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Blâmont dans les romans (9)

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Émile Erckmann nait à Phalsbourg le 20 mai 1822 et décèdera à Lunéville le 14 mars 1899 (le droit de résider à Phalsbourg lui ayant été refusé). Après un baccalauréat à Nancy en 1841, il avait entamé des études droit à Paris, avant de retourner à Phalsbourg, malade de la typhoïde en 1843.
C'est là qu'en 1847, il rencontre Alexandre Chatrian, alors maître d'étude au collège de Phalsbourg. Chatrian, né à Soldatenthal (près d'Abreschviller) le 18 décembre 1826, décèdera à Villemomble le 3 septembre 1890, atteint de maladie mentale.

De 1849 à 1892 seront publiées leurs nombreux romans, nouvelles et contes fantastiques, et même s'ils s'installent tous deux à Paris en 1859, ils referont de nombreux séjours en Lorraine.

La ville de Blâmont est utilisée dans plusieurs de leurs oeuvres : nous avons déjà cité Waterloo (1865) et Histoire d'un paysan (1867), auxquels on peut ajouter l' «  Histoire d'un sous-maître  » (1871), «  Les deux-frères » (1871, où est même exploité le nom du bien réel médecin Charles-Oscar Virlet de Blâmont), et peut-être l'«  Histoire du Plébiscite » (1872, voir ci-dessous)
 
Tombe de Charles-Oscar Virlet au cimetière de Blâmont

Histoire d'un sous-Maître
Récit du temps de la Restauration
1871

«  Je passai par Lunéville, Blamont et Héming. A Lorquin, je demandai le chemin du Chêne-Fendu, car la route s'arrêtait au bout de ce village, et je craignais de me perdre.
«  Prenez à droite,» me dit un gros homme qui fumait sa pipe sur le devant de sa porte. »[...]

«  Tout à coup la nouvelle se répandit que M. l'inspecteur était en route; qu'il avait commencé sa tournée en Lorraine, par Blamont; qu'il s'avançait en détruisant les sous-maîtres, en les épluchant, en les cassant, en les refusant à la douzaine, sans considérer leur triste position, ni le service militaire, qui les empoignait aussitôt qu'on les avait mis de côté.
Les sous -maîtres du pays, et même les instituteurs du troisième degré qui n'étaient reçus que provisoirement, tremblaient en apprenant les dégâts de M. Mougeot, principal de collège, désigné pour cette inspection, et qui montrait ainsi sa science. Je me souviens qu'un sous-maître de Saint-Georges passa chez nous en ce temps, racontant qu'on l'avait refusé pour une faute de participes, ce qui me fit dresser les cheveux sur la tête. »


Les deux-frères
1871

Chapitre IX
«  C'est ce jour-là, sur les deux heures de l'après-midi, dans la grande salle en haut, qu'il fallut entendre les cris d'indignation contre le projet. C'est alors qu'il fallut voir se lever le grand charron Dominique Bolrion, son gros poing sur la table et les yeux enflammés, criant que les bois du comté de Dabo étaient à nous, qu'il fallait les conserver pour nous; que si l'on établissait un chemin, ceux de Sarrebourg, de Blamont et de plus loin, jusqu'au fond de la Lorraine, viendraient chercher notre bois, nos planches, nos bardeaux et nos madriers ! » [...]

Chapitre XVII :
«  Depuis l'apposition de cette affiche à la mairie, de jour en jour la maladie de Louise devenait plus grave et retardait le mariage. Des médecins arrivaient de toutes les communes environnantes, et tenaient conseil entre eux: c'étaient M. Bourgard, de Sarrebourg, homme d'une grande expérience et connu de tout le pays, M. Virlet, de Blâmont, M. Saucerotte, de Lunéville, enfin tous les meilleurs médecins à dix lieues des Chaumes.
On les regardait aller et venir, aucun bruit de leurs consultations ne se répandait au village. »


Voici la version française de «  Histoire du Plebiscite »

9ème édition - Hetzel et Cie - 1872

Chapitre VII
[14 août 1871]
«  Ce même jour, vers le soir, plusieurs voitures d'Alsaciens, revenant de Lunéville, passèrent par le village pour retourner chez eux. Les Prussiens les avaient forcés de marcher; leurs chevaux n'avaient plus .que la peau et les os; et ces gens maigres, jaunes, tombaient à force d'avoir reçu des coups et d'avoir supporté la .faim. On ne leur avait pas seulement donné une ration de pain sur toute la route; les Allemands avalaient tout! Ils auraient vu tomber un des nôtres, un de ceux qu'ils avaient forcés de traîner leurs bagages; ils l'auraient vu tomber là de fatigue et de privations à leurs pieds, qu'ils ne lui auraient pas tendu seulement un verre d'eau. Sans nos pauvres frères lorrains envahis, qui les nourrissaient de leur propre misère, ils seraient tous morts.
Voilà la vérité. Nous l'avons vu nous-mêmes plus tard, car le même sort nous était réservé.
Après le passage de ces malheureux, auxquels je donnai du pain, quoique nous n'en eussions plus guère, puisque les Allemands, trois jours avant, nous avaient volé vingt-sept miches au sortir du four; après ce triste spectacle, nous vîmes arriver coup sur coup, avec un grand fracas et trainements de sabres, trois aides de camp prussiens qui nous annoncèrent le premier, un colonel; le deuxième, un général, et le troisième, je ne sais plus quoi, un duc, un prince, quelque chose dans ce genre. »

Mais dans la version anglaise «  The Plébiscite or, A Miller's Story of the War », les paysans alsaciens ne reviennent pas de Lunéville, mais de Blâmont ! Nous n'avons pas d'explication à ce jour sur cette étrange variation...

The Plébiscite
Translated from the french of Erckmann-Chatrian - New-York 1911


«  That same day, toward evening, several vans full of Alsacians, returning from Blamont, passed through our village to return home. The Prussians had obliged them to walk; their horses were nothing but bags of bones; and the people, emaciated, yellow-looking, had been so battered with blows, so famished with hunger, that they staggered at every step.
They had not received so much as a ration of bread on the whole journey; the Germans devoured everything! They would have seen our poor fellows - whom they had compelled to bear the burden of their baggage - they would have seen them drop with weariness and starvation before their eyes, without giving them a drop of water! But for our unhappy invaded Lorraine brothers, who fed them out of their own poverty, they would have perished, every one.
This is the truth! We experienced it ourselves not long afterward; for the same fate was reserved to us.
After the passage of these miserable creatures, to whom I gave a little bread - though we had scarcely any left, since the Germans, only two days before, had robbed us of twenty-seven loaves just fresh out of the oven - after this melancholy sight, we saw coming with a terrible clatter and ringing of sabres, one after the other, three Prussian aides-de-camp, who were announced to us; the first as a colonel, the second a general, and the third I cannot remember what - a duke, a prince, something of that kind ! »

 

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