Rapports et
délibérations - Conseil général du Département de la Meurthe et
Moselle
2ème session ordinaire 1919
SITUATION DES CHEMINS DE
FER D'INTÉRÊT LOCAL
RAPPORT DE L'INGÉNIEUR EN CHEF DU CONTRÔLE
I - LIGNES EN EXPLOITATION
1° LIGNE D'AVRICOURT A BLAMONT ET A CIREY
Occupé depuis 1914 et utilisé
par les Allemands en dehors de leurs lignes de positions, le
chemin de fer d'Avricourt à Cirey a échappé à la destruction
complète subie par la ligne Paris-Strasbourg en contact avec
lui.
Cependant, tel qu'il fut récupéré en novembre 1918, après le
retrait des troupes ennemies, il n'était pas susceptible d'être
rendu au public, tout en servant aux troupes françaises de
réoccupation; les risques et moyens d'une exploitation militaire
n'étant pas de même nature que les obligations d'une
exploitation commerciale.
Les travaux de restauration ont été entrepris dès le mois de
décembre 1918 en vue du rétablissement de cette dernière.
L'infrastructure était menacée par des mines préparées en
souterrains sous voies dans le quatorzième kilomètre; d'autres
fourneaux chargés en dehors, mais dans le voisinage immédiat,
nécessitaient le concours du génie et de l'artillerie.
Ces entraves ont disparu fin février 1919.
Les ouvrages d'art sous voies n'ont eu que des avaries
insignifiantes dans leurs oeuvres accessoires, des fourneaux de
mines avaient cependant été préparés dans les maçonneries des
ponts aux points 13k100 et 13k283.
Le P. S. du chemin d'intérêt commun n° 48 (Cirey à
Saint-Sauveur) a eu sa voûte détruite ; elle est remplacée par
un tablier provisoire en bois.
La voie courante paraissait intacte, mais l'examen de détail a
révélé que sa constitution était modifiée en certains points sur
une longueur totale de 1.020 mètres où la courbure prononcée ne
se prêtait pas vraisemblablement à l'inscription du matériel
roulant allemand; l'écartement ayant dû être augmenté, la
nouvelle pose avait été faite à l'aide de crampons sur traverses
en sapin substituées aux traverses de bois dur injecté qui
furent enlevées avec leurs tirefonds.
Le rétablissement de la voie en ces divers points est
aujourd'hui presque terminé.
Des embranchements de pleine voie avaient été installés par
l'ennemi pour garages et chantiers divers aux points 5k350,
6k030, 14k520 et 15k400, d'un développement total de 1.650
mètres de voie, dont il ne subsiste plus que le second avec 480
mètres de voie.
Il subsiste également deux longs garages avec quais (400 mètres
et 500 mètres) à la gare de Blâmont et à la halle de Frémonville
dont la conservation définitive doit être envisagée par
application de la loi du 29 avril 1919.
La gare de Cirey a été transformée complètement et, dans un sens
d'amélioration, les communications entre voies par plaques de
virage, impraticables pour le matériel à grand empattement, ont
été supprimées, mais les trois plaques ont été dérobées.
Les lignes télégraphiques et de signaux électriques ont été
détruites probablement au moment de l'abandon ; on y a remédié
en premier lieu.
La superstructure en tant que bâtiments a le plus souffert. Les
abris de Foulcrey et Gogney sont détruits.
A Blâmont. - 1° Le bâtiment des voyageurs qui fut surtout
souillé et saccagé est en bonne voie de restauration;
2° La halle, décoiffée de sa toiture et démantelée, est
maintenant recouverte et ses accès rétablis, à l'exception des
portes roulantes à remplacer ;
3° La pompe d'alimentation a été enlevée et son bâtiment demeure
en ruines. Le bâtiment des voyageurs de Frémonville est rasé de
fond en comble et le service se fait dans un baraquement
provisoire.
A Cirey. - 1° Le bâtiment des voyageurs, intact extérieurement,
était intérieurement transformé en blockhaus par un massif en
béton emplissant la salle centrale du rez-de-chaussée pour
protéger les abris du sous-sol. Cette carapace est enlevée et
les plâtreries et peintures reconstituées;
2° La remise à wagons est partiellement détruite;
3° Le bâtiment des agents de train est entièrement ruiné en
élévation ;
4° La machine fixe d'alimentation d'eau est disparue et son abri
démoli. La ville fournissant l'eau de sa distribution publique
sous pression, le système d'élévation qui n'était qu'un secours
ne réclame pas un remplacement immédiat.
La maison de gardien de P. N. au point 7k863 près de la ferme
Brice, gravement endommagée, est maintenant habitable.
Matériel roulant. - Les quatre locomotives avaient pu être
évacuées à Mirebeau-sur-Bèze (Côte d'Or). Elles sont, rentrées
au dépôt de Cirey. Mais des autres véhicules, il ne reste qu'un
seul fourgon-poste, la grande voiture mixte à boggies de 90
places ayant été enlevée par les Allemands, la Compagnie
concessionnaire n'a pas de nouvelles de son identification en
Allemagne.
L'exploitation, vivement réclamée par les populations dès le
mois de janvier 1919, n'a pu reprendre que le 11 mars pour les
raisons données plus haut. Elle est encore restreinte, suivant
la loi générale imposée aux voies secondaires, à deux trains
mixtes quotidiens dans chaque sens qui assurent à peu près les
communications anciennes avec les régions voisines vers l'ouest
et les chefs-lieux d'arrondissement et du département. Nous
disons « à peu près », car le recul de frontière a pour effet
incident de supprimer les formalités douanières qui entraînaient
l'arrêt obligatoire de tous les trains à Igney-Avricourt.
Cet arrêt, observé aujourd'hui à Nouvel-Avricourt (ancien Deutsch
Douane), bifurcation de la ligne de Dieuze distante de 4.500
mètres seulement, la Compagnie de grand réseau ne juge pas à
propos de le répéter à si court intervalle pour tous les trains
à grand parcours, ce qui réduit les correspondances et a soulevé
de vives protestations transmises le 24 avril à
l'Administration. Nous avons rappelé à ce sujet que les
bifurcations de Dieuze et de Cirey étaient primitivement réunies
à Igney et que la guerre de 1914-1919 pourrait logiquement
rétablir ce que celle de 1870-1871 a détruit; et à la Compagnie
d'intérêt général nous avons proposé de rappeler l'obligation de
s'entendre avec le concessionnaire et les services de contrôle
avant d'arrêter les marches des trains des deux réseaux en
relation; nonobstant, il faut bien le reconnaître que la période
de restriction dans le nombre des trains en circulation est une
transition forcée dans laquelle les correspondances vers Nancy
et vers Strasbourg ne peuvent également être satisfaites.
La manufacture de glaces de Cirey (Saint-Gobain, Chauny et Cirey)
n'étant pas remise en action, son trafic formait le principal
produit de la ligne et son absence a un effet très sensible sur
les recettes, nous ne possédons pas encore de renseignements
suffisants après un trimestre de fonctionnement pour apprécier
très exactement les résultats financiers. En même temps les
conditions économiques de travail du personnel influencent les
dépenses en sens contraire.
Aussi la Compagnie de l'Est exploitante a-t-elle demandé
l'application des majorations de tarifs temporairement en usage
sur les grands réseaux.
Le projet d'avenant à la Convention de concession a été soumis à
l'examen et à l'acceptation de la Commission départementale; cet
avenant devra être approuvé par décret, conformément à la loi du
30 novembre 1918.
A défaut de celui de la Glacerie, on escompte un certain courant
de trafic probable dans le transport des matériaux de
reconstruction des régions libérées.
[...]
3° LIGNE DE LUNÉVILLE A
BLAMONT ET A BADONVILLER
La ligne a été ouverte à
l'exploitation le 29 juin 1911. La longueur dont il convient de
faire état dans le calcul des subventions est de 46k333m50.
Entretien et exploitation. - L'exploitation civile qui avait
cessé totalement le jour de la mobilisation (2 août 1914) a été
reprise le 20 janvier 1919 sur la partie de la ligne principale
comprise entre Lunéville et le pont de Domêvre (qui a été
détruit par les Allemands ainsi que celui de Blâmont) et sur
l'embranchement de Badonviller.
Une convention du 18 mars 1919 a été passée entre M. le Préfet
de Meurthe-et-Moselle et M. Tartary, administrateur de la
Compagnie des Chemins de fer de l'Aube, concessionnaire de la
ligne, aux termes de laquelle cette compagnie s'engage à
exécuter les travaux nécessaires pour remettre la ligne en état
sur tout son parcours, moyennant le remboursement de toutes les
dépenses réelles quelles qu'elles soient, faites par elle,
dûment justifiées et majorées de 10 % pour avances de fonds,
frais généraux, faux frais et bénéfices.
Cette convention a reçu l'approbation de M. le ministre des
Travaux publics par une décision du 1er juin 1919, qui a en même
temps autorisé M. le Préfet à la signer au nom de l'Etat.
Les travaux à exécuter doivent consister dans :
Le rétablissement entre Domèvre et Blâmont de la voie qui a été
complètement enlevée, ainsi que le ballast;
La reconstruction des ponts de Domèvre (2 arches) et de Blâmont
(3 arches) qui ont été détruits ;
La reconstruction de la halte de Verdenal qui a été détruite et
la restauration de tous les autres bâtiments de la ligne, dont
quelques-uns (Herbéviller, Mignéville et Domèvre) avaient été
transformés en blockhaus;
La remise en état des remblais, des fossés, du ballastage, le
remplacement des traverses et des rails endommagés par les
bombardements, la plupart des remblais importants ayant été
utilisés pour créer des abris;
La remise en état des ponts à bascules, réservoirs, tuyauterie,
etc., de la clôture des stations ;
La remise en état du matériel roulant détérioré ou modifié pour
les besoins de la guerre et le remplacement d'un wagon disparu ;
La remise au complet du petit matériel des stations, de la voie,
des trains, etc., que la Compagnie possédait avant la guerre.
Ces différents travaux sont évalués au total de 1.055.278
francs.
Nous ajouterons que les travaux ont été entrepris il y a deux
mois par la Compagnie de l'Aube, avec le faible personnel civil
qu'elle a pu se procurer et avec l'aide de quelques prisonniers
de guerre qui lui avaient été cédés par le Service des Travaux
de première urgence.
Actuellement 15 ouvriers civils sont occupés aux travaux avec 60
P. G.
Les tranchées longeant la ligne ont été comblées entre
Herbéviller et Domèvre ; on continue la démolition des blockhaus
dans la gare et aux abords de Domèvre ; on consolide les sapes
creusées sous les remblais.
Le blockhaus de Herbéviller va être enlevé; le logement du chef
de gare de cette localité est terminé, sauf les plâtres et la
peinture.
A Mignéville, le blockhaus de la gare est démoli à moitié.
Les autres bâtiments des gares qui ont été endommagés sont en
cours de réparation.
On a continué à procéder au dégagement de la plate-forme, au
curage des fossés, au déblayage des cours de gare et à la
consolidation des parties les plus mauvaises de la voie courante
où le ballast avait été enlevé.
Des pourparlers ont été engagés avec divers entrepreneurs, pour
la reconstruction des deux ponts de Domèvre et de Blâmont; ils
sont sur le point d'aboutir.
Un important envoi de rails et de traverses a déjà été adressé à
la compagnie de l'Aube pour la réfection des voies démontées;
cet envoi se continue.
Deux, trains journaliers dans chaque sens sont mis en
circulation et assurent le transport des voyageurs entre
Lunéville, Domèvre et Badonviller.
Un camion automobile conduit les voyageurs et les marchandises
de Domèvre à Blâmont.
L'exploitation par la 10e section des chemins de fer de campagne
qui s'est poursuivie, jusqu'au 20 janvier 1919 doit donner lieu
au versement à la Compagnie de l'Aube du produit des taxes de
péage. Le montant total n'a pu encore en être déterminé. On ne
pourra envisager que plus tard le règlement définitif des
exercices financiers correspondant à la période de guerre.
Rappelons que le tarif des transports des voyageurs et
marchandises a été augmenté de 10 % à partir du 16 juillet 1918,
conformément à la loi de finances du 29 juin 1918 ; mais cette
augmentation ne constitue pas un relèvement de tarifs pour la
Compagnie, mais un relèvement des impôts qui n'a aucune
répercussion sur les recettes du chemin de fer.
La Compagnie de l'Aube a également présenté un projet d'avenant
comportant l'allocation d'indemnités de cherté de vie au
personnel et, comme corollaire, le relèvement des tarifs de 25
%; cette affaire est actuellement soumise à la décision de
l'Administration supérieure.
Un rapport spécial sera produit au Conseil général sur la
situation financière de la ligne résultant de l'avenant du 30
décembre 1918 et relatif aux conditions transitoires
d'exploitation jusqu'au 31 décembre 1920.
Il - LIGNES EN CONSTRUCTION
Néant.
III - LIGNES A L'ÉTUDE
Dans sa séance du 20 mai 1914
le Conseil général a adopté le prolongement jusqu'à Cirey en
passant par le col de la Soie du chemin de fer de Lunéville à
Badonviller. Dans sa séance du 6 novembre 1914, délégation a été
donnée à la Commission départementale pour statuer sur les
résultats des enquêtes et les questions relatives à la
concession ainsi que sur la construction de l'embranchement
forestier.
En raison des événements, l'affaire en est restée là et n'a pas
encore été reprise.
Nancy, le 10 juillet 1919.
L'Ingénieur ordinaire,
faisant fonctions d'Ingénieur en chef,
CANEL. |