| Le 15 septembre 1802, Joseph 
				Fouché (1759-1820), desservi par Joseph, Lucien Bonaparte et 
				leur soeur Elisa, voit le consul Bonaparte, inquiet de sa 
				puissance, lui retirer le ministère de la police que l'on réunit 
				à celui de la justice... donc à celui du grand-juge 
				Claude-Ambroise Regnier, qui y gagnera le sobriquet de «  
				gros-juge ».
 
 Mémoires de Joseph 
				Fouché, duc d'Otrante, ministre de la police générale.Ed. 1824
 [août 1802]Tout en recueillant les bruits de salons et de cafés, le 
				correspondant officieux forgeait mille historiettes contre moi 
				et contre la police générale, dont il faisait un épouvantail 
				c'était le mot d'ordre.
 Enfin tous les ressorts étant prêts, et le moment opportun (on 
				avait sondé adroitement Duroc et Savary) on arrêta, dans une 
				réunion à Morfontaine chez Joseph, que dans un prochain conseil 
				de famille où assisteraient Cambacérès et Lebrun, on ferait 
				lecture d'un Mémoire où, sans m'attaquer personnellement, on 
				s'efforcerait d'établir que, depuis l'établissement du consulat 
				à vie et de la paix générale, le ministère de la police était un 
				pouvoir inutile et dangereux inutile contre les royalistes, qui, 
				désarmés et soumis, ne demandaient qu'à se rallier au 
				gouvernement dangereux comme étant d'institution républicaine et 
				le paratonnerre des anarchistes incurables qui y trouvaient 
				protection et salaire. On en concluait qu'il serait impolitique 
				de laisser un si grand pouvoir dans les mains d'un seul homme 
				que c'était mettre à sa merci toute la machine du gouvernement. 
				Venait ensuite un plan rédigé par Roederer, le faiseur de Joseph, 
				qui avait pour objet à réunir la police au ministère de la 
				justice, dans les mains de Régnier sous le nom de grand-juge.
 Quand j'appris ce tripotage, et avant même que l'arrêté des 
				consuls ne fût signé, je ne put m'empêcher de dire à mes amis, 
				que j'étais remplacé par une «  grosse bête » et c'était 
				vrai. On ne désigna plus depuis l'épais et lourd Regnier que 
				sous le nom de gros Juge.
 
 
 Joseph Fouché redeviendra 
				ministre de la Police de Napoléon le 10 juillet 1804 (jusqu'en 
				juin 1810) : car dans sa semi-disgrâce, il continue ses 
				activités policières et va profiter de la conspiration de 
				Cadoudal pour revenir en force... et se venger de Regnier. Le 12 
				octobre 1803 est arrêté le chouan Jean-Pierre Querelle, impliqué 
				dans la conspiration de Cadoudal. Fouché écrit dans ses mémoires 
				:«  Quand Réal eut reçu les premières révélations de Querelle, 
				condamné à mort, et qu'il en eut rendu compte, le premier consul 
				refusa d'abord d'y croire. Je fus consulté, et je vis un complot 
				qu'il fallait pénétrer et suivre. J'aurais pu faire rétablir dès 
				ce moment le ministère de la police et en reprendre les rênes; 
				mais je n'eus garde et j'éludai; je ne voyais encore rien de 
				clair dans l'horizon. J'avouai sans peine que le gros juge
				était incapable de démêler et de conduire une affaire si 
				importante; mais je vantai Desmarets, chef de la division 
				secrète, et Réal, Conseiller d'état, comme deux excellens 
				limiers et parfaits explorateurs je dis que Réal ayant eu le 
				bonheur de la découverte, il fallait lui donner la mission de 
				confiance d'achever son ouvrage. »
 
 On trouve cependant peu de références à cette dénomination de «  
				gros-juge » :
 Dans «  Manifeste de l'Église romaine dans le monde politique » (ed. 
				1845), Antoine Madrolle ajoute :
 «  La Constitution le nommait le Grand Juge, mais on ne 
				l'appelait jamais à Paris, et même au Palais, que le Gros juge. 
				- Comme, sous le Directoire, l'ex.-Juge, fait Ministre de la 
				Police : Coch.... - Bonaparte, qui, comme on sait, méprisait les 
				légistes, jusqu'à faire un affront au célèbre Erskine de cette 
				qualité, semble vraiment avoir voulu consommer le discrédit de 
				son énorme garde-des-sceaux, en lui donnant le titre de duc de 
				Massa. - Comme il semble avoir voulu trahir la Religion, en 
				donnant les Cultes à Bigot. »
 
 Et dans«  Conspirateurs et gens de police : le complot des 
				libelles (1802) », Gilbert Augustin Thierry écrit :
 «  Le ministère de la Police fut réuni à celui du Grand Juge, 
				le «  gros juge », comme on nomma dans le populaire l'obèse et 
				lourdaud Régnier. Il s'acquitta fort mal de son emploi, étant 
				très honnête homme.... »
 
 Ces deux sources semblent cependant ne reprendre que les 
				allégations de Joseph Fouché dans sa haine tenace. En l'absence 
				d'autres citations, il est donc très difficile d'affirmer que 
				Claude-Ambroise Regnier ait été durant son ministère désigné de 
				manière courante sous le sobriquet de «  gros-juge »,... hormis 
				par Joseph Fouché.
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