai que celles-ci sont incompatibles avec les exceptions. Parmi les ordres religieux qui alors s'étaient insinués dans le privilège de frapper à toutes les portes et de contraindre la charité au nom du Dieu de l'égalité, il ne faut pas oublier les ermites, rêveurs fainéants qui avaient trouvé le moyen de sanctifier le vagabondage. Sans doute quelques-uns méritaient le respect et la protection dus aux moeurs chrétiennes qu'ils pratiquaient dans leur vie d'anachorètes ; mais il s'y était faufilé de singuliers cénobites, bien capables d'augmenter l'animadversion des étudiants et l'indignation populaire. La Cour souveraine, en 1701, à la demande des supérieurs de cette institution, autorisa la visite des ermitages, en promettant main-forte en cas de résistance. Ce n'était pas inutilement qu'elle avait eu tant de prévoyance, car beaucoup refusèrent. Un de ceux-ci, Etienne-Philippe Couturier, retiré près d'Archettes, prétendit qu'il ne relevait que de Rome. Ses supérieurs, tenant à le soumettre, s'emparèrent de lui par la force et parvinrent ainsi à visiter sa demeure, d où résulta trop clairement la nécessité de le défroquer. Ses plaintes et ses accusations, qui allèrent jusqu'à imputer à ses confrères de lui avoir volé dix louis, cachés dans son capuchon, donnèrent à la Cour l'occasion de repousser ses prétentions en faveur de l'autorité ultramontaine, de maintenir au contraire les ermites sous la dépendance de l'évêque et de consacrer la sage doctrine de ce dernier, que la vie d'anachorète ne pouvait être celle du vagabondage et de la mendicité. C'est que l'habit ne faisait pas le moine. Sous les dehors de la sainteté, dans ces cabanes de mousse élevées en des lieux retirés, se jouaient de petits vaudevilles plus ou moins grossiers selon les pénitentes qui se chargeaient des rôles ; heureux le pays quand, sous le froc du solitaire, usurpé par un assassinat, quelque adroit brigand n'y faisait pas des répétitions de drame ou de tragédie ! Les environs de Nancy n'étaient pas favorisés en ce genre. En 1544, Katin, femme du frère Jean, ermite de Saint-Jean-les-Frouard, était brûlée comme sorcière. En 1587, le successeur de ce dernier, François Rouyer, banni lui-même comme sorcier, n'échappait au même sort que par la fuite. Son repaire, successivement occupé jusqu'en 1787, fut fermé, à la demande du pasteur local, épouvanté comme le public des scènes criminelles qui s'y passaient, et dont le pays n'a pas encore, dit-on, perdu le souvenir. En 1604, celui de Notre-Dame-de-Bonsecours, René de la Rocq, était pendu pour ses méfaits ; il avait, entre autres, épousé une femme mariée. En 1657, celui de Sainte-Valdrée, Guy Saulxotte, autrement dit frère Antoine-François de Mirebaut, était brûlé pour sodomie. A Pont-à-Mousson, en 1424, le bourreau de Nancy pendait frère Nicole, ermite de Ruel, convaincu de vols. Si ceux placés près des grandes villes, aussi en évidence, étaient si peu retenus, que ne devaient pas faire ceux qui habitaient les environs des bois et autres lieux isolés de la campagne ! Les vagabonds et mendiants infestaient encore la Lorraine et les autres provinces réunies à la France en 1764. Le roi, par édit du 3 août, convertit les peines portées contre eux dans les anciennes ordonnances, en celle des galères à temps ; ces peines étant en général celle du bannissement, il dit avec raison que c'était les rendre à la vie ambulante qu'ils avaient volontairement choisie, et que dès lors ils n'étaient pas suffisamment punis. BLASPHEMES. Le blasphème incriminé avait lieu en prenant le nom de Dieu en vain ; en s'en servant pour appuyer un mensonge ; en niant l'existence de la divinité, sa providence, sa prééminence, sa toute puissance, sa bonté, sa justice, l'unité de son culte ; en lui attribuant ce qui ne lui convenait pas, comme de l'accuser de méchanceté, de cruauté, d'injustice, etc. ; en jurant par la tête du Christ ou quelque autre de ses membres. Ainsi, les exclamations sacré Dieu, sacré nom de Dieu, par le sang Dieu, par la tête Dieu, étaient des blasphèmes punissables. Aux occasions naturelles, qui se rencontraient déjà trop fréquemment, les moeurs du temps y avaient encore ajouté tous les maugréements contre les gens d'église, qui n'étaient pas fâchés que l'on égalât leurs injures personnelles à celles qui ne regardaient que la divinité. La peine la plus ancienne en Lorraine contre les blasphémateurs, était de les jeter à la rivière, ce qui se pratiquait sous Simon II au XIIe siècle. Au XIIIe, le duc Ferry III ordonna qu'ils seraient marqués d'un fer au front, ou qu'ils auraient la langue percée d'un fer ardent. En 1429, sous Charles II, la peine fut singulièrement adoucie, du moins pour la première fois ; elle ne fut plus que de 10 livres d'amende ; mais, pour la seconde fois, le coupable devait avoir les deux joues percées avec un fer brûlant. Pour se soustraire à une peine aussi rigoureuse, les localités régies par des chartes, ou jouissant de privilèges particuliers, avaient soin de les invoquer. Les habitants d'Épinal, dans le même but, s'adressèrent à Charles VII, qui défendit à ses officiers d'exiger d'eux, pour jurements et serments indécents, autre chose que 5 sous pour la première fois, 10 pour la deuxième, et 40 pour la troisième, ainsi que d'ancienneté (2). On trouve à Metz, en 1458, un blasphémateur mis au carcan, banni pour six mois et condamné à payer 100 sous. En 1481, la défense de blasphémer portait la peine de 40 sous ; en 1485, seulement celle de 10 sous. Les insolvables sautaient la xippe (3). En 1494, une femme dont la fille était enceinte, ayant répondu, pour l'excuser, qu'elle était aussi bonne d'avoir un enfant que la vierge Marie, fut bannie pour cinq ans (4). A Marsal, la peine était de 10 fr., du double pour la deuxième fois, du triple pour la troisième, de la confiscation et du bannissement pour la quatrième. A Saint-Dié, en 1557, un chanoine, qui avait juré dans l'église même le jour de l'Ascension, fut condamné à faire, pieds nus et en chemise, un pèlerinage à Saint-Nicolas. Cette incontinence de langage devint tellement fréquente, que les mêmes chanoines décidèrent, en 1365, que celui d'entre eux qui blasphémerait à l'église serait seulement privé de sa prébende du jour. A l'exemple peut-être de ce qui se passait dans les localités régies par des lois particulières, le duc René introduisit, en 1459, une gradation déjà plus plausible : Pour la première fois, amende arbitraire ; pour la deuxième, une amende double de celle prononcée la première fois ; pour la troisième, langue percée d'un fer chaud ; pour les fois suivantes, des peines corporelles à l'arbitrage du juge. Le duc Antoine apporta d'autres modifications. Par ordonnance du 10 avril 1510, il étendit les amendes jusqu'à la quatrième fois, sauf prison, à la volonté du juge, en cas d'insolvabilité; pour la cinquième fois, c'était le carcan, un jour de fêle ou de marché, depuis huit heures du matin jusqu'à une heure de l'après-midi ; pour la sixième fois, le pilori, où le coupable devait avoir la lèvre supérieure coupée, de manière à mettre ses dents à découvert ; pour la septième fois, on lui retranchait la lèvre inférieure, et pour la huitième fois, la langue. Les témoins non révélateurs encouraient 3 fr. d'amende. Le juge négligent était passible d'amende pour la première fois, de suspension pour la deuxième, et de destitution pour la troisième. Quant aux ecclésiastiques, ils devaient être remis à leur évêque, qui assurément n'était pas si sévère. Charles III voulant, mieux que ses devanciers, augmenter l'honneur du saint nom de Dieu et de la sacrée et glorieuse vierge Marie et des saints et saintes du paradis, publia, le 7 mai 1576, une ordonnance par laquelle il prescrivit: Pour la première fois, 20 fr. d'amende, et, en cas d'insolvabilité, 20 jours de prison ; pour la deuxième, 100 fr., ou un mois de prison ; la troisième, l'exposition en public, tête nue et les mains liées, à toutes les injures et opprobres des spectateurs ; la quatrième, le bannissement pendant deux ans ; la cinquième, la langue percée et le bannissement pendant quatre ans ; la sixième, la langue coupée. Quant aux ecclésiastiques, il voulut que, nonobstant leurs privilèges, ils fussent saisis et jugés par la justice séculière, à moins que leur évêque ne les réclamât dans les dix jours; au cas contraire, ils encouraient une forte amende. Cette indulgence ne se comprend pas, puisque leur profession et leur éducation les rendaient moins excusables, mais telle était la manière de procéder envers les personnes privilégiées. C'est ainsi qu'à cette époque, on voit le curé de Teudling, messire Théodore Sandt, poursuivi pour avoir blasphémé contre la sainte Trinité. Il s'était enivré chez le ministre du lieu et l'avait non moins scandalisé que l'assistance. Poursuivi à Sarrebruck, lieu du délit, il fut condamné à l'amende; mais, ayant fait appel à la justice de Lorraine, l'affaire fut évoquée au conseil ducal, qui acquitta le prévenu. A côté d'une législation cruelle qui permettait aux inimitiés les plus obscures de se satisfaire par des dénonciations faciles et trop favorablement accueillies, existait une institution qui la rendait encore plus dangereuse et assurait l'abus dans son exécution : Les amendes que produisaient les infractions étaient mises en ferme; le seigneur justicier, ne voulant et ne pouvant descendre à la recherche de coupables qui ne hantaient d'ordinaire que les lieux les plus inaccessibles, adjugeait ce produit de sa justice au plus haut metteur. Ce mode était d'un usage presque général dans le Barrois. La concurrence était d'autant plus grande et plus fructueuse, que le fermier participait ainsi à l'exercice de la police et qu'il avait à peu près sur ce point l'impunité pour son propre compte. En 1504, dans ce dernier espoir, le maréchal ferrant de Maxey-sur-Vaise, Pierrot Mourot, très-coutumier du fait, était allé se faire adjuger la ferme des serments détestables de Gondrecourt. Mais le prévôt de cette ville ne l'en tint pas quitte à si bon marché. Ce malotru, faisant par exemple une simple promesse à sa femme, lui jurait à grand fracas, par le ventre Dieu, qu'il en b... et f... et Dieu et la vierge Marie, s'ils y venaient. On conçoit que cette poésie infernale était peu tolérable, surtout chez celui qui faisait condamner les autres. C'est que, dans ce temps, que quelques personnes présentent comme le règne de la foi et de la piété, il y avait des blasphèmes d'une grossièreté dont à présent les êtres les plus incrédules et les plus grossiers rougiraient. En 1569, on condamnait Guy de la Court, couturier à Toul, pour avoir appelé Dieu poltron, bougre, et la vierge Marie p... Il fut muleté de l'amende honorable, de 100 fr. d'amende, et banni pour dix ans. Avec un peu d'adresse et la mauvaise foi de la cupidité, le fermier pouvait augmenter ses bénéfices en provoquant les délinquants par des excès de cabaret, ce qui ne manquait guère d'arriver. Quand il en prenait personnellement un sur le fait, il était sûr d'avoir une transaction avantageuse, car il lui suffisait de faire entrevoir la rigueur de la loi pour que l'on voulût à tout prix se ménager contre les dangers de la récidive. Outre cela, il prenait des abonnés, c'est-à-dire que, moyennant un prix convenu, des ivrognes de profession se donnaient la licence de jurer à leur aise. Nous en avons rapporté un exemple dans l'histoire de Commercy, qui par hasard ne resta pas sans punition (5). L'existence de plusieurs justices dans la même localité permettait encore des récriminations non moins dangereuses. Il n'était pas rare, dans certaines communes assez nombreuses, où deux rues voisines n'étaient pas de la même justice, que des habitants fussent poursuivis pour blasphèmes par la justice de la rue voisine, tandis que celle de leur rue gardait le silence. A Saint-Mange (6), on vit un jour le mayeur de l'une des justices poursuivi lui-même par le mayeur de l'autre rue, pour avoir blasphémé le jour de la fête, jour néanmoins à peu près exceptionnel, en raison des libations officielles. Un autre abus d'affermer les blasphèmes, était de laisser le fermier à peu près maître de diriger des poursuites quand il lui convenait, le juge, en présence de la rigueur des peines, se reposant sur lui du soin de l'intérêt public qu'il savait lié à son intérêt privé. Mais les témoins qu'une haine violente ou une noire méchanceté ne guidait pas, faisant de même la sourde oreille, le fermier n'apprenait souvent que très-tardivement les infractions, ou en faisait le semblant ; de sorte que les délinquants se trouvaient poursuivis lorsqu'ils avaient oublié le crime et ses circonstances, et perdu de vue tous leurs moyens de justification. Dans des cas semblables, la transaction était plus que jamais acceptable ; on préférait les plus grands sacrifices à des procès entourés de tant de péril. Le duc Charles III, pour couper court à un si grave danger, prescrivit, le 2 décembre 1585, de commencer les poursuites dans le mois de l'infraction, à peine de déchéance. Mais la sévérité des peines était toujours un obstacle qui, en la plupart des cas, assurait l'impunité. Ce prince sentit bien qu'il fallait donner plus de latitude au juge ; aussi, tout en grondant bien fort, il diminua la rigueur. Par une ordonnance en date du 4 septembre 1596, signée des plus notables gentilshommes de son conseil, qui, avec lui, ne craignent pas d'attribuer les guerres, la peste, la famine et la stérilité, aux jurements aussi impuissants qu'insensés de quelques ivrognes, il étendit la simple amende aux six premières fois. Il en laissa le taux à l'arbitrage du juge, en lui fixant pour minimum 10, 20, 50, 60 et 100 fr., dont un tiers aux pauvres, un tiers à la fabrique et l'autre aux travaux publics. C'était pour les cas peu graves. Mais si le blasphème était si exécrable, méchant et tellement indigne d'un chrétien qu'il ne pût être assez puni d'une amende, il ordonnait au juge de lui infliger une peine corporelle arbitraire. Pour la septième fois, néanmoins, il prescrivait le carcan ; pour la huitième, la même peine ou la section de la lèvre supérieure ; enfin, pour la neuvième, le percement de la langue. Ainsi, la section de la lèvre inférieure et l'avulsion entière de la langue étaient supprimées. Quinze ans après, le duc Henri rétablit la législation rigoureuse que l'expérience avait déclarée impuissante. Son fils, Charles IV, en fit de même, et, à son tour aussi, la Cour souveraine sous Léopold ; mais la rareté d'application de leurs mesures rigoureuses donne à penser qu'en cette matière ils tenaient plus à maintenir en menaçant qu'en frappant. La dernière langue percée qui m'ait apparu, le fut en 1725; il s'agissait d'un habitant de Rambervillers, qui, étant ivre, était allé communier sans s'être confessé, et qui, pour toute prière, avait fait d'énormes jurements. La Cour le bannit en outre à perpétuité. SACRILEGE. Le sacrilège s'entendait de toute profanation des choses saintes. Ainsi, le vol d'objets sacrés, avec ou sans profanation ; la violation des tombeaux, des églises, des cimetières; les outrages aux personnes religieuses, étaient autant d'actes sacrilèges punis de mort par le feu, la corde et la roue, selon les circonstances aggravantes. En ce qui concernait les vols, il y avait trop de rigueur ; car c'était une provocation sans excuse que l'étalage de trop grandes richesses dans les églises; il était impossible que des hommes réduits à la plus affreuse misère par des institutions qui ne leur laissaient guère d'autre ressource que de se faire moines, ne succombassent pas à une tentation incessante. A Metz, le simple vol sacrilège n'était pas toujours puni de mort. En 1499, un voleur ayant pris un calice, en fut quitte pour avoir les oreilles coupées. En revanche, un autre, qui en avait pris vingt-deux, fut pendu; il avait contre lui, outre le nombre des vols et son aisance personnelle, la circonstance que deux prêtres innocents avaient été poursuivis comme coupables. En 1493, un autre, se déguisant en prêtre et célébrant l'office divin pour mieux atteindre son but, eut les deux mains coupées et fut brûlé ensuite. En présence d'une telle rigueur pour tout ce qui touchait au culte, on croirait que nos aïeux avaient une piété des plus ferventes ; mais elle est bien douteuse quand on envisage toutes les prescriptions sévères qu'il fallait déployer. Le maintien décent et réservé qui s'observe de nos jours dans les églises n'était pas si parfait autrefois : bien des villages donnaient l'exemple des habitants d'Ancerville, signalés en 1500 pour avoir fort peu de révérence (7) : à vêpres, ils allaient jusqu'à s'appuyer contre l'autel et y déposer leurs chapeaux ; dans les processions, les femmes élevaient la prétention d'y précéder les hommes ; elles se mêlaient au clergé, qui, de son côté, voyait ses places au choeur envahies par les magistrats. Ce laisser-aller dégénérait facilement en impiétés. En 1515, des particuliers d'Auzécourt éteignaient les cierges sur l'autel quand leur en prenait fantaisie, sans que le curé, qu'ils avaient menacé, osât les en empêcher. En 1529, les habitants de Baudignécourt firent un dieu de bois qu'ils placèrent sur un tonneau, et se rendirent en procession près de lui, chacun le questionnant à son tour avec dérision. A Châtel, un nommé Mengin Grandmaire fut condamné à 6 fr. d'amende pour avoir excité un domestique, moyennant 5 sous, à se présenter à l'offrande vêtu d'un costume ridicule (8). En 1575, les habitants de Morizécourt, au bailliage de La Marche, allèrent en procession au-devant d'un nommé Blaisot, sous prétexte que c'était un prophète. L'ignorance et la superstition exigent quelque pitié ; l'intention réfléchie d'attaquer la religion pouvait ne pas trouver grâce; mais l'ivresse eût dû faire exception. En 1490, à Metz, un homme ivre, qui avait perdu au jeu, s'étant mis, pour passer sa colère, à frapper avec son couteau une image de la vierge collée à la porte du cabaret, fut décapité quelques jours après. En 1525, trois autres ivrognes, passant dans un cimetière et y voyant des statues, s'enhardirent à mettre en pratique les opinions de Luther contre les idoles, et, d'estoc et de taille, ils firent voler en éclats quelques têtes les plus saillantes. Deux d'entre eux, pris le lundi, n'avaient déjà plus le jeudi que le temps de recommander leur âme à Dieu. L'un était Jean Leclerc, originaire de Maux, simple cardeur de laine; l'autre se nommait Jacques, et était libraire. Le troisième, plus habile ou plus heureux, avait disparu. Jean-Leclerc, avec tout le zèle d'un converti, n'eut pas recours au mensonge ou à son état d'ébriété pour s'excuser ; peut-être en connaissait-il l'inutilité. Plein de courage et de générosité, il assuma sur lui seul la responsabilité de son action, et, repoussant les apparences d'un malfaiteur ordinaire, il s'éleva mal à propos jusqu'au sublime de l'abnégation et du martyre (9). Après qu'il fut exécuté, le pauvre Jacques, son complice, qui s'attendait à une mort non moins cruelle, en fut quitte pour y laisser les deux oreilles. Un genre de sacrilège dont nous avons à peine l'idée aujourd'hui, était celui de violation de sépulture, excité par les objets précieux que l'on y renfermait avec les morts et dont on les ornait extérieurement. Mais un autre, bien plus inouï, était le recèlement des cadavres: Quand un prêtre ou autre individu jouissant d'un bénéfice ecclésiastique venait à mourir, il n'était pas rare que l'aspirant à sa succession, pour avoir le temps de mettre ses pièces en règle et de prendre l'avance, cachât la mort au collteur jusqu'à ce qu'il se fût assuré près de lui de la réussite. Pour consommer cette spoliation, il salait le cadavre, comme il eût fait d'un porc. Il fallut, pour remédier à cet indigne abus, prescrire que le corps des bénéficiers défunts serait représenté aux parties intéressées. La Simonie, qui consiste à faire trafic des choses saintes, ainsi appelée de Simon le Magicien, qui voulait acheter de saint Pierre le don des miracles, était aussi un sacrilège. Donner de l'argent pour obtenir une place de chanoine, pour être élu abbé, pour être promu à un évêché, constituait le crime de simonie entraînant l'excommunication et l'exclusion du bénéfice, peines sans doute insuffisantes, puisqu'elles n'ont pas empêché ce trafic de grandir et d'atteindre les proportions les plus gigantesques. SORCELLERIE. Parmi les idées folles qui traversèrent le cerveau des hommes, il n'en fut probablement pas de plus singulière que celle de se donner au diable dans l'espoir de partager sa puissance extraordinaire. Celle-ci étant une croyance autorisée dans l'Église catholique, les fidèles nos aïeux ne pouvaient douter de son influence ; témoins d'exorcismes réels et ne se rappelant l'histoire que remplie de devins et de magiciens, ils ont facilement confondu les fables de leurs veillées avec les articles de foi. La Lorraine du XIVe siècle avait moins que les autres peuples la facilité de s'en préserver, son clergé ne l'y aidant pas, ses savants ne s'en étant jamais occupés. Délaissée imprudemment en proie aux rêveries populaires, personne n'avait prévu que tout entière elle allait se trouver possédée d'un vertige inouï, frappant petits et grands, et plongeant la magistrature dans les plus tristes égarements de l'ignorance. Des hommes et des femmes, en apparence sains d'esprit, se dirent tout à coup avoir des relations suivies avec Satan, le reconnaître pour maître et se complaire à utiliser, aux dépens de leurs voisins et de leurs amis, la puissance occulte qu'ils en avaient reçue en retour d'une complaisance impie. Ces gens en délire furent nommés sorciers, de sortiarius, mauvais latin signifiant faiseur de sorts. On les appelait aussi genoches, genox, tiré de gyronosco, divination par la baguette. Ils avaient tous à peu près la même théorie, ne différant entre eux que par un peu plus ou un peu moins de malice. Le diable les avait toujours tentés en leur offrant un sort meilleur, de l'argent à discrétion, des plaisirs sans nombre et tous les moyens d'assouvir leurs vengeances particulières, promesses bien séduisantes pour des malheureux privés d'instruction et de pain, sur lesquels la guerre passait annuellement, escortée de ses plus déplorables excès. Cependant il était reconnu que le tentateur n'améliorait pas leur sort ; son argent n'était que vaine poussière ou scories impures ; ses voluptés, froides et imaginaires : restait donc son pouvoir de faire le mal, représenté par une poudre vénéneuse dont la justice voulait avoir raison ; de sorte que ses séductions n'avaient d'autre issue que la perte, en ce monde et dans l'autre, des mortels qui avaient la faiblesse de succomber à la tentation. Cependant, malgré les rigoureux châtiments de leur corps, malgré la damnation de leur âme, des masses innombrables d'adeptes se rangeaient sous ses noires bannières, et la croyance qui avait gagné les chaumières monta jusqu'aux couvents et aux châteaux. L'Église s'émut, la justice sévit, et le chef de l'Etat sanctionna des punitions dont la rigueur et la multiplicité devinrent elles-mêmes une monstruosité non moins incompréhensible que la sorcellerie. L'époque de l'apparition de ce fléau en Lorraine n'est valablement précisée, que je sache, par aucun auteur, et les monuments judiciaires nous manquent pour le faire avec sûreté. Dom Calmet rapporte bien qu'on l'attribuait au passage des troupes indisciplinées d'Albert de Brandebourg, qui eut lieu en 1552 ; mais on trouve des sorciers poursuivis en justice plus d'un siècle auparavant ; d'où il faut conclure que ces troupes y sont étrangères, au moins pour en avoir apporté les germes, car il peut être vrai que, par les ravages qu'elles ont faits et la misère qu'elles ont engendrée, elles aient augmenté, pour nos pauvres aïeux, les occasions de douter de la vigilance de Dieu sur leur destinée. Les chroniques de Metz signalent l'intervention de la justice dans ce genre de crime dès 1572. On y lit, à cette date, qu'un nommé Simon, de Halfedanges, Bietris, sa femme, et deux autres furent brûlés pour user de certains charmes défendus par l'Église. Le cadavre d'un nommé Willaume, leur complice, qui s'était étranglé en prison, fut brûlé avec eux. En 1457, un fameux bombardier de cette ville, appelé Commoufle, tellement fameux qu'il donna son nom à une des tours, ayant été suspecté de sortilège à cause de son adresse au tir, fut envoyé à Rome pour demander l'absolution de son péché. Cet exemple d'impunité paraît unique; aussi est-il douteux que plus tard cet homme utile eût obtenu tant d'indulgence. En 1448, on trouve encore une femme à qui l'on fait. à Gorze, la grâce de n'être que marquée en trois places au visage avec un fer chaud, et un homme banni à dix lieues ; mais, après ce moment, le dernier supplice par le feu semble être devenu le seul remède applicable. En 1456, les vignes ayant été gelées au mois d'avril, on l'imputa aux sorciers. Un jeune homme de Pont-à-Mousson vint déclarer qu'il les avait vus pendant cette opération ; ayant nommé plusieurs coupables, on saisit quatre hommes dudit Pont-à-Mousson, un autre et trois femmes à Nomeny, trois femmes à Toul et un homme à Vic, surnommé le Vieux-Saint; le tout fut jeté au feu. Ce dernier avoua que la gelée s'était opérée au moyen d'une mixtion diabolique jetée dans une fontaine près du village de Delme. En 1457, la servante d'un notaire ayant été battue par des sorciers à Metz, trois femmes et un homme soupçonnés furent conduits à la cour de l'évêque, où il fut reconnu qu'ils avaient « renié Jésus-Christ, la vierge, chrême et » baptême, et pris le diable pour seigneur. » Délivrés aux Treize, ils furent brûlés. En 1488, ne pouvant expliquer pourquoi l'année était si pluvieuse, on en accusa les sorciers; des recherches furent faites, et, l'on tira de Metz, Rouzerieulles, Vantout, Mairanges, Maixières près Semelcourt, Châtel-sous-Saint-Germain, Saulney, Pierreviller, Briey, Thionville, Wappy et Jussey, vingt-cinq femmes et trois hommes, qui eurent le même sort que leurs devanciers. En Lorraine, les poursuites avaient lieu de même et avaient déjà pris de grands développements sous le règne du duc Antoine, qui se crut obligé, en 1520, de recommander de n'y procéder qu'avec circonspection et lorsqu'il y aurait partie formelle ; néanmoins elles ne paraissent très-nombreuses qu'au milieu de ce siècle, mais alors elles y deviennent d'une importance majeure. L'obligation pour les justices inférieures de demander avis aux Échevins de Nancy n'est d'aucun secours; ces magistrats semblent n'user de leurs lumières et de leur influence que pour encourager à frapper en aveugles des malheureux dont ils ne veulent pas comprendre les égarements. Il n'est peut-être pas un exemple à citer qu'ils aient détourné d'incriminer leurs actes de folie ; l'avis qu'ils donnèrent ne fut jamais que la sanction des sentences impitoyables qui leur furent soumises, excepté pourtant lorsqu'ils trouvèrent moyen d'en aggraver la dureté. La liste, quoique incomplète, que nous donnons à la suite de ce chapitre, indiquera les époques où les poursuites contre la sorcellerie furent le plus actives. On peut à coup sûr considérer que ce fut à la fin du XVIe et au commencement du XVIIe siècle, lorsque les esprits prévenus ne voyant partout que des coupables, le duc donna ordre à son procureur général de leur faire courir sus : « S. A. étant avertie qu'en quelques lieux du bailliage de Nancy, se trouvent aucunes personnes, tant hommes que femmes, qui s'adonnent et appliquent aux charmes, sorcelleries, enchantements et arts diaboliques, a trouvé expédient de donner commission au sieur Remy, procureur général de Lorraine, pour aussitôt faire saisir et appréhender au corps les personnes qui se trouvent atteintes et chargées de ces crimes, et nommément aucunes d'icelles qui ont été accusées et décelées par Victorine Voiriat, fille possédée du malin esprit que l'on exorcise à Épinal, pour icelles personnes faire conduire incontinent audit Épinal, afin d'y être confrontées, etc. » Nicolas Remy se rendit en effet à Épinal, et en même temps transmit de pareils ordres à ses substituts. Jean de Louppy, prévôt de Rosières, lui conduisit lui-même en cette ville Catherine, veuve de Dieudonné Friquet, de Borville, pour être confrontée. L'année suivante, 1598, il se trouvait pour pareille mission à Bertrimoutier au Val de Saint-Dié, où il passa six jours. On ignore s'il y fit faire de nombreuses captures, mais ces démonstrations donnaient un élan qui entraînait facilement les justiciers inférieurs. Dans la majeure partie de ces procès, il y avait deux chefs d'accusation, la sorcellerie et l'empoisonnement que l'on appelait vénéfîce. Ce second chef résultait ordinairement d'actes aussi imaginaires que le premier. Ainsi, l'accusé avouait avoir reçu du diable une poudre à l'aide de laquelle il avait rendu malade ou fait périr, rarement des hommes, mais souvent des animaux. Effectivement, quelques bergers méchants, ayant à tirer vengeance contre la société de l'abandon et de la misère où elle les laissait, avaient satisfait leur mauvais vouloir en faisant manger à quelques-uns des bestiaux confiés à leur garde des plantes qu'ils savaient être malfaisantes. Et ils choisissaient d'ordinaire les animaux des personnes à qui ils en voulaient particulièrement. A côté de ces faits réels s'en trouvaient une foule d'analogues, mais entièrement l'effet du hasard. C'étaient des bêtes devenues étiques, des hommes réduits à l'état de langueur, tantôt à l'aide de sorts jetés, de simples paroles proférées, d'un regard de travers, tantôt à l'aide de la fatale poudre, avec cette différence que son administration aux empoisonnés n'était qu'imaginaire. Quelques exemples puisés dans des informations authentiques justifieront ce que nos assertions pourraient avoir d'invraisemblable. Une procédure devant la justice de Saint-Dié, en 1 629, contre Jeannon, femme de Marcel du Four, dit Clément, pâtre, demeurant à Coencourt, établit les charges suivantes (10) : « Chrétien Sarrasin, témoin : Ayant réclamé son dû à la prévenue, celle-ci le paya en colère ; huit jours après, son cheval, à lui témoin, devint enragé. Plus tard, un autre faillit se noyer dans une mare si petite que chacun s'en étonnait. Didier Tandon : Un sien poulain ayant renversé du linge de la prévenue, devint enflé trois jours après. Il la menaça long-temps pour la forcer à le guérir; enfin, le poulain recouvra la santé. Sa mère eut aussi une dispute avec la prévenue ; deux ans après, elle mourut. Jean Toussaint : A eu un procès avec un parent de la prévenue ; peu après, une de ses vaches creva. Jean Berton : Ayant tardé de payer à la prévenue la garde de ses chevaux, un de ceux-ci devint étique d'un côté. Un autre jour, ne retrouvant plus ses chevaux en pâture, il menaça la prévenue de la faire brûler : alors il les retrouva dans l'endroit où il avait cependant déjà cherché ; d'où il était, selon lui, facile de conclure que c'était elle qui les avait fait évanouir. Démange Barhelon : Son chien ayant mordu une truie de la prévenue, il fut obligé de la payer. Peu après, ayant envoyé un porc aux champs, la prévenue dit en le voyant passer: Puisse-t-il n'en jamais revenir ! Deux jours après, il mourut au bois. Une autre fois, un de ses boeufs tomba mort en revenant de pâture. Claude Cugnin : Ayant refusé de charroyer du foin pour la prévenue, ses chevaux ne voulurent avancer ; lorsqu'on vint le lui annoncer, la prévenue présente dit : Si vous aviez été chercher mon foin, vous ne seriez pas où vous êtes. Il réfléchit et y envoya : ses chevaux marchèrent. Abraham L'Épinte : Sa femme ayant eu dispute avec la prévenue, un de ses chevaux tomba malade ; chaque fois qu'il allait le voir, il apercevait plusieurs chats noirs et gris qui criaient et faisaient un bruit épouvantable : le cheval mourut quinze jours après. Antoine Regnault : Ayant eu discussion avec la prévenue, il devint languissant; ce qui dura plus d'un an: après quoi l'ayant menacée, il fut guéri. Dans le même temps, se trouvant à cheval dans la prairie, deux poulains accoururent près de lui, le harcelèrent en le mordant, puis ils disparurent, sans qu'il ait pu voir comment ils étaient venus ni partis. » Suivent d'autres dépositions de même force, après lesquelles Jeannon est ouïe de bouche pour lui extorquer, est-il dit, la vérité. La torture fit probablement le reste. La sentence n'est pas jointe, mais l'intitulé des pièces portant convaincue de sortilège et vénéfice, il ne peut pas y avoir de doute sur la condamnation de cette malheureuse. Un fragment de procédure de la justice d'Épinal en 1564 (11) contre un nommé Morel, contient des dépositions dans le même genre : « Un homme tombe malade cinq mois après que sa femme eut une querelle avec le prévenu, et il ne fait que languir jusqu'à sa mort. Un autre ayant eu Morel en rencontre, celui-ci lui dit : Tu n'auras pas encore de sitôt les écus de ton beau-père, à qui tu viens de faire visite ; il faut auparavant que tu passes sous mon bras. Et, joignant le geste à la plaisanterie, il passe son bras au-dessus de la tête du témoin. Subitement ce dernier est saisi d'une maladie qui, huit jours après, l'emporte. On l'a vu battant l'eau avec un homme de grande stature, mais le témoin de cette scène ayant fait le signe de la croix, le géant disparut. Un témoin ayant rencontré un petit chien noir, frappa contre terre pour le faire sauver : aussitôt un tourbillon de vent et de poussière s'éleva ; il fit de même le signe de la croix, et ne vit plus ni chien, ni vent, ni poussière. » Dans le procès de Catherine, femme de Démange Noël, de Barbonville, on trouve la déposition suivante de la part d'un nommé Claude Baguignon, dudit Barbonville (12) : « Revenant une fois des champs à deux heures de nuit, ce fut une nuée avec de grands éclairs et étoiles. Approchés qu'ils furent de la maison du nommé Guillaume, ils aperçurent au devant une femme hideuse, noire, de grande et grosse stature, appuyée contre la porte, sans mouvement, dont il fut grandement effrayé ; ce qui l'occasionna de demander audit Guillaume ce que ce pouvait être. Il lui répondit que c'était le taureau, d'autant qu'il était rouge. Ledit Guillaume s'absenta et disparut sans dire mot, et survint un autre grand éclair qui lui donna à voir son chemin. Un autre, en battant à la grange, a vu un chat noir qui est venu se jeter entre les fléaux, sans que l'on ait pu toucher dessus, et se sauva. » Ce jeu de la malice contre la crédulité avait pour conséquence une mort cruelle, le déshonneur du condamné, la confiscation de ses biens, sa damnation aux yeux du monde, la ruine de ses enfants et quelquefois leur mort ; car malheur à la famille d'un sorcier, chacun de ses rejetons semblait voué au bûcher. Et ce sort funeste ne lui était pas préparé par les seules stupides allégations de sottes gens, il se l'attirait surtout par ses propres aveux, trop souvent accordés aux efforts du tourmenteur, mais quelquefois spontanément déclarés avec l'indifférence ou la fierté d'une conviction fanatique. On peut juger de ces aveux par Claudon Hardier, pâtre à Hesse, qui fut poursuivi en 1608 par le maire de ce lieu, exerçant la justice pour l'abbé de Hauteseille. Son plus grand crime était d'employer pour la guérison des animaux des prières rimées; quoique placées sous l'invocation de la sainte Trinité, elles furent jugées diaboliques et entraînèrent sa condamnation. Il avoua que l'un de ses chiens, plus ardent que les autres, était le diable déguisé ; que plusieurs fois, sous la forme d'un loup, l'ancien maire de Neuting et un nommé Chausel étaient allés harceler les troupeaux, et lui avaient parlé, étant ainsi métamorphosés ! La procédure prenait naissance dans la bouche du premier venu assez osé ou assez haineux pour imputer un fait de sorcellerie ou d'empoisonnement. Le plus souvent, qui disait l'un disait l'autre, car de suite il donnait lieu à cette double recherche ; et il n'était pas difficile de baser des accusations, quand des contes de l'espèce rapportée ci-dessus et ceux que l'on verra suffisaient pour armer la justice : En 1618, Nicolas de l'Estang, laboureur à Vomécourt, nouveau marié, rencontre Pierron Humbert du même lieu, qui lui fait quelques plaisanteries en lui frappant sur l'épaule ; aussitôt, lui qui se portait bien, tombe en langueur, se croyant sous le charme d'un sort. Il ne lui en faut pas davantage pour accuser Humbert, qui subit, ainsi que sa femme, toutes les rigueurs des tortures avec un courage égal à leur innocence. Les dénonciations les plus nombreuses et qui portèrent le plus de fruits, furent celles des sorciers mourants. A cette heure suprême, leur coeur, dévoré d'amertume et de dégoût, se soulevant contre une société tyrannique, n'avait plus qu'un sentiment, celui de la vengeance, et il se plaisait à l'assouvir en la précipitant plus avant dans l'erreur et les cruautés. Il n'a pas été rare de voir jusqu'à des soeurs dénoncer leurs frères et des fils dénoncer leurs mères. A Toul, en 1621, Claudon, femme de Démange de Bar, accusa sa fille, qui fut suppliciée (13). Après les premières dépositions, l'accusé, appréhendé, était jeté en prison et traité, comme on traitait alors, à vingt pieds en terre, au pain et à l'eau, de manière à démoraliser le caractère le plus énergique. La présomption de son innocence ne le protégeait pas contre la souillure des mains du bourreau; il fallait qu'il subît la torture, et, pour comble d'atrocité, l'être le plus méprisé du pays déshonorait son corps dans ses parties les plus secrètes : ni âge, ni sexe n'était respecté ; la personne vile de la localité, c'est-à-dire le tondeur de chiens, l'écureur d'égouts, autorisé par brevet à violer la pudeur, le rasait, homme ou femme, jusqu'au dernier poil, sous l'imbécille prétexte d'enlever tout refuge au malin esprit ! Traînée ainsi dégradée aux pieds de la justice, la créature humaine n'avait plus, en cet état, que la mort à solliciter. Voyons une procédure entière, dans sa partie la plus substantielle, qui se recommande au plus haut point à l'attention des lecteurs d'élite. « Ce jourd'hui, troisième jour du mois de juillet 1602 (14), pour satisfaire par nous mayeur et gens de justice de MM. les vénérables doyen et chapitre de Saint-Dié, à ce que par le procureur d'office desdits seigneurs nous a été requis et que MM. les maître échevin et échevins de Nancy ont trouvé par avis sur la procédure criminelle par nous instruite contre Jehennon, veuve Hidoulf le Regnard, de Robach, pour fait de sorcerie dont elle est prévenue ; Nous avons icelle Jehennon fait tirer des prisons criminelles esquelles elle est détenue, fait amener par-devant nous en la tour dite communément la Tour-Mathiatte, en laquelle on a accoutumé de questionner les criminels, et, après avoir reçu d'elle le serment en tel cas requis et accoutumé, Lui avons fait plusieurs belles et salutaires remontrances pour l'induire à confesser ses maléfices et moyens de sa tentation, auxquelles ayant bien légèrement répondu et à son accoutumée, nous disant que nous-même avisions à notre conscience et ne faire tort aux personnes innocentes, ainsi que nous sommes en devoir et en voie de faire à elle qui est femme de bien et jamais ne commit les actes sur lesquels nous l'interrogeons. Lui avons demandé si c'est pas la vérité qu'elle est sorcière, comme nous le croyons quant à nous, et si, lorsqu'elle fut enfermée par son feu mari devant la porte, et qu'elle était quasi hors de son bon sens, même dit que ses père et mère (qui étaient morts de long-temps), l'avaient été voir, selon que nous lui avons ci-devant déjà proposé, elle fut pas tentée par le diable qui ne fait qu'épier les occasions, et la trouva fort propre à cette heure-là, elle y étant aussi disposée par l'extrême colère ou furie en laquelle elle était alors ? Dit qu'elle est femme de bien et n'est sorcière, et que fassions ce que voudrons, elle se maintiendra telle, et telle se trouvera à la fin. Et après que nous avons, par plusieurs propos, tâché de tirer d'elle la vérité que nous désirons, et que nous avons prévu et considéré que c'est pour néant et sans fruit, et que si elle n'essaie la rigueur de la justice, elle viendra bien difficilement à confession, l'avons menacée de la faire raser par tous les endroits de son corps où poil se trouvera, par la vile personne de ce lieu, et que la honte qu'elle recevra en cette rasure la doit émouvoir de changer son mauvais courage et confesser les causes et moyens de sa tentation et les vénéfices. De cette menace n'étant beaucoup étonnée, nous l'avons fait raser de fait. Et depuis, étant représentée par-devant nous, comme nous avons continué nos remontrances premières et que l'avons trouvée ahurtée et obstinée en ses opinions, lui avons fait entendre les requises du procureur d'office prises contre elle et l'avis de MM. les maître échevin et échevins de Nancy, et menacé de les adjuger et conséquemment les ensuivre; ainsi elle sera alors vaincue par tourments à dire et confesser ce que nous demandons, et si elle ne nons donnera aucune occasion d'user de miséricorde envers elle. Toutes nos remontrances étant apparemment sans espérance d'aucun fruit, si elle n'est pressée par la rigueur de la justice, nous lui avons fait voir l'échelle, les cordes et autres instruments destinés à questionner les criminels, et l'exécuteur de justice auprès, disposé et prêt à faire son devoir; et lui avons dit que si elle ne nous dit le nom de son maître et les moyens de sa tentation, que nous ferons passer outre contre elle. A toutes lesquelles choses ayant répondu à son accoutumée, et maintenu opiniâtrement contre nous qu'elle est femme de bien et n'a et n'eut oncques autres maîtres que le bon Dieu, l'aide duquel elle implore à son aide, à cette nécessité, nous lui avons fait renoncer au diable et à toute sa puissance, prendre le bon Dieu pour son maître et la benoite vierge Marie pour son avocate et intercesseresse, ce qu'elle ayant fait enfin, après quelques refus, parce qu'elle a dit pourquoi elle le renoncerait, puisqu'elle n'a rien à faire à lui. Et les choses étant en telles façons disposées, nous avons, suivant lesdites requises, commandé à maître Poirson, exécuteur de justice au duché de Lorraine, de lui faire sentir la question suivant l'ordre de justice. A ce commandement, il s'est approché de ladite Jehennon, s'a saisi de sa personne, l'a fait asseoir sur l'échelle et a commencé à user de grandes menaces contre elle de la bien détirer, si elle ne confesse la vérité. Elle, cependant, lui a dit : Qu'elle a ouï dire à plusieurs qu'il connaît bien les sorciers et sorcières, et s'il a quelque personne en main, qu'il sait bien si elle est sorcière ou non, et qu'il avise d'elle ce qui en est, parce qu'elle est femme de bien et telle se trouvera. II lui a répliqué : Que c'est vrai qu'il les connaît et que selon la connaissance qu'il a, elle est une des plus fines ; par ainsi, avant que d'être tourmentée, elle fera bien de le confesser, parce qu'aussi bien sera-t-elle contrainte de le confesser après. Ces propos ne lui étant agréables, elle a dit qu'elle est femme de bien et non sorcière. Et après plusieurs telles devises enfin, il lui a appliqué les grésillons es deux orteilles ; mais, pour iceux, n'y ayant apparence qu'elle endure grandes douleurs, il l'a étendue sur l'échelle, l'a liée de cordes es pieds et mains, pour la détirer selon l'ordre de la question. Ce que faisant, elle a commencé à crier que Dieu lui soit en aide ! Et pour notre égard, lui ayant fait plusieurs belles remontrances de ne se laisser tourmenter, et que quand son intention sera de venir à déclarer le nom de son maître, le diable qui l'a tentée, et les causes pourquoi qu'elle dit qu'on la lâche, on la lâchera. A maintenu qu'elle est femme de bien et n'a point d'autre maître que Dieu. Toutefois, étant détirée une bonne fois, a prié qu'on la lâche, qu'elle dira tout ce qu'elle sait. Enfin, après plusieurs variations et qu'elle a regretté la honte du monde qu'elle recevra, et que de notre part lui avons remontré que ce n'est rien de la honte du monde au prix des peines éternelles qu'elle eût souffertes au cas où elle eût été morte obstinée en la dénégation qu'elle a faite de Dieu, son créateur et rédempteur, et en la puissance du diable auquel elle s'avait donné, délaissant Dieu et la voie de son salut, elle a dit : Que sous 17 ou 18 ans, ou environ, comme elle était au lieu de Chapan, coupant bois en grande colère, par les querelles qu'elle avait contre ses voisins, il s'apparut à elle un homme habillé de rouge, qui l'arraisonna bien amiablement, lui remontra sa pauvreté et les mauvais voisins qu'elle avait, et lui donna espérance que si elle le voulait croire, le prendre pour son maître et renier Dieu, il la ferait riche et bien heureuse, et lui donnerait moyen de se venger de ses voisins. Elle, étant pauvre, et oyant parler de devenir riche, fut facilement persuadée d'incliner à cette tentation. Et de fait, tout sur-le-champ, sans prendre autre conseil, elle fit tout ce que cet homme lui suada, le prit pour son maître et renia Dieu. Et lors il la pinça au front, lui dit qu'il s'appelait Persin, eut sa compagnie, et lui donna beaucoup d'argent, qu'elle mit dedans son giron, estimant que c'était vraiment argent ; mais elle fut trompée, parce qu'elle trouva après que ce n'étaient que feuilles de chêne. Si ayant sa compagnie, comme elle a dit qu'il eut, il était naturel, comme son mari ? A dit que non, qu'il était froid et non naturel comme un homme. Quest-ce qu'il lui donna, outre l'argent ? Qu'il lui donna de la poudre de deux sortes, savoir : de la noire et de la blanche. A quel usage il lui dit qu'elle était propre? La noire, selon que ledit maître Persin, son maître, lui dit, était bonne pour faire mourir gens et bêtes, et la blanche pour guérir. L'avons enquis sur qui elle a essayé la vertu de telles poudres parce que nous savons bien que par curiosité elle les aura voulu essayer. Après quelque légère excuse, elle a dit qu'elle essaya la vertu de la noire sur une vache des siennes et qu'elle lui donna avec de l'herbe qu'elle lui donnait à manger, et au bout de bien peu de jours, elle en mourut. Depuis, elle en donna encore à un sien porc, qui en mourut semblablement. Ce qu'elle ayant vu et considéré le grand danger qu'il y avait d'en user, elle ne voulut plus en user, comme elle n'a fait aussi. Toutefois, vaincue de nos remontrances, elle a convenu qu'elle en donna encore à une des vaches de Claudon Pierron, à l'environ des noces des fils Etienne, de Robache, et ce en dédain qu'il l'avait appelée sorcière. Et encore qu'avons tâché, par les voies les plus expédientes qu'avons jugées nous pouvoir profiter, de tirer d'elle quelques autres maléfices qu'elle ait exécutés, soit sur des personnes ou sur du bétail, elle n'a voulu convenir d'en avoir commis aucuns autres que ceux ci-dessus déclarés. Lui avons demandé au bout de combien de temps son maître Persin la vint retrouver, après l'avoir ainsi abusée. A dit qu'au bout de quelques cinq journées, il la vint trouver et eut de rechef sa compagnie, n'étant alors, ni toutes les autres fois qu'il a eu sa compagnie, naturel non plus que la première fois à laquelle elle le sentit fort froid. Si alors il la mena ou transporta en quelque lieu au sabbat ? A dit qu'il la mena, ou, pour plus vraiment dire, qu'il la porta sur son cou au sabbat, au lieu dit à la Goutte-du-Rupt, là où il y avait un grand feu et une grande préparation pour faire grande chère. Si elle mangea des viandes y préparées et si elles étaient bonnes et bien assaisonnées de sel? A dit qu'elle en mangea, mais elles n'étaient bonnes et n'étaient salées. S'il y avait de belles nappes et des tables proprement mises ? A dit qu'il n'y avait ni tables ni nappes et qu'à son avis on mangeait sur terre. Qui départait les viandes ? A dit que chacun s'en mêlait. S'il y avait plus d'un diable en cette assemblée ? A dit que oui, qu'ils étaient deux, mais ne sait comment l'autre s'appelait, ni qui était le plus grand des deux. Qu'est-ce que faisaient les personnes assemblées en ce sabbat, et s'il y en avait un grand nombre? A dit qu'il y en avait un grand nombre qui dansaient et y avait pour ménétriers des joueurs de violon; mais elle ne les connaît. Si elle connaît aucuns de ceux qui y étaient ? mais qu'elle avise, à peine de la damnation de son âme, de n'en accuser aucun à tort, par haine ou malveillance, et n'en celer aussi aucun, à peine de la même damnation. A dit, après s'être un peu excusée, qu'encore il y avait plusieurs personnes, qu'elle n'en avait connu aucun; qu'à son arrivée, il y avait à l'entour du feu, et étaient bien empêchés à la cuisine, Claudatte, femme Claudon Pierron, de Robache; Benitte, la femme de Thomas Wauier; le vieux Diez dit Schenal et Colin Georges, tous de Robache. Lui avons remontré qu'elle avise bien de n'accuser aucuns à tort et n'en celer aussi aucuns, autrement elle damnera misérablement son âme, et si les confessions qu'elle fait de ses autres maléfices ne lui profiteraient de rien. A dit qu'elle n'accuse personne à tort ; que c'est la vérité qu'elle dit et qu'elle a vu au sabbat, à ladite Goutte-du-Rupt, tous ceux qu'elle vient de nous dénommer quasi toutes les fois qu'elle y a été ; sur quoi elle veut vivre et mourir. L'avons enquis si elle n'en a point connu d'autres des villages à l'environ dudit Robache ou bien de ce lieu de Saint-Dié. A dit qu'elle y connut encore la femme Pierre le Bourguignon, de ce lieu de Saint-Dié, appelée Margo ou Marguitte. Si elle y en a reconnu quelques autres, parce qu'il y en a eu des exécutés qui l'ont accusée et maintenu l'y avoir vu ; ainsi il faut qu'elle les y ait aussi reconnus ? A dit n'en y avoir reconnu autres que ceux et celles qu'elle nous a dénommés. Si elle y a quelquefois aidé à faire de la grêle? A dit que oui. Comment ils faisaient et quelles cérémonies ils observaient? A dit qu'ils battaient l'eau avec des petites baguettes que leur maître leur donnait, d'où s'engendrait la grêle. Si elle sait à quelle fin cette grêle se faisait ? A dit que oui, que c'était pour faire perdre les biens du Val-Saint-Dié. S'ils ont pas causé tant de chenilles et de vermines, qui des quelques années gâtent les arbres et les fruits ? A dit que non. Si elle a pas été transportée de plein jour dedans les nuées pour y tenir le sabbat et faire tomber la grêle en quelque contrée à laquelle ils voulaient mal ? A dit que oui; qu'elle y a été transportée par deux ou trois fois et y allait aussi promptement comme un vent d'oiseau, et que sont quelques douze ans ou environ, elle y fut et assista quand la grosse grêle tomba qui fit tant de mal par-deçà. A quel jour le plus souvent ils allaient audit sabbat ? A dit que c'était toujours par jour du jeudi qu'ils y allaient. Si, étant es nuées de plein jour comme elle a dit, elle y reconnut aucunes personnes ? A dit qu'elle y reconnut toutes celles qu'elle nous a dénommées pour ses complices et lesquelles en cet endroit lui étant enjoint de notre part de ce faire, elle a de rechef nommé de leurs noms et surnoms. Si ledit maître Persin, son maître, lui a pas eu défendu d'aller à l'église, de prendre du pain bénit et de l'eau bénite? A dit qu'il est vrai qu'il lui a plusieurs fois défendu, mais il n'y avait moyen de l'obéir en cela, parce qu'elle eût été facilement découverte. Si, le désobéissant ainsi et en telles choses, il l'a pas châtiée et bien battue ? A dit que si ; qu'elle a été battue par plusieurs fois et bien rudement. Cependant elle a reconnu que ledit maître Persin, son maître, a des grandes griffes aux mains. Si, en prenant de l'eau bénite, elle n'usait pas de quelque imprécation ? A dit que, selon l'instruction en commandement que lui avait donné ledit maître Persin, son maître, elle disait en prenant de l'eau bénite : Je te prends au nom et à l'honneur de qui je sers. S'il ne lui était pas défendu aussi de se confesser et communier à Pâques ? A dit que si ; toutefois elle ne lui obéissait pas et se confessait tous les ans de tous les maux et péchés qu'elle faisait. Si, entre ses maux et péchés, elle confessait d'avoir quitté Dieu et adhéré au diable et le pris pour son maître et en faisait déclaration au curé ? A dit que non ; qu'elle subticeoit cette dénégation et abusion. Si ledit maître Persin, son maître, lui a pas eu suadé de cacher la sacrée hostie sous laquelle lui était présenté et donné le vrai et saint corps de notre Seigneur et la lui porter? A dit que oui; qu'il lui a suadé plusieurs fois. Si elle l'a cachée et lui porté? A dit que par trois fois qu'elle se souvient bien assurément elle l'a cachée et lui a portée au sabbat. Dedans quoi elle la portait ? A dit qu'elle la portait et lui donnait dedans des feuilles. Comment elle la pouvait tirer de sa bouche et la cacher qu'on ne s'en aperçoive ? A dit que quand le curé la lui avait mise dedans la bouche, elle feindait de s'essuyer et la recevait en sa main, et ainsi on ne pouvait s'en apercevoir. Si elle sait qu'est-ce que ledit maître Persin, son maître, en faisait ? A dit que non, qu'elle ne le sait. Si elle donnait quelque reconnaissance ou offrande tous les ans audit son maître. A dit que non ; qu'il ne lui en a point demandé à cause de sa pauvreté, comme elle estime. Comme nous voulions poursuivre à l'interroger sur les indices résultant contre elle par la déposition des témoins, elle a prié qu'on la laisse un peu en repos et que si, par ci-après, elle se ressouvient de quelques autres faits, elle nous le dira sans faillir. Si donc tout ce qu'elle nous a dit jusques ici est la pure et vraie vérité, et si elle veut vivre et mourir là-dessus quand il plaira à Dieu lui envoyer la mort, et signamment si ceux qu'elle a dénommés pour ses complices sont tels quels ? A dit que c'est la vérité, qu'ils sont tels quels et que tout le reste qu'elle nous a dit est la vérité, sur quoi elle veut vivre et mourir quand il plaira à Dieu ; et des maux qu'elle nous a confessés, elle en requiert humblement pardon à Dieu, à MM. du chapitre, ses seigneurs, et à justice. Sur quoi l'avons fait mettre auprès du feu et nous sommes retirés, attendant de la venir retrouver au bout de quelques heures, pour voir sa persévérance. A ce ont été présents Démange Bessat et Nicolas Menuisier, tous deux bourgeois à Saint-Dié, appelés pour témoins. Signé de Guerre et G. le Brecq. » Le même jour, après midi, l'interrogatoire est recommencé de la même manière, avec menace de la damnation de son âme, si elle ne dit la vérité. Elle persiste dans toutes ses allégations, y ajoute quelques tentatives d'empoisonnement sur des animaux et des personnes, quelques actes de vengeance, et dénonce encore d'autres individus qu'elle aurait vus au sabbat, notamment des exécutés pour sorcellerie. Il lui est conseillé de recommander son âme à Dieu, et les juges se retirent. Suit la décision des Échevins de Nancy : « Le maître échevin et échevins de Nancy, qui ont de rechef vu la présente procédure extraordinairement faite contre Jehennon, veuve de feu Hidoulf Regnard, de Robache, prévenue de sortilège, notamment l'acte de la question à elle donnée, ses confessions faites tant au détroit d'icelle que dehors. Disent qu'il y a matière de la répéter de nouveau en sudites confessions, attendu qu'il est nécessaire de laisser écouler mi jour pour le moins après la question donnée, ce qui n'a été observé en cette procédure, comme en appert par icelles et où elle persistera ; La condamner à être exposée au carcan à la vue du peuple par l'exécuteur de haute justice ; De là, conduite au lieu accoutumé à supplicier les délinquants, et illec attachée à un poteau dressé à cet effet et étranglée après qu'elle aura vivement senti l'ardeur du feu, son corps ars et rédigé en cendres et ses biens déclarés acquis et confisqués à qui il appartiendra ; les frais raisonnablement de justice sur iceux préalablement pris. Fait à Nancy, le 5 juillet 1602. Signée. Bourgeois, Guichard, de Bernecourt, J. Gondrecourt. » Le 16 juillet, pour satisfaire à cet avis, l'accusée, enfermée dans la tour Bonan, fut de nouveau interrogée ; elle persista, à l'exception des dénonciations qu'elle avait faites contre les prétendus complices qu'elle aurait vus au sabbat, disant ne les avoir accusés qu'en haine et dédain de leurs dépositions comme témoins. Une procédure de la même justice de Saint-Dié, en 1630 (15), contre François Lhermite, établit qu'un témoin qui trouva ce prévenu commettant un délit forestier et lui en fit reproche, vit mourir son chien subitement et une autre fois son âne. Sa soeur, Georgette Lhermite, l'avait elle-même accusé d'aller au sabbat, qu'elle fréquentait aussi. Ayant refusé de prêter serment avant son interrogatoire, il lui est commandé de le faire, par ordre du procureur d'office, à peine de 5 fr. pour la première fois, de 1 pour la deuxième, de 30 pour la troisième et d'être déclaré convaincu. Persistant dans ses dénégations, il est rasé, après quoi il est visité par maître Pierre, chirurgien à Saint-Dié, qui reconnut entre ses deux épaules une marque noire, de la grosseur d'une tête d'épingle, laquelle il a sondé fort profondément, sans que ledit prévenu ait fait aucun semblant de douleur, ni qu'il soit sorti aucune goutte de sang. Le prévenu, interrogé d'où lui provient cette marque, a répondu qu'il ne sait s'il en a une, qu'il n'est pas sorcier et n'a fait chose mal à propos, ne voulant prêter l'oreille aux remontrances à lui faites, non plus renoncer absolument au diable, malin esprit qui l'a tenté. Les grésillons appliqués aux doigts des mains et, pendant les douleurs, interrogé, a dénié tout ce qui lui était demandé. Étant aux orteils, il a commencé à crier : Je ne suis pas sorcier, mon Dieu; brûlez-moi, je le veux être; jamais je ne suis genox ni sorcier, et n'est ce que je veux dire ce que je ne sais. Étendu en chemise sur l'échelle, lié de cordes aux pieds et mains, n'a voulu prier Dieu ni la Vierge, disant être fils de bien et non sorcier. Tiré d'un quart de tour, a dit: Pour l'honneur de Dieu, brûlez-moi; je ne veux pas dire ce que je n'ai pas fait. Enquis à quel sujet il supplie qu'on le fasse brûler, a dit qu'il dit ce qui lui vient à la bouche. Tiré d'un demi-tour, n'a voulu répondre sur tous les interrogats à lui faits. Huisché (16) et plus tiré d'un tour, a dit qu'il ne sait ce que c'est d'être sorcier, que Dieu est son maître. Admonesté de dire : Sainte Vierge Marie, faites-moi la grâce de confesser mes maléfices et offenses. Ce qu'il n'a voulu faire ni proférer le nom delà sainte Vierge Marie, non plus dire l'Ave Maria. Étant disposé à lui faire sentir le tourment des tourtillons, il a commencé à parler et déclaré qu'un jour il s'en allait au bois sur le Pas-l'Ane, il rencontra un ours noir, lequel ours lui dit qu'il soit toujours homme de bien, qu'il ne fasse point de mal, et enfin qu'il n'a jamais été tenté que cette fois-là. Enquis s'il est pas sorcier. A confessé être sorcier, et qu'il a été tenté sur le Champ-du-Corbon, que ce fût un homme non habillé. Après quoi il avoue toutes les sottises imaginables, même que le diable l'assistait pendant la torture qu'il vient de subir et le regardait par la toiture de la tour, etc. (17). Conclusions du procureur d'office : Qu'il soit étranglé, ensuite brûlé. Les Échevins de Nancy sont du même avis. La sentence est prononcée à la Pierre-Hardie de St.-Dié, suivant l'usage ancien. Il y est conduit par assistance et force congrue, par le prévôt et le greffier, et remis tout nu avec son procès sur la pierre établie en rue pour cet usage, par les maire et gens de justice. Jean-Grégoire Mathis, en 1609 (18), est également poursuivi pour plusieurs malversations, au nombre desquelles sont énumérés les sortilèges et vénéfices. Mis à la torture, il est interrogé sur le reproche de n'avoir pas communié à Pâques précédent. On lui demande à ce sujet : « S'il est pas vrai que sur la remontrance qu'on lui fit d'aller crier merci à Révérend M. le grand-prévôt, de ce qu'il n'avait fait son devoir de bon chrétien à Pâques dernier, il ne repondit pas que le diable l'emporte, s'il y allait, ou propos semblable? A répondu qu'il n'en a usé et qu'il est homme de bien, ou que Dieu le veuille faillir. Interrogé s'il est donc pas vrai qu'il n'a été confessé ni communié à Pâques dernier ? A dit que oui ; mais que ce fut bien malgré lui et pour ce qu'il ne put être mis hors du saonne et de quoi il crie merci à Dieu et audit sieur Révérend. Enquis s'il n'a pas dit que plutôt d'aller demander pardon à MM. les vénérables, ses seigneurs, on le traînerait plutôt par sa cheminée ? Dit qu'il n'en a usé, ou que Dieu le faille. S'il sait pas par qui il entendait être traîné hors de sa cheminée ? A répondu qu'il est homme de bien et que on ne le trouvera pas autrement. N'ayant icelui rien voulu dire autre chose, lesdits grésillons lui ont été ôtés, et là ledit étendu sur l'échelle, lié de cordes aux pieds et aux mains, et comme il a commencé à le tirer d'un demi-tour, l'avons enquis s'il est pas vrai que, par ses maléfices, il causa pas la chute que feu son frère Claude eut sous un char, lorsqu'il le servait, si qu'il pensa être tué ? A répondu qu'il n'est de ces gens-là pour lui avoir fait mal et que tout cela n'est pas vrai. Enquis si ce ne fut pas donc le diable, son maître, par son consentement qu'il lui aurait pu donner de ce faire ? A dit qu'il n'a point autre maître que le bon Dieu, qui sait la vérité de tout. Interrogé s'il est bien net du fait de sortilège, et comme quoi ? A répondu qu'il en est aussi net que le bon Jésus, qui est là-haut, son bon Seigneur. Détiré un peu davantage, lui avons demandé si, par ses maléfices, il a pas causé la perte d'un cheval arrivée à Colas Maimbourg, de Gehinfosse, à l'occasion qu'il ne voulut lui payer la somme de 200 fr. qu'il lui répétait? A dit qu'il ne l'a fait mourir et que ceux qui l'ont fait puissent être brûlés. Interrogé comment s'appelle le maître qui l'a tenté et en quelle guise il était? A dit qu'il n'a jamais été tenté et qu'il n'a autre maître que le bon Dieu. Lui avons commandé de renier à tous les diables d'enfer et à ses adhérents. Auquel commandement il n'a voulu obéir que par force, et n'a voulu outrer la renonciation à lui enjointe contre maître Persin, Nanel et autres. Le voyant opiniâtre, nous nous sommes arrêté à lui répéter les interrogats précédents, concernant principalement ses désobéissances et rébellions, et surtout s'il n'a pas dit qu'il se souciait autant de la justice de MM. les échevins que d'une bête ? A dit enfin qu'il en a usé, mais que c'était par colère, et dont il leur en crie merci. S'il n'a pas dit que M. le Révérend grand-prévôt serait bien heureux de lui donner rentrée à l'église, après qu'on lui en eut défendu l'entrée ? A dit que c'est la vérité, et qu'il l'en crie merci et nous prie lui en demander pardon de sa part. Sur ce lui a été dit, à bon escient, que là où il ne confessera volontairement tous et chacuns les forfaits dont il est chargé, nous lui ferons donner les tortillons. Et en ayant fait quelques refus, lui sont été appliqués, et dit que ayant senti la rigueur, a supplié d'être mis à délivre sous promesse qu'il a faite de déclarer la vérité, suivant nos requises et admonitions, ce qu'a été fait. Et assis auprès du feu, a commencé à dire, etc. Il avoue que son père fut reconnu sorcier et exécuté. On lui demande s'il n'a pas cherché à lui faire suivre son exemple. Ayant sur ce songé quelque temps, après toutes douces et amiables remontrances, avec une grandissime difficulté de parler, et en apparence causée par quelque chose qui allait haut et bas en la gorge, a dit et déclaré : Que le maître qui l'a tenté s'appelle maître Persin, et le fut trouver s'en allant par les champs, en un heu dit à Faot, fâché et mutiné, lequel s'apparut à lui en habit de vert ou de noir, n'a pas bien retenu lequel, puis lui dit qu'il ne se fallait desconforter et lui donna quelque chose dans un drapeau, disant que c'était pour les aider ; et ayant regardé ce que pouvait être dans ledit drapeau, trouva que c'était du fumier de cheval. De plus, a confessé qu'il le pinça sur une épaule et le fît renoncer à Dieu, chrême et baptême ; et de quoi ayant fait refus et battu d'icelui, fut contraint de le faire, et de quoi il crie merci à Dieu. » « II avoue ensuite avoir reçu de la poudre, être allé au sabbat, et désigne plusieurs autres sorciers. Les réquisitions tendent à ce qu'il soit étranglé après avoir quelquement senti l'ardeur du feu. Un avis conforme est donné par les Échevins de Nancy, Bourgeois, Guichard, Bernecourt et Regnauldin. » Bastien-Jean Viney (19), poursuivi en 1611 devant la justice de Saint-Dié, n'est pas plus tôt présenté à la question par maître Poirson, qu'il demande d'être mis à délivre et avoue « qu'il a été tenté par un homme petit, sans barbe, habillé de noir, qui lui a fait renier Dieu, l'a pincé sur l'épaule et lui a donné de l'argent qui s'est trouvé n'être que poussière et poudre jaune. S'il a nié jusqu'à présent, c'est que le diable, nommé Napnel, est venu le trouver en prison et l'y a engagé ; il est parti de son corps par sa bouche, sous la forme d'une fumée. Il avoue avoir empoisonné des animaux, s'être rendu au sabbat, où il a mangé de la viande non salée ; la cuisine y était faite par Catherine, femme de Didier Barthélémy, la même qui dernièrement l'a dénoncé. Son premier tentateur a été maître Persin, démon beaucoup plus contrefait que Napnel. Un jour, pour lui prêter aide dans une vengeance, il a eu la complaisance de se transformer en loup, étrangla le cheval d'un voisin et le détripa. Au sabbat, il a banqueté et dansé au rond, chantant à qui mieux, mais dos contre dos. Quand il y allait, c'était sous la forme d'un gros rat. Il a aidé à faire de la grêle, et enfin a obtenu trêve avec Napnel, au moyen d'une poule noire. » L'avis des échevins N. Bourgeois, de Bernecourt, Noirel, Regnauldin et Maimbourg, fut que ce grand coupable méritait le feu. Inutile de dire que cet avis fut ponctuellement suivi. En 1611 Jean-Jacques Gérardin, de la Boeurelle (20), déclare, sous l'empire des grésillons, « que maître Persin lui a apparu en fantôme, l'a touché à l'épaule et pincé au front, puis lui a donné des poudres : de la noire pour faire mourir les bêtes, de la grise pour donner des maladies, de la blanche pour guérir. Quand il était au sabbat, le son des cloches suffisait pour faire sauver tout le monde. » Le procureur fiscal Clément requit le carcan, le bûcher, mais l'étranglement dès qu'il aurait un peu senti l'ardeur du feu, sans plus, pour obvier à un désespoir, et ensuite le corps ars et brûlé. Ce fut aussi l'avis des échevins et de MM. de la justice. En 1629 (21), Barbon, veuve de Gérard-Didier Gérard, de Neuviller, poursuivie, pour sortilège et vénéfice, devant la justice de ce village, demande d'être ouïe, parce qu'ayant été battue la nuit par maître Persin, son maître, elle craint, s'il recommençait, de ne plus être assez forte pour répondre aux questions. Il est fait droit à sa demande, et elle avoue tout ce que l'on peut imaginer. En 1603, Catherine, veuve de Didier Martin, de Bayon (22), pauvre vieille octogénaire ayant déjà plus d'un pied dans la tombe, ne trouve pas grâce devant le préjugé. Son crime était grand en effet : appelée à soigner une vache, elle s'était contentée de se signer et de faire quelques grimaces, promettant la guérison, qui n'eut pas lieu. On l'avait vue un jour se rouler à terre et se démener comme une possédée. Une autre fois, son fils, qui voulait lui faire abandonner une pièce de terre, avait été entendu la menaçant de la faire brûler comme sorcière. Pour découvrir la cause de la maladie d'un de ses voisins, elle avait, à l'aide d'une chandelle, fait une expérience évidemment diabolique. Interrogée avec sévérité, la bonne vieille, stupéfaite de s'entendre encore imputer de ne pas verser une seule larme malgré cette accusation si grave, quoiqu'elle expliquât qu'elle était trop serrée au coeur pour pleurer, demande naïvement au digne prévôt de Bayon si l'aveu qu'elle ferait d'être sorcière la ferait condamner, voulant exprimer qu'elle tenait à se soustraire à la torture. Peut-être eût-elle échappé, mais son nom étant sorti de la bouche de la femme Colliot, de Bayon, autre sorcière, au moment de son supplice, la justice confisqua le peu de jours qui lui restaient. En 1615, Jeannon, femme de Claude Houat, de Moyemont, se hâte, aux premières douleurs de la question, d'avouer tous les actes de vénéfice et sortilège qui lui sont énumérés, ne dénonçant que celle qui l'avait accusée et deux époux, s'excusant du surplus sur ce que les assistants au sabbat avaient le visage couvert d'un masque noir qui empêchait de les reconnaître. Le lendemain, on lui fait lecture de son interrogatoire, toujours avertie spécialement de ne pas mentir, l'ayant au préalable bien sérieusement remontrée à foi réitérée de n'accuser personne à tort, sous peine de damnation éternelle. A quoi elle répond : « Être vrai qu'elle a été séduite et tentée au lieu avant dit, et en la forme prénommée, dont elle se repent et crie merci à Dieu ; qu'elle a de même commis les maléfices dont elle s'est accusée, au moyen de lia poudre noire qu'elle a reçue de maître Persin, et à l'occasion de quoi, elle reconnaît avoir mérité la mort qu'elle endurera patiemment, quand elle lui sera présentée. Laissée encore et reprise à deux heures, elle persiste et ajoute qu'elle est prête à endurer la mort pour l'expiation de ses fautes, quand elle lui sera présentée, et laquelle elle a bien mérité d'endurer et pâtir. » Et il fut fait comme elle le demandait, pour en finir plus vite, d'après l'avis de MM. N. Bourgeois, de Bernecourt, Regnauldin, Claude Bourgeois et Maimbourg. Claude Tendon, demeurant à Chasnoy-de-Saulcy, accusé de sortilège et de bestialité, en 1619 (23), devant la justice de Saint-Dié, avoua le dernier crime, et refusa de s'expliquer sur le premier, disant qu'il y en avait assez pour mourir, demandant d'être dépêché. Néanmoins, on ne l'en tint pas quitte, et il se reconnut coupable de toutes les turpitudes des sorciers, ayant bien soin de dénommer sa femme parmi les individus par lui rencontrés au sabbat. On a vu que le diable le plus en vogue s'appelait Persin ; dans les Trois-Évêchés, on le nommait plus communément Persil. Il y avait encore Napnel, principalement dans les Vosges, ainsi que Joli-Bois, Saute-Buisson et Verdelet. Un vigneron de Toul, Nicolas-Jean de Vic, exécuté en 1616, en fit connaître un autre, nommé Bonnot, avec lequel il avait fait pacte ; il avoua l'avoir baisé au derrière, en forme de taureau, s'être souillé et couplé avec lui, contre l'ordre ordinaire, et ce par diverses fois. Les douleurs intolérables de la torture furent pour beaucoup dans ces aveux extraordinaires, comme on peut bien le croire. Claudon Hardier, le pâtre de Hesse, cité plus haut, en fut un exemple frappant : aussitôt que les douleurs lui devenaient insupportables, il s'accusait ; dès qu'on le mettait à délivre, il se rétractait ; on le reprit si fort et si ferme le lendemain, notamment en lui attachant aux orteils un poids de 50 livres, qu'il avoua tout ce qu'on voulut, et finit par accuser tous ses ennemis, dont plusieurs, par suite de cette dénonciation, subirent le même sort que lui. La rétractation n'était pas aussi facile qu'on pourrait le croire ; elle avait ses dangers, au nombre desquels il faut compter pour beaucoup la mauvaise humeur du juge : En 1604, à Vézelise, quatre sorcières d'Ollecourt, marchant au supplice, chargées de l'aveu de leur crime imaginaire, une d'elles s'avisa de se rétracter : il fallut la ramener. Peu de jours après, non-seulement elle eut le même sort que ses compagnes, mais elle eut en outre la langue percée avec un fer rouge, pour avoir, par une rétractation mensongère, tenté de tromper la justice. Ce qui paraîtra plus extraordinaire, c'est que quelques accusés résistèrent aux interrogatoires insidieux, aux menaces et aux coups des tourmenteurs ; les femmes eurent l'honneur de cette rare fermeté, et même en grand nombre. On peut citer, entre autres, Claudette, fille de Jehennon Marchal, de Moyemont, qui, en 1613, supporta jusqu'à l'échelle sans rien avouer. La veuve de Nicolas Paticier, de Saint-Dié, accusée en 1630, dit en subissant les tortillons, car elle avait déjà passé à tous les degrés, qu'elle n'avouerait rien, dût-on la mettre en pièces. La même année, Marguerite Picard, veuve de Pierre Bourlier, bourgeois de la Côte-les-Fontenoy en Vosges, subit de même la question extraordinaire, sans rien déclarer. Condamnée au bannissement, elle fut forcée de s'arrêter à peu de distance des portes pour panser ses blessures ; on en prit prétexte pour la reprendre et la jeter en prison. Lyonnais rapporte le procès-verbal de question infligée à Claudon Vuillaume, d'Amercy, qui fit encore refus de rien avouer. En 1599, la femme de Claudon Georges, de Saint-Margare, accusée d'avoir ensorcelé des animaux et mis la main sur l'épaule d'une femme en lui parlant, ce qui ne pouvait être que dans le but de lui jeter un sort, fut également appliquée à la question sans aucun succès. Elle fut relâchée jusqu'à rappel, qui ne se fit guère attendre ; deux ans après, dénoncée par un nommé Didier Perrin, brûlé comme sorcier, pour l'avoir rencontrée au sabbat, elle succomba. Ces dénonciations, faites par des individus aux abois, n'agissant que d'après l'inspiration que nous avons dite, et dans la classe peu élevée, ne laissaient pas de jeter l'alarme dans les familles qui paraissaient le plus à l'abri. Personne ne pouvait assurer qu'un méchant ou un visionaire ne le signalerait pas comme une proie à la justice, et il n'en fallait pas plus à celle-ci pour déployer ses premières rigueurs, déjà trop avilissantes, et dont l'issue n'était rien moins que douteuse. En 1512, des sorciers du village de Luppey, se voyant perdus, dénoncèrent leur curé comme complice, espérant se sauver à l'aide de cette imposante solidarité; mais le prudent pasteur n'attendit pas l'épreuve de leur combinaison, il se hâta de prendre la fuite. L'écrivain Augustin Nicolas nous apprend qu'à Besançon, deux sorciers eurent l'esprit de dénoncer l'inquisiteur lui-même, pour l'avoir vu en personne au sabbat. En 1608, en la prévôté de La Marche, le sorcier Thomas Gaudel, n'ayant d'autre moyen de salut, se mit à accuser tous ses juges, depuis le procureur général du Bassigny jusqu'au greffier. Le cas parut si embarrassant, que l'on fut à deux reprises à Langres, avec ordre d'en conférer avec les plus fameux avocats de cette ville. Combien il est à regretter que ces habiles hommes n'aient pas eu plus d'imitateurs, les juges se fussent bientôt lassés du danger d'aider au bourreau. Les poursuites les plus nombreuses eurent lieu contre des malheureux, toujours en majorité partout, mais elles atteignirent aussi des hommes placés dans les meilleures positions : ainsi, des prêtres, des moines, des docteurs, des seigneurs. Le médecin qui mit le diable au corps à la jolie femme de François Dubois, prévôt d'Arches, si célèbre sous le nom d'Elisabeth de Ranfaing, fut brûlé le 1 6 avril 1622. L'auteur de la vie de cette dame quasi-canonisée a caché le nom de ce docteur, ce que Dom Calmet et les autres écrivains ont imité, sous prétexte de le vouer à un éternel oubli. Il s'appelait Charles Poirot ; son procès coûta la somme énorme de 7,241 livres, ce qui témoigne de grandes difficultés à surmonter dans l'échafaudage de cette procédure monstrueuse. Sa servante, nommée Anne Bouley, fut sacrifiée avec lui et peut-être le perdit par l'aveu qu'elle fit qu'il l'avait conduite au sabbat. Le curé de Vomécourt, Dominique Cordet, ayant eu la curiosité de chercher à étudier la sorcellerie, dans l'intérêt de la religion, acquit la conviction que ce crime, d'ailleurs très-manifeste à ses yeux, ne méritait pas la sévère punition du feu. Cet avocat de l'humanité, feignant de reconnaître les sorciers à la seule inspection de leur physionomie, exorcisait ceux de ses paroissiens qui lui paraissaient en proie au démon, et expulsait les incorrigibles. Évidemment, ce brave homme n'avait en vue que d'épargner à ses ouailles une fin tragique. Mais, accusé lui-même par une nommée Cathelinotte, femme perdue de réputation, qui lui imputait encore des relations criminelles avec Isabeau, sa tante, il subit, comme ces deux femmes, le dernier supplice en 1632, chargé principalement du crime énorme d'avoir soustrait au bûcher, par ses exorcisations philanthropiques, des sorciers demeurés, par cette raison, impunis. Uu gentilhomme qui avait d'autres passe-temps que ceux du curé Cordet, ne fut pas mieux traité (24) « En l'an que fut 1408, fut grande déconfiture de femmes qui, disait-on, avaient privautés et blandities avec certain gentilhomme qu'avait châtel en Vosges, et qu'avait nom Romaric Bertrand... Par quoi fut le susdit Bertrand accusé d'avoir science de négromancie et sorcellerie, si fut onc qu'en eût. Et advint qu'icelui avoua que, par mal engin et sorcellerie du diable, avait mis à mal maintes filles et femmes, en tant que naguères en certain jour, en la mi-nuit et la deuxième heure, avait eu joyeuses amours et accointances de femmes, que furent dix-huit de bon nombre en même jour. Lequel méfait les susdites dames disaient et confessaient avoir enduré à leur contentement et saoulement de plaisir, que n'avaient eu onc de leur vie en tel pourchas » Ce valeureux chevalier périt comme les autres sorciers ses devanciers, si ce n'est qu'il eut un confesseur et en amena l'usage. Quant à ses nocturnes étourdissants, bien capables de troubler les imaginations, ils firent, dit-on, plus d'une prosélyte (25). La noblesse peut compter encore deux autres victimes non moins célèbres : Abraham Racinot, surnommé André Desbordes, seigneur de Gibaumeix, gouverneur de Sierck, valet de chambre du duc Henri, et Melchior de la Vallée, chantre de la collégiale Saint-Georges, aumônier du même duc et seigneur en partie de Laxou. Ces deux personnages, qui avaient joui de la confiance de leur maître, avaient nécessairement soulevé contre eux des jalousies nombreuses et de grands ressentiments. M. Desbordes faisait quelques tours de prestidigitation et de fantasmagorie pour amuser sa société : ils servirent de prétexte. Quelques sorciers, plus ou moins inspirés, dirent qu'ils l'avaient vu au sabbat ; il fut pris et enfermé au château de Condé, vu sa qualité. On justifia qu'il avait fait avancer les personnages d'une tapisserie, pour saluer la compagnie ; qu'il avait fait sortir un grand repas d'une petite boite à compartiments ; qu'il avait pris son vol dans les airs à cheval sur un tonneau ; qu'il avait d'un seul saut, à l'aide d'un coup de pied au derrière, fait passer un homme, qui en avait du reste témoigné le désir, de l'extérieur de la porte Notre-Dame dans son lit ; enfin, qu'il avait contribué par des charmes secrets au refroidissement conjugal du duc Charles IV, régnant, au point qu'un révérend père jésuite, commis ad hoc, n'avait pu découvrir de quoi ces charmes étaient composés. Jugé le 28 janvier 1625, parles conseillers de Saint-Mihiel, députés à ce commis par S. A., sentence fut rendue, le déclarant atteint et convaincu d'avoir, « par actes et oeuvres magiques et diaboliques, donné plusieurs sortes de maléfices ; en conséquence de quoi, condamné à être attaché et étranglé, par l'exécuteur de la haute justice, a une potence, et son corps mort, ars, brûlé et réduit en cendres, ses biens confisqués; et, préalablement à son supplice, à être appliqué à la question ordinaire et extraordinaire, pour avoir révélation de ses complices. » Melchiorde la Vallée ne fut arrêté qu'en juin 1631, dans sa maison de Sainte-Anne, entre Laxou et Nancy ; il fut conduit de même au château de Condé. A la différence du seigneur de Gibaumeix, qui passe pour avoir fait l'aveu de son crime, quoique sa sentence n'en dise mot, M. de la Vallée persista jusqu'à la fin à soutenir son innocence sur le fait de sorcellerie, ne s'avouant coupable que d'irrégularités dans son ministère, comme d'avoir dit la messe sans être à jeun. Mais le duc, qui se trouvait mal marié, avait besoin de prétexte pour répudier une épouse qu'il détestait. M. de la Vallée étant aumônier, l'avait baptisée : or, le baptême conféré par un sorcier, ne pouvait être valable ; donc, le mariage d'un chrétien avec une femme non chrétienne était nul ; donc, il pouvait la répudier. Et cependant, malgré cette superbe logique des courtisans, personne ne proposa de rebaptiser la duchesse. En attendant, l'accusé, condamné en juillet par les mêmes juges que M. Desbordes, sauf l'assistance d'ecclésiastiques, vu sa qualité, subit, pour magie, sortilège et libertinage, le même sort que lui. Ses biens, confisqués, servirent au duc à commencer la Chartreuse de Bosserville, expiation insuffisante, peu propre à en sanctifier l'origine. La jeunesse n'était pas un titre pour échapper aux poursuites. La justice était bien un peu embarrassée, mais elle ne croyait pas moins à la possibilité de la sorcellerie. En 1610, un enfant de Gondreville, nommé Claude Lorrain, avoua avoir été au sabbat ; personne n'en douta, son jeune âge put à peine le sauver. En 1617, deux petits enfants, l'un garçon, l'autre fille, dans le même cas, furent enfermés au château de Bitzemberg, où ils demeurèrent plusieurs années, pendant lesquelles la justice de Saint-Dié ne cessa de les faire catéchiser. En 1622, la justice de Vézelise, après avoir fait brûler la femme Martin, n'eut pas honte de se déclarer fort perplexe sur la question de savoir si elle en ferait autant de sa fille. Cette grande coupable avait treize ans ! Tels furent les actes des sorciers, les procédures suivies et les jugements rendus contre eux. Le lecteur sérieux qui aura pris la peine de lire attentivement ce qu'il nous a été possible d'en rapporter, s'en sera fait une juste opinion à laquelle nos réflexions n'ajouteraient rien. Cet état de choses dura plus de deux siècles, sans avoir été blâmé ni empêché, sous les yeux de l'église, du prince et du peuple (26), tous muets entre eux, applaudissant au dehors et tremblant chez eux, selon l'éternelle tactique de l'incertitude et du lâche égoïsme. Un magistrat supérieur, après avoir trempé indirectement dans ces forfaits judiciaires, s'en est rendu involontairement responsable devant la postérité. Nicolas Remy, procureur général de Lorraine et conseiller du duc, dans un traité de la Démonolâtrie, écrit en un latin inconnu à Cicéron, a retracé les croyances, les actes et les châtiments des sorciers que son inflexible rigueur à tous enveloppés dans sa puissante malédiction. Ce délassement d'inquisiteur lui a valu d'éclatants reproches de la part de nos historiens, à la tête desquels doit être placé Bexon, pour l'énergie de son blâme éloquent. Mais c'est un devoir de dire qu'ici la renommée du procureur général est victime de la renommée de l'écrivain. Nicolas Remy, auteur consciencieux, aveuglé par un préjugé du temps, n'a fait que partager l'erreur commune ; renonciation, mal interprétée, que pendant quinze ans plus de 900 sorciers ont été suppliciés en Lorraine, a soulevé contre lui cette émeute de l'histoire. Faute d'examen, chacun a cru que ce défenseur inopportun de l'ordre social était devenu le juge général et unique de ces 900 procès et de tant d'autres ; les pourvoyeurs de l'inquisition n'ont plus semblé que des agneaux près du Torquemada lorrain y et le jugement précipité de quelques âmes d'élite a trouvé une sympathie dans tous les coeurs. Cette décision de la postérité peut-elle subsister en présence des faits ? Ces procès, préparés, pour la plus grande partie, loin de la capitale de la province, y sont arrivés parfaits, c'est-à-dire prêts à recevoir la sanction de la justice. Soumis au premier tribunal du pays pour avoir son avis, les échevins n'étaient pas contraints d'adopter l'opinion du parquet, qui, dans ce cas, n'en avait pas à donner, et dès lors n'était nullement responsable de la sentence qui devait suivre. Quelle était donc la part de ce procureur général sur qui pèsent tant de supplices immérités, de martyres d'innocents ? Les sentences ? Non. - Les avis ? Non. - Les conclusions ? Non; car sa haute dignité ne descendait pas à la lutte journalière, aux réquisitoires incessants, ces salutaires et modestes rouages de l'action publique. Planant de plus haut sur la justice, il en avait la surveillance active et la direction suprême, mais de participation directe à ses décisions, il n'en avait aucune, la loi les ayant faites avant lui indépendantes et sans recours. Qu'il réponde donc tout seul, devant les hommes et devant Dieu, des résultats sanglants d'une ignorance honteuse pour son siècle et pour la magistrature, déshonorante pour l'État qui la toléra, qui en protégea les erreurs et la tourna contre ses sujets, ce serait rigoureux et ce ne serait pas justice. Les hauts fonctionnaires, il est bien vrai, ne sont grands que par leurs efforts et leurs services ; s'ils abandonnent à son impulsion vers le précipice le char confié à leurs soins, ils tombent au rang des officiers vulgaires que la postérité se réserve d'ensevelir dans le plus méprisant oubli. Mais à combien d'hommes est-il donné d'arrêter l'essor général ? Combien de magistrats sont maîtres de la loi et libres de l'entraver par une résistance héroïque ? Nicolas Remy, zélé criminaliste, ne pouvait concilier l'impunité des sorciers avec les turpitudes contenues en leurs aveux. Simple juge, il en avait sans doute condamné lui-même. Procureur général, il en a fait poursuivre, il en a laissé persécuter, croyant obéir à la loi et assurer l'ordre public menacé. Écrivain mal inspiré, son livre imprudent, grossi des visions de son siècle, a peut-être été d'une puissante influence sur les décisions intervenues ; mais, en définitive, ce n'est pas lui qui les dicta ; il ne violenta aucun de ses inférieurs pour en arracher des sentences toujours librement rendues par ces derniers, qui en répondaient, car l'histoire n'a consigné la résistance d'aucun des juges de cette époque de ténèbres. Telle nous semble être la vérité sur cet homme que, par une autre erreur, on s'obstine à ranger au nombre des grands magistrats ; tant il est vrai que la dureté impose plus que l'indulgence à la foule, toujours peureuse et inconséquente dans ses jugements. Le magistrat qui inventait, avec satisfaction de lui-même, le fouet envers les enfants des sorciers autour du bûcher de leurs pères, qui cultivait dans son coeur d'acier cette pensée que ceux-ci méritaient les plus affreux tourments, que la modération à leur égard était insensée, pouvait-il avoir les précieuses vertus de sa mission sacrée? Ah! que du moins la férocité, qui en est exclue, ne le grandisse pas devant la postérité devenue son juge (27). Des noms protégés jusqu'ici par leur obscurité nous paraissent bien plus mériter d'assumer la responsabilité des monstrueux holocaustes offerts à l'ignorance. Ce sont ceux des Échevins de Nancy, qui occupèrent ce poste pendant les quinze ans que N. Remy et son fils furent Procureurs Généraux. Ces Échevins, pour Nancy, où ils jugeaient, ordonnèrent des bûchers ; pour le reste de la Lorraine soumise seulement à leur avis, ils les conseillèrent et y applaudirent, tandis que la plus légère résistance de leur part eût arrêté incontinent le fléau. Ces noms sont : 1591. Nicolas Olry, maître échevin jusqu'en 1593. Chrétien Philbert. Nicolas Bourgeois, nommé maître échevin en 1595. Aubry Tarrat. 1593. Nicolas Habillon. Claude Guichard. 1600. Claude Nicolas de Bernécourt. 1603. Jean de Gondrecourt. 1605. Charles Regnaudin. 1642. Claude Bourgeois, nommé maître échevin en 1643. Jean Noirel. Érard Maimbourg. 1615. Thiéry Maucervel. 1617. Nicolas Petit Got. Il faut encore y ajouter ces conseillers de la Cour de Saint-Mihiel : Charles Sarrazin, Rutan, Barrois, de Bloize-Amblemont, de Mussey, de Harcoul, qui jugèrent les seigneurs de Laxou et Gibaumeix. Magistrats d'un ordre supérieur, ils devaient, non moins que N. Remy, être exempts de tels préjugés. Non-seulement ils agirent en vrais commissaires dans ces deux affaires, mais ils ne montrèrent pas moins d'aveuglement dans la mission qu'ils reçurent, en 1629, d'aller à Mattaincourt et Hymont, qu'ils couvrirent de bûchers après soixante-onze jours d'instructions et de tortures. Un avocat de Nancy, nommé Le Clerc, leur servit de procureur général, pour remplacer celui des Vosges ; il y vaqua cent quinze jours. Les justiciers de la ville de Toul qui sacrifièrent à la même erreur ne doivent pas non plus être oubliés : Maîtres Échevins : Nicolas de la Fosse, écuyer. Etienne Baillivy, id. Bernard Rodel, id., sieur de Jubainville. Claude Odam. Échevins : François Belprey. Claude Noirel. Albert Guyot. Jean Daulnoy. Sébastien de Bayon. Bernard Odam. Jacques Jossenin. Jean Louviot. Simon Saint-Martel. On ne dira pas que sur eux, pas plus que sur les collègues de Ch. Sarrazin, l'influence du procureur général de Lorraine pouvait être de quelque poids, puisque ni les uns ni les autres ne faisaient partie de son ressort. Les sentiments de Nicolas Remy, qui nous effraient si justement, eurent long-temps de l'écho. Dom Calmet, homme si pieux et si modéré dans ses opinions, après avoir dit ce qu'il sut des sorciers, a porté son jugement sur eux et la justice qui en fut faite : Il croit bien que le diable ne les possédait pas au point de leur donner un pouvoir surnaturel et de les transporter au sabbat, mais il est d'avis que le diable pouvait leur inspirer toutes les visions qu'ils rapportaient. Après cette explication gênée, qui sent son odeur de couvent, il ajoute : « On ne peut nier que les princes, les évêques et les juges n'aient tenu, en les poursuivant, une conduite très-sage et très-louable, puisqu'il était question d'arrêter le cours d'une impiété dangereuse et d'un culte sacrilège, ridicule, abominable, rendu au démon qui séduisait et perdait une infinité de personnes et causait dans l'état mille désordres très-réels. » Que l'on s'étonne qu'il y ait eu des sorciers, qu'ils aient trouvé des juges et l'impitoyable censure de la Démonolâtrie, lorsque, cent ans après eux, un tel langage est tenu par un homme réputé sage et savant parmi les plus savants et les plus raisonnables! Cette opinion d'un religieux laisse également le clergé sous le poids d'une imposante solidarité. Endormi sur de vieux textes rouilles, devait-il comprendre ainsi sa haute mission d'instruire les hommes ? Les esprits les plus prévenus avoueront que les efforts des philosophes pour éclairer les masses ont été couronnés, en cette matière, de succès plus dignes et surtout plus méritoires devant Dieu. Voyons la différence des temps : En 1736, Gaspard Charpentier, de Saint-Max, Luc Bore et Jean Poirot, de Bayon, sont poursuivis pour avoir consulté un devin ; la procédure établit qu'ils se sont donnés au diable et ont souscrit l'acte suivant : « Nous soussignés et marqués, certifions avoir fait commandement au grand Hausemant, maître des enfers, de nous servir en tout ce que nous lui commanderons ; nous promettons tous conjointement de le récompenser dans toutes les occasions qu'il sera commandé et en tout temps, si faire se peut, etc. Fait double à Nancy, le 6 décembre 1736. » Un siècle plus tôt, le sort de ces trois pactiseurs n'était pas douteux : ils en sont quittes pour être blâmés ; le nommé Omer Homausse, qui avait joué le rôle du diable, n'est lui-même qu'admonesté, quoiqu'il leur eût soutiré deux écus. Ainsi auraient fini en quelques mois les visions des sorciers, sans la persécution qui les fit pulluler. Le nombre des victimes frappées de mort est inconnu ; il a dû être considérable. Indépendamment des sorciers signalés plus haut, et de ceux renvoyés après avoir subi la torture, voici les noms que nous avons pu rassembler après les plus pénibles recherches ; nous en garantissons l'authenticité. 1358. La femme de Villaume, de (28) Roches, près Gondrecourt. 1372. Simon, de Halfedanges. Bietris, sa femme. 1443. Femme Jeannette, à Verdun. 1456. N., dit le Vieux-Saint, à Vic. 1477. Alix, femme de Didier Holler, à Bar. 1481. Marguerite, femme de J. Willemin, de Sciey. 1482. François Poinsotte, tabellion à Monthureux-sur-Saône. Noël Rousselot, id. Etienne Bol, son beau-père, id. Idatte, femme de Colin Paternostre, à Senones. 1506. Alix, femme de Huguenin, de Colre, à Foug. 1532. Ruffinette, femme du grand Bastion Rouyer, de Foug. Collette, sa soeur, femme de Michelet Lorrain, de St.-Germain. 1543. Claudotte Ramoynette, femme de Didier Petitgeorges, d'Esseigny, à Charmes. 1544. La grande Odile Morel, de Remiremont. 1550. La dame Jeanne Mesgnien, de Bellefontaine, à Arches. La dame Nicolle Parmentier, id. id. Denys Sarrey, id. id. Nicolas Grivel, id. id. 1555. Germain Burtel, de Rynel. 1567. Martin Parisot, de Graffigny, à La Mothe. 1571. Catherine, femme de Claude Rayel, de Mangonville. 1572. La dame Barbe Champagne, à Saint-Mihiel. Dame Marguerite Masson, d'Alaménil, à Arches. 1574. Jeanne, femme de Maurice Bourgeois, de Rone, à Longuyon. Erric Carmouche, de Pange. 1575. Ysabeau, veuve de Martin Mercier, de Mazereuille, à Amance. 1577. Jean Hetarde, à Séchamp. A., sa femme, id. 1578. Claudin Houchelot, de Ludres. Jean Teuxin, d'AIamesnil, à Arches. Nicolas Teuxin, son fils, id. Jacques Jacquemot, son cousin, id. 1580. Jeannon, veuve de Colas Collotte, de Domèvre, à Épinal. 1581. Marguerite Mourel, de Haudonville, à Lunéville. Lienard Hardier, id. id. Annon Mourel, id. id. Claudon, femme de Nicolas Blaize, d'Einville. Jean Charme, de Gerbéviller. Jeanne Aubert, de Saint-Pierremont. Didier Finance, de Saint-Dié. Denis Guerard, de Vennezey. Françoise Hacquart, de Ville-sur-Yon. 1582. La veuve Jeannon Poirel, de Couture-les-Chàtel-Salins, à Amance. Isabey, de Pont-à-Mousson. Mengeotte, femme de J. Michel, de Senones. Collette le Tixerant, à Conflans-en-Jarnisy. Isabelle Bouteille, de Pierrepont, à Sancy. Jeanne, femme de Michel Adam, de Bezonvaux, id. Mariatte, veuve de Jean Bustine, à Nancy. Claudon la Croisette, id. Mariette Hardière, de Ghampigneulles, id. Marguerite Laisnière. Didière Champel, de Remiremont. Marguerite, femme de Claudot Hostin, id. Bastien Chapelle, id. Etienne Jean, d'Arches. Demenge Jean, son fils, id. Jeanne Grandsaint, de Condé. Jean Montena, id. Didier Malloy, de Bouconville. La femme Nicole la Petite, id. Catin Périn, de l'Avant-Garde. Marguerite Vincent, id. Barbe Robin, id. 1583. Alix Marchal, femme de Nic. Bienaimé, de Landrecourt, à Souilly. Dominique Zabel, de Rogéville. La femme Ponsetle Esselin, de Leyr. La femme Pétronne Laboureur, de Delme. Alexis Violle, de Teintrux. Thomas Humblot, dit Hardillon, de Mécrin, à Saint-Mihiel. Marguerite, sa femme, id. id. Didon, veuve de Richier Humbert, id. id. Lucie, veuve de Richier Braye, id. id. Didotte, veuve de Gérard Malherbe, id. id. Jeanne Boudart, id. id. Antoine Gaspart, de Girauvoisin, id. Cunisse, sa femme, id. id. Barbe Juhault, dite la Blanche-Dame, de Fremeréville, à St.-Mihiel. Claudine Lesorlot, id. Jeannette, femme de Christophe Voirin, de Jouys-sous-les-Côtes, à Foug. Mengeotte, veuve de Colas Gennevrie, de Diarville. 1584. Dame Biaise Durand, de Bellefontaine, à Arches. Didier Galère, de Pange. François Fellée, de Mazeley. Françoise Fellée, sa soeur, id. Mathiatte Cuillerée, de Pange. Rose Gérardin, d'Étival. Claudette Fellée, de Mazeley. Alexis Gallée, de Bettoncourt, à Mirecourt. Catherine Balandre, de Hardémont. Jeanne Gérardin, de Pange. Catherine Buffe, id. Dominique Eurée, de Charmes. François Mazilien, de Pange. Jacobée Veher, de Duzey. 1585. Lucie, femme de François Floriotte, de Laye, à Foug. Jeanne, veuve de Jean Fourey ou Pourrey, de Remiremont. Ugnette dite Dugatte, femme de Nicolas Bichard, id. Isabelle, veuve de Bastien Hauix, de Mangonville. Antoine Colin, id. Mathie, femme de Nicolas Huchier, de Remiremont. Collette, femme de Delot Aubry, id. Ugnette, femme de Nicolas Clément, de Vergoute, ban d'Azol. Nicolas Bouverois dit Sayon, de Longuet. Collette, fenune de Jean-Jacquot Michiel, de Seux. Nicole Pécheur, de Gerbéviller. Jean Pécheur, id. Collette, sa femme, id. Dominique Pétronne, de Gironcourt. Beatrix de Banne, de Gerbéviller. Jeanne de Banne, de Mandres. Marguerite Varin, de Roucey. Nicolle Ganat, de Mandres (Vosges.) Eve Hesolet, de Saint-Evre-les-Toul. Cunin Cugnot, d'Ochey. Jacobée Cavalier, de Sexey. Mengeot Bochet, écorcheur à Toul. 1586. Jeanne Gallée, de Saint-Dié. Sennel Laboureur, de Dieuze. Catherine de Metz, id. Benoite Drigée, d'Haraucourt. Alexis Drigée, id. Femme de Dominique Pétronin, de Pange. Nicole Morel, de Serre. Sibille Morel, id. Catherine Haffner, de Vergaville. Erric Hennezel, id. Salomé Hennezel, id. Adèle, femme Clément, id, La dame Claude Morel, de Serre. Jean Tourneur, de Houécourt. Etienne Noach, de Châtenois. N. Hennezelin, de Vergaville. François Fellée, id. Mathieu-Araand Rosière, de Houécourt. Sibille Chapellier, de Vergaville. Marguerite Dolière, id. Sinchen May, de Speirchern, à Amance. La femme de Georges-Diez Miatte, id. Françoise Miatte, sa fille, id. Le Peu Bonnat, à Amance. Claude Le Prêtre, id. Nicole, femme de Demenge Peltreman, de Remiremont. Catherine, femme du maire Jean-Claude André, id. Jeannon, femme du maire Jean Vosgien, id. 1587. Marguerite Luodman, de Vergaville. Gaspard Haffner, de Morhange. Marguerite Jénin, de Vergaville. Balial Bazole, de Dombasle-les-Saint-Nicolas. Quirine Xallée, de Blainville. Anne Xallée, id. Barbe Gilet, de Houécourt. Catherine Latome, de Haraucourt. Odile Boncourt, id. Sennel Laboureur, de Dieuze. Jean Denys, d'Amance. Marguerite Janin, de Morhange. Nicole Etienne, de Dommartin. Dominique Fallue, de Ruppes. La femme Jacobée Chevalier, de Sexey. Pierron Chevalier, son fils, id. La femme Alexis Belheure, de Blainville-aux-Eaux. Marguerite Luodman, de Vergaville. Quirine Cualle, de Blainville-aux-Eaux. Barbeline Rayel, id. La femme Evre Hosselot, de Saint-Évre-les-Toul. Bertrande Tonstrix, de Forbach. Eller, femme Doyen, d'Ottingen, id. La femme Alexis Grandjean, de Blainville-aux-Eaux. Brice Merg, de Forbach. 1588. Blaisotte, veuve de Claude Richard dit Bourguignon, de TouL Didière Fossière, veuve de Fiacre Seilet, id. Jeanne, femme de Jean Guérin, de Pannes. Isabelle Colson ou Collesson, de Beney. Simon dit le Malfait (29), à Metz. Jeanne Gérardin, de Velle-sur-Moselle. Odile Gaillard, d'Épinal. Jacob Agathe, de Leyr. Jeanne Lenoir Armacourt, de Leyr. Sébastienne Maxence, id. Marthe Mathelotte de Brinde, d'Épinal. Isabelle Pardieu, id. Isabelle Barde, id. Jacqueline Xalvète, de Bouxières-aux-Chênes. Barbe Marchal, veuve de J. Jacquemin, de Crion, prévôté d'Einville. Didier Gandon, de Saulxures. Françoise Elvite, de Millery. Albert Maugendre, d'Ugny. Jeanne Ulderic, de Lanfroicourt. Marthe Mergelat, de Brin. Claudette Simonnet, du Châtelet. Jean Maulry, de Sexey-aux-Bois. Didatte Miremont de Prény. Françoise Perrin, de Bayon. Anlhoine Denys, de Foug. 1589. Lucie la Tisserande, de Nancy. Didière de Paris, d'Étival. Biaise Bainville, de Valfroicourt. Apollonie, de Fresse. Marie Albert, id. Catherine Prévost, id. Barbeline Gaxet, de Saiiit-Dié. Cathelonne Vincent, de Fresse. Antoine Welch, de Guermange. 1590. Kelversotille, de Fresse. La femme Alexis Bernhârd, de Guermange. Anne Richemont, de Pultelange. Jeanne Michel, d'Étival. Marie, femme de Jean Sarteur, de Hombourg. Femme Claude Bogart, de Brin. Jean de Ville, de Lorquin. Agathine, femme de François Sarteur, de Puttelange. Agnès Thiébaut, id. Hugnette, veuve d'Ame Toussaint, de Remireront. Collatte, femme de Jean Grandjean, id. Eysartz Anguel, de Dieuze. Marie Bouch, femme de Peth Bouch, de Obanges, à Longwy. Marguerite Bouch, id. id. 1591 Jean Bulney, d'Amance. N., sa femme, id. Barbé, la Grosse-Gorge, de Jarville. Mongin Lours, de Domjevin. Simon Chapelier, de Sarrebourg. A. Nicolas, sa femme, id. Barbelie, femme de Jean Latome, de Dieuze. Mayette Laurent, id. Jean Michel, id. Denise Muget, d'Essey-les-Nancy. Etiennette Mercier, d'Imeling. Laurent Arselin, de Serres. Jean Boursier, de Dombrot. Decker Maygeth, de Morhange. Cathin Gilot, de Houécourt. La femme de Didier Taillevi, de Valdevrange. La femme de Schiff Clesgien, id, La femme de Didier Schneider, id. Chrétienne, femme de Jean Diez, de Domjevin. Jeannon, femme de Gérardin Friot, id. Dedière, veuve Démange Pourlot, de Blâmont. Ursule, veuve de Hanus Champs, d'Assenoncourt. 1592. Alison, femme de Henri Masson, d'Autrepierre. La Parisotte, id. Claudon Tasselin, veuve de J. Parmentier, de Champigneulles. Méline, veuve de Jean Aubert, de Villotte. Jeanne Aubert, femme de Claudon Mondart, id. Claudette, femme de Michel Demenge Anthoine, dit Haute-Robe, de Saint-Dié. Catherine Badestubers, de Valdevrange. Barbe Boulanger, id. Catherine Couturier, id. Clara Schiff, id. La Marchande du Mareschal, id. Ursel, veuve d'Osier Miller, d'Altroff. 1593. Nicolas Fontaine, pâtre à Einville. Simon Serrurier, de Valdevrange. Jean Bader, id. Jacob Sturb, de Roden. N., sa femme, id. Marguerite, veuve de Thiébaut, de Belleau. Nicolas Noël, dit le Bragard, de Petincourt-les-Montignon. Humberte, veuve de Jean Guyot, de Chàtillon-sur-Saône. Annon Guyot, sa fille, id. Anne Fressard, veuve de Pierre Pierrot, id. Nicolos Alnot, id. François Gollet, maçon, id. Demoiselle Barbe Drouot, de Châtillon-sur-Saône, La veuve de Sulpice Olivier, id. Didière Vizères, veuve de François Rahourg, de Boussermont. Michel Voigner, id. Julienne, sa femme, id. Julienne, sa fille, id. Simonne, veuve de François Philippe, id. Idatte, femme de Dieudonné Charpentier, de Loudrefing. Bleisatte, veuve de Jean Bouvard, à Dieuze. La veuve Royne, M. La veuve Didiatte, id. 1594. Isabeau, femme de Didier de la Garde, de Gondreville. Chrétienne Pitou, de Faulx-Saint-Étienne. Claudon Piernot, dite de la Maisonnette, de Condé. Didière, meunière à Aultrepierre. Engel, femme de Waltz Clasen, de Weytten. Jacquotte, femme de Demongeon Romàry Petitcolin, de Beuch. Marie Gallot, de Marzeville. Marguerite de Lay, id. Catherine Gros Jean, id. Vaultrin Thiébault, id. Nicole, id. Claude Thiryet. id. Clémence la Godarde, de Sincéry-le-Petit. N., fille de la Gentille Femme, id. Anne Lagelée, d'Estalle, à Longuyon. Jeanne Lagelée, id. Jean le Warcolier, id. Henri-Pierre Gérard, id. Anne, femme de Thiéri Brusquin, id. Colas Altanus, de Sierck. Matuis le Noir, id. Mariotte Dédier, veuve de Mansuy Boiveron, de Toul. Catherine, veuve de Fix Florentin, id. Barbe Thiébaut, dite la Chanvure, veuve de J. Goujet, id. Catherine, veuve d'Adam Terrillon, de Bisping. Zenelle, veuve de Vis Peter, id. Annon, veuve de Didier Bloustein, de Bassing. Catherine, veuve de Jean Lhollier, de Domnom. Zenelle, veuve d' André, de Guinzelin. Zabillon Parmentier, de Merci-le-Haut. Agnès Gérard, id. 1595. Georgine, femme de Didier Moitrier, de Mazerulles. Hannis Claudel, de Battigny. Claudin Nicodemus, id. Nicole Nicodemus, id. Marie Marcaire, id. Jeannette, veuve de Jean le Gantois, de Noyers-en-Barrois. ClaudonIb Crottée,veuve de Mengin Collotte, de Pagny-ss-Prény. Gérarde, femme de Claudin Burthemin, de Vendières. 1596. Isabelle, femme de Jean le Menuisier, de Fermont, à Longuyon. Jeanne la Troquelette, de Revemont, id. Fanchon Larchier, de Mont, ban de Viviers, id. Isabelle, veuve de Damien Bezard, à La Marche. Catherine Joliet, de Champigneulles. François Perrin, dit le Diable, de Sexey-aux-Bois. Hannix Martin, id. Didier Jaspard, de Sexey-aux-Forges. La femme de Thiéry Mathieu, de Marsal. 1597. Anne Weillard, veuve de Jérémie-Jean Pion, à Epinal. Victorine Wiriot ou Woiriat, id.(30) Jeanne Pâté ou Pettelée, veuve de Claudin Simonin, de Lupcourt. Barbe, veuve de J. Pellegret, de Laxou. Sibille, veuve de Claude Vannier, de Mangonville. Claudon, veuve de Pierre Mathis, de Bouxières. Catherine, sa fille, femme de Démange la Caine, de Bouxières. Barbe Philippot, d'Élain. 1598. Jacotte, femme de Nicolas-François Raon, de Xennevois. Claudon Parisot, de Lupcourt. Mengeotte, la vieille Mailleresse, de Sirpurg. Barbe, femme de Nicolas Thomas, à Foug. Romaine, veuve de Jean M ichelet, id. Annon, femme de Vincent Dynel, de Liffol-le-Grand. Adrianne N., id. Quenise Tourot, id. Jean Poiresson, id. N., maire de Saint-Jure. A., sa femme, id. Grandmichel, id. Claudon Souchatte, d'Ochey. 1599. Zabillon Aulbertin, de la Neuveville-les-Nancy. Zabillon Parm entier, id. Barbe, femme de Claudin Aubry, de Vaudémont. Pasquette, de Neuville, à Souilly. Jeanne la Goujaulde, de Regnaulcourt, id. Colas Hardier, de Mulcey. Odile Schremp, d'Assenoncourt. 1600. Didon, femme de Pierre Fourier, d'Aubouwey, à Briey. Didiolte Servais, id. id. Urbain Pierron, de Briey. François Noël, id. Jeanne Maguin, id. 1601. Barthel Nicles, de Phalsbourg. Claudon, veuve de Colardat Vynel, delà Croix, ban d'Ajol. Thomas Hardier, de Guinzeling. 1602. Didier Matevillotte, dit le bon Didier, de Remoncourt. Hellouy la Raisotte, de Marsal. Barbillon la Morbille, id. Catherine, veuve de Gérard Cordier, de Donnelay. Barthelemin Jacques, id. Barbe, femme du Gros Remy, de Juvelise. Didière Cavot, femme de N. Herbaumont, de Phalsbourg. Jean Herbaumont, son fils (dénoncé par elle), id, Clémence, dite la Boulangère, de Dhanne. Jeanne, d'Attigny en Vosges. Mengeotte Husson, id. Suzanne Sansonnet, id. N. Mansui, pâtre à Gondreville. Mengeotte Destienne la Blanche, de Thuilley-aux-Groseilles. Jeanne, veuve d' Antoine le Violeur, id. Isabeau, femme de Villaume Willaume, id. Madeleine Chaudeteste, veuve de Claudin Humbert, de Toul. Mangeon Lemoine, dite Brocière, veuve de Ant. Remy, id. Isabillon, dite la Moinotte, id. Claudon, dite la Fabrique, veuve de J. Violier, id. 1603. Catherine, femme de Sombelhans, de Phalsbourg. Nicolas Tisserand, mercier à Blondefonlaine. François Michon, de Boulligny. Cathin Cardouche, id. La femme Crofillotte, de Norroy-le-Sec. Demenge, femme de Henri de Pienne, de Boulligny. Mangeotte Gonthier, id. Démange Monier, de Condé. Alizon, femme de Nicolas Chambrey, de Marsal. Claudon, femme de Nicolas Gayotte, id. Jeannette Toussaint, de Leintrey. Sibille, femme de Jean Pierson, id. Marie Grande-Marie, id. Marguerite la Jobarde, id. Mathieu Margueron, id. La fille Colas La Veuve, id. Pierron Petit-Pierson, id. Jeannon Petit-Pierson, sa soeur, id. Clémence Marchal, de Domjevin. 1604. Antoinette, femme de Claudon Gennetaire, de Pont-à-Mousson. Marguerite, femme de Jean Musnier, de Saint-Quirin. Clare, femme du grand Tixerant, id. Jean Toussaint, id. Jeanne, sa femme, id. Barbeline, femme de Toussaint-Henri Toussaint, id. Claudon, femme de Girard Pitoulx, de Faulx-Saint-Étienne, à Condé. Marguerite Gascard, de Marsal. Catherine La Noire, femme Georgin, id. Marguerite François, de Reillon. Nicolas Raimbault, id. Chrétienne Barret, de Domjevin. Barbeline Gondat, id. Dieudonnée, veuve de Nic. Collatte, de Domèvre (sur Vezouse). Adeline Unguet, id. Jeanne, femme de Jean Simonnette, de Domjevin. Jenin Margueron. id. Bernarde, femme de Démange Bailli, de la Neuve ville-les-Raon. Barbeline, femme de Didier Antoine, d'Entre-deux-Eaux, à St.-Dié. Jean Folmar, de Forbach. Augustin Schneider, de Houtzerot. Nicolas Robert, de Jainvillolte, à La Mothe. 1605. Claudotte, femme de Nicolas Chollet, de Repaix. Calhin Maron, de Fresnoy. Colatte, femme de Didier Henry, de Fouchifol, à Saint-Dié. Jean Cailleré, de Saint-Dié. Mengeotte, femme de Bastien Grosjean, id. Barbeline, femme de Claudon-Didier Noël, id. 1606. Colas Didier, maire d'Aveline. Perrin de Cirefontaine, dit Fausse-Langue, de Conflans en Bassigny. Babon, femme de François Gillet, de Marsal. Sibille, femme de Jean Vacquaire, pâtre à Einville. 1607. Jeannotte, femme de François Vannier, de Sexey-aux-Forges. Nicole, femme de Humbert Bernard, de Conflans en Bassigny. Jean Lheral, de Lesseux, à Lausse. Claudatte, veuve de J. Venay, de Lubine. Nicolas Marchal, dit Guyot, d'Ische. Claude Marchal, dit Clauderel, à La Marche. Demenge Geugnon, dit Caïn, id. Agnès Vernon, id. 1608. Isabeau Girard, femme de Jean Masson, de Benney. Aulbry Vaultrin, de Mangonville. Barbe, veuve de Mengin Remicourt, id. Françoise, veuve de J. Colin, de Vaudémont. Barbon, femme de Michel Marchal, id. Nicolas Gérard, dit Colot, de Bastigny. Catherine, femme de Colas Roussel, de Juvelise. Claudon Hardier, de Hesse. Etienne, femme de Georges Colombain, de Lestraye. Bastien le Chamoy, de Pont-à-Mousson. Mayette, femme de Didier Grand, de Virming. Sennelle, femme de Scheider Hanus, d'Insming. Etienne Chauffel, pâtre à Neuting. Alison, femme de Martin le Prêtre, dite Mengenot, à Neuting. Marguerite, veuve de Claude Lorrain, de La Mothe. Élophe, veuve Germain Simon, de Jainvillotte. Claude, veuve de J. Croslot, id. Jeannette, veuve de Nicolas de May, de Saint-Ouën. La veuve de Nicolas Begel, de La Mothe. Françoise, femme de Claude Guyot, de Chaumont-la-Ville. Gillon Cavillon, femme de Nicolas Lemoine, de Parey. Nicole, veuve Antoine Aubert, de Liffol-le-Grand. Jean Guillaume, de Nizon. Thomas Gaudel, de La Marche. Femme Claudon Oudenot, de Aingeray. Nicolas Gengoulphe, pâtre, id. Marguerite, veuve de Jean Digand, de Raon. Claudette, femme de Bastien Delat, de Saint-Dié. Humbert-Guenin d'Ozivelle, de Jouvelle, à La Marche. (Accusé par ses soeurs.) Christienne Fernay, de Domjevin. Hellenix-Didier Roy, de Blâmont. Jean de Barbas, de Harboué. Jeannon-Jean Zabel, de Leintrey. Barbeline, femme de Jean Gondot, de Domjevin. Simon, de Bruménil. Demenge Feney. La femme du maire Toussaint, de la Neuveville-les-Raon. 1609. Marguerite, femme de François Bager, de Montenoy. Catherine, femme de Bastien Sobel, de Dieuze. Sibille, femme d'Étienne, pêcheur, à la Neuveville-les-Raon. Jean-Pierre Selliat, id. Jeannon, sa femme, id. Catherine, dite la Sayette, de Tarquinpol. Grégoire Mathis, de Saint-Dié. Catherine, femme de Demenge Villaume, de la Vacherie, à St.-Dié. Marguerite, femme de Mengeon Moulac, id, Jeannon, femme de Jean Petit, de Raon. Marie, femme de Gabriel Ozelle, id. Plaisance, veuve de Claudon Toublanc, id. Didier Grand-Claudon, id. 1610. Isabelle Hussenot, à Vézelise. Barbe Didelot, dite la Joliotte, de Houéville. Nicolas Hannezo, de Thorey. Franciatte, femme de Nicolas Charier, de la Neuveville. Georgeate, femme Demange-Jean Chopat, id. Claudon, femme de J. Barré, mayeur de la Cour-en-Haye, à Jezainville. Cathin Wannesson, dite l'Hermitesse, veuve de Claude Grosdidier, de Toul. Barbe Clément, femme de P. Bourguignon, id. Claudon Laurent, femme de P. André, id. Barbillon, femme de Claudon Gérard, de Balhelémont. 1611. Alise, femme de Philippe Boullengier, de Rempilez, à Bitche. Barbe Marchal, veuve de Jean Jacquemin, de Crion. Catherine, femme de Didier Bartremey, du ban de Saint-Dié. Claudate du Joué, de Habarux, id. Michel Bartremey, id. Cuny Contal, d'Azelot. Claudon, sa femme, id. Isabon, femme de Jean Gérard, id. Claudon-Mengion Grivel, de Clémerey. Claudatte, femme de Georges Mengin, de la Bollé. Agathe, femme de Claude Urbain, de Scachemont, Jean Gérardin, de la Bouirelle, à Saint-Dié, Bastien Stablo, de la Bollé. Clément Chenevière, id. Claudatte du Joué, de Habarux. Jeannon, veuve de Colas Idoux, de Nompatelize, La femme de Bertrand de Laval, id. Nicolas Poirson, de Vivier. Catherine, femme de Didier Batremey, du ban de Saint-Dié. Michel, son frère, de Taintrux. Jean Sagaire, de Nompatelize. Mougeotte, veuve de Jean Laurent, de Brehimont. Annel, femme de Démange Bouratte, de l'Hôte-du-Bois. Claudon-Jean Perrin, de Brehimont. Jean Marchal, ermite à Boulain. Jeannon, femme de Claudon Gérard, de Saint-Remy. Marguitte, femme de Gérardin Haxo, de Deyfosse. Jean-Quirin Haxo, de la Fosse. Laurent, femme de Vincent Vaudeça, de Pusaille. 1612. Fleuratte, femme de Pierre Cellerier, de Baudonviller. Marcelle, femme de Humbert Bourguignon, d'Art-sur-Meurthe. Jeanne Hannequin, de Nancy. Claudin Gouttier, vigneron à Toul. Suzanne, femme de Grandjean, id. Colatte, veuve de Cézar Lorrette, de Laître. Jacotte, femme de Nicolas Tixerant, d'Amance. Mariette, veuve de Claude Malfourby, id. Claudatte, femme de J. George, d'Apremont, près Spitzemberg. Claudatte, femme de Jean Camus, id. à Saint-Dié. Jeannon, femme de Demenge Viole, id. id. Demenge Viole, son mari, id. id.. Bastien Viney, du ban de Saint-Dié. Catherine, femme de Didier Bertremy. Marguerite, femme de Nicolas Jandel, de Saint-Remy. Jeannon, femme de Dieudonné Laurent, de Moyenmoutier. Claudon Dieudonné, de Dompaire. Élienne-Claude Colin, id. Marguerite, veuve de Jean Claudel, de Dompaire. Hidoulf Feburel, id. 1613. Rabou le Renard, d'Etain. Barbe, sa fille, id. La veuve de Toussaint Crignard, id. Barbe, femme de Gérard François, id. Bastienne, femme de Jeanroy, de Sainte-Marie. Jeannotte, femme de Gabriel Vaultrin, de Dombasle. Louise, femme de Claudin, de Pont-à-Mousson. Jeanne, femme Demenge Lemercier, d'Autrepierre. Jean Godot le jeune, de Domjevin. Didière, dite la Noire, de La Marche. Jean Lebrun, d'Oreilmaison. Jeanne Faublan, femme de Nicolas-Jean de Vic, de Toul. Anne Sacquin, femme de Thomas Vauldel, de La Marche. Claudon, femme de Poirson Marchal, de Sexey-aux-Forges. Jean Paxeney, id. Alix, veuve de Démange Maron, de Raon, à Saint-Dié. Jeannon, femme de Jean Colin, id. id. Vincent Maimbourg, de Luffe, id. Martinatte, veuve de Démange Parmentier, de Moriviller. Bietrix Parmentier, sa fille. Barbeline, femme de Rémi Colin, de Saint-Dié. Jeannon, femme de Claudon Howot, de Moyemont. Claude Vouillon, de Lubine. Marie, femme de Claudon, du Hand. Jeannon Renard, de Robach. Marguerite, femme de Jean Bailly, d'Apremont. Jeanne Schremp, femme de Guillaume, d'Assenoncourt. Alix, veuve de Demenge Maronde, id. 1614. Chrétienne, femme de Christophe Rouyer, de Thuilley-aux-Groseilles Hillelwy, femme de Jean Démange, de Pont-à-Mousson, Nicolas MoNGENOT, de Favières, près Pont-à-Mousson. Isabelle, sa femme, ici. Ydotte Collotte, veuve de François Patiot, id. Jean Calleré, de Pataille, ban d'Etival. Claudatte, femme de Jean Dabo, de Grattain. Mengeatte, femme de Jean Frampart, de Saint-Dié. Jeannon, femme de Claudon Veltin, de la Chapelle. Claudon Marchal, d'Etival. Dieudonné-Jean Thirion, id. Jeannon, veuve de Thomas-Diez Thomas, de Mazelay. Mengeatte, femme de Vincent Xueillo, du ban d'Etival. Fleuratte, femme de Jean Champoux, id. Jean Claude, de la Burgunce, id. 1615. Catherine Dieudonné, de Salonne. Marguerite Charton, d'Arrancy. Barbe Charton, id, Marguerite Perrin, id. Cathin Rabot, de Sexey-aux-Forges. Babin Rabot, sa fille, id. Mongette, femme de Nicolas Denys, de Barbonville. Méline, veuve de Nicolas Gérard, d'Aingeray. Claudon Pierron, de Longchamp. Georgeatte, femme de Didier Maillet, de la Neuveville-les-Raon. Annon, femme de Jean Clauderat, de Raon. Fleuratte, femme de Bastien Desboeufs, de la Neuveville-les-Raon. Jean Julliat, id. Mengeotte, veuve de Pierson Aubry, de Marsal. Claude Aubry, id. Madelaine, veuve de Jean Masson, id. Alizon Canot, veuve de Hausmand, id. Claudatte, veuve de César Masson, id. Mengeotte, veuve de Didier Humbert, id. Claldon de la Tour, de Marsal. Marguerite, dite la Haboff, veuve de Jean Perrin, id. Jeannon, dite la Milonneresse, veuve de Jean Jacquet, id. 1616. Marguerite Martinot, d'Étain. Marguerite Lepeintre, id. Julianne Thibault, id. Nicolas Jean de Vic, de Toul. Clémence, femme de Jean Maronde, de Raon. Françoise, veuve de Lucas Toussaint, id. Alizon, femme de Démange Remy, id. Jean Poiresson, meunier, id. Baron, femme de Colas Coupechausse, id. Toussaine, femme de Didier Dauphin, de la Neuveville-les-Raon. Claudin-Antoine Marchal, de Goviller. Édeline, femme de Jean Thorey, de Houdreville. Collatte, veuve de feu César Lorrette, de Laître. Jacquotte, femme de Nicolas Tixerant, d'Amance. Mariette, veuve de Claude Malfourny, id. Jeannon, veuve de Jean Julliat, de la Neuveville-les-Raon. Baron, femme de Jean Girardin, le vieux, id. Marguerite, femme de Jean Moiron, id. Marguitte, femme de Georges Gérardin, id. Françoise, veuve de Lucas Toussaint, de Raon. Clémence, femme de Jean Marendot, id. Alizon, femme Demenge Remy, id. Périn Hariat, id. Jean Poirson, meunier, id. Toussaine, femme de Didier Daulfin, de la Neuveville. Didier Mallei, id. Mathis Clément, de Saint-Dié. Jeannon, femme de Claudon Émestan, de la Vacherie. Jacquotte, femme d'A. Marchal, de l'Hôte-du-Bois, ban d'Étival. Catherine, femme de Benoît Mathieu, de la Grande-Fosse. Jeannon, femme de Claude Mengin, de Fouchifol. 1617. Françoise, veuve de Claudon de la Tour, à Marsal. Dion, veuve de Jean Remy, de Raon. Claudon Henri, de Chaligny. Bietry, femme de Didelon Lhuillier, de Gripport. Nicolas George, id. Mongeatte, femme de Claude Hocquart, de Bussang. Catherine, sa soeur, id. Cathin, fille de Mengin Rabot, de Sexey-aux-Forges. Rabin Rabot, sa fille, id, Méline, veuve de Nicolas Gérard, d'Aingeray. 1618. Jeannon Petitdidier, de Mirecourt. Pierre Rousselot, de Rose. Pierrot Charbonnier, de Dolcourt. Catherine Vraune, de Condé. Ydatte Michault, id. Jean Toussaint, de Faulx-Saint-Élienne. François Cordier, à Condé. Catherine Saulnier, id. Jacques Regeot, id. Toussaint Sauvage, id. Catherine Houyn, id. Didier Blandidier, id. Nicolas Brocard, de Destord. Jean-Georges Anole, de Lusse. Jeannon, veuve de Démange Rone, de Germaingoutte Alizon, femme de Jacquot Berger, id. Catherine, femme Claude Bertremin, de Visembach. Alexis Hannezo (n'ayant qu'une jambe et soixante-dix ans), id. Dieudonné, femme de Toussaint Jally, de Mazelay. Claudon Massa, femme de Claudin Thiéry, de Toul. 1619. Nicolas Chrétien, d'Azerailles, près Lunéville. Brabillon, femme de Didier Régnier, de Condé. Claudotte, femme de Nicolas du Val, du Mesnil-les-Girccourt. Élizabetii, femme de Jacques Jeandat, de Remiremont. Jean Colin, de Raon. Antoinette, femme de Didier Chaudron, id. Didière, veuve de Nicolas Falley, id. Jeannon, femme Demenge le Maire, id. Mansuette de Bouveron, femme de Martin Sixdeniers, de Toul. Simonotte Garaudel, veuve de Jean Tacquel, id. Gérard Drian, dit Forin, id. Jeanne, femme de Thomas Nicolas, paire, id. Isabelle, veuve de Gérard Houillon, id. André Andréa, id. Pierrotte Clynard, id. 1620. Guillemette, de Nitting, à Marsal. Jeanne Remion, d'Étain. Marguerite, femme César Charpentier, deSaint-Dié. Claudatte, veuve de Nicolas Guney, de la Burgunce. Jeanne, veuve de Didier Colin, de Maxainville. Catherine, veuve de Christophe Bauer, de Walderfange. Christeman Lislin, de Worblingen, à Phalsbourg. Catherine, femme d'Antoine Anthoine, de Henoydorff. Élizabeth, femme de Corneil Gallois, de Phalsbourg. Didière, femme du moitrier de Raimont. Didier, son mari, id. 1621. Jeanne, veuve de Didier Colin, de Nancy. Zabel, femme de Laurent Barilot, id. Marguerite, id. Mansui Poirot, dit Du Mesnil, de Gondreville. Isabeau Barillet, femme de Watrin, le teinturier, de Margéville. Jeanne, veuve de Claudon Bergier, du Viller, à Saint-Dié. Alizon, femme Demenge Potier, de Raon. Jeanne, veuve de Pierre Sylvestre, de Marsal. Mengeon, femme de Nicolas Marie, id. Bietrix Marel, de Toul. Claudon Richard, femme Démange de Bar, id. Jeanne de Bar, sa fille, id. Nicole Bourguignon, femme de Didier Raison, tisserand, id. Aux, veuve de Amand Huttin, id. Laurent Thouvenot, id. Glaudin Duhault, id. Roi Gérardin, de Hénaménil. Epvatte, fille de J. Willermin, de Deuxville. 1622. Claudin Pierrot, dit Couadel, de Clerey. Jeannotte, sa femme, id. à Vézelise. Barbe, veuve de Gille Martin, de Vézelise. Anne Marie, de Nancy. A., veuve de Pierre Lépicier, id. La fille Hester, id. La femme de Thouvenin Chrétien, d'Eulmont. Jeanne, veuve de Demenge Voirin, de Praye. Yolande, femme de Jean Denis, d'Eulmont. Françoise Ferry, veuve de Anthoine Henry, chapelier, à Toul. Ancel, femme de Thenon, gendarme, id. Claude Hilaire, porcher, id. 1623. Barbe, femme de Jean Grégoire, de Blénod-les-Pont-à-Mousson. Marguerite, femme de Nicolas Rose, de Juvelise. Claudon Thieriot, id. Chrétienne, femme de Maxel Guenard, id. Claudotte, veuve de Jean Noël, de Mattaincourt. Martine, femme de Claudon Aulbry, id. Françoise, sa soeur, id. 1624. Marguerite, femme de J. Gugnon, d'Avrainville. Colas Danoze, de Mazelay. Françoise Lucie, de Raon. Colatte, femme de Claude Camus, d'ayemont. Jeanne Poincin, d'Étain. Marguerite de Wa, dite Lapille, id. Chrétienne Parmentier, de Lestray. Georgine, femme de Mengin Jannel, d'Eulmont, à Vézelise. La femme de François Peltier, de Faviéres, id. La femme de Jean Morot, id. id. Annon Bourguignon, femme de Didier Gallay, de Belhoncourt. Jacquot, petit Jacquot, id. Marguerite Poirson, veuve de Liéger Remy, d'Ambacourt. 1625. Jean Gros, dit des Blés, de Rocourt. Cumine, de Sexey-aux-Forges. Lucie Bonaventure, de Senoncourt. 1626. Margo, femme de Jean George, de Parey-sous-Montfort. Jeannon, veuve de Florentin Bonnier, id. Gremillon, Bourguignon, arrêté au Tillot, à Arches. Démange Vinot, d'Allain-aux-Boeufs. Barbe Gomin, de Marsal. Jeannon Regnauld, de Chàtel-Salins. 1627. Simonne Jeannel, femme de Mathis Sterbel, pâtre à la Grande Fosse. Michel Larnotte, à Longuyon. Cathin, femme de Jean Molette, du ban de Viviers. 1628. Paquotte, veuve de Dieudonné Bernel, de Champigneulles. Augustin Weber, de Berfingen, à Phalsbourg. Mengeotte, veuve de Jean Perin, de Gondreville. Marguerite, femme de Didier Perifer, de Moriviller. Anthoinette Denizot, de Cirefontaine. Anne Mahay, de Conflans en Bassigny. Barbe Gonne, de Marsal. Françoise Thirion, de Lachaussée. 1629. Isabeau, femme de Nicolas Regnard, charpentier, à Pulligny. Adeline, femme de François Thirion, de Lachaussée. Mengeatte, femme de J. Bocquel, de la Neuveville, à Saint-Dié. Claude Lemaire, dit Peturlin, de Raon. Catherine, femme de Thiébaut Doyen, de Saint-Dié. Claude Calignel, de Moriviller. Jean Simonin, dit Pelsan, id. Nicolas-Demenge Perrijv, de Bertrimont. Humbert Henriat, de Blainville. Barbon, femme de Lucas-Jean Pelter, de Raon. Didière, femme Demenge Gros-Demenge, id. Claudotte, femme de David Durant, id. Mengeatte, femme de Claudon Etienne, id. Jeanne, femme de Pierre Colin, id. Marguerite, veuve de Démange Voinot, id. Mangeotte, veuve de Jean Perin, de Gondreville. 1630. Mengeotte, veuve de Jean Retly, de Pont-sur-Madon. Didier Parpignan, de Mattaincourt. Anne Vosgien, id. Pierrot Peltier, de Hymont. Claudon Peltier, son fils, id. Bastien Peltier, son neveu, id. Claude Peltier, id. id. Mengeotte Peltier, sa nièce, id. Didier François, de Mattaincourt. Mongeotte, femme de Claudon François, id. Marie, femme de Jean Boudin, id. Jean Noël, id. Nicole Noël, sa fille, id. Annon, femme de Didier Gaulay, de Belhomont. Claudette Perpignan, femme de Nicolas Ambroise, de Mattaincourt. Marie, femme de Miller Ham, pâtre à Hilsprick. 1631. Jean Vuillaume, de Vomécourt. Gergonne Dupont, de Lachaussée. 1632. Françoise, veuve de Didier Menel, de Laneuveville-les-St.-Nicolas. 1633. Didier Drapier, de Mirecourt. Thomasse, sa femme, id. Barbeline, femme de Nicolas Cherier, de Laneuveville. 1634. Jean Mengin, dit Bigarel, de Goviller, Pauline, veuve de Didier Bonjour, de Pont-à-Mousson. Barbe, femme de Pierron Henneman, de Raon. 1636. La femme de Claude Gérardin, de La Marche. 1640. Elisabeth, veuve de Humbert Torron, de Nomeny. 1642. Catherine Berso, id. 1645. Barbe Masson, de Nancy. 1653. Germaine Ballandier, au Val-d'Ajol. Vincent Perry, de Faimont, id. Mougeatte Alexandre, femme de N. Petitjean, du Hariot, id. Deslion Petitjean, leur fille, id. id. 1654. Claudette Vinel, id. 1661. Jeannon Marame, femme de Jean La Ronze, dit Paray, de St.-Dié. HÉRÉSIE, APOSTASIE, SCHISME. Deux religions dissidentes étaient principalement redoutées en Lorraine : c'étaient le judaïsme et le luthéranisme ; le reste s'effaçait sous ces deux nuances tranchées. JUIFS. Les malheurs de cette nation, qu'il faudrait des volumes pour retracer, ne peuvent trouver place ici ; repoussés de toutes parts, les juifs n'avaient pas meilleur accueil en Lorraine, où ils avaient à subir les préjugés du peuple et la sévérité de la loi. Là comme ailleurs, à cette époque, ils furent en butte à des persécutions et des convoitises qui n'eurent d'égale que la grandeur de leur résignation. Il faut concéder que parmi eux il y eut des bassesses ; mais quel peuple en est exempt, surtout quand il est malheureux et traité en paria. On peut juger de leur sort misérable par la sévérité que déploya en Provence le bon roi René, notre ancien duc, contre l'un d'eux, coupable de blasphème envers la Vierge (31) : N'ayant pu réussir à le convertir, il le fit condamner à être écorché vif. Ses coreligionnaires, pour le racheter de cet affreux supplice, se cotisèrent et offrirent 20,000 florins. Le roi, qui avait besoin d'argent, résista, malgré les remontrances de ses conseillers, payés aussi pour le solliciter; après avoir protesté contre le déshonneur qui serait fait à sa maison par cette faiblesse, il ajouta à la sentence que les juifs tentateurs écorcheraient eux-mêmes le blasphémateur. Ceux-ci, épouvantés, offrirent de nouveau la somme, non plus pour sauver leur frère, mais pour se racheter de lui servir de bourreaux. René ne vit plus alors de déshonneur à recevoir leur argent, et le condamné périt, exécuté, dit-on, par quelques gentilshommes masqués, qui, dans leur zèle pour l'honneur de la Vierge, l'écorchèrent sans pitié. La ville de Metz, la Lorraine allemande et leurs environs furent les points du pays où les juifs reçurent quelque peu d'hospitalité ; tantôt expulsés, tantôt tolérés, ils y atteignirent à grand'peine l'époque où la France pénétra dans ces provinces et y apporta quelques habitudes de sa civilisalion, sinon plus tolérante, du moins plus prévoyante et plus intéressée dans ses vues. Nous ne les suivrons pas dans ces diverses positions, les faits judiciaires étant les seuls qui doivent nous occuper. Il est un de ceux-ci qui ne peut être passé sous silence, tous les auteurs en ayant fait l'objet de leurs commentaires, les uns s'en étant servis pour attaquer l'infaillibilité de la justice, les autres pour calomnier les juifs. C'était en 1669, époque à laquelle un peuple ignorant et jaloux acceptait la croyance ancienne que, sans autre mobile qu'un fanatisme atroce, les juifs se plaisaient à massacrer les enfants chrétiens, pour brûler leur coeur en prononçant des blasphèmes agréables à leur Dieu. La rumeur publique, secrètement excitée par quelque intérêt politique, ou peut-être mieux par quelque basse rivalité commerciale, s'avisa d'imputer à un pareil crime la disparition d'un enfant, dont peut-être les parents seuls étaient coupables, au moins de négligence. Sur la plainte de ceux-ci, une information fut faite, et Raphaël Lévi, juif de Boulay, se trouvant avoir passé par là, se vit tout à coup accusé et écrasé par des dépositions que des circonstances fortuites et presque vraisemblables rendaient accablantes. Il serait plus que téméraire d'apprécier les preuves invoquées à l'aide des quelques écritures conservées ; en les supposant entières, qui donc oserait prétendre trouver dans des documents, toujours imparfaits, les éléments d'une conviction infaillible, dont la conscience du juge, éclairée encore par les débats, ne doit compte qu'à Dieu ? Pour nous, tout en penchant vers l'innocence de Lévi, nous disons qus ses juges étaient convaincus, et, en tout cas, nous déclarons impossible d'établir le contraire. Un point livrable à l'appréciation de la postérité pour son enseignement, le seul oublié par les auteurs, est la conduite des représentants de la justice envers l'accusé, car dans les procédés qu'elle emploie se révèlent d'ordinaire l'esprit qui l'anima et les moeurs du temps. En dehors des rigueurs usitées, ce pauvre diable, dont le procès ne fut qu'un long martyre, et contre qui tout fut imputé à crime, eut à subir des tortures morales que la loi ne commandait pas : pour sa religion et sa dignité d'homme, il tenait à honneur de supporter sans faiblesse l'épreuve de la question. Une ferme croyance en Dieu pouvait seule lui en donner la force. Vainement il essaie de l'implorer dans le langage que lui ont appris ses aïeux, cette consolation lui est interdite ; on rejette son livre de piété comme un grimoire ; ses philactères sont traités de talisman diabolique. Pour lui seul on oublie que l'accusé soumis à la torture doit avoir devant lui l'image consolatrice de son Dieu, qu'il a le droit, que c'est pour lui un devoir de le prendre à témoin de son innocence. On la lui refuse ; et après cette épreuve de la torture rendue ainsi désespérante, il ne lui est tenu aucun compte d'en avoir triomphé ; sa résistance inébranlable n'est regardée que comme l'obstination du crime, l'inspiration du démon. Il est condamné, il va mourir ; sa volonté dernière va devenir sacrée ; la société n'a plus que ce respect à offrir à l'image de la divinité qu'elle va détruire. Lui donnera-t-on le ministre du Dieu de ses pères pour l'éclairer à cette heure suprême, ou, par un abandon cruel, le laissera-t-on seul chercher dans son âme remplie d'indignation les consolantes réflexions si précieuses en quittant la vie ? Non, deux hommes lui sont envoyés pour diriger sa conscience : c'est le sieur d'Arras, curé de Saint-Marcel, et le gardien des capucins ! Ces aveugles missionnaires de la justice, rêvant une conversion, utile peut-être à leur ambition, ne lui laissent ni paix ni trêve pour le contraindre à répudier sa foi, à maudire le sein de la mère qui l'a porté. Un aide se joint à ces bourreaux de son âme : c'est le procureur du roi, qui, doutant de leur acharnement contre la victime, accourt prêter son appui pour l'accabler en l'excitant au parjure. Jusqu'au bûcher, ces convertisseurs insensés le pressent et le menacent, mais le patient demeure inébranlable et n'a de force que pour protester, avec le calme du Christ, qu'il a la conviction que son innocence lui assure sa place dans le sein d'Abraham. Les péripéties émouvantes de ce drame lugubre sont rapportées dans un libelle attribué à Amelot de la Houssaye. Ce pamphlet, hostile aux juifs, n'inspire que mieux la compassion en faveur de cet infortuné, que l'on ne peut voir sans frémir livré à sa dernière heure aux ennemis de sa religion. L'exagération de l'injustice de cet auteur envers lui fut peut-être une des plus puissantes causes de la réaction sur l'opinion publique en faveur d'une nation persécutée et de l'intervention de la France pour défendre l'exécution d'autres rigueurs inspirées au pays. Le doute sur la culpabilité de Raphaël Lévi grandit en comparaison du zèle de ses ennemis ; dans les temps qui ont suivi, la justice a vu maintes fois à sa face déclarer que celle sentence n'était point une vérité absolue. En 1701, dans un mémoire justificatif (32), produit à la cour par la femme de Joseph Caïn, assassiné par des bouchers, on disait : « L'arrêt de mort rendu contre Raphaël, n'est point une conviction du crime qu'on lui impute ; la malice, aussi ingénieuse que hardie, a pu, par le secours de la séduction, préparer des preuves propres à déterminer les juges. » L'intendant Turgot, qui sera toujours cité pour l'indépendance et la justesse de ses appréciations, impute cette possibilité d'erreur judiciaire à l'antipathie catholique, aidée de l'émulation des négociants (33). On ne peut nier, du moins, que ces sentiments n'aient servi à autoriser les barbares tentatives de ses tourmenteurs. Sous le règne de Léopold, l'oppression et la liberté des Israélites dominèrent tour à tour ; mais déjà ils avaient gagné du terrain, ils étaient aussi plus nombreux, et ce prince, philosophe par le coeur, ne pouvait se refuser à toute tolérance envers un peuple qui n'était d'ailleurs pas sans utilité politique. Pour faire juger des alternatives où la législation les plaça dans le cours de ce règne et après lui, il nous suffira de rapporter la date et l'objet des lois publiées à ce sujet : 13 Août 1698. - Répit de trois ans accordé aux débiteurs des juifs. 20 Janvier 1699. - Rapport de cette ordonnance, en considération des services rendus par les juifs pendant les guerres. 5 Août 1700. - Arrêt delà Cour qui ordonne l'expulsion des juifs, 1703, 1707, 1708. - Arrêt du Parlement de Metz qui les oblige à porter des chapeaux jaunes en ville, à peine de trois livres d'amende et six livres d'aumône. 17 Septembre 1717. - Arrêt de la Cour de Lorraine qui défend aux juifs de Nancy de faire aucun exercice public de leur religion, à peine de dix mille livres d'amende. 13 Août 1720. - Défense aux juifs étrangers à une ville, d'y entrer sans en avertir le chef et sans indiquer le temps qu'ils se proposent d'y rester ; d'entrer dans aucune maison sans être accompagnés d'un homme de probité, désigné par le prévôt et chargé de signer les engagements de l'Israélite qu'il accompagne. 12 Avril 1721. - Ordre aux juifs venus en Lorraine depuis le 1er janvier 1680, de sortir dans quatre mois, à peine de confiscation de biens. 9 Août 1721. - Ce délai augmenté de deux mois. 20 Octobre 1721. - Exception en faveur de soixante-onze familles. 11 Juin 1726. - Arrêt du conseil qui défend aux juifs d'habiter avec des catholiques et de les fréquenter ; qui ordonne à ceux autorisés à résider, de vendre leurs maisons et de demeurer en un quartier séparé. Le tout à peine de confiscation de leurs maisons et de deux mille livres d'amende. 30 Décembre 1728. - Défense aux juifs de faire de simples billets, excepté en matière commerciale. 28 Juillet 1733. - Arrêt du conseil qui défend d'imposer les juifs particulièrement, étant obligés entre eux à une subvention de dix mille livres. 3 Mars 1738. - Arrêt de la Cour qui dispose qu'en cas de faillite d'un israélite, les créanciers juifs ne seront pas admis, à moins qu'ils ne soient cessionnaires de catholiques. 29 Décembre 1753. - Autorisation de résider étendue à cent quatre-vingts familles. 22 Avril 1762. - Confirmation et ordre aux autres de déguerpir dans le mois. 18 Août 1773. - Arrêt du Parlement qui ordonne à ceux, qui ont quitté leur résidence pour venir à Nancy, d'y retourner dans trois mois. Janvier 1784. - Édit du roi de France qui abolit le péage imposé aux juifs à l'entrée de certaines villes d'Alsace, taxe corporelle qui les assimile aux animaux, imposition qui avilit l'humanité. Ils payaient l'octroi à tant par tête, comme pour des porcs ou des moutons. Depuis plus d'un siècle déjà, ceux de Metz en étaient dispensés. La révolution française fit le reste. Déjà en 1773, la justice avait constaté un progrès. En cette année, deux individus ayant méchamment porté atteinte à l'honneur de la nation juive et à celui des particuliers qui la composaient, la Cour les condamna à leur faire réparation par un acte au greffe, et en outre à 300 fr. de dommages intérêts applicables aux juifs pauvres du ressort. LUTHERANISME. Les ducs de Lorraine, pour repousser l'asservissement papal, eurent toujours, comme nous l'avons dit, le plus grand soin d'ôter aux ultramontains tout prétexte de s'immiscer dans leurs affaires : les lois religieuses les plus sévères ne manquèrent pas ; au besoin, ils auraient fait plus que Rome n'eût exigé. Des ordonnances contre les doctrines hérétiques ne firent donc jamais faute, et la sévérité de la justice s'y associa rigoureusement. Le duc Antoine, vrai prince catholique pour rebouter l'entrée de l'hérésie, en faisant une guerre d'extermination aux sectateurs de Luther, semblait avoir fait assez pour frapper d'épouvante les Lorrains tentés de les imiter ; cependant il fallut encore des lois menaçantes. Par édit du 26 décembre 1523, ce prince défendit, sous peine de confiscation de corps et de biens, c'est-à-dire de mort, d'enseigner la doctrine de Luther, déposséder des livres, papiers ou oeuvres rappelant ses hérésies ; ceux qui en étaient détenteurs furent avertis de les remettre, avant le premier jour de carême, entre les mains du révérend père Bonaventure Renel, son confesseur, ou l'abbé de Saint-Antoine, chef de son conseil. Les habitants de Saint-Hippolyte ayant méconnu cette défense, furent châtiés et condamnés à une amende honorable des plus solennelles ; le curé, qui s'était marié, fut condamné au feu, qu'il subit à Nancy en 1525. Voici ce qui fut prescrit à ses paroissiens à titre de réparation (34) : « ... Pour reconnaissance de leur offense envers Dieu, ils feront une belle procession générale, en laquelle les jeunes enfants au-dessous de l'âge de douze ans iront nu-pieds, tètes découvertes et deschevelées, et les autres habitants de Saint-Hippolyte, tous têtes nues, et quatre des principaux de la justice et conseil de ladite ville porteront chacun un cierge allumé en la main, durant ladite procession, après laquelle se fera un sermon par quelque homme d'église, qui remontrera au peuple la détestable secte luthérienne, à ce de divertir ledit peuple d'y aucunement adhérer, ains se conformer aux ordonnances de notre sainte Eglise, que notre souverain seigneur entend être entretenues et observées comme du passé, et ce sur peine de punition de corps et de biens, à rencontre de ceux qui iraient au contraire. Item, et après ce, notredit souverain seigneur entend, veut et ordonne que tous les bourgeois et habitants de la ville de Saint-Hippolyte soient convoqués par le capitaine ou son lieutenant, ou autres commis et députés de notredit souverain seigneur, pour par-devant lui se représenter et faire nouveau serment de fidélité d'être et demeurer bons et loyaux sujets à notredit souverain seigneur, procurer son bien et profit et obvier à son mal et dommage de tout leur pouvoir, en renonçant à tous serments qu'ils pourraient par ci-devant avoir fait au contraire de ce présent, et mêmement à la conjuration et alliance faite avec les paysans luthériens ; et par la bouche de l'un d'entre eux, au nom de tous les autres, requerront et demanderont, en la personne dudit capitaine ou commis, pardon et miséricorde à notredit souverain seigneur. Item, promettront, en la présence desdits officiers, que doresnavant ils ne porteront aucun bâton de défense, ni harnois, réservé quelque dague, et que ceux qui seront trouvés les portant, sans congé de notredit souverain seigneur ou de son commis, confisqueront corps et biens ; et ce pour raison que aucun d'entre eux se sont trouvés armés et embâtonnés en bataille, à l'encontre de notredit souverain seigneur, leur naturel et droiturier prince et seigneur. Item, promettront que si quelques-uns de quelque condition et qualité ils fussent, s'ingéraient ci-après les induire et provoquer à délaisser les ordonnances de l'Eglise, comme dessus est dit, ils en avertiront incontinent leur capitaine, officiers et autres commis de notre dit souverain seigneur, pour en faire la punition selon l'exigence du cas ; s'ils étaient négligents ou défaillants de ce faire, ils encourront les peines dessus dites. Et pour ce que notredit souverain seigneur est averti que aucuns, au contemne et mépris des commandements et ordonnances de notre mère sainte Église par suggestion diabolique, n'ont fait par ci-devant difficulté de manger chair le vendredi et autres jours prohibés et défendus, au grand détriment de leur conscience et scandale de notre foi catholique, leur est ordonné et défendu expressèment, de la part de notredit souverain seigneur, sur les peines dessus dites, de s'abstenir de telles insolences. » Il termine en leur imposant de lui payer, en temps de vendange, trois chevaux chargés de raisins, plus 500 fr. d'amende, et encore chacun an, à la vendange, douze charrées de vin blanc, de leur crû, de plein bouge, chaque charrée de vingt-quatre mesures, rachetable pour 1,000 fr. d'or. En 1538, trois étrangers se trouvant à Metz, où ils avaient tenu quelques propos, furent suspectés d'opinions folles. Aussitôt la justice les fait examiner, et ils sont reconnus pour avoir sur le jugement dernier des idées peu orthodoxes. A les ouïr, personne ne pouvait être damné avant ce grand jour, qui était attendu par tous en dormant paisiblement, d'où la conséquence, tirée par d'habiles théologiens, que la vierge Marie n'avait pas plus de raison que les autres d'attendre en Paradis. Cette opinion de sac et de corde, émise par l'un d'entre eux, qui était barbier et originaire de Lille, attira contre les trois une sentence de mort. Ils marchaient donc vers la rivière pour être noyés, lorsque l'un d'eux, qui était de Montlhéry, ne se souciant pas d'éprouver sitôt la vérité de sa théorie, se hâta de se rétracter. Sursis de vingt-quatre heures lui fut accordé, et ses deux compagnons furent lancés dans le sommeil provisoire qu'ils professaient si bien. Le lendemain, il en fut quitte pour assister à l'auto-da-fé d'un livre servant de simulacre de ses doctrines, pour demander ensuite grâce et merci à la justice, qui le flétrit d'un M sur l'épaule et lui interdit de reparaître jamais dans la cité, recommandation vraisemblablement superflue. Le schisme continuant à s'infiltrer malgré les précautions prises, il fut, par édit du 13 octobre 1539, interdit de prêcher la doctrine de Luther, sous peine de mort, de confiscation de biens et autres punitions comme il serait avisé, ce qui signifiait de rendre la mort plus ou moins douloureuse ; de tenir des livres hérétiques, sous peine de punition corporelle ; aux hôteliers d'en parler à leurs hôtes, sous peine d'amende arbitraire ; à tous d'en parler, fût-ce en lieu privé, même sous prétexte de rapporter ce que l'on aurait ouï dire par d'autres ; et injonction de dénoncer les coupables, sous peine d'amende arbitraire. Les mêmes défenses furent renouvelées le 24 septembre 1544, par le duc François, et le 24 septembre 1543, par Christine et Nicolas, qui, pour arrêter l'émigration que tant de sévérité devait occasionner, menacèrent de confiscation de biens ceux qui quitteraient leur pays d'intolérance. Pareilles rigueurs furent proclamées de nouveau par Charles III, les 14 septembre 1572, 17 décembre 1585, 23 mars 1587, 4 janvier 1588, 23 octobre 1595 ; par le duc Henri, le 12 février 1617 ; par Charles IV, les 5 octobre 1624, 26 décembre 1626, 28 septembre 1664. Dans cette dernière ordonnance, il prescrivit aux prêtres, professeurs et maîtres d'école de signer le fameux formulaire, à peine d'être chassés comme hérétiques. Le désir du gouvernement lorrain de s'affranchir du joug romain le portait à toutes ces rigueurs, principalement quand il avait quelque démêlé avec l'autorité cléricale. Pendant la querelle avec l'évêque de Toul, au sujet des officialités, la Cour souveraine, voulant montrer les conséquences des mesures sévères trop générales, renouvela l'ordre d'expulser les luthériens et calvinistes, sans excepter ceux qui se trouvaient au service de l'abbaye de Beaupré. Ce fut un affront sensible aux autres maisons religieuses; ne devenait-il pas évident que pour leurs intérêts elles savaient trouver des accommodements avec le ciel ? Peut-être eùt-il mieux valu fermer les yeux, car c'était toujours de la tolérance dont à ce jeu quelques malheureux bergers se trouvèrent privés. Dans les Trois-Évêchés, l'autorité du Parlement de Metz, fidèle au mot d'ordre de la France, s'employa plus à châtier les prolestants qu'à les protéger, n'épargnant pas même les magistrats qu'il comptait dans ses rangs (35). Prérogatives d'ancienneté, honneurs publics, préséances et jusqu'au droit de voter en certaines affaires, leur furent enlevés sans égards. Cette obéissance aveugle à une politique funeste entraîna cette Cour dans une mesure qui pèsera pour jamais sur sa mémoire : elle en vint à rendre un arrêt ordonnant que le cadavre du doyen de ses conseillers, luthérien vénéré, serait traîné sur la claie par les mains du bourreau Et ainsi fut fait sous ses yeux ! SUICIDE. Considéré comme un meurtre, le suicide ne pouvait être toléré dans le système ancien de législation, car il était à la fois un attentat contre la Providence et la société. Si le corps du coupable ne pouvait être puni, on l'entourait du moins d'ignominie à l'égal de celui du malfaiteur. D'ordinaire l'arrêt portait : « Sa mémoire sera condamnée, éteinte et supprimée à perpétuité, et sera son cadavre attaché par l'exécuteur au derrière d'une charrette et traîné sur une claie, la tête en bas et la face contre terre, par les rues, jusqu'à la place où est planté le gibet ordinaire, où il sera pendu par les pieds, et, après qu'il y aura demeuré six heures, jeté par ledit exécuteur à la voirie ; ses biens déclarés confisqués. » On trouve beaucoup d'exemples de suicidés ainsi flétris. La question de folie était méconnue. Le Parlement y mit néanmoins plus de mesure que les justices particulières. A défaut de gibet, une pauvre femme de Vadonville, qui s'était pendue en sa maison, fut dépendue en 1540, par le bourreau de Saint-Mihiel, qui alla l'accrocher à un arbre loin du village. On lui confisqua, outre cela, tous ses biens, consistant en trois poules et un veau, estimés 3 à 6 fr. Quelquefois on trainait le corps directement à la voirie, où le bourreau l'enterrait : c'est ainsi qu'on l'exécuta à Louppy-le-Petit en 1627. L'exposition au gibet n'était pas encore la plus grande marque d'ignominie. En 1519, une femme qui s'était pendue en prison avec le cordon qui nouait ses cheveux, ayant été accrochée au gibet, le peuple en murmura, prétendant que cette usurpation par elle de la place d'un chrétien, était la cause du mauvais temps qui régnait. Elle fut donc dépendue et enterrée sous les roues d'un moulin, d'où l'on tira un prétendu suicidé qu'elle avait avoué avoir tué. L'innocence de ce dernier parut d'autant plus évidente que son corps fut trouvé parfaitement conservé. Un autre genre d'exécution fut un jour employé à Metz, à l'imitation de Strasbourg. L'évéque de cette dernière ville s'étant, dit-on, suicidé, avait été jeté à l'eau dans un tonneau avec une inscription indiquant qu'il ne fallait pas l'attribuer à un crime. Une femme venait de se pendre, il fallait en faire un exemple ; elle fut donc enfermée de même dans un tonneau avec cette légende en français et en allemand : Boutiez à vaul, laissez aller, c'est par justice. La tentative de suicide était également réprimée, mais, bien entendu, avec moins de sévérité. Un jeune homme qui avait eu la velléité de céder à un désespoir amoureux, fut mis tout nu et fouetté d'importance. En 1429, la femme de Jehan Legros, maire de Mieschef, en la prévôté de Sancy, s'étant pendue après une querelle conjugale et ayant été sauvée par un passant qui coupa la corde, en fut quitte pour 15 fr. d'amende. Pour sévir contre le corps du suicidé, on informait avec les mêmes formalités que s'il eût été vivant : c'est ce que l'on appelait procès à la mémoire. Le juge nommait un curateur au défunt. Ce représentant, chargé de soutenir le choc de la procédure, devait savoir lire et écrire ; il prêtait serment de ne dire que la vérité au nom du mort. Son interrogatoire avait lieu derrière le bureau et non sur la sellette, après quoi la sentence était prononcée en la forme ordinaire. Cependant, s'il y avait lieu à condamnation, elle n'était pas prononcée contre le curateur, mais contre le cadavre. On en usait de même contre les duellistes et contre tous les individus morts en état de prévention d'un crime. LESE-MAJESTE HUMAINE. Ce crime, au premier chef, était l'attentat à la vie du souverain ou à celle de ses enfants. Au second chef, il s'entendait de toute atteinte à sa dignité ou à son autorité. Le duc Charles III, par sa déclaration du 1er septembre 1596, relative à la confiscation des biens des gentilshommes (36), eut l'occasion de détailler les faits qui constitueraient le crime de lèse-majesté ; en voici l'énumération : « Qui attentera ou fera attenter contre nous ou nos successeurs ducs, nos enfants ou les leurs. Qui fera guerre à armes ouvertes contre nous ou nos successeurs ducs. Qui ayant une place en garde, la vendra à l'ennemi, le fait prouvé. Qui ayant fiefs, ou ayant serviteur, domestique ayant à nous ou à nosdits successeurs serment, surpendra une place du pays, ou donnera moyen de la surprendre, ou bien notre armée, ou celle de nosdits successeurs ducs. Qui ayant une place en garde, en refusera l'entrée au prince ou d'en sortir quand il le lui commandera. » Les exemples de lèse-majesté ne sont pas, heureusement, très-nombreux en Lorraine. Pour le premier chef, l'histoire n'a conservé souvenir que de deux attentats contre la vie du duc, et encore fut-ce contre celui de ces princes qui le méritait le moins, contre le duc Henri, surnommé le Bon. C'était en 1609 : un nommé Clément, du comté de Vaudémont, jadis fourrier de Charles III, se mit à la poursuite du bon Henri, alla l'attendre dans différentes villes, à Marsal, Lunéville, etc., et enfin fut saisi avant d'avoir pu réaliser l'assassinat qu'il projetait, tant contre son souverain que contre M. de Tornielle, grand-maître du palais et chef des finances. La cause de cette entreprise est demeurée inconnue ; on publia que, retenu par une force surnaturelle, il n'avait pu, malgré ses efforts, tirer son poignard de sa gaine. Condamné à mort, il fut roué le 17 juillet à Nancy, et eut ensuite la tête tranchée ; celle-ci fut attachée à un poteau avec le poignard qu'il avait fait faire en passant à Marsal. Son corps, coupé en quatre, fut également exposé à chacune des portes. L'autre cas de lèse-majesté n'est pas aussi bien connu ; on ne peut que l'inférer de ce que rapporte Dom Calmet, que ce même duc Henri, refusant la grâce à un sacrilège, l'accorda à un criminel de lèse-majesté contre sa personne. Évidemment il s'agit là d'un autre que de Clément, puisque celui-ci ne fut pas gracié. Le duc Charles IV fut en butte à bien des attentats auxquels il eut le bonheur d'échapper ; il est inutile de les rapporter ici, la politique y ayant toujours eu le plus de part (37). Comme coupable de trahison, nous trouvons : Jean de Chefvière, pour avoir pratiqué et conduit les ennemis es pays de S. A., pendu à Longwy en 1592; Dartaize et le chanoine Desmoines, exécutés à Metz en 1590, le premier coupé en quatre quartiers, le second enterré, vu sa qualité d'homme d'église. Dans cette ville de Metz, les crimes de trahison se rencontrèrent souvent. En 1593, François Robin, armurier de S. A., fut pendu à Nancy, pour ses intelligences, complots et machinations pernicieuses. En 1609, Clément Hussenot y fut roué et coupé en quatre quartiers; il est simplement dit : Pour lèse-majesté, sans autre explication. Les attentats au second chef furent moins rares, encore l'eussent-ils été davantage si l'on n'avait rangé dans ce cas les simples élans de mauvaise humeur. Nous avons trouvé : En 1448, Abrion dit la Gloire, de Sorcy, accusé d'avoir, en causant avec un voisin, mal parlé du duc et de la duchesse ; condamné en une amende arbitraire, il fut, après avoir passé quinze jours en prison dans un fond de fosse du château de Robert de Beaudricourt, audit lieu, taxé, vu sa pauvreté, à deux écus destinés à acheter un tapis pour le bureau des secrétaires de S. A. à Nancy. En 1468, Jean Maigrot, de Faims, condamné à deux florins du Rhin, pour avoir dit que le roi de France, celui de Sicile, le duc de Lorraine, etc., n'étaient pas dignes de vivre, puisqu'ils soutenaient des bâtards, larrons et meurtriers. En 1530, Nicolas Henriot, « pour aucunes vilaines paroles par lui dites et proférées contre l'honneur et juridiction de notre souverain seigneur » condamné, en la prévôté de Bar, à 60 fr. En 1701, le nommé Maillefert, de Vézelise, pour avoir proféré des paroles injurieuses à la mémoire de Charles IV, et chacun sait s'il devait y avoir dans son fait des circonstances atténuantes, fut condamné, par sentence confirmée en la Cour, à faire amende honorable en la salle de l'auditoire et en outre devant la porte de l'église, pour avoir compris dans ses propos l'Église et ses ministres. La même année, un autre insolent ne fut condamné qu'à la réprimande, en remplacement de l'amende honorable et du bannissement prononcés par les premiers juges. Un attentat au dernier chef, puni comme s'il eût été au premier, fut celui commis par un valet de pied du duc Charles IV, qui, en parlant de la princesse de Cantecroix, la traita de femme de campagne de S. A. La colère de la dame parut si respectable, que la vie de l'insolent dut lui être offerte en holocauste. Une telle expédition, entreprise et consommée pendant que le duc était à la chasse, sera pour la Cour, nouvellement créée par l'édit de 1641, une tache indélébile. Le duc, mécontent de cet empressement servile, ne fit que devancer l'opinion publique par les reproches qu'il lui en fit tout haut ; mais le valet resta pendu. De la part des militaires, toute attaque par simples paroles avait plus de gravité ; elle ressemblait à une trahison et en subissait la peine. En 1535, à Longwy, un soldat nommé Robert Gorlin, pour avoir crié : Bourgogne pour la vie ! Lorrain pour argent ! et avoir foulé aux pieds l'écharpe jaune, fut livré au prévôt des maréchaux, qui le fit mettre à mort. DUEL. Le combat judiciaire, défendu ou tombé en désuétude vers le milieu du XVI siècle, sans que nous puissions indiquer la date précise de sa prohibition, ne pouvait, malgré ses inconvénients, disparaître des moeurs subitement et d'une manière radicale. La roture, facilement maîtrisée par la force publique, s'était soumise sans trop de peine à recourir aux tribunaux, où elle trouvait une justice plus digne de sa confiance que celle d'autrefois. Mais la noblesse, qui supportait difficilement l'autorité d'un supérieur, n'entendait pas céder à d'autres une justice qu'elle soutenait avoir le droit de se faire elle-même. Le duel fut donc imaginé ; ce n'était autre que le combat judiciaire, moins l'autorité du prince pour le permettre ou le régler. La lutte n'était plus limitée aux deux champions, leurs amis prétendaient encore y prendre part et s'égorger sans plus de motifs que d'utilité. Les graves abus d'un tel régime ne pouvaient manquer d'exciter la sollicitude du prince, qui, en Lorraine, n'attendit pas, comme en France, la fin du siècle pour y mettre ordre. Par ordonnance du 50 décembre 1545, la duchesse Christine défendit dans son palais les prises d'armes qui n'étaient autres que le duel à son début. Tu m'insultes ? en garde et défends-toi ! tels étaient les seules formalités de cette nouvelle manière d'obtenir justice. La duchesse n'exigea pas plus de préparatifs pour le remède à appliquer : elle ne menaça les contrevenants ni de prison, ni de châtiment plus ou moins sévère, mais, sans plus de cérémonie, elle ordonna de les assommer, quelle que fût leur qualité, sous peine de destitution et d'amende contre ceux de ses gardes qui hésiteraient à le faire. Cette recommandation de frapper aveuglément d'une mort ignominieuse exposait singulièrement à frapper l'innocent, mais il fallait une grande menace pour éloigner le danger que renfermait l'habitude de tirer à tout propos l'épée dans la demeure du souverain. En 1586, le duc Charles III proscrivit le duel par une ordonnance spéciale menaçant de punition corporelle et d'exclusion de son service. Elle n'était que la répétition de défenses déjà publiées ; mais, selon l'usage, l'exception était toujours sous-entendue en faveur de quelques privilégiés ; d'où il résultait que chacun espérant dans la grâce du prince, aucun ne se croyait empêché. On peut en juger par un exemple où l'occasion de se montrer sévère s'était présentée éclatante : Jean, comte de Salm (38), maréchal de Lorraine et gouverneur de Nancy, passant dans la rue un soir, et ayant eu en rencontre M. de Gombervaux, lui avait crié tout à coup : Gombervaux ! souvenez-vous de Bar, et en garde ! Puis, ayant dégainé, il avait fondu sur lui avec un emportement que les gens de sa suite avaient imité. M. de Gombervaux ayant succombé, comme on pouvait le prévoir dans un choc aussi inattendu, sa famille demanda justice et vengeance de sa mort. Le duc intervint et se prononça, mais pour faire grâce au meurtrier et à ses estafiers, nommés Jean Langlois, Fiaux Vaucouleurs, Claude Moreau et Arnould d'Anjou, soldats de la compagnie de Salm. Le motif de cette faveur fut l'égard dû au devoir d'un homme de la qualité du comte de Salm, quand il est question de la vie, honneur et réputation. La cause de la querelle y est indiquée comme étant une insulte faite au comte par MM. de Gombervaux aîné et jeune, en la personne de l'un de ses officiers (39). Le 13 novembre 1591, le même duc fit encore défense de se provoquer en duel, renvoyant la connaissance de ces affaires aux maréchaux-de-camp. Le 9 janvier 1603, les ruses pour éluder les défenses ayant augmenté, il publia l'édit suivant : « Charles, etc. Encore que nous eussions ci-devant estimé d'avoir suffisamment pourvu, par notre ordonnance du 28 avril 1 586, à la défense des querelles, appels et duels qui lors semblaient plus fréquents et ordinaires, signamment en notre maison et suite qu'auparavant, si est ce que nous ayons à notre extrême regret et déplaisir que la corruption du siècle depuis ensuivie a tellement fait croître la licence effrénée, que la plupart de nos sujets et vassaux s'adonnent à présent, non-seulement de rechercher à se venger, de présumer de faire eux-mêmes la justice des injures qu'ils prétendent avoir reçues de leurs adversaires, mais aussi le plus souvent de courir d'une passion dénaturée au sang et au massacre de leurs parents et amis, voire à leur propre perte et ruine, sous une opinion furieuse, que Dieu a permis en punition de leur faute, que l'ennemi du genre humain ait imprimé en leurs esprits, savoir qu'ils ne peuvent aucunement satisfaire à l'obligation de leur honneur que par telles voies d'appel ou duels assignés à certains jour, lieu et heure où non-seulement les parties qui ont pris querelle cherchent de se trouver, mais aussi autres, sous le nom de premier, second, tiers ou plus, veulent y assister de part et d'autre, non pour s'entremettre d'aucun appointement et accord entre lesdites parties et les garder comme la raison voudrait d'en venir au combat, mais plutôt, ainsi que la pratique en est ordinaire, les empêcher de s'appointer ; et puis, sans querelle ni sujet quelconque, de sang-froid et de gaité de coeur, venir aux mains, parents, amis, avec parents et amis, au grand mépris et offense de Dieu et de toutes lois, divines et humaines, tant de justice que de police. D'où aussi se sont vus et se voient arriver de si déplorables accidents, si dangereux inconvénients, si grandes pertes de corps et d'âme, que pour en retrancher le cours et obvier semblablement aux maux et calamités que la continuation de telles voies ne faudrait d'apporter à notre état et sujet, nous nous sentons justement occasionnés, même pour la décharge de notre conscience, de pourvoir de nouveau et sous plus rigoureuses peines à la défense desdits appels et duels, et partant : Nous, assisté de nos très-chers et très-aimés fils, les ducs de Bar et comte de Vaudémont, ayant mis la matière en délibération, de notre conseil, où étaient plusieurs notables gentilshommes de nos vassaux, avons, par avis de notre conseil, statué et ordonné, statuons et ordonnons par celui notre édit perpétuel : Que tous qui doresnavant et dès l'instant de la publication d'icelui, appelleront ou feront appeler aucuns en duel assigné, parrains, seconds et autres qui assisteront lesdits appelants ou appelés et acceptant l'appel, et ceux qui pour autrui appelleront et porteront billets ou paroles de démenti ou semblablement, seront avec eux complices ou fauteurs de duels directement ou indirectement, s'ils sont gentilshommes et ont cet honneur d'avoir état, charge ou pension de nous, les perdront, et à l'instant de la publication d'icelui ; et sera par nous pourvu auxdites charges et états comme vacants et impétrables ; demeurantes lesdites pensions éteintes, et en outre seront bannis de nos pays à perpétuité, ou bien relégués pour tel temps que nous jugerons le cas le mériter, et perdront pendant ledit bannissement ou relégalion à temps, selon l'exigence du cas, l'administralion de leurs biens auxquels seront établis commissaires pour les régir et en lever les fruits au profit de leurs enfants, et, au défaut d'enfants, de leurs plus proches présomptifs parents héritiers ; et s'ils sont pris, seront châtiés de prison et punition corporelle arbitraire. S'ils ne sont gentilshommes, seront punis de mort et de confiscation de leurs biens. Ceux qui, pour faire appeler ou porter billets ou parôles de démenti et autres semblables prononciations, se serviront de pages ou laquais, seront punis des peines susdites, et les pages au-dessous de quinze ans, s'ils sont aucunement présumés d'avoir su ce qu'ils portaient, seront punis et fouettés cruellement, et les laquais au dessous de pareil âge, fouettés par main de bourreau. Et les pages au-dessus de quinze ans, s'ils sont connus avoir su ce qu'ils portaient, seront punis de prison et peine corporelle ; et les laquais au-dessus de quinze ans, trouvés avoir sciemment porté lesdits billets ou paroles, seront pendus et étranglés. Toutes personnes qui sauraient y être arrivé quelques querelles entre aucuns de nos vassaux et sujets, seront obligées nous en avertir promptement ; aux provinces et bailliages, nos maréchaux, s'ils sont es dites provinces et bailliages, ou, en leur absence, nos sénéchaux, et, en défaut d'iceux, nos baillis ou les gouverneurs et capitaines des places les plus proches es lieux où se prendra la querelle, sous peine, à ceux qui auront manqué à tel avertissement, de perle de leur état ou pension s'ils en ont, et de punition corporelle, selon la qualité des personnes et du fait. Et si avons autorisé et autorisons nos maréchaux, et, en leur absence, nos sénéchaux, et, au fait d'iceux, nos baillis en leurs bailliages, et les gouverneurs et capitaines dans leurs places, à défendre les armes et voies de fait auxdits étant en querelle. Voulons et ordonnons en ce leur être obéi promptement partout qu'il appartiendra, comme à nous-même. Entendant que sur l'avertissement que nosdits maréchaux, sénéchaux, baillis, gouverneurs et capitaines, subordinairement comme dessus, nous donneront de qualité des parties et des querelles, nous nous commettons et ordonnons pour l'appointement d'icelle ou satisfaction qui écherra d'être faite à l'offensé, ainsi que verrons appartenir à raison. Et s'il arrivait, ce que Dieu ne permette, qu'aucuns des appelants et appelés contrevenant à notre présente ordonnance, s'oublient de tant que de passer outre à venir aux mains et combats, sera procédé contre ceux qui en retourneraient en vie, comme contre les homicides de guet-apens, et pour le regard desdits au combat décédés, en sera fait comme des meurtriers de soi-même et de leurs propres personnes. Déclarons par même moyen tous appelants exempts et déchargés de l'obligation d'appeler pour injures quelconques qu'ils puissent prétendre leur avoir été faites, et les appelés de comparoir à l'appel desdits duels, et les prenons les uns et les autres sur notre honneur et reputation, attendu leur manifeste desobéissance en cela aux commandements de Dieu, de l'Église et nôtres, laquelle ne peut et ne doit leur être que déshonorable et reprochable à toujours. Si donnons en mandement, etc. » Le duc Henri renouvela ces dispositions sévères, par ordonnances des 7 août 1609, 12 janvier 1614 et 13 février 1617, spécialement contre les gentilshommes, qu'il menaça de six mois de détention au château de Châtel-sur-Moselle, et même de mort si le cas le méritait. On trouve, en 1614 et 1615, des poursuites contre un gentilhomme de Luxembourg et M. de Fricquant, pour avoir appelé en duel, l'un M. de Maillanne, l'autre M. de la Chaussée ; il est dit dans les deux cas : De l'ordre exprès de S. A. Le 14 octobre 1626, Charles IV confirma les défenses de ses prédécesseurs avec plus de détails, mais à peu près dans les mêmes limites. Dans les Trois-Évêchés, les poursuites contre les duellistes furent beaucoup plus nombreuses et beaucoup plus suivies, les lois de la France, qui y étaient en vigueur, étant en cette matière beaucoup plus exigeantes. Le Parlement de Metz connaissait spécialement des duels commis dans la ville et ses environs, et en outre de ceux qui avaient eu lieu entre personnes titrées ; les duels entre roturiers et soldats restaient déférés aux juridictions inférieures, qui n'usaient pas de beaucoup de ménagement. Le duc Léopold ne pouvait manquer de régler aussi cette matière ; à cet effet, il publia un long édit en mai 1699, qui est le résumé des prescriptions contenues dans les ordonnances de ses prédécesseurs, avec augmentation de tout ce que l'expérience avait rendu nécessaire. Ayant attribué la connaissance des duels aux prévôts des maréchaux en concurrence avec les bailliages, excepté dans les cas de duel entre militaires, qu'il réserva au conseil de guerre, le gouvernement de la France crut devoir, après sa mort, modifier cet édit. Par déclaration du roi du 24 avril 1782, il fut ordonné qu'à l'avenir les conseils de guerre ne connaîtraient plus des duels, qui, même entre militaires, seraient tous jugés par les prévôts des maréchaux et les bailliages. Cet édit de Léopold, sauf cette modification, régit ainsi le XVIII siècle ; ses sages dispositions pourraient servir encore de guide en pareille matière. Mais sa sévérité, comme celle renfermée dans les ordonnances antérieures, n'était guère que comminatoire, les duellistes, presque toujours gentilshommes, faisant intervenir le crédit de leur famille et l'intérêt de leur caste pour capter la grâce des ducs, qui semblent au fond y avoir été très-disposés. En 1742, Louis du Ménil, seigneur d'Hoéville, ayant tué en duel Henri le Noble, juge de Rolleville, fut condamné à avoir la tête tranchée. Appel interjeté à la Cour, la sentence fut confirmée avec 5,000 fr. de dommages-intérêts. L'accusé se trouvant détenu, courait grand risque, mais c'est en vain que l'on chercherait au bas de l'arrêt la mention habituelle d'exécution immédiate ; quelques jours après, la Cour entérinait la commutation de sa peine en prison perpétuelle, grâce insigne, motivée sur ce que la condamnation, si elle avait son exécution, porterait le trouble et la confusion dans la famille du condamné. En 1744, à Saint-Mihiel, près de Bel-Air, Gabriel-François d'Amerval, tua de même Ch.-François de Bousmard, lieutenant au régiment des gardes de Lorraine. Le bailliage, saisi de l'affaire, condamna le meurtrier à avoir la tête tranchée ; mais un prétexte qui se rencontra fut saisi avec empressement ; c'était le passage de la Reine : il obtint sa grâce. La sévérité de la loi s'étendait aussi sur le vaincu ; sa mémoire encourait la flétrissure et ses biens la confiscation. Dans cette affaire d'Amerval, le bailliage avait absous la mémoire de M. de Bousmard, mais le procureur général ayant appelé à minima sur ce chef, la famille fut forcée d'avoir recours aux grâces du prince pour obtenir des lettres d'abolition qui, du reste, lui furent accordées sans qu'il nous apparaisse avoir été fait de difficulté. Par contraste, la même année, un soldat tué en duel fut condamné à avoir sa mémoire flétrie, son corps à être traîné sur la claie et ensuite pendu. Heureusement la putréfaction du cadavre le sauva de cette ignominie ; on se contenta de faire la cérémonie sur un carton représentant l'effigie du défunt. Dans le Barrois et le Bassigny mouvants, les chances n'étaient pas les mêmes, l'influence de la sévérité du Parlement de Paris y pesait de tout son poids. En 1620, César de Suzémont, écuyer, demeurant à Brainville, fut condamné, pour assassinat de Jean la Faux, avocat au bailliage du Bassigny, à être décapité. Il fut en outre ordonné que sa tète serait exposée sur un poteau dressé devant son château de Brainville. Claude du Houx et Adam Mathieu, gentilshommes ses aidants, furent condamnés au bannissement. En 1629, Jean Pierre, de Romécourt, fut condamné de même à avoir la tète tranchée pour homicide sur la personne du sieur de Grosney, né à Bussi, près Joinville, gentilhomme à la suite du comte de Vignory. Ces deux arrêts, hâtons-nous de le dire, furent exécutés en effigie. En 1631, quatre individus roturiers de Revigny furent bannis et leurs biens confisqués pour même cause. En 1632, on voit au bailliage de Bar une information pour duel contre Philippe d'Anglure, sieur de Guionnel d'Andernay. En résumé, dans les Trois-Évêchés, en Lorraine et même dans le Barrois, on ne trouve contre les duels que trèspeu de grands exemples de l'extrême sévérité commandée par les ordonnances; l'esprit guerrier du pays entourait probablement ces affaires d'une faveur qui les en préservait. VOL. Ce crime, le plus commun et le plus varié de tous dans sa forme et son objet, fut réprimé par des peines de tous degrés. Dès l'an 1200, du temps de Ferri Ier, il était puni à l'arbitrage du juge. Le duc Simon, en 1176, fit pendre Guillaume, fils de Regnault, capitaine de Toul, pour avoir pillé et rançonné des marchands qui venaient à la foire. Ce fait, néanmoins, nous paraît devoir être rangé dans la classe des déprédations guerrières plutôt que dans celle des crimes privés. Sous Ferri II (1200), la peine tournait en réparation pécuniaire en certains cas : 50 pièces d'argent pour un chien ou un oiseau; 30 sous pour des filets, ou la peine de pécher pendant trois nuits pour leur propriétaire ; 20 sous pour un cheval. Sous Ferri IV (1300), celui qui volait en son palais était puni au double, et, en cas d'insolvabilité, il recevait le fouet. A Toul, le serf convaincu de vol était confisqué au profit du comte et de l'évêque ; s'il se rachetait, l'évêque avait les deux tiers du prix, le comte le tiers, et il était rendu à son maître s'il n'appartenait pas à quelque église. A Metz, le voleur était livré à quatre de ses parents les plus proches, qui en devenaient maîtres s'ils voulaient restituer l'objet volé, sinon la justice en disposait en le noyant. Le 31 juillet 1571, Charles III punit les voleurs du fouet et du bannissement, avec peine de mort contre ceux qui enfreindraient leur ban. Les mêmes peines furent édictées contre les complices et les receleurs. Cette variété dans la répression, commune au surplus à toutes les époques, fut toujours due aux circonstances plus ou moins graves qui accompagnèrent le fait principal, ordinairement qualifié de même, mais jamais semblable. Ainsi, on trouve, en 1350, Maujan, de Vouthon, arsé pour vol, après être resté en prison deux ans et dix semaines ; en 1468, à Metz, une femme eut les oreilles coupées, pour avoir simplement conseillé à une servante de voler chez son maître. A Bar, en 1595, un homme était condamné à mort pour furt, et, dans le même moment, d'autres vols assez graves, commis même par des vagabonds et des voleurs de profession, n'étaient punis que du bannissement ou d'une simple amende. A La Marche, en 1596, une nommée Marie Capelle, soi-disant native de Paris, est bannie à perpétuité. Cette différence s'explique par la nature du vol, tantôt sacrilège, domestique, etc., tantôt en bande, à main armée, etc., toutes circonstances omises dans les actes qui nous les rappellent. La perversité du coupable, son attitude à l'audience, les garanties futures qu'il offrait étaient encore autant de raisons déterminantes pour le juge ; elles échappent, de nos jours, à l'appréciation de tous ceux qui n'ont pas assisté aux débats, à plus forte raison doivent-elles échapper à celle de la postérité, qui est en outre hors d'état de bien juger des nécessités sociales de ces temps reculés. Quelques genres de vols attirèrent plus spécialement en Lorraine la sévérité des juges, tels que les vols de chevaux, les vols de ruches à miel, les vols de terre et les vols de noblesse. Pendant les troubles de la ligue, la Lorraine, traversée par des gens de guerre de tous partis, fut mise à rançon et pillage par la soldatesque. Le paysan parvenait bien à lui soustraire son chétif mobilier qu'il enterrait ou portait dans les bois, mais il n'en était pas de même de ses chevaux. Ceux-ci, plus utiles aux armées que toute autre chose, étaient traqués avec acharnement, et quand ils échappaient au militaire pillard, il était rare qu'ils eussent le même bonheur vis-à-vis de gens du pays assez misérables pour trahir leurs compatriotes et les leur enlever au profit de l'ennemi. Charles III, pour arrêter ce commerce criminel, qui portait à l'agriculture un coup funeste, rendit, le 8 mars 1588, une ordonnance portant peine de mort contre ses auteurs, avec recommandation de les juger de plein et sur-le-champ. Les ruches à miel, placées le plus souvent dans les forêts, sous la sauvegarde de la foi publique, étaient regardées comme d'une extrême utilité, tant pour le miel que pour la cire. Il était facile aux voleurs de s'en emparer, puisqu'elles n'étaient à peu près jamais surveillées. Le même duc Charles m, par ordonnance du 24 janvier 1596, les punit aussi de mort, déclarant, pour principale considération, que la rareté de la cire empêcherait de célébrer les mystères de la religion. Pour arrivera leurs fins, les voleurs s'occupaient préalablement de mettre les abeilles hors d'état de se défendre : à cet effet, ils les enfumaient avec de la vapeur de soufre. Quand, par hasard, ils s'étaient arrêtés à cette première partie de leur tentative, la peine paraissait trop rigoureuse, d'autant mieux qu'il pouvait ne pas être démontré qu'il y eût autre chose que l'intention de nuire, sans celle de voler. Pour empêcher l'impunité de cette action toujours répréhensible, il édicta, le 20 août 1627, la peine de 50 fr. d'amende par chaque ruche, le double en cas de récidive, 200 fr. pour la troisième fois, et une punition corporelle arbitraire pour la quatrième. Le vol de terre était aussi ancien que les autres ; il avait jeté de si profondes racines, qu'il en était arrivé à passer, dans l'esprit du paysan, pour un tour d'adresse. Accompli sans violence et sans éclat, il semblait à quelques-uns qu'il fût la prime de la vigilance du bon père de famille. S'ils n'y parvenaient qu'en déplaçant des bornes, ils trouvaient dans les ressources de la chicane des motifs, plausibles à leurs yeux, pour justifier ce qu'ils appelaient leurs droits. Cependant, le législateur avait sévi dès longtemps contre les rayeurs de bornes. En 1393, Charles II les menaçait du fouet, de la marque sur les deux épaules et du bannissement, sous peine de la hart en cas d'infraction de ban. Le duc René, trouvant ce crime plus commun, édicta la peine de mort sur l'emplacement même de la borne. La simple action de labourer près d'une borne, à une distance moindre de deux pieds, entraînait le fouet et la marque. Charles III changea cette dernière peine en celle de 50 fr. d'amende, avec confiscation de la terre du délinquant, punition qui, chez des gens intéressés, pouvait être, en effet, beaucoup plus efficace que la flétrissure. Ce prince, en 1563, et avant lui le duc Antoine, en 1530, renouvelèrent tous ces édits ; le Parlement de Saint-Mihiel, en 1598, et la Cour souveraine séant à Saint-Nicolas, en 1661, firent de même, sans que leur sévérité put devenir un remède radical. L'usurpation de la noblesse était, avec raison, considérée comme un véritable vol, puisque son auteur s'emparait indûment de privilèges et d'honneurs qui ne lui appartenaient pas, et qu'il privait le prince de certains revenus. Elle avait de plus l'inconvénient de porter la confusion dans les familles et le trouble dans la société. Cependant, lorsque la soustraction de quelques sous de miel était punie du dernier supplice, l'imposteur qui enlevait annuellement des impôts assez considérables à l'État, et qui, en définitive, était un véritable faussaire, en était quitte pour une amende arbitraire. Ainsi l'avait décidé Charles III, par ordonnance du 30 décembre 1585. Le 12 août 1662, son successeur, non moins touché des abus qui grandissaient, fixa cette amende à 1,500 fr. pour le passé et à 2,000 pour l'avenir. Et voilà le châtiment que le duc Léopold, dans son édit du 14 février 1700, appelle la rigueur des ordonnances. Une faut plus s'étonner si tant de gens ont tenté l'aventure et ont pu en faire profit. Dans une assemblée des États, vers 1600, il fut exposé qu'au lieu de 138 nobles existant quarante ans auparavant dans tout le ressort du bailliage de Saint-Mihiel, il y avait actuellement à Saint-Mihiel seul 100 maisons nobles, d'où il résultait que le reste de la population étant fort misérable et vivant d'aumônes, il n'y avait pas une centaine de bourgeois, et encore médiocres, pour subvenir entre eux aux impôts (40). A la même époque, les officiers du duc de Luxembourg se plaignaient à leur maître que les habitants aisés de Ligny se prétendaient tous nobles, domestiques du seigneur ou privilégiés. Dans les Trois-Évéchés, la France fit aussi de grands efforts pour empêcher les usurpations de noblesse, et quoiqu'elle en fît une affaire d'argent plutôt que d'honneur, elle ne réussit pas davantage à y apporter un remède efficace. Le vol commis par des militaires fut traité avec la sévérité nécessitée par les exigences de la discipline. En 1587, Charles III prescrivit que le soldat qui déroberait en boutique ou en maison de bourgeois serait pendu et étranglé, genre de mort flétrissant aux yeux de celui qui ne devait mourir que fusillé. En 1592, il mit sur la même ligne tous leurs autres vols, avec menace de la hart, si redoutée par eux. Le duc Léopold, par ordonnance du 12 décembre 1698, rendit responsables des vols commis de nuit dans Nancy, les soldats du régiment des gardes, afin d'exciter leur surveillance. Du reste, ces crimes étant déclarés capitaux, leurs auteurs étaient aussi punis de mort. FAUX. Cette manière de voler en trompant la foi publique, par des actes authentiques ou privés, par de fausses attestations ou du faux argent, fut toujours punie suivant sa gravité. En première ligne était le faux en écriture authentique ou privée. Bournon rapporte que Jean II (1450) châtiait les faussaires en leur faisant couper par le bourreau les cinq doigts de la main droite. Les chartes, dès un siècle auparavant, les punissaient de corps et de biens, c'està-dire de mort et de confiscation. Charles III, par ordonnance du 5 avril 1585, prononça la peine du fouet, après quoi ils devaient avoir le poing coupé, être bannis à perpétuité, avec confiscation de leurs biens. Dans les cas où le faux importait à la vie ou à l'honneur de quelqu'un, le coupable était puni de mort. Nous avons trouvé, en 1615, un homme de Salmagne condamné simplement au carcan pour faux ; très-probablement son crime était de peu d'importance. Les moeurs anciennes avaient enfanté des genres de faux qui n'auraient plus qu'un cours difficile. Des industriels de cette époque exploitaient les fausses reliques, fausses indulgences et autres préservatifs révérés dans l'Église. En 1607, un fabricant de faux agnus fut condamné, à La Marche, à faire amende honorable et à payer 300 fr. d'amende. Son moule et sa provision de cire furent jetés au feu par le bourreau en sa présence. En 1719, Pierre Royer, de Sainte-Menehould, et Nicolas Guenaud, de Neufchàteau, demeurant à Gondrecourt, firent imprimer de fausses indulgences, à l'aide desquelles ils mendièrent dans divers villages où les marguilliers s'empressèrent de les assister. Ayant été découverts, ils furent poursuivis, ainsi que les imprimeurs Fourquet, de Mirecourt, et Monnoyer, de Neufchâteau. Devant le bailliage de Nancy, les coupables furent condamnés à trois ans de bannissement, et les imprimeurs admonestés ; mais devant la Cour, les premiers furent châtiés de deux heures de carcan, du bannissement perpétuel et de la confiscation de leurs biens : les imprimeurs, outre l'admonestation, eurent 20 fr. d'amende. Faux passe-port. - En 1784, J.-Georges Claus, peintre à Sarreguemines, fut condamné par le Parlement au fouet, au bannissement perpétuel et à la confiscation de ses biens, pour faux passe-port. C'était sévère. Faux serment. - Ce crime, extrêmement commun autrefois, ainsi que le prouvent les innombrables condamnations que j'ai rencontrées, était presque toujours puni d'amende. A Commercy, il entraînait le bannissement à temps et la confiscation. A Metz, en 1476, un homme de Maigny fut pendu pour faux serment. En 1769, la ville de Remiremont fut témoin d'un faux serment solennel. Un nommé Rouillon, laboureur du voisinage, était poursuivi par la clameur publique comme coupable de s'être introduit chez un habitant pendant la nuit, et de l'avoir assommé durant son sommeil. On était à la messe un dimanche, lorsque, au moment de Vecce agnus, cet homme audacieux se lève, prend Dieu à témoin de son innocence et lui demande de la faire éclater par un miracle. Il se présente ensuite à la sainte table et renouvelle sa protestation. Le miracle ne s'étant pas produit et la justice ayant peu de confiance dans cette démonstration impudente, Rouillon fut condamné aux galères à perpétuité. A la Cour, il n'eut qu'un an de prison, ce qui laisse douter si l'on voulut punir l'assassin ou le parjure. Faux dénonciateurs. - Le duc René, en 1 497, ne les punit que de 5 sous d'amende. Faux vendeurs ou stellionataires. - Ce qui s'appliquait aux choses mobilières comme aux immeubles. Par ordonnance du duc Charles III du 3 avril 1582, ils encouraient le fouet, le bannissement perpétuel et la confiscation du tiers de leurs biens. FAUSSE MONNAIE. Ce crime avait lieu par fabrication non autorisée, avec mauvais métal, dans une forme défectueuse, d'un poids trop faible, et enfin par simple émission de l'une de ces monnaies ainsi fabriquées illégalement. Il était puni de mort, excepté dans les cas où la valeur ainsi fraudée ne méritait pas un châtiment si rigoureux, toujours abandonné à l'arbitrage du juge. En 1701, Jean Levêque, sellier à Commercy, fut pendu pour simple émission; en 1631, Jean Lherbier, de Bar, ne fut condamné qu'au fouet pour avoir rogné des pièces d'argent, crime bien plus grave. Dans cette dernière ville, un homme coupable d'émission fut marqué au front et aux deux joues de trois barbeaux à l'aide d'un fer brillant. A Briey, Jacquot le Piéton fut brûlé en 1571, après avoir pris avis à Bar, près de MM. des comptes, et à Saint-Mihiel, près de trois avocats; en 1575, J. Laurent subit le même sort à Pont-à-Mousson. Un supplice plus terrible fut infligé à quelques faux monnayeurs : ce fut d'être bouillis dans l'huile ; et cependant ils ne paraissaient pas plus coupables que beaucoup d'autres, leurs semblables ; ils avaient peut-être eu seulement mauvaise chance. La justice de Metz semble avoir eu le mérite de l'invention, si l'on en juge par l'étonnement que le chroniqueur en manifeste. (Voyez Bouilli.) C'est, du reste, le cas le plus ancien de ceux que j'ai rencontrés, tant dans la Lorraine que dans le Barrois. Les grands seigneurs étaient les premiers faux monnayeurs du pays, entraînés qu'ils étaient par le besoin d'argent et l'espoir de l'impunité. On voit, en 1453, le roi René faire grâce au chevalier Pierre, seigneur de Beffroimont et de Ruppes, devenu faux monnayeur (41). Dans le même temps, Jean-Louis de Treulières, sire de Montjoie, en fabriquait sous prétexte d'avoir à subvenir à la rançon de ses enfants, faits prisonniers. Un autre châtelain, Henri de Bruzey, fit de même, mais cette fois pour payer ses dettes. Le plus fâcheux, c'est que ces deux derniers furent les victimes d'un intrigant nommé Eudon, qui ne réussit à leur faire faire que de la monnaie de rebut. Le décri de la monnaie s'imputait aussi à crime : Un valet de Sandron fut condamné à 5 écus d'amende pour avoir dit que la monnaie du duc ne valait mi un bouton. Les ducs publièrent de nombreux règlements sur les monnaies, soit pour en régler la fabrication, soit pour en fixer le cours ; nous citerons les principaux : 20 Décembre 1511. - Règlement du duc Antoine sur le cours des monnaies, portant peine d'amende arbitraire contre les infracteurs et confiscation de corps et de biens contre les exportateurs. 1er février et 24 décembre 1571. - Défense par Charles III d'exporter les vieilles monnaies et les matières d'or et d'argent, à peine de confiscation d'icelles et d'amende arbitraire. Ordre de les porter à l'hôtel des monnaies. 17 Mars 1572. - Défense de vendre ou acheter la monnaie à plus haut prix que le tarif, sous peine de confiscation, avec 100 fr. d'amende pour la première fois, et de punition corporelle pour les fois suivantes. 22 Septembre. - Prison pour la récidive, et bannissement pour la troisième fois. 16 Mai 1589. - Des sous faux ayant été introduits, défense de les faire circuler, à peine de la hart et confiscation de biens. 10 Juillet. - Défense de recevoir ou donner ceux au coin de l'État pour une quotité excédant le tiers du paiement à faire, à peine de confiscation et d'amende arbitraire. 8 Février 1597. - Ordonné de prendre les sous de Lorraine à 10 deniers; chacun obligé de déclarer sous serment au prévôt combien il en possède, à peine de confiscation de l'excédant. 6 Décembre 1624. - Charles et Nicole défendent de porter des grosses pièces à l'étranger, sous peine du carcan et confiscation de moitié des biens ; les officiers de finances, marchands et trafiquants, tenus de jurer dans les quinze jours qu'ils s'en abstiendront, à peine, en cas d'infraction, d'être punis comme faussaires. Sous le règne de Léopold, il y eut un nombre immense de règlements sur les monnaies, dont le recueil compose le quatrième volume in-quarto des Édits; on y distingue, pour la pénalité, celui du 11 novembre 1710, portant peine de mort contre l'extradition. La démonétisation des anciennes pièces était si absolue, qu'en 1726 la chambre des comptes put être entraînée à commettre une iniquité. Un chanoine de Remiremont, messire Sulpice, ayant laissé dans sa succession une collection de monnaies anciennes, la confiscation en fut prononcée contre ses héritiers, qui cependant n'avaient manifesté aucune intention de les mettre en circulation. En 1730, la même chambre condamna à 200 fr. d'amende et à l'admonestation un mari et sa femme, pour simple détention de mauvaise monnaie. C'est sans doute à ces précautions exagérées qu'est due la rareté des pièces anciennes de notre pays. MEURTRE, ASSASSINAT, PARRICIDE. Ces divers crimes n'offrent l'occasion d'aucune remarque particulière ; punis de mort dans toutes les législations, ils donnaient lieu, par leur plus ou moins de gravité, à un déploiement gradué de rigueur. La question ordinaire, celle extraordinaire, le fouet, les mutilations, les douleurs de la roue et du feu, tous ces supplices, infligés avant de mourir, ajoutaient à la sévérité de la peine ; loin de repousser ces aggravations de souffrance, on les recherchait, et les juges mettaient leur application à les étudier pour infliger une correction proportionnée au forfait. Au XI siècle, la secte des millénaires ayant effrayé les esprits les plus sages sur la durée du monde, il en résulta un trouble général qui suspendit même le cours de la justice, réduite pour un moment à se contenter de pénitences. La peine imposée au parricide n'était plus qu'une condamnation au vagabondage ; il était tenu de ne marcher que couvert de chaînes et de se rendre ainsi de pèlerinage en pèlerinage, demandant au saint de chaque localité le pardon de son crime. La chute de ses chaînes pouvait seule l'affranchir; seule elle annonçait que le courroux céleste était satisfait : il fallait donc un miracle. Heureuse l'église réservée à cette manifestation, qui assurait une pluie d'aumônes. Ses voeux étaient les mêmes que ceux du criminel, celui-ci toujours en quête de quelque supercherie pour réaliser sa délivrance. La Lorraine fut témoin d'un de ces miracles apocryphes : En l'an 1009, une dame anglaise, nommée Gondelinde, ayant tué sa mère, se mit en campagne chargée de ferrements et vint à Toul au tombeau de saint Mansui, où l'un des cercles de fer qu'elle avait au bras gauche se détacha de lui-même. Continuant sa course vers d'autres saints lieux, notamment à Saint-Dié, mais sans succès, elle revint à saint Mansui, où le miracle se compléta par la chute de l'autre cercle, qui fut appendu avec le premier dans l'église à jamais bienheureuse. Un autre exemple plus éclatant de pareil miracle fut donné dans les Vosges. C'était vers la même époque ; le parricide mal inspiré s'acheminait déjà vers Senonnes pour y entendre la messe du dimanche, lorsque tout à coup se ravisant, il entra dans l'église de Moyenmoutier où les moines étaient en train de célébrer l'office. Pénétré de componction à la vue de son Sauveur crucifié, le coupable pèlerin gémissait intérieurement sur sa faute, lorsque tout à coup le cercle de fer se brisant, se détacha de son bras si violemment qu'il alla frapper le mur en face en faisant un bruit épouvantable. Les moines, non moins reconnaissants qu'émerveillés, déposèrent les ferrements brisés aux pieds de leur crucifix, où d'innombrables croyants ne se lassèrent de les honorer pendant des siècles (42). Un meurtre traité avec autant de rigueur que l'assassinat, était celui d'une femme enceinte ou seulement de l'enfant dont elle était grosse. On l'appelait crime d'encie ou d'encis: « Si est quand l'on fiert femme enceinte et elle et l'enfant se meurent. » En 1601, une nommée Jeannon Hawix fut pendue à Blâmont pour ce fait ainsi qualifié. EMPOISONNEMENT. Ce crime odieux, difficile à découvrir, plus difficile encore à éviter, fut presque toujours puni du feu. A Metz, en 1495, une vieille femme fut ainsi brûlée pour avoir tenté d'empoisonner son mari. En 1599, dans la même ville, trois moines ayant commis le même crime sur leur Abbé, moururent en prison : trois clercs, leurs complices, furent pendus. Cette exception, de soustraire les premiers au châtiment ordinaire, ne fut due qu'à leur qualité. En 1578, Catherine de Laye, de Saint-Nicolas, fut brûlée à Nancy, pour avoir empoisonné son mari. Le temps ne modifia pas cette peine rigoureuse. En 1727, Marie Gravelant, d'Épinal, ayant été condamnée à être pendue et son cadavre jeté au feu ensuite, pour avoir empoisonné sa maîtresse, la Cour souveraine réforma la sentence et ordonna qu'elle serait brûlée vive. La marchande d'arsenic fut admonestée et condamnée en 100 fr. pour dire des messes à la défunte. En 1741, il en fut de même pour Jacquot Muller, de la prévôté de Bitche ; condamné aux galères à perpétuité pour tentative d'empoisonnement sur une famille, la Cour le condamna à être brûlé vif. Par sa déclaration du 14 mars 1780, le roi de France autorisa d'ajouter la roue à la peine de mort encourue par les empoisonneurs. On a vu dans les procès de sorcellerie que l'accusation d'empoisonnement y était le plus souvent jointe ; il était plus qu'injuste d'assimiler ce crime commis sur des animaux à celui tenté sur des hommes. Les chroniques de Metz rapportent une exécution d'empoisonneurs qui peut bien n'être qu'une erreur judiciaire. « En 1336, furent ars certains bigots, en nombre de sept, qui jetaient dans les puits des venins et sorceries pour empoisonner les eaux. » On ne dit pas que la duchesse Renée de Bourbon, épouse d'Antoine, décédée en 1339, mourut empoisonnée, ni qu'aucun soupçon se soit élevé à sa mort. Je ne sais donc comment expliquer, si ce n'est par d'autres motifs politiques ou une persécution arbitraire, l'emprisonnement de la femme de chambre de cette princesse. Elle s'appelait Claudine Boussart, et était vouée de Condé, c'est-à-dire seigneur de ce lieu. Ses meubles avaient été saisis en son hôtel à Nancy, et ses biens confisqués ; elle était sévèrement incarcérée, lorsqu'en 1545, année de la mort du duc François, elle fut mise en liberté. On lui fit préalablement souscrire un acte (43) par lequel elle promit de ne pas demander justice de cet emprisonnement injuste, remerciant Nicolas et Christine de leur indulgence. Ses parents, l'un chanoine à Langres, l'autre contrôleur des finances, y promirent également de ne pas en tirer vengeance. L'histoire, nous le répétons, est muette sur cet événement grave, dont le secret demeurera sans doute éternellement enseveli. INFANTICIDE. Une législation qui poursuivait, pour la punir, l'incontinence, sous quelque forme qu'elle se déguisât, ne pouvait manquer d'être sévère à l'égard d'un crime qui était lui-même la conséquence d'un autre ; sa sévérité était impitoyable. Toute fille ou femme dont l'enfant était mort après une grossesse cachée subissait la peine du feu ; rarement les circonstances atténuantes de son crime lui valaient la grâce d'être pendue. On en voit à de rares intervalles qui ne sont que fustigées ; mais tout porte à croire que contre celles-là il n'y avait de justifié qu'une simple négligence. La justice de Metz, toujours plus sévère que ses voisines, donna, en 1495, un spectacle affreux à l'occasion d'un infanticide. La condamnée de ce jour-là fut mise sur le bûcher, debout et en l'air, contre un pal plus grand que d'ordinaire. Le motif n'était qu'un caprice de sévérité, car elle n'était pas plus coupable qu'une autre... « Et eult premièrement l'une des mains coppées ; puis on bouta le feu, tant qu'elle fut arse et estouffée, non pas que l'on la laissast tout consumer, car incontinent qu'elle fut morte, on éteindit le feu, et là demeura toute droite ! qui était chose hideuse à voir. Et lui mit-on ung enfant de bois entre ses bras avec ung aultre en peinture, pendu au col, en signifiance du délit qu'elle avait fait. Et fut la main qu'on lui avait coppée, clouée au pal où elle était attachée. » Cette peine du feu, passée en usage, n'était, pas plus que celle de mort, écrite dans la loi, si l'on s'en rapporte à ce que dit le duc Léopold, en son édit du 7 septembre 1711 sur la même matière : « Et quoique nos juges aient condamné au dernier supplice toutes celles qui se sont trouvées en pareil cas, néanmoins comme il n'y a point eu jusqu'à présent dans nos états de loi précise qui ait déterminé cette peine, etc. » Il dispose ensuite que déclaration de la grossesse devra avoir lieu, et qu'à défaut de cette formalité, si l'enfant se trouve mort, la mère sera réputée l'avoir détruit et condamnée irrémissiblement au dernier supplice, « sans qu'elle en puisse être exemptée sous quelque prétexte que ce soit. » Cette déclaration devait être faite, dans les villes, au prévôt ou au lieutenant général du bailliage ; dans les villages, au maire, avec indication du séducteur. Et quand la fille accouchait, elle était tenue de se faire assister d'un médecin ou d'une sage-femme, et là, en présence du maire et de son greffier, de réitérer in doloribus partiis le nom de l'auteur de sa grossesse. Ces formalités étaient bien faites pour effrayer une femme timide, ayant honte de sa conduite : aussi beaucoup préféraient-elles courir les chances redoutables dont elles étaient menacées. En 1774, des abus s'étant glissés dans ces déclarations, la Cour défendit aux officiers de rien exiger pour salaire et de divulguer le secret qui leur était confié. Il fallait aussi, pour poursuivre, que le corps du crime fût trouvé : les présomptions les plus concluantes de grossesse ne pouvaient suffire. C'est ainsi que la Cour le décida, en 1759, sur les réquisitions du procureur général demandant l'annulation des poursuites de son substitut à Nancy contre la femme de chambre de M. Gallois, conseiller secrétaire d'État. Le crédit de ce dernier valut peut-être ce rappel aux vrais principes en faveur des autres victimes de la séduction. La femme périssait donc ignominieusement, mais par la corde et non plus par le feu. La Cour souveraine n'y apporta pas grand allégement ; à cet égard, au contraire, elle se montra toujours rigoureuse. Pendant sa durée de quatre-vingt-dix ans, trente-une infanticides furent pendues et vingt-quatre bannies à perpétuité. De ces dernières, cinq ou six seulement avaient été condamnées à mort par les premiers juges, les autres n'avaient d'autre tort que de n'avoir pas fait de déclaration, sans participation à la mort de leur enfant. Quant au séducteur, toujours si coupable et rarement inquiété, il n'en était pas toujours quitte pour payer les mois de nourrice. Après avoir arraché son nom à la fille par les rigueurs de la torture ou l'avoir surpris aux douleurs de l'enfantement, la justice cherchait si elle n'avait rien à reprendre dans les dehors d'une liaison réprouvée, et alors la plus légère démonstration extérieure, prenant le caractère d'un outrage public, entraînait contre le complice d'une vie qualifiée licencieuse, un blâme sévère, souvent le bannissement, et presque toujours la dure contrainte d'assister à genoux au supplice de la femme victimée. Si c'était un prêtre, il encourait en outre l'amende honorable. Il est arrivé quelquefois que le séducteur fut condamné, pour toute peine, à épouser la fille séduite, conformément au droit canonique ; mais ce n'était guère que quand il y avait parfaite convenance entre les parties, car alors on était fort peu porté pour les mésalliances. En 1718, la Cour fit le contraire ; elle défendit au séducteur d'épouser sa victime, à peine contre celle-ci d'être déclarée indigne de la succession de ses père et mère. Très-probablement on le supposait entraîné par la fortune qu'il espérait trouver dans cette union indigne de la jeune fille. L'auteur d'une grossesse était encore exposé à une action civile qui ne rentre point dans notre sujet. Une enquête était faite pour avoir, en cas de dénégation, des preuves de relations plus ou moins compromettantes. On y appelait la famille et les domestiques ; si peu que leur indiscrétion révélât quelque à parte, la preuve de ce que l'on appelait les blandices semblait concluante. Le danger auquel les hommes les plus continents étaient exposés par le mensonge et la cupidité ne pouvait manquer de faire abolir cette procédure abusive. Par redit plus haut cité, les parents étaient menacés d'une peine arbitraire en cas d'avortement. Le fouet et la marque étaient encourus pour exposition de l'enfant en un lieu public, et s'il y mourait faute de précautions, c'était la peine de mort. Pendant l'occupation de la Lorraine par les Français, deux infanticides d'un genre inouï épouvantèrent le pays, si l'on peut appeler de ce nom criminel le fait de deux malheureuses mères qui, mourant de faim, donnèrent la mort à leurs enfants et les mangèrent en commun (44). Une telle horreur ne peut se comprendre, le délire y suffit à peine. Le dernier supplice, qui leur fut infligé sans pitié, dut être accueilli par ces infortunées avec reconnaissance. A la même époque, en 1637, pendant le règne de la disette la plus affreuse dont les hommes puissent avoir mémoire, deux filles de Hymont furent accusées d'avoir tué un jeune homme pour le manger ; l'une d'elles seulement fut convaincue et punie de mort. MARIAGE. Ce lien social présente des droits et des devoirs dont l'infraction, qui n'a plus de sanction légale aujourd'hui, entraînait des punitions que l'histoire ne peut laisser tomber dans l'oubli. Et d'abord le consentement des parents pour cet acte sérieux fut toujours regardé comme indispensable. Du temps de Mathieu II, vers 1220, il fut édicté que, parmi les gentilshommes, la fille ou la soeur qui se marierait contre le gré de son père ou de son frère serait punie à la volonté du bailli. Un siècle après, sous Charles II, elle fut punissable de la privation de sa légitime. En divers lieux, les mariés et leurs complices étaient punis par la confiscation de moitié de leurs biens. L'âge nécessaire était fixé à douze ans pour les filles, du temps du même duc Mathieu. Celui qui épousait une femme plus jeune était puni comme ravisseur, à l'arbitrage du père ou du frère. On conçoit que si c'était du consentement de ces derniers, la loi se trouvait sans application. Pour se passer du consentement des parents, il fallait, du temps du duc Jean Ier (1550), vingt-cinq ans pour les hommes et vingt-six ans pour les filles, à peine, contre les receleurs, de 20 fr. d'amende. Charles III, par édit du 12 septembre 1 572, fixa cette majorité à trente ans pour les hommes et à vingt-cinq pour les filles. Plusieurs coutumes locales admirent vingt-un ans. Le duc Léopold y trouvant une cause d'insubordination et de dérèglement, rétablit la majorité comme du temps de Charles III, sous peine, contre les infracteurs, de la perte de leurs avantages nuptiaux, et, contre les complices, d'une amende arbitraire pouvant s'élever au tiers de leurs biens, même de punition corporelle contre les roturiers. MAUVAIS TRAITEMENTS. Le mari eut toujours, par la loi de nature, le droit accordé au plus fort, c'est-à-dire le commandement, qui implique la correction. Entre gens peu policés, comme on l'était plus généralement autrefois, les remontrances modérées étaient peu en usage ; il est plus facile d'allonger le bras que de trouver de bonnes raisons, et les maris brutaux ne furent jamais avares de démonstrations énergiques. Voici, selon Bournon, la loi matrimoniale au temps de Mathieu II, au XIIIe siècle ; « Femme maltraitée par son mari portera plainte au juge. Femme sera réputée maltraitée, si le mari lui refuse à manger à son appétit, ne lui donne habits et souliers convenables à son état et condition, et s'il la fait battre de verges, ce qu'il pourra cependant si elle est très-jeune, et seulement pour fredaines d'amourettes ou méchancetés, mais avec mesure. » La coutume de Marsal en affranchissant les femmes de l'action en injure, lorsque les maris affirmaient les avoir battues, accordait implicitement à ceux-ci le droit de correction. (Voyez au mot: Injures.) ADULTERE. L'influence de la loi romaine, qui punissait de mort la femme adultère, se fit long-temps sentir en Lorraine, mais peu à peu elle parut trop rigoureuse, et dès le XIIIe siècle, sa plus grande punition lui vint de l'Eglise. Au concile de Trêves, où figurait Roger, évêque de Toul, il avait été réglé que l'adultère subirait la pénitence publique ; que, vêtu du costume de mendiant, il porterait une cruche sur ses épaules et un bâton à la main. Au XIVe siècle, du temps de Charles II, il fut dit : « La femme qui quittera son mari sera réputée pute, et le mari autorisé à se porter contre elle et la dot à lui échue, en lui donnant le vivre. » A la rigueur, on ne voit pas là l'adultère, mais il est probable que cette loi ne s'entendait que du cas où la femme quittait son mari pour suivre un autre homme. Au XVIe siècle, la peine était le fouet donné en public à la femme ; j'en ai trouvé de nombreux exemples. En 1574, la femme d'un menuisier de Briey fut en outre condamnée à être enfermée au couvent de Sainte-Claire de Pont-à-Mousson ; mais l'abbesse ayant refusé de se faire geôlière, la coupable en fut quitte pour trois mois de prison, le duc, à qui elle s'adressa, ayant ordonné qu'elle en sortît. En 1705, une femme libertine fut condamné par la Cour à la réprimande et à demeurer un an dans la maison de Notre-Dame-du-Refuge ; il fut dit que dans le cas où, à cette époque, son mari refuserait de la recevoir, elle y resterait toute sa vie en habit de pénitente. En 1720, la femme d'un serrurier de Nancy fut condamnée à mort pour son libertinage, et, en 1727, une autre fut condamnée à demeurer à perpétuité dans un couvent. Disons de suite, en l'honneur des maris, que dans le premier cas le serrurier généreux reprit sa femme, pour l'arracher au supplice ; on ignore ce que fit l'autre mari dans le second cas. Infliger cette peine du fouet et de la réclusion en un couvent s'appelait authentiquer une femme. Cette dénomination venait de ce qu'en cette circonstance on appliquait la loi romaine, l'une des authentiques, rapportée au code sous le titre ad legem Juliam de adulteriis. Rogéville, dans sa Jurisprudence, nous dit que de son temps, le mari coupable d'adultère n'encourait plus que 25 fr. d'amende, et il cite à cette occasion deux arrêts de 1710 et 1717 contre des maris infidèles, ayant manqué, en outre, à leurs devoirs de chefs de maisons. Quant au complice de l'adultère, marié ou non, il n'en sortait pas toujours quitte à bon marché, la peine étant proportionnée à la position qu'il occupait, à l'influence qu'il avait pu exercer. En 1715, la Cour condamna Louis Parisot, curé de Docelles, au bannissement perpétuel, à 7,000 fr. de dommages-intérêts, 1,000 fr. d'aumônes, 2,500 fr. d'amende et à la confiscation du surplus de ses biens, pour adultère avec la femme du notaire de Cheniménil. Celle-ci fut condamnée à la prison perpétuelle, dont son mari consentit aussi à la tirer en la reprenant. A Metz, en 1449, l'archidiacre de Marsal fut traité avec plus d'indulgence. Thiriat Qunirel, l'un des Treize de la cité, rentrant chez lui à l'improviste, lorsque sa femme le croyait à son poste sur les remparts, trouva celle-ci en conversation criminelle avec ledit archidiacre. Armé pour son service de capitaine, Thiriat tire sa dague et court au traître, mais sa femme, « qui étoit une des belles de la cité, » se jetant au-devant de lui pour protéger sa fuite, reçut seule le coup mortel, « et avec ce, navra ledit chanoine, lequel à bien grant peine se saulva. » Thiriat, effrayé, courut chez son beau-père, qui lui conseilla de prendre la fuite et d'aller prudemment attendre à Pont-à-Mousson la décision de la justice. Celle-ci heureusement le gracia. L'archidiacre, pour avoir souillé le domicile d'un fonctionnaire retenu par son service pour la cité, pour avoir corrompu sa femme et avoir causé la mort de celle-ci, fut condamné à 100 fr. d'amende ! « Ce lui était peu de chose, dit la chronique, car il méritait à souffrir plus grant peine. » A Épinal, les coupables ne couraient pas un grand danger, car ils n'en demeuraient pas moins honorés des charges de la cité. C'est ce que l'on apprend des gens de justice de ce siège, en réponse aux reproches qui leur étaient faits de conserver pour sergent le nommé Jean Mollot, connu pour adultère. Ils donnèrent pour exemple, sans plus se gêner, Claude Poirot et Jean Naxou, conseillers de l'Hôtel-de-Ville; Antoine Claude et Jean Clarleuil, tabellions, etc., conservés dans leurs emplois quoique reconnus adultères. En 1519, à Metz, un mari trompé donna lieu à des scènes qui eurent quelque retentissement et qu'il faut rapporter pour donner la mesure des lois de l'époque. Le duc de Suffort avait eu le talent de plaire à la femme d'un orfèvre, tellement qu'à la fin ses relations avaient acquis toute la publicité possible. Un tailleur qui les favorisait en leur donnant asile fut bientôt en butte aux reproches populaires, et de son côté le mari faisant chorus, se fâcha, si bien que, pour être plus à son aise, la femme prit le parti de décamper. Un jour que le duc passait devant le pauvre orfèvre, celui-ci se crut autorisé à gronder ; mais l'Anglais, qui n'y allait pas de main morte, faillit l'assommer. Grande rumeur parmi les maris, grande frayeur pour l'orfèvre, qui ne marchait plus que le harnais sur le dos, prêt à batailler et cherchant sa femme dans tous les coins de la cité. Après d'inutiles démarches, il prit le parti désespéré de s'armer jusqu'aux dents et de se rendre devant l'église, la hallebarde sur le cou, implorant à haute voix l'aide et assistance de tous les maris. L'émeute fut bientôt si grande, que la justice intervint et que force fut à l'insulaire de lâcher sa proie, qui fut remise aux Treize, sous condition que le mari jurerait de n'en pas tirer vengeance, ce qu'ayant refusé, elle demeura, en attendant, au palais, en la chambre des Sept de la guerre, nourrie aux frais de la cité. Le mari obstiné se sauva à Thionville pour n'être pas violenté dans sa détermination ; mais les Treize, lassés de leur garde, donnèrent la femme à une de ses vieilles parentes, qui ne put l'empêcher de s'échapper, de sorte qu'elle retourna avec l'Anglais, ce dont le mari fut si peu rassuré, qu'il quitta Thionville pour aller se réfugier à Toul. Dans cette dernière ville, le crime d'adultère était pris plus au sérieux. Un autre orfèvre, du nom de Gérard Granger, qui, cette fois, était le coupable, fut condamné, en 1578, à faire l'amende honorable la plus circonstanciée, et fut en outre banni pour dix ans. A la même époque, un charretier de Goncourt qui, en passant, s'était abandonné avec une fille d'auberge, fut déclaré, par la même justice, coupable du même délit, parce que cette fille était fiancée ; mais comme il était étranger et que la règle ratione loci n'était pas suivie à Toul, on se contenta de l'expulser, en lui défendant de reparaître. POLYGAMIE. Les époques les plus reculées nous offrent des exemples de ce crime toujours puni avec sévérité. La multiplicité des seigneuries, formant autant de petits royaumes indépendants, le favorisait beaucoup, vu la difficulté des relations entre ces différents pays. Un mari qui avait abandonné sa femme pouvait, presque impunément, aller s'établir à dix lieues de là et y contracter un nouveau mariage sans être découvert ; mais aussi, quand il l'était, il payait chèrement cette fraude. La plupart du temps il en était de la vie ; mais l'inégalité dans les moeurs ayant amené l'inégalité dans les châtiments, il se trouvait des localités où le bigame n'avait d'autre punition que celle de reprendre sa femme délaissée, après avoir paru au carcan, porteur d'autant de quenouilles qu'il avait pris de femmes. Charles III crut avoir besoin de ramener sur ce point une plus sévère égalité. Par ordonnance du 5 avril 1 582, considérant « le chaste lien du mariage comme le plus digne et le plus excellent instrument pour faire reluire, perpétuer et augmenter les républiques et cités, » il édicta la peine de mort, avec confiscation de biens, contre les bigames. En 1583, nous voyons Jean Mignon, de Thiaucourt, pendu en cette ville pour avoir épousé deux femmes. En 1618, à Étain, Barbe Thomas est exécutée, après avoir subi la question, pour avoir épousé deux maris. Il en fut de même pour beaucoup d'autres. Néanmoins, en 1606, nous trouvons à Nancy, Jacques Cuny, de Ligny, seulement fouetté et banni pour mariage géminé. Le plus grand acte de bigamie connu dans la province est celui qui eut lieu près de Toul, vers 1610, sous l'épiscopat de Porcelet de Maillane. Les habitants du village de Lagney, fatigués de leurs femmes et celles-ci de leurs maris, se proposèrent un échange général qui fut accepté et réalisé à la satisfaction de tous. Que l'on juge du scandale d'un procédé mis à exécution avec une entente cordiale aussi compromettante pour leurs relations antérieures et encore plus pour celles futures. « Les chanoines, leurs seigneurs, dit le père Benoit Picard, outrés contre leurs sujets, cassèrent cette permutation criante, et châtièrent rigoureusement les coupables. L'ignorance donnait lieu à ces désordres. Les prêtres étaient rares; ceux qui étaient destinés pour desservir les campagnes n'étaient que des mercenaires sans science et peu attachés à leur devoir. » Pourquoi alors tant de chanoines en ville, s'il manquait de curés dans les villages ? MM. les révérends seigneurs de Lagney n'avaient pas alors le droit de se montrer si sévères. Un exemple de cette nature s'était présenté isolé en 1591, dans la prévôté de La Marche. Nicolas de Metz, du village de Ville-Saint-Mazelin, et sa femme, furent poursuivis tous deux pour avoir changé d'époux, chacun de leur côté. La justice saisie de l'affaire, touchée sans doute d'un si parfait accord, se contenta de leur ordonner de se remettre ensemble, avec défense de revoir leurs seconds époux, sous peine de la hart. OUTRAGES AUX MoeURS. La vie licencieuse, en dehors du mariage, prenait le nom de fornication quand l'homme et la femme étaient entièrement libres et que celle-ci passait pour être une femme publique. On l'appelait stupre, quand la femme était, auparavant, réputée avoir des moeurs honnêtes. En France, la faute du fornicateur n'était pas punie, amoindrie qu'elle était aux yeux du législateur par la double considération que la prostituée n'avait rien à perdre et qu'il fallait tolérer un mal pour en éviter un plus grand. Les règlements de police concernant les femmes publiques, en fixant certaines limites, semblaient suffisamment rassurer la société. Le stupre seul y était punissable, parce qu'il supposait une séduction, toujours coupable, employée pour corrompre une fille honnête, qui, en outre, était censée n'avoir cédé qu'à la promesse du mariage. La peine la plus douce imposée au séducteur était d'épouser sa victime. Dans nos provinces, plus faciles à scandaliser, toute infraction aux moeurs dites patriarchales avait un retentissement forcé qui lui imprimait un caractère criminel. Malheur à l'imprudent contre qui la rumeur publique effarouchée montrait quelque mécontentement ; sans égard le plus souvent aux incertitudes de ses jugements passionnés, la justice s'efforçait de donner raison aux murmures, qu'elle accueillait à l'égal du flagrant délit. Que l'on s'imagine alors le danger d'une conduite légère dans une petite localité, où la vie fut toujours fouillée à toute minute par les investigations les plus indiscrètes et les plus tyranniques ; il n'y restait, pour se soustraire à de véritables périls laissés aux mains de la haine et de la calomnie, qu'une vertu à toute épreuve ou la ressource trop facile de l'hypocrisie. On n'y distinguait donc pas entre la fornication et le stupre, sinon pour aggraver la peine quand les caractères de ce dernier se rencontraient dans l'infraction. La rigueur s'exerçait principalement contre les vagabonds qui promenaient comme à plaisir leur vie scandaleuse, mais trop souvent aussi contre les étrangers qui, colportant quelque chétive industrie, avaient le tort grave de léser les intérêts mercantiles de la localité. S'ils avaient avec eux quelque femme associée à leur commerce nomade dont ils ne pussent justifier l'attachement par un acte de mariage en règle, ils étaient sûrs de trouver des dénonciateurs et de subir toutes les avanies réservées aux gens de mauvaise mine. Il se trouvait facilement, dans l'arsenal des vieilles ordonnances, quelques prescriptions à tirer de l'oubli pour leur imposer les humiliations les plus rudes. De toutes parts le carcan et le fouet leur étaient infligés sans beaucoup de scrupule. Il n'est pas de prévôté qui n'ait eu à mettre dans ses archives une foule de sentences pareilles à celle-ci, rendue à Saint-Mihiel en 1548 : « Colart de Péronne et Isabelle, sa femme, coquins coquinants, battus de verges pour leur vie débauchée. » Peut-être verra-t-on plus, dans ce fait et dans d'autres analogues, la punition du vagabondage que celle d'une moralité scandaleuse ; mais on ne peut douter de l'usage de punir la simple fornication, quand on la voit défendue même aux prostituées. La cause de ce rigorisme ne peut s'expliquer que par l'espèce d'invasion qu'elles avaient faite au sein d'une classe de contrevenants voués par état à d'autres passe-temps. Il s'agit du clergé, qui, sans égard aux menaces de ses supérieurs et aux commandements des rituels, s'était abandonné à une licence effrayante. C'est ce que le duc Charles III signale en ces termes dans une ordonnance du 12 janvier 1583 : « Nous sommes aussi advertis qu'au moyen de l'impunité de la mauvaise et impudique vie d'aucunes femmes et filles mal famées d'incontinence, le vice prend de jour à autre plus d'accroissement, nommément à l'endroit d'aucunes personnes ecclésiastiques, les maisons desquelles icelles femmes et filles débordées fréquentent presque ordinairement, et ce avec d'autant plus de prétexte et licence qu'elles résident en maisons séparées, chose qui redonde au scandale public, vitupère de la qualité et condition desdites gens d'église, et opprobre de leur ordre, etc. ; » il leur enjoint, en conséquence, de cesser leur fréquentation avec lesdits ecclésiastiques, et même de quitter leur voisinage dans la quinzaine, sous peine de 50 fr. et du fouet avec bannissement en cas de récidive. L'habitude était enracinée de manière à ne pas céder si vite ; sept ans après, il fallait répéter la même défense et la rendre plus rigoureuse. C'est ce qui fut fait le 14 février 1600, avec menace du fouet et du bannissement perpétuel, de piano, sans attendre la récidive. Alors fut imaginée une fraude que la discipline avait pourtant proscrite à satiété : les ecclésiastiques prirent chez eux ces femmes à titre de servantes. Ce fut l'objet d'une troisième ordonnance, publiée le 9 septembre 1624, laquelle fut suivie de nombreuses poursuites sur tous les points du pays. Dans un procès de cette nature, à La Mothe, la prévenue, Barbe Populus, est sans plus de façon qualifiée de chambrière et garce de messire Gaspard Poirot, curé de Saint-Thiébaut. Leur enfant fut mis en nourrice, par ordre de justice, pendant le jugement de son appel au Parlement de Paris. Ce qu'il y avait d'injuste et peut expliquer l'insuffisance des monitions disciplinaires qui se succédèrent depuis sans discontinualion, c'est que la femme était seule poursuivie ; le prêtre échappait à la justice séculière, le cas n'étant pas de ceux qualifiés privilégiés et restant à la disposition des supérieurs ecclésiastiques, en sorte qu'il arrivait fort souvent que, pour le public, il y avait apparence d'impunité. C'est ce dont la ville de Saint-Dié eut grand sujet de gémir en 1581 : Une toute jeune fille, réputée pour vivre avec un chanoine, fut appelée par le maire devant le conseil de ville, où ce magistrat, après lui avoir fait honte de sa conduite, fit jurer à son père, aussi appelé, d'y mettre ordre, tandis que le chanoine n'eut aucune part de cette humiliation. Les ordonnances qui précèdent étaient dictées par un mécontentement si vif de la conduite des ecclésiastiques, que les deux dernières allèrent jusqu'à prohiber la fornication en général, même celle secrète, et prononcèrent la peine de mort contre les proxénètes. Mais les moeurs et la loi elle-même introduisirent des exceptions commandées par la nécessité. C'est ainsi qu'en 1587 le même duc Charles III se vit contraint de régler avec plus d'indulgence la même matière, à rencontre d'un autre ordre de célibataires : il prescrivit que nul homme de guerre ne pourrait amener avec lui femme ou fille, pour son particulier, à moins qu'elle ne fût sa fiancée ou sa femme légitime. Celle qui essayait de passer ainsi en fraude, à la suite d'un séducteur, devenait commune à tous : menace dont la mise à exécution n'avait d'égale en immoralité que la nécessité pour chacune de ces malheureuses de desservir le huitième d'une compagnie, sans liberté de mettre plus de mesure dans leurs débordements. Néanmoins, à la différence des peines portées en l'ordonnance de 1583, les complices, c'est-àdire les débauchés suborneurs, étaient privés de leur grade et encouraient une peine arbitraire. En 1710, cette législation ne paraissait plus si absolument appliquée. Une fille, trouvée ainsi dans une caserne, fut condamnée au bannissement perpétuel, mais, en appel, la Cour la tint quitte pour une admonestation. Presque partout les filles publiques, un peu plus tard, furent obligées de loger dans des rues séparées qui leur furent assignées, et de subir les visites de la police. Il leur était défendu de se présenter dans les bals, où personne ne pouvait non plus les faire danser. Une déclaration du duc François, du 2 septembre 1730, soumit celles de Nancy à des justifications qui diffèrent peu de celles prescrites aujourd'hui. Lors de l'invasion française qui avait précédé le règne de Léopold, il en était venu dans cette ville une foule, attirées par les troupes, qui s'en trouvèrent fort mal, ainsi que bon nombre de bourgeois déréglés. L'Hôtel-de-Ville ne pouvant parvenir à les expulser, parce que, mises dehors par une porte elles rentraient par l'autre, demanda à l'Intendant de pouvoir les faire fouetter par le bourreau, espérant que cet affront plus sensible serait plus efficace, ce qui fut accordé ; en sorte qu'après avoir demeuré préalablement huit jours en prison, au pain et à l'eau, elles étaient sévèrement et publiquement châtiées. Le duc Léopold, en 1714, y ajouta le pilori, qui avait le grave inconvénient d'attirer sur elles l'attention des honnêtes gens et surtout de la jeunesse, dont elles ne souillaient pas impunément les regards. Sous le roi de Pologne, les troupes françaises y ajoutèrent le cheval de bois, plus gênant pour elles et non moins dangereux pour la pudeur publique (voyez Exposition). Après quoi on les faisait passer par les baguettes sous les coups des soldats, le plus souvent auteurs ou complices de leurs méfaits. En 1754, une ordonnance de police du 17 août prescrivit leur emprisonnement dans le bâtiment de la Poissonnerie, où elles devaient piler du ciment, et, par modération, filer de la laine. A une époque plus reculée, les repaires des prostituées avaient leurs privilèges, qui, d'ordinaire, se créaient ou s'augmentaient dans les temps de licence du carnaval. On lit dans la chronique de Metz, qu'en 1491 une jeune fille, se rendant modestement à la messe le jour des Rameaux, avec la grande dame qui l'avait prise à son service, quitta tout à coup celle-ci en arrivant sur la place devant l'église, et s'éloigna avec un jeune homme, jadis son amant, qui vint à passer et qu'elle suivit en son logis. Ce fut un grand scandale, et pour les dévots qui en étaient témoins, et pour le clergé, qui se disait outragé un jour de fête. La justice, saisie de cette affaire, eut bientôt l'assurance que ce rapt n'était qu'une fuite volontaire et concertée, d'où résultait qu'il n'y avait là rien de sa compétence ; cependant, pour l'outrage au dimanche des Rameaux, le suborneur fut condamné en 40 sous d'amende et la jeune fille à être conduite dans une maison de prostitution, où son amant n'eut que le temps d'aller la racheter aux rïbaudes, moyennant 15 sous. Les gens mariés n'étaient ni à l'abri de ces fautes, ni à l'abri des peines y attachées. Le chef de maison encourait une responsabilité qui pouvait être fort injuste. Si sa domestique devenait enceinte, force lui était de découvrir un coupable, sinon il était réputé pour tel. Ainsi fut jugé, en 1713, pour le comte d'Elmstadt, accusé par Françoise Crezille, femme de chambre de sa femme ; en vain il nia, il fut condamné à faire apprendre un métier à l'enfant, non pas en raison des présomptions de la cause, mais par suite, portait l'arrêt, de cette maxime ancienne : Ancilla proegnans, gravida presumitur à domino (45). En 1710 et 1717, on rencontre des arrêts analogues, condamnant pour même cause des maîtres à 23 francs d'amende. Probablement la même indulgence n'eut pas toujours lieu, car on trouve, à la date du 23 mai 1660, des lettres d'abolition du duc Charles IV en faveur d'un nommé Jean Reichot ; pour une pareille amende, il n'eût pas recouru à une demande en grâce toujours coûteuse et difficile à obtenir, en même temps qu'elle augmentait la publicité de sa faiblesse. En 1572, Mengin Vexels, de Ville, pour avoir adultéré et engrossé deux de ses chambrières, fut condamné, par sentence du prévôt de Pont-à-Mousson, confirmée en appel à Saint-Mihiel, à trois ans de bannissement et à la confiscation du tiers de ses biens. Dans les Évêchés, l'année suivante, Jean Lorrain, couturier à Toul, fut, pour le même fait, condamné à faire amende honorable en public. RAPT. On distinguait deux sortes de rapt, à savoir, le rapt de séduction et le rapt de violence. Le rapt de séduction s'entendait de l'enlèvement d'une mineure, fille ou veuve, pour, de son consentement, la soustraire à l'autorité de ses parents. Il comprenait aussi le fait de la séduction sans enlèvement. Dans ce dernier cas, c'était le stupre aggravé de la circonstance de minorité, qui supposait un abus de l'inexpérience. La cohabitation avec une religieuse, même majeure et consentante, constituait aussi un rapt de séduction. Un règlement du temps de Ferri III, vers 1300, portait : « Qui enlèvera fille ou veuve, sans la volonté de ses parents, paiera 20 sous et sera mis hors l'église pendant trois dimanches consécutifs. » Les chartes qui suivirent adoptèrent généralement une pénalité plus en rapport avec lé reste de la législation ; le coupable de rapt de séduction fut puni de mort. Le rapt de violence était l'enlèvement d'une personne qui n'y consentait pas, encore qu'on ne lui eût fait aucun mal, et aussi ce que nous connaissons sous le nom de viol. Le simple enlèvement, sans autre résultat, n'était pas puni avec la même sévérité que si le ravisseur en eût abusé, sauf les cas d'exception, toujours nombreux sous l'empire d'une pénalité abandonnée à l'arbitraire des juges : A Metz, en 1450, Michel Adam, curé de Saint-Victor, Démange Pingot, curé de Lubley, et Jean dit le Viez, chanoine de Saint-Sauveur, pour avoir emmené de force avec eux une jeune femme, ne furent condamnés qu'à 40 livres d'amende et bannis pour cinq ans (46). En Lorraine, au commencement du XIIIe siècle, le duc Thiébaut avait réglé ainsi le manque de respect au beau sexe : « Celui qui prendra de force la main ou le bras à une femme paiera 20 sous. Qui, en public, la baisera au visage ou sur les mamelles, sera puni du fouet. Fille violée malgré elle fera serment et recevra 60 sous ; si c'est de plein gré, n'aura rien. » On remarque de suite cette différence entre le fouet pour un simple baiser et 60 sous pour un viol. Pourquoi étaitelle si grande, car un baiser donné en public ne faisait pas toujours supposer une plus grande privauté, ni le désir d'afficher celle à qui il était adressé ? Peut-être nos aïeux, imbus de la croyance trop absolue que femme n'est violée qui n'y consent, voulaient-ils qu'elle se défendit de son mieux, sans trop se fier à la loi pour arrêter les agresseurs. Nous avons vu, dans la prévôté de La Chaussée, Jean Nouel, de Labeuville, accusé d'avoir violé une fille, condamné à 60 sous d'amende, mais, est-il dit, le cas n'étant pas dûment prouvé et seulement par manière de composition. Cette condamnation, quoique modérée, pour un crime non prouvé, ferait croire que si la preuve eût été plus complète, ou peut-être le crime tout-à-fait consommé, il y eût eu plus grande peine. C'était en effet dans un temps éloigné de la loi du duc Thiébaut, lorsque déjà, depuis plus d'un siècle, le législateur ne montrait plus la même indulgence pour ce crime. Presque partout, comme le rapt de séduction, le rapt de violence était puni de la confiscation de corps et de biens. Les règlements de Toul, à la même date du XIVe siècle, prononçaient la même peine, avec cette circonstance notable que les complices, s'ils étaient assez heureux pour s'évader, n'encouraient qu'un bannissement d'an et jour, tandis que s'ils étaient pris, ils étaient punis comme l'auteur du crime. Dans les Vosges, la peine était aussi la mort. En l'an 1559, le meunier d'Awencourt, nommé Mongel, ayant violé sa servante, ce qu'il avoua lorsqu'il fut soumis à la question, fut pendu après avoir été exposé au carcan conformément à la sentence rendue par le maire, les compagnons jurés et échevins de Neufchâteau. Toujours, comme nous l'avons dit, il y eut des exceptions résultant des circonstances, de la qualité des accusés ou des victimes, mais qui ne déposent ni contre la loi, ni contre le juge, la peine ayant toujours besoin d'être graduée en proportion de la gravité du crime. A Metz, en 1482, le notaire Martin Quairel, pour viol consommé, ne fut condamné qu'au bannissement. Il est vrai qu'il était contumace, et que dans ce cas, c'était la seule peine que la justice crùt possible de prononcer, parce que c'était la seule qu'elle pût appliquer. En 1512, un jeune homme, recommandable par un grand talent comme musicien, ayant été jugé coupable du même fait, ne fut que battu de verges, mais avec tant d'outrance, qu'il n'avait plus un brin de peau entier. Lorsqu'il arriva près de sa mère, qui l'attendait à la porte par laquelle il devait en outre être banni, ses mutilations parurent si atroces à la pauvre dame, qu'elle tomba en défaillance. En 1490, un nommé Collignon de Louveney, plaidiour du palais (avocat), s'en tira par une voie en apparence plus douce : il épousa la victime, pourquoi la justice consentit à se taire. La confiance perpétuelle manifestée par les habitants des campagnes à laisser leurs portes ouvertes, donna lieu jadis à bien des viols qui ne furent pas très-sévèrement punis, parce qu'ils n'eussent pas eu lieu sans cette facilité entraînante : Des jeunes gens savaient-ils qu'une veuve était couchée, ou qu'une femme mariée se trouvait seule au lit ? profitant du secret connu de tous pour ouvrir sa porte, ils envahissaient, dans le seul dessein de la contrarier, qui sa chambre, qui son lit, et le diable faisait le reste. J'ai rencontré de fréquentes condamnations dans le genre de celle-ci: « 1564. Didier Grouselle, de Pareid, prévôté d'Étain, pour avoir été nuitamment, par cautelle, en la maison de Colin Husson, tâché de connaître charnellement Jacqueline, sa femme, feignant d'être son mari, condamné en 60 fr. d'amende. » La tentative de viol n'était généralement pas punie de mort. Ainsi Martin Thiébaut, de la Molhe, pour avoir voulu efforcer par force la femme de Humbert Aubri, de Liffou, n'est condamné qu'à 50 fr. d'amende, et encore lui fut-il fait grâce d'une partie. Dans le même temps, Bernard, de Goussaincourt, pour avoir été de nuit dans la demeure d'une veuve, avec d'autres, n'est condamné qu'au bannissement, dont il lui est également fait remise. La veuve avait été violée, mais il était difficile de savoir par lequel des assaillants, et Bernard avait subi la question sans faire d'aveu. INCESTE. Ce crime comprenait tout commerce charnel avec ses parents ou alliés en ligne directe ou collatérale, et avec des personnes engagées dans les ordres religieux. Au concile tenu à Metz du temps de Pépin, en 733, il fut dit que celui qui aurait commis un inceste avec une personne consacrée à Dieu, ou avec sa commère, sa marraine de baptême et de confirmation, avec la mère et la fille, les deux soeurs, sa nièce, sa petite fille, sa cousine germaine ou issue de germaine, sa tante, serait puni de 60 sous d'amende, et, en cas de refus de se corriger, privé de nourriture. En cas d'insolvabilité, il devait garder prison. Les ecclésiastiques encouraient la perte de leur grade, ceux d'une position inférieure étaient fouettés et incarcérés. L'intervention du clergé en cette matière amenait des énormités difficiles à comprendre aujourd'hui : Suivant les statuts du concile de Compiègne en 756, celui qui avait connu la mère et la fille, à l'insu l'une de l'autre, était obligé, s'il se mariait après, de quitter sa femme, qui devenait libre ; de leur côté, la mère et la fille devaient faire de même. Il résultait de ce scrupule outré que les gens de mauvaise foi se préparaient à leur aise des moyens assurés de divorcer. C'est ainsi qu'au concile de Tuzey, près Vaucouleurs, un siècle plus tard, on vit le comte Régimond dénoncer la conduite de son gendre, qui, sous prétexte d'avoir eu commerce avec une parente de sa femme, délaissait cette dernière. Les révérends pères de cette assemblée étaient bien fondés à se lamenter sur la corruption de leur temps, mais nous ne voyons pas que les subtilités de leur législation fussent capables d'y apporter remède. Gérard d'Alsace (1050), défendit « d'épouser sa lignée, » sans que nous sachions quelle peine était infligée aux infracteurs. Mais en général ce crime était assez rare ou assez rarement découvert. La peine variait selon le degré de parenté, suivant que l'une ou l'autre des parties ou toutes deux étaient libres ou mariées, car l'adultère simple, ou double était encore un autre crime. Dans les cas ordinaires, les coupables étaient pendus ; dans ceux plus graves, ils étaient brûlés. Nous avons cependant plusieurs exemples d'inceste où leurs auteurs, quoique convaincus, ne furent pas punis de mort. En 1581, Pasquin Henry et Madelaine, sa belle-soeur, de Moranville, furent condamnés, à Étain, au bannissement perpétuel et à la confiscation de leurs biens, pour avoir conversé impudiquement ensemble. Un nommé Limousin et sa cousine la Limousine sont encore condamnés, au même lieu, pour même cause, au carcan et au bannissement. En 1569, un appelé Démange Lemollat, comparut devant la justice du ban d'Étinacq, pour avoir eu des relations avec la soeur de sa femme. Il y avait donc à la fois inceste et adultère, et tout était prouvé ; cependant les Échevins de Nancy opinèrent eux-mêmes pour le renvoi devant son évêque, pour lui infliger une pénitence proportionnée à son péché, et une simple amende de 50 fr. On chercherait vainement la cause de cette indulgence ailleurs que dans la circonstance que la belle-soeur était la provocatrice et que le mari s'était montré plus que débonnaire ; il avait transigé moyennant 100 fr. et deux resaux de blé ! Un malheureux pécheur de Hallieue, Toussaint Coichat, ne rencontra pas tant d'indulgence devant la justice des chanoines de Saint-Dié. C'était en l'an 1604. Il habitait la cabane paternelle, où il tolérait la veuve de son père, qui avait d'un premier mariage cinq enfants à sa charge. A force d'économies et de sueurs, Coichat était parvenu à faire l'acquisition d'un chétif grabat moins dur que la paille où ils étaient tous réduits. Un soir, pendant un hiver rigoureux, la veuve de son père lui demande la permission de se réchauffer près de lui ; il y consent par charité, et, pendant un an, ils dorment ainsi, côte à côte, dans la plus pure innocence. Si on l'en croit, la fille d'Eve le chatouilla un matin, et, à force d'y revenir, l'enfant d'Adam succomba. Le pauvre pêcheur, traduit en justice, eut le chagrin de voir demander par Nicolas Ruyr, procureur d'office, la peine du carcan et celle du gibet. Les Échevins de Nancy ayant été du même avis, la potence ignominieuse reçut son dernier soupir. La qualification d'inceste était, comme au temps du concile de Metz, étendue à des actes qui, en vérité, ne nous sembleraient guère le mériter, comme on peut en juger par le procès intenté à Jacquot Lambley, charron à Lafosse. Cet homme vivait dans le célibat et la solitude, la nature l'ayant tellement disgracié que, d'après lui-même, les filles ne pouvaient pas l'aimer. Quoiqu'il eût quarante ans, sa mère n'ayant qu'un lit, le lui faisait partager, ce qui finit par exciter des propos et attirer l'attention de la justice. Poursuivi en vertu de la seule présomption résultant de la maxime, alors en usage, coitus presumitur cum consanguineis, si unà cubaverint, il eut beau nier, son procès s'instruisit. Et cependant ses juges n'avaient pas grande opinion de ses facultés mentales, car on les voit pousser la précaution jusqu'à lui demander s'il sait combien il y a de Dieux. L'information amena la découverte d'une foule de turpitudes de la part de cette brute en proie à tous les appétits charnels ; mais en ce qui concerne l'inceste, à défaut de celui avec sa mère qu'il nia toujours, on lui reprocha au même titre d'avoir pris des licences avec des petites filles qui lui étaient étrangères, mais qui, entre elles, étaient parentes. On y trouve même l'inculpation d'inceste pour en avoir fréquenté une qui était nièce d'une femme avec laquelle il avait eu aussi des relations. Il est difficile d'ailleurs d'accumuler sur une seule tête plus de chefs d'accusation que vis-à-vis de cet infortuné. Le réquisitoire de François Laurent, avocat à la Cour, procureur d'office du ban d'Étival, pour le révérendissime Abbé, nous apprend, en treize page in-folio, qu'il avait à sa charge les crimes ci-après : 1° Force privée. Pour des menaces et voies de fait. 2° Larcins. 3° Fornication et adultère. 4° Rapt. Pour avoir défloré des enfants. 5° Stupre et plage. Pour avoir enfermé des enfants chez lui. 6° Inceste. Avec sa mère, les trois soeurs et la nièce de la femme adultère. 7° Sacrilège. Impudicités en faisant mine de prêcher. 8° Parricide. Battu sa mère. 9° Sodomie attentée. Commerce avec des bêtes et pollutions publiques. Il n'en fallait pas tant pour subir le dernier supplice, qui lui fut infligé en 1677, devant la porte de l'église d'Étival. CRIMES CONTRE NATURE. Le délire qui poussa des hommes déréglés à de semblables saletés ne pouvait manquer d'attirer la sévérité de la loi dans un État où elle dirigeait les moeurs. On distinguait trois sortes de crimes contre nature. 1° Avec soi-même. En ce cas, les auteurs estimaient qu'il y avait lieu à confiscation et à bannissement ; il fallait la publicité, sans cela le crime était toujours douteux. 2° Avec des bêtes. Ce crime, très-commun autrefois, était puni du feu. La bête, instrument passif, était brûlée avec le coupable, par la raison, disait-on, qu'il fallait anéantir tout ce qui pouvait rappeler un aussi affreux scandale. Il y eut un grand nombre d'exécutions de ce genre dans tous les coins du pays. Un jour, à Hattonchâtel, un homme d'Aviller parut sur le bûcher avec cinq bêtes ; le tout fut réduit en cendres, et celles-ci jetées au vent. A Pont-à-Mousson, en 1490, un autre, de Bruyères, fut brûlé avec trois vaches. Quelquefois on étranglait les animaux avant de les placer sur le bûcher, comme la Cour l'ordonna pour deux juments, en 1703. Il y avait en effet, sans cette précaution, de grandes chances de dérangement dans le bûcher, par suite de leurs mouvements désespérés. Pendant l'instruction du procès, les bêtes étaient, comme l'accusé, mises en état d'arrestation, et leur nourriture comprise dans les frais. Ce que l'on aura peine à croire, c'est que l'on rangeait dans la même catégorie les rapports naturels des deux sexes avec les infidèles, tels que les Turcs et les juifs, par la raison que notre sainte religion les tient pour des bêtes, non pas par nature, mais pour leur très-dure malice, la foi défendant de converser avec eux, à plus forte raison de dormir près d'eux et converser charnellement. 3° Avec des êtres humains. Significatur et reservatur non execrandus tantùm concubitus masculi cum masculo, aut foeminae cum foeminâ, sed et masculi cum faeminâ, etiam uxore, in vase indebito (47). La peine fut toujours celle du feu, et il y en eut beaucoup. Le procès le plus tristement célèbre à cet égard, est celui de Jean-Baptiste Marchal, curé de Ludres, jugé en 1757. Aucun acte de la justice lorraine n'a donné lieu à plus de commentaires, aucun n'exige plus d'impartialité pour être apprécié à sa juste valeur. Jusqu'alors, Marchal, protégé par un faux esprit de parti, a été vaguement représenté à l'opinion comme ayant été condamné pour sorcellerie et comme une victime de la femme du seigneur de sa paroisse. Cependant, s'il fut un malhonnête homme, sa faute n'a rien de commun avec le caractère dont il était revêtu, et n'ôte rien aux vertus de ses collègues ; une charité outrée pour sa mémoire aurait donc tout le danger de la complicité. Le temps est passé où le crime d'un seul rejaillissait sur tous, amis, parents ou confrères ; à chacun ses oeuvres, le vice ne donne que plus de prix à la vertu. Ces tentatives désespérées de maladroits partisans n'ont d'autre effet que de forcer l'histoire à des investigations qui ravivent le scandale ; que celui-ci retombe donc, tout entier, sur les imprudents qui tentent de voiler la vérité. J.-B. Marchal était né à Dombrot, canton de Bulgnéville (Vosges). « Mauvais prêtre et plus mauvais pasteur encore (48) » il était fort insouciant de la discipline et des règles de son état. Ses moeurs étant plus que suspectes, Mme de Ludres, seigneur du lieu de ce nom, dont il était curé, se crut obligée, dans l'intérêt de ses vassaux, d'informer l'évêque de la nécessité de surveiller son subordonné. Celui-ci, après quelques justifications pour se soustraire à une destitution imminente, préféra donner sa démission, qui lui fut adoucie par l'accommodement d'une pension en retour. A quelque temps de là, revenu de sa surprise et moins résigné, il ne tarda pas à tenter de reconquérir le poste que sa conscience ou la force lui avait commandé de quitter, mais qu'un prompt oubli du passé lui présentait comme un droit ravi. Pour y rentrer, il fallait recourir aux tribunaux, parler haut, risquer le grand jour sur un passe qui ne pouvait être revisé sans résistance et sans danger ; « mauvaise tête et mal conseillé (49), » rien ne put l'arrêter. La justice, indirectement éveillée, commença les investigations qu'il aurait dû prévoir. Décrété de prise de corps en juillet, il fut incarcéré le 15, et la procédure eut son cours ordinaire. Le 20, le promoteur général du diocèse de Toul requêta pour le réclamer, en s'appuyant sur les privilèges ecclésiastiques. Le 22, rejet de cette demande par le bailliage, et le 27, sentence de condamnation portant qu'il était « suffisamment convaincu d'avoir séduit et corrompu, par des attouchements illicites et infâmes, quantité de jeunes garçons, ses paroissiens, de même que des hommes, notamment les trois frères et des écoliers qu'il avait sous sa conduite, en qualité de maître de langue latine ; d'avoir, et immédiatement devant et après ces crimes, célébré le saint sacrifice de la messe, et d'avoir commis et consommé, par violence, l'abominable crime de sodomie, en diverses manières et sur plusieurs personnes. Pour réparation de quoi, condamné à être, etc., étranglé, puis brûlé, après amende honorable. » Avant cette sentence, le promoteur avait fait appel de celle du 22, qui rejetait son déclinatoire ; la Cour y statua le 28, et confirma la décision du bailliage. Le condamné qui n'acceptait ni en la forme ni au fond le jugement de mort du 27, en interjeta de même appel, en insistant sur l'incompétence, par les mêmes motifs que le promoteur, et en demandant subsidiairement que la procédure fût suivie en commun, et qu'au besoin l'évêque fût tenu d'établir un officiai à la suite de la Cour. Au fond, il produisit deux actes de rétractation et conclut à son absolution. La Cour, réunie le 1er août, délibéra sur les faits justificatifs depuis huit heures du matin jusqu'à onze heures et demie ; à cette heure, l'appelant introduit plaida sa cause en toute liberté pendant cinq quarts d'heure. Il en sortit à une heure et demie, et la cour délibéra jusqu'à trois heures, après quoi elle rendit un arrêt conforme à la sentence du bailliage, en l'aggravant exceptionnellement de la disposition rigoureuse que l'exécution n'aurait pas lieu à Nancy, mais à Ludres, à la face des paroissiens scandalisés. Selon l'usage et la loi, cette exécution devait avoir lieu de suite ; mais, soit pour laisser à la clémence du prince le temps de s'éclairer et d'intervenir, soit, comme on l'a prétendu, pour conduire Marchal avec plus de sécurité au lieu fixé, il n'y fut mené que le lendemain. Remis aux mains du curé de Saint-Epvre et de l'abbé François, son vicaire, qui lui prodiguèrent leurs consolations, il subit son supplice avec résignation et, selon la forme usitée, revêtu d'une chemise de soufre, la tête tondue, après avoir fait amende honorable devant la porte de son église, qui resta fermée. Dans ces faits, dans cette procédure, cette condamnation et cette exécution, il est impossible de rien trouver qui indique une injustice et encore moins une forfaiture. Comment se fait-il donc que cette décision, après un siècle, soit restée comme une tache sur la justice du pays ? La condamnation d'un prêtre pour un crime énorme, aussi alarmant pour les familles, devait, à bon droit, avoir du retentissement ; mais devait-elle être flétrie dans l'opinion avec une ténacité inquiétante pour la justice ? C'est ce qui nécessite l'examen de l'histoire, qui ne peut avoir d'influence que par un excès d'impartialité. Quels reproches sont venus, en grandissant dans l'ombre, ébranler la confiance populaire ? Marchal, par des motifs tout honorables pour lui, avait encouru la haine de Mme de Ludres, qui, ne se possédant plus, a séduit l'évêque, soudoyé des témoins, acheté le bailliage et corrompu la Cour. Victime d'une trame si noire, ourdie par une femme aussi puissante que courroucée, l'innocence a succombé. Telle est l'accusation de la postérité, répétée par des échos insaisissables : accusation d'autant plus grave qu'elle commença, non pas le lendemain ni le jour, mais la veille même du supplice. Voyons les preuves à l'appui de ce vox populi si éclatant et si formidable : « Lorsque son arrêt fut porté (50), on entendit au même instant un grand coup de tonnerre qui fit trembler les fenêtres du palais et de la prison; aussitôt il s'éleva un vent impétueux, le temps se mit à la pluie et dura jusqu'au soir. Le lendemain malin, tout annonçait la plus belle journée et le plus beau temps. Lorsque nous fûmes sortis de Nancy, la pluie recommença et dura jusqu'à notre arrivée à Ludres, et lorsque nous allâmes au lieu de l'exécution, elle reprit et redoubla jusqu'au moment de son décès. » Le rédacteur ajoute : « Nos gens de Nancy et des environs ne cessent de proclamer son innocence et les sentiments contraires qu'ils ont toujours éprouvés. » Enfin il cite, pour preuve de ces sentiments, un coquin de Ludres qui, n'étant pas du même avis, a failli être écharpé par nos revendeuses, dont la furie ne put être arrêtée que par l'intervention de la force publique. « Il y a plus, dit un autre (51), Mme de Ludres tombe dans une langueur qui, en la dévorant, la conduit insensiblement au tombeau. Le procureur du roi se fracasse le bras et demeure estropié. Le Procureur Général (Toustaint de Viray), meurt dans six mois. » Ainsi ce sont des miracles ou des inspirations de mégères, et c'est la Providence qui prend la peine d'intervenir pour proclamer l'innocence du juste ! Cela est sérieusement attesté par l'abbé François, présent à son martyre, et, trente ans plus tard, par l'abbé Villemin, ancien secrétaire de l'évêque. Que l'on s'étonne maintenant que la foule confiante ait préféré la prétendue lumière de la foi la plus aveugle aux raisonnements humains, dont on peut à son aise exagérer la faiblesse, mais qui sont cependant encore les seules armes qu'il soit donné d'employer pour chercher la vérité, contre laquelle la passion se sent d'autant plus forte que les pièces du procès, conformément à un usage regrettable, ont été brûlées avec le condamné. Le parjure des témoins et la prévarication des juges, telles sont donc les deux causes de la condamnation qu'il faut peser. Ces témoins étaient en grand nombre, puisque les actes d'immoralité sont indiqués comme nombreux ; ils étaient de tous les âges, puisque ces actes intéressaient des hommes et des enfants ; ils étaient tous, ou pour la majeure partie, paroissiens de l'accusé, puisque les faits incriminés se passaient dans l'intérieur de son domicile. Comment donc admettre que tant d'hommes s'entendent pour en accabler un seul, pour le perdre ; qu'il ne s'en trouve aucun qui y répugne ; que la plupart acceptent pour leur propre compte une coopération d'infamie qui les entache de complicité ; que des enfants marchent sans hésitation dans la voie du mensonge poussé jusqu'au crime, en face de leurs parents, en face de la justice, malgré, sans aucun doute, la révolte de leurs mères contre la perte imméritée du directeur de leurs consciences; que tous, hommes, femmes et enfants, écrasent de leurs accusations simulées un innocent, non pas cette fois un Raphaël Lévi, un juif exécré, mais leur chef spirituel, le confident de leurs secrets, le ministre de Dieu, dont ils ont, si impies qu'on les suppose, l'habitude de respecter la personne et la robe ? Et encore qu'il ne se rencontre pas dans cette commune un seul défenseur prêt à révéler la trame qui s'ourdit presque au grand jour ? Et tous ces esprits incultes, inaccessibles aux combinaisons machiavéliques, ces âmes brutes, mais d'ordinaire fermées à la trahison pour les passions d'autrui, quelles raisons les déterminent à déguiser la vérité jusqu'au parjure, à se damner et surtout à exposer leurs personnes et leurs biens en se mêlant d'affaires où la justice trop clairvoyante peut apercevoir leur infamie ? C'est, dit-on, pour tous, l'argent et l'ascendant de Mme de Ludres, le désir intéressé de la satisfaire. On conviendra que c'est admettre chez les campagnards un respect pour leur seigneur bien étrange même à leur époque, et aussi de la part du seigneur une influence bien peu commune, sans compter qu'il eût fallu un incalculable sacrifice d'argent pour acheter tant de soumission : sacrifice néanmoins toujours resté inconnu, soit pour partie, soit pour le tout. Mais, en supposant qu'il en ait été ainsi, comment aurait-il pu se faire que les promesses, les tyrannies ou les plus excessives libéralités de Mme de Ludres n'eussent rencontré ni mécontent ni traître, et pas un seul repentir ? Ces hommes et ces enfants sont tous morts sans que l'affaiblissement de la vieillesse ni la crainte de Dieu leur aient arraché à l'heure dernière une rétractation facile et inévitable. Cependant, les occasions n'ont pas manqué, les intéressés n'ont pas dû épargner leurs efforts pour en obtenir; plus tard, la politique a chassé prêtres et seigneurs; toutes révélations, tous aveux ont pu être faits sans danger; et pourtant, rien n'a transpiré, aucune conscience ne s'est accusée. Celui qui, dans un juste courroux, a fait gronder son tonnerre, qui a frappé de réprobation et de mort les auteurs leS plus indirects de ce drame, en a laissé en paix les plus coupables ; il n'a daigné toucher le coeur d'un seul de ces témoins, ni d'un seul de ces autres habitants de Ludres, si intéressés à repousser la solidarité d'une forfaiture abominable ! Il faut évidemment, pour persévérer, admettre le monde fait et gouverné autrement qu'il ne l'est, nier l'expérience et douter de la Providence. Mais l'accusation se tourne encore contre les juges ; ils ne sont pas seulement trompés par des témoignages, que la loi leur a donnés pour régulateurs de leurs convictions, ils y ont aussi aidé en se faisant volontairement les séides d'une femme vindicative. D'abord le bailliage, qui habitait Nancy, hors de la juridiction et du pouvoir des seigneurs de Ludres, n'avait rien à ménager à leur égard. Ensuite quelle raison de soupçonner d'une bassesse aussi criminelle, aussi exceptionnelle, des magistrats que leur conduite dans ce procès pourrait seule accuser et qu'elle n'accuse pas, puisqu'il fut instruit et jugé comme toute autre affaire. Quelques esprits timides et irréfléchis, pour les affranchir de l'accusation de vénalité, ont prétendu les excuser en expliquant leur décision par la confiance qu'ils avaient que le prince ferait grâce ; mais cette interprétation injurieuse, inventée depuis, est inséparable de la conviction de la culpabilité ; elle prouverait tout au plus que la question du châtiment pouvait seule, à leurs yeux, être tempérée, car la probité n'admet pas sur la vérité ces transactions indignes du juge. Au surplus, le bailliage, s'il en avait besoin, trouverait sa complète absolution dans l'arrêt conforme de la Cour. Quant à celle-ci, que pouvait une femme, si puissante qu'on la suppose, sur des hommes tous personnellement aussi puissants qu'elle, et tous étrangers, par raison et par devoir, aux prétendues passions de ce procès. Chacun d'eux savait que le pays tout entier avait les yeux ouverts sur ce qui allait surgir dans une cause où l'impartialité des premiers juges était déjà mise en doute. Il y allait de l'honneur et de l'intérêt de tous d'éviter les mêmes soupçons. Et si la voie des sollicitations était ouverte, peut-on penser que les innombrables confrères de Marchal se soient tenus en repos vis-à-vis de magistrats que beaucoup comptaient parmi leurs parents et leurs amis ? Faut-il donc aussi tout à coup dépouiller le clergé de son influence, de cet immense pouvoir qui en faisait un des principaux corps de l'État ? S'il n'avait alors la force de donner l'impunité à ses membres, il avait au moins celle de leur assurer la justice entourée des garanties accordées aux autres citoyens. Comment, s'il n'eût fallu que des sollicitations, ne l'aurait-il pas emporté sur une femme dont l'intérêt, tel qu'il est supposé, eût été facile à démasquer ? Et l'évêque, averti par son promoteur et encore mieux par la sentence fatale, on veut qu'impassible, il ait laissé écraser sous les coups visibles d'un odieux complot un digne ministre de ses autels ! N'est-ce pas plutôt qu'il était enchaîné par une conviction puisée au début de l'affaire, lorsque le coupable avait échoué devant sa propre justice ? S'il eût cédé, impuissant devant l'intervention illégale du bras séculier dans une juste cause, il n'eût pas souffert, sans s'en inquiéter, qu'il flétrît sciemment l'innocent et encore moins qu'il le sacrifiât, et le roi Stanislas eût été le premier à seconder ses moindres efforts (52). En définitive, nous ne prétendons ici ni accuser le curé de Ludres, ni justifier ses juges ; ce n'est pas une thèse à soutenir, à moins de consentir que tous les jugements des hommes seront soumis aux mêmes attaques et aux mêmes incertitudes, ce qui équivaudrait à proclamer l'inutilité de la justice ; ce que nous tenons seulement à repousser, c'est l'accusation de forfaiture, qui ne peut se supposer et qui devient atroce quand elle n'a pour se risquer que des insinuations intéressées et des miracles apocryphes. Et qui donc la justice divine a-t-elle puni ? Ce serait le procureur du roi, qui n'était pas à l'abri des accidents ordinaires de la vie ; ce serait le Procureur général, encore moins à l'abri de la mort ; et tous deux, qui n'ont fait qu'éclairer l'affaire, auraient été flagellés pour le crime de ceux qui l'auraient jugée ! C'est là grandement calomnier le doigt de Dieu. Ce serait Mme de Ludres, qui aurait bien pu, sans tirer à conséquence, subir les infirmités de la vieillesse, mais qui, selon l'affirmation des contemporains les plus respectables, est morte comme tout le monde, paisiblement, et, de plus, fort respectée. Resterait la protestation de l'honnête Président de cet affreux aréopage, qui aurait délaissé ignominieusement à leurs oeuvres impies des collègues infâmes, tandis que la vérité est que, dès le lendemain et jours et ans suivants, ce magistrat continua ses fonctions, attestées au besoin par la présence de sa signature sur tous les arrêts. Il n'est pas moins faux que les juges soient morts au terme assigné par le condamné, qui les aurait ajournés devant Dieu, en parodiant les Templiers. Il est des preuves que des inventions miraculeuses et des insinuations intéressées ne peuvent effacer ; sans parler de ces deux rétractations que l'on feint d'ignorer et que l'on trouve mentionnées dans l'arrêt, il faut lire les documents que nous avons signalés et les méditer sans passion. De ce nombre est la relation des derniers moments du condamné, adressée à l'évêque, par l'abbé François, qui ne le confessa pas, cette tâche ayant été remplie par son curé, mais qui ne le quitta que pendant ce court instant. Dans les détails obligés de son lugubre récit, le fervent consolateur, animé d'une conviction d'innocence qui peut lui faire honneur, rapporte en ces termes les dernières paroles du pénitent : « Tout le monde le plaignait.... surtout quand, après s'être avoué pécheur et avoir ainsi publié la justice de sa mort, il déclara qu'il mourait innocent de certains crimes énormes dont on l'accusait. » Il ajoute cette réponse du condamné aux paroles destinées à relever son courage : « Ce genre de mort m'effraie si peu et je le crois si peu disproportionné à mes désordres, que je suis prêt à tout autre tourment ; voulût-on me disséquer artère par artère, fibre par fibre, hacher mes membres les uns après les autres, je croirais que tout cela est encore bien au-dessous de mes crimes » Nous le demandons à ceux qui ont quelque expérience des déclarations des condamnés aux abois, n'est-ce pas ainsi qu'ils procèdent d'habitude, en faisant des aveux incomplets, ou par honte ou pour se ménager un reste de pitié de la part de ceux qui les entourent ? Qu'importe, à leurs yeux, quelques circonstances, un crime de plus, dès qu'ils en avouent suffisamment et consentent à proclamer la justice de leur mort. Il ne faut pas voir ici les aveux d'un pécheur repentant qui s'humilie avec exagération, mais bien ceux d'un condamné qui n'ose avoir l'effronterie de se dire innocent. La résignation chrétienne peut aller jusqu'à regarder la mort comme une juste expiation de gros péchés ; mais la mort inutile, avec ignominie, par la main du bourreau, sans la palme du martyre ! c'est une impiété de le penser. Fallait-il, pour justifier la justice et sa rigueur et faire ajouter foi à des turpitudes qui semblent exagérées, rapporter d'autres procès semblables que l'horreur du scandale a fait tomber de nos mains ? Non. Les crimes d'une autre époque ne sont pas les nôtres ; les moeurs actuelles n'en ressortent que plus glorieuses, et notre clergé, qui est pur des abominations du passé, n'en doit être que plus triomphant, sans se risquer imprudemment aux dangers de combattre une solidarité qui ne doit pas l'atteindre. BETES CRIMINELLES. On dirait que nos aïeux n'avaient pas l'idée que l'intention fût indispensable pour constituer la culpabilité, quand on les voit punir le simple accomplissement du fait et pousser ce principe jusqu'à l'absurde. Il est inconcevable que personne n'ait songé à présenter comme un outrage à la majesté divine les poursuites, condamnations et exécutions contre des animaux qui n'avaient qu'obéi à leur instinct féroce. Quoi qu'il en soit, il n'est que trop vrai que la justice se souilla de semblables procédures dont le ridicule est inexplicable, lorsque surtout on réfléchit que non-seulement ces affaires étaient sérieusement examinées, mais encore que l'on prenait avis pour leur solution comme dans les cas les plus graves. Les accusés étaient aussi préalablement mis en la véritable prison, sous la garde du geôlier, et leur exécution se faisait avec le même cérémonial que pour les chrétiens, moins cependant le confesseur. Nous nous contenterons d'enregistrer par ordre de date les exécutions dont nous avons trouvé la mention authentique. 1349. - Truie traînée et pendue à Châtillon pour avoir dévoré un enfant. 1354. - Une truie, qui occit un enfant à Broussey-en-Blois, est pendue ignominieusement à Gondrecourt. 1408. - Exécution à Saint-Mihiel d'un pourcel qui avait dévoré un enfant à Domcevrin. Maître Jean Cochart, bourreau de Bar, fut, à cet effet, deux jours à Saint-Mihiel. 30 Mars 1467. - Exécution à Bar-le-Duc, par maître Didier, exécuteur de la haute justice, d'un chat qui avait étranglé un enfant de quatorze mois dans la maison de Clément le Bachelier, de Longeville. Ce chat fut pendu à la potence des prés. 1483. - Une truie de Sivry-sur-Meuse exécutée en ce lieu pour avoir dévoré un enfant. 1504. - A Briey, un porc ayant tué un enfant de deux ans, est pendu par le bourreau (53). 1512. - L'exécuteur de Metz pend un taureau homicide sur le chemin de Sainte-Barbe, lieu de la perpétration du crime. 1519. - Un porc pendu à Moyeuvre-la-Petite pour avoir dévoré un enfant. En la même année, une bête (non spécifiée), exécutée par le prévôt de Consenvoye, pour avoir occi un enfant à Ville-en-Woivre. 1548. - Une truie, qui avait dévoré un enfant à Boucq, est exécutée au gibet de Foug, siège de la prévôté. 1550. - Exécution à Briey d'un verrat qui avait étranglé un enfant à Jondreville. 1554. - Un porc exécuté pour avoir mangé la ligure de l'enfant de Marie George, du village de Mehoncourt (54). 1558. - Un enfant ayant été mangé à Boucq par un troupeau de cochons, tous les coupables sont pendus. Le nombre n'en est pas indiqué. 1569. - Laie exécutée à Briey pour avoir mangé un enfant à Landrefontaine. 1569. - Porc exécuté à Amance, remis au prévôt par le prieur de Salonne. 1572. - Exécution à Moyenmoutier, par la justice du révérendissime Abbé, d'un porc qui avait dévoré un enfant de Claudon François, dudit lieu. 1584. - Porc pendu à Heillecourt. 1586. - Porc pendu à Sancy pour avoir dévoré un enfant. 1600. - Porc pendu à Nancy, hors la ville. 1612. - Truie pendue à Épinal pour avoir mangé l'enfant du meunier du moulin du Gaulcheux. 1662. - Laie pendue à Mirecourt pour avoir mangé un enfant. La justice de La Chaussée avait donné un exemple qui eût dû être préféré. En 1429, elle avait condamné les habitants de Haumont à 6 fr. d'amende pour semblable fait de la part du troupeau du village. Au moins elle les avertissait d'être plus soigneux, sans s'en prendre à des bêtes incorrigibles.
(1) Mémoires de Bauveau. |
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