Henri Lepage et la
Statistique de la Meurthe
Notes renumérotées
Mémoires
de l'Académie de Stanislas
1933
HENRI LEPAGE ET LA
STATISTIQUE DE LA MEURTHE
Par M. Emile DUVERNOY
MEMBRE TITULAIRE.
II y a
quatre-vingt-onze ans, Henri Lepage publiait son premier
ouvrage savant, qui devait être suivi de tant d'autres.
Le titre complet est : Le département de la Meurthe,
Statistique historique et administrative, mais l'usage à
prévalu de l'appeler couramment : La statistique de la
Meurthe, et nous emploierons le titre ainsi abrégé. Cet
ouvrage, qui fonda sa réputation, assez mal servie par
des publications antérieures plutôt légères, et qui lui
valut à l'Académie des Inscriptions une mention très
honorable dans le concours des antiquités de la France,
est un peu perdu de vue aujourd'hui. Si l'on consulte
toujours l'ouvrage de Lepage complémentaire à celui-ci
et paru onze ans plus tard : Les communes de la Meurthe,
on ne recourt plus guère à sa Statistique, et c'est à
tort, car elle fournirait souvent des renseignements
fort utiles et la solution de bien des difficultés. Nous
voudrions montrer comment a été composée là Statistique,
à quelles sources Lepage a puisé, de quels concours il a
bénéficié pour cette grande entreprise, puis indiquer
tout ce qu'on trouve dans ces deux gros volumes.
Mais d'abord il faut dire un mot des, ouvrages analogues
qui avaient, précédé celui de Lepage, afin de faire
mesurer le progrès réalisé par celui-ci et de montrer
aussi ce qu'il doit à ses devanciers.
I
Le plus ancien est un
ouvrage, tout à fait officiel, dû à Marquis, préfet de
la Meurthe, et intitulé : Mémoire statistique du
département de la Meurthe, adressé au ministre de
l'Intérieur. Dès le début du régime consulaire, par
circulaires des 1er et 25 prairial an Vlll, ce ministre
avait demandé à tous les préfets une description
complète de leurs départements et de leur population.
Rédigé à la fin de l'an IX (1), - car, Marquis ayant,
été nommé préfet le 11 ventôse an VIII, il lui avait
fallu d'abord prendre connaissance du territoire qu'il
avait à administrer et à décrire, - ce mémoire étendu et
très fouillé ne fut imprimé qu'en l'an XIII, à
l'Imprimerie impériale, en 231 pages de ce format grand
in-folio jugé alors indispensable pour les publications
officielles; et qui du reste permettait l'insertion de
tableaux a colonnes nombreuses. C'est ainsi que les
pages 46 à 85 sont remplies par la liste des communes du
département rangées dans l'ordre alphabétique, et pour
chacune desquelles, sont indiquées les coordonnées
géographiques, les circonscriptions dont elles dépendent
lors de la rédaction du Mémoire, et celles dont elles
dépendaient avant la Révolution; enfin quelques mentions
historiques fort sommaires. L'histoire, du reste, occupe
peu de place dans ce volume, et quand Marquis l'aborde,
il ne laisse pas de commettre quelques erreurs. Ce sont
principalement les renseignements, économiques qui font
la valeur du Mémoire, et c'est là ce que le ministre lui
demandait avant tout.
Dix-sept, ans plus tard paraissait la Statistique
administrative et historique du département de la
Meurthe (2), dont l'auteur était Louis-Antoine Michel,
un ancien lieutenant d'infanterie, devenu sous-chef de
bureau à la Préfecture de la Meurthe. II avait été
encouragé à ce travail par son chef, le vicomte Alban de
Villeneuve-Bargemont, qui fût préfet de la Meurthe
d'avril 1820 à septembre 1824; peut-être même le préfet
l'avait-il engagé à l'entreprendre et Michel ne manqua
pas de le lui dédier. Dans ce volume, il résume en 67
pages l'histoire des ducs de Lorraine, telle qu'on
pouvait la connaître alors; donne autant de place à la
géographie du département de la Meurthe; explique, en
huit pages comment il faut s'y prendre pour convertir
les poids et mesures locaux d'autrefois en ceux du
système métrique, enfin réserve 426 pages à un
dictionnaire alphabétique des communes du département,
pour chacune desquelles il fournit de brefs
renseignements géographiques et statistiques et, quand
faire se peut quelques indications historiques. Dans sa
rédaction, Michel s'est beaucoup servi du Mémoire
statistique de Marquis et on ne peut pas dire que, de
l'un à l'autre, le progrès soit sensible. Le seul
avantage de la Statistique de Michel c'est d'être
beaucoup plus maniable : 17 centimètres, sur 10, quand
celle de Marquis en mesure 2 sur 28, un nain à côté d'un
géant. Il semble que son préfet et lui se soient proposé
ayant tout de publier un volume qu'on pût mettre en
poche comme un guide pour voyager dans le département.
Deux où trois lustres après celle de Michel, le
département de la Meurthe faillit être doté d'une autre
Statistique qui aurait eu, semble-t-il, un caractère
plus scientifique et plus personnel aussi. En ce temps
vivait à Nancy un homme d'initiative et de savoir,
Gustave Choley, avocat à la Cour depuis le mois de
décembre 1828. C'est lui qui fit établir les premières
salles d'asile à Nancy. En 1835, pour tenter une
décentralisation intellectuelle des quatre départements
lorrains, il fonda un périodique mensuel in-octavo, la
Revue de Lorraine, qui n'eut que douze numéros. Elle
était pourtant intéressante et variée et avait des
rédacteurs tels que Prosper Guerrier de Dumast,
l'ingénieur des mines Levallois, l'historien Huguenin
jeune, l'avocat général Troplong, le poète Désiré
Carrière, le docteur Bégin; mais il y a un siècle, la
vie de l'esprit était encore bien somnolente dans notre
ville ; puis la province avait encore à un haut degré la
superstition de Paris et ne croyait à la valeur du
papier imprimé que s'il lui venait de la capitale. La
création de Choley ne fut donc pas encouragée et tomba.
Elle lui avait servi à devenir, le 18 mai 1837, membre
titulaire de l'Académie de Stanislas. Elle lui servit
aussi à annoncer la prochaine publication d'une
Statistique de la Meurthe (3). Pour apprécier la valeur
de ce projet, il faut savoir que Choley voyait dans la
statistique une science exacte et susceptible de rendre
les plus grands services; il l'explique lui-même dans un
article programme de sa revue (4). Quelle indignation
lui eût causée la boutade de l'humoriste américain Mark
Twain : « Il y à deux façons de mentir, la première est
de déguiser la vérité, la seconde est de faire de la
statistique » !
Cette Statistique de la Meurthe devait avoir plusieurs
volumes : dans le premier, le seul dont cette annonce
fasse savoir le contenu, devait se trouver l'état
physique du département, c'est-à-dire là topographie, la
météorologie, l'hydrographie, la géologie, la
minéralogie, la botanique, la zoologie; « il sera muni
d'une carte géognosique du département de la Meurthe que
l'auteur a dressée à l'École royale des Mines à Paris,
tant d'après ses propres études que d'après celles de
plusieurs géologues ». Ceci montre que là spécialité de
cet avocat était la géologie, et qu'il avait dû recevoir
l'enseignement si approfondi de l'École des Mines (5).
Il ne nous apprend pas s'il aura des collaborateurs pour
cette grande entreprise, et il semble bien qu'il
comptait rédiger seul sa Statistique, ce qui était
peut-être ambitieux et imprudent. Quoi qu'il en soit,
rien ne parut de cet ouvrage, et comme Choley resta
encore cinq ans à Nancy après avoir annoncé son livre,
que le temps ne lui a donc pas manqué, nous pensons, ou
bien qu'il ne trouva pas les moyens matériels de faire
cette coûteuse publication, ou bien qu'il fut découragé
par l'apparition imprévue de l'ouvrage dont il nous
reste à parler.
Cet ouvrage a pour titre : Dictionnaire statistique du
département de la Meurthe..., par M. E- G., membre
correspondant de plusieurs sociétés savantes » (6).
L'auteur qui gardait ainsi l'anonymat est l'abbé
Nicolas-Etienne Grosse, né à Sarrebourg le 26 décembre
1805, qui passa par le grand séminaire de Nancy, fut
nommé vicaire à Pont-à-Mousson en 1830, curé de
Frémonville en 1834, de Torcheville en 1850, de
Dommartin-lès-Toul la même année. C'est apparemment à
Pont-à-Mousson qu'il composa son Dictionnaire, cette
petite ville lui fournissant des ressources livresques
qu'il n'eut pas trouvées à Frémonville. Une première
partie s'appelle « Coup d'oeil général sur le
département de la Meurthe », et ce titre est amplement
justifié; c'est en effet un coup d'oeil rapide qui
regarde tout et n'approfondit rien; une centaine de
pages suffisent à Grosse pour exposer l'organisation
administrative, la démographie, l'état économique, les
moeurs et usages des habitants, leur langage (il publie
ici des textes patois en vers et en prose), pour dresser
un tableau du département par arrondissements et
cantons, dire la nature du sol, les forêts, étangs,
rivières, routes, la météorologie, l'histoire naturelle.
La seconde partie est composée de notices sur les
communes rangées par ordre alphabétique ; ce sont
surtout des données statistiques, l'indication des
ressources qu'on y trouve, leur description, - et Grosse
nous affirme (p. VI) qu'il a visité lui-même la plus
grande portion du département. Quant à l'histoire, il la
réduit, à rien dans l'une et l'autre parties. Il nous
dit cependant avoir consulté les ouvrages de dom Calmet,
les Pouillés du diocèse de Toul; il paraît avoir ignoré
la si utile Description de la Lorraine par Durival. Il
énumère les personnages dignes de mémoire qui sont nés
dans telle ou telle commune, mais il ne pense pas à
donner les dates de leur naissance et de leur mort, ce
qui montre combien il est étranger au point de vue
historique. Il nous apprend que le curé de Ludres fut
brûlé, comme sorcier au XVIe siècle. Même quand il parle
des choses du présent, son information laisse
quelquefois à désirer, par exemple lorsqu'il confond
l'Académie de Stanislas avec une Académie universitaire
placée sous l'autorité d'un recteur (t. I, p. IX, et t.
Il, p. 279).
Qui sait si, pour arriver bon premier, il n'a pas
précipité l'impression de son ouvrage sans l'avoir
suffisamment médité. Il connaissait, le projet de Choley,
car, dans sa préface (p. VIII), il dit que la Revue de
Lorraine a annoncé une Statistique de la Meurthe, mais
que la sienne étant commencée depuis longtemps, il n'a
pas cru devoir l'interrompre ; il souhaite bonne chance
et durée à la Statistique qui viendra de Nancy. Et, à
son tour, Choley, dans le tome II (1837, p. 50) de sa
Revue, annonce en quelques mots, sans appréciation, la
mise en vente du premier volume de Grosse.
Ainsi, la Statistique de Choley, que l'on peut imaginer
fort bonne, n'a point été publiée et les Statistiques de
Michel et de Grosse étaient manifestement insuffisantes,
ne répondaient même pas aux besoins assez restreints de
l'époque. Il fallait faire mieux : Henri Lepage fit
mieux.
II
Le département de la
Meurthe avait alors pour préfet Lucien-Emile Arnault
qui, nommé le 22 janvier 1831, installé le 1er février,
restera dans cette place jusqu'à la Révolution de
février 1848. Actif, d'esprit ouvert, ne répugnant ni
aux innovations ni aux initiatives; il avait encore cet
avantage d'être jeune : quarante-trois ans à son entrée
en fonctions. II connût Henri Lepage qui, encore plus
jeune - il était né en 1814 - avait déjà beaucoup écrit,
des nouvelles, quelques notices historiques, enfin une
Histoire de Nancy datée de 1838 et qui est le premier de
ses travaux méritant d'être appelé volume. Il cherchait
encore sa voie; peut-être, Arnault l'aida-t-il à la
trouver. Que se passa-t-il entre ces deux hommes ? Nous
ne le savons pas et ne le saurons sans doute jamais.
Lepage eut-il l'idée de la Statistique et demanda-t-il
son patronage au préfet, ou bien est-ce celui-ci qui
jugea que cet ouvrage manquait fâcheusement à son
département et engagea Lepage à l'entreprendre en lui
promettant son appui ? Quoi qu'il en soit, le titre de
la Statistique dit qu'elle est « publiée sous les
auspices de M. Lucien Arnault, préfet de la Meurthe »,
témoignant ainsi de la part que ce haut fonctionnaire
avait eue dans l'élaboration, peut-être, même dans la
conception du livre.
Ce qui fait l'originalité de cette nouvelle Statistique,
ce qui la différencie nettement des précédentes et
assure sa supériorité, c'est qu'elle est l'oeuvre de
plusieurs collaborateurs. Celui qui en traça le plan, ArnauIt ou Lepage, voulait y faire une large place à la
description scientifique du département; or la formation
purement littéraire et historique de Lepage ne le
préparait pas à cette portion du travail. Il rédigea à
peu près le tiers du premier volume, comprenant
l'histoire du département et sa géographie
administrative, l'exposé de l'instruction primaire, du
commerce et de l'industrie, le tableau de la conversion
des anciennes mesures en celles du système métrique, et
la totalité du second - de beaucoup le plus gros -
contenant un dictionnaire des communes. Le reste fut
écrit, soit par des spécialistes dûment qualifiés, soit,
à leur défaut, par des amateurs, des autodidactes, dont
la science était sans, doute moins sûre. Ainsi le
chapitre: sur la météorologie est dû au docteur
Jean-Baptiste Simonin, dit Simonin père, directeur dé
l'École, secondaire de Médecine de Nancy, qui parle là
de médecine autant que de météorologie. La géologie est
l'oeuvre d'un juge de paix, Charles-François Guibal, le
petit-fils du grand sculpteur Barthélémy Guibal, qui
avait du goût pour cette science comme pour le droit, la
musique, les vers, le dessin, la géographie, mais qui
n'excella dans aucune de ces études; Guibal est aussi
l'auteur de la carte de la Meurthe au 1 200000e qui est
jointe à l'ouvrage et qui a au moins le mérite de la
clarté (7). La botanique est partagée entre deux auteurs
: le pharmacien Suard et le docteur Godron, un peu plus
âgé que Lepage, qui écrivait, juste à la même époque,
une Flore lorraine fort estimée et deviendra un savant
de renom. La zoologie en à occupé trois : le même
docteur Godron, Auguste Mathieu, professeur à l'École
forestière depuis 1838, qui réunira dans cette École
d'importantes collections d'histoire naturelle, Domergue
de Saint-Florent, qui s'occupait spécialement
d'entomologie. Le chapitre sur l'agriculture est rédigé
par A.-J. Chrétien, professeur à l'École normale
primaire de Nancy, où il enseignait à la fois
l'histoire, la géographie et l'agriculture. Enfin le
premier volume se termine par une étude sur le
paupérisme qui est le texte même d'un rapport présenté
au Conseil général en 1842 par Pierre-Antoine
Godard-Desmarets, directeur de la cristallerie de
Baccarat, élu président de ce Conseil en cette même
année 1842 (8).
Notons-le en passant : si on s'avisait un jour de
refaire la Statistique de Lepage, ouvrage de valeur,
mais vieilli, on trouverait aisément, soit à
l'Université de Nancy, soit ailleurs, des hommes de
grande compétence pour traiter de façon plus approfondie
ces diverses questions, ainsi que bien d'autres qui
n'ont pas été abordées ou n'ont été qu'effleurées en
1843. Par exemple, le tableau du commerce et de
l'industrie, tracé par Lepage, n'occupe qu'une petite
page; autant, dire qu'il est inexistant.
De nos jours, des descriptions détaillées et savantes de
divers départements ont été publiées par les soins des
conseils généraux et avec de nombreux collaborateurs,
dont beaucoup fournis par les universités régionales,
par exemple dans le Pas-de-Calais, le Puy-de-Dôme, les
Bouches-du-Rhône (9). Un effort analogue pourrait très
utilement être tenté en Meurthe-et-Moselle; ce
département en vaut la peine.
Nous revenons maintenant à la partie de la Statistique
qui est l'oeuvre propre de Lepage, pour nous demander à
quelles sources il a puisé les innombrables
renseignements mis en oeuvre par lui, quels concours
désintéressés ont facilité sa tâche si ardue. D'abord
les sources manuscrites, puis les imprimés.
Bien avant de devenir archiviste de la Meurthe, - il ne
le sera qu'en 1846, - Henri Lepage fréquentait les
Archives de ce département. Il fut même peut-être le
premier à venir dans ce dépôt pour des recherches
d'érudition, car il semble que toutes les personnes,
très peu nombreuses, qui y pénétrèrent avant lui,
n'obéissaient qu'à des préoccupations d'intérêt :
trouver, par exemple, des origines de propriété ou se
renseigner sur des droits d'usage, tout au plus
rechercher leurs titres de noblesse ou les éléments
d'une généalogie. L'archiviste d'alors, Louis Pinat,
n'était d'ailleurs pas capable de guider les chercheurs
et, faute de savoir déchiffrer les documents anciens, ne
s'intéressait qu'aux dossiers récents. Lepage fit des
explorations assez longues dans ce dépôt, dont il devait
un peu plus tard devenir le chef; il le dit dans la
préface de sa Statistique, et, dans la seconde partie de
cet ouvrage, il indique continuellement si l'on trouve
aux Archives des documents sur telle ou telle commune.
Il ne semble pas du reste qu'il ait examiné beaucoup de
documents originaux; il a dû se contenter, et c'était
déjà méritoire, de dépouiller l'inventaire manuscrit des
layettes du Trésor des chartes conservé dans ce dépôt (B
436-468) et l'inventaire de Dufourny conservé à la
Bibliothèque de la ville de Nancy (mss. 754-765, ancien
177).
Il vit également s'ouvrir devant lui diverse s
collections particulières, où avaient trouvé asile des
titres précieux dispersés par la Révolution, et qu'il a
toujours soin de citer, celles de Justin Lamoureux où il
a trouvé entre autres, un manuscrit du Dénombrement du
duché de Lorraine par Thierry Alix, président de la
Chambre des comptes de Lorraine, de l'abbé Laurent
Marchal, d'Antoine Dufresne, enfin cette si riche
collection Noël qui sera vendue aux enchères en 1858 et
dont la meilleure partie entrera dans la Bibliothèque de
la ville de Nancy; « Noel, écrit-il (p. VIII de la
préface), m'a traité plutôt en fils qu'en ami. » Noël
avait, un caractère trop difficile - nous allions mettre
: trop hargneux - pour persévérer longtemps dans ces
bonnes dispositions ; dans le Catalogue raisonné de ses
collections lorraines, publié de 1850 à 1855 (p. 835,
970-976, 996-997), il malmènera fort Lepage à qui il en
veut visiblement de tourner le dos à la philosophie du
XVIIIe siècle. Chez Noël, Lepage à trouvé, entre autres,
trois recueils fort utiles qu'il cite constamment ; un
recueil en dix volumes in-folio dont il ne donne pas le
titre dans sa préface (p. I), l'Etat général de la
consistance du domaine de Lorraine et Barrois en 1632 (6
vol., in-folio), et le Pouillé ecclésiastique et civil
du doyenné de Saintois, par Frémery (10).
La Statistique cite en divers endroits un Cartulaire de
Lorraine. Ce n'est pas, comme on pourrait le croire, le
vaste recueil en quatre-vingt-dix gros registres composé
à la fin du règne du duc Charles III, sous la direction
de Thierry Alix, et conservé aux Archives de
Meurthe-et-Moselle (B 337-426); c'est, un recueil en
quatre volumes de la Bibliothèque municipale de Nancy
(mss, 709-712, ancien 160), rédigé au milieu du XVIIe
siècle et formé de copies et extraits des titrés que
Charles IV avait fait porter dans sa forteresse de La
Mothe, avant l'invasion de ses États par Louis XIII,
parce qu'ils étaient d'importance exceptionnelle.
Il est deux mémoires manuscrits, antérieurs à la
Révolution, que Lepage cite, dont il donne même des
extraits, qui existaient donc encore de son temps et qui
paraissent avoir disparu, car nous ne les avons trouvés
nulle part. L'un est intitulé : Mémoire sur les
assemblées municipales, et particulièrement sur celles
de Lunéville (cité t. II, p, 654). Ce mémoire a été
rédigé par un lieutenant de police de Lunéville, et,
comme il rapporte des faits de 1787, on peut inférer
sûrement que l'auteur de cet écrit est Augustin Piroux,
qui occupa cette charge de 1785 à 1790; ce personnage
est maintenant bien connu, grâce à notre regretté
confrère, M. Hottenger (11) ; on sait qu'atteint de
graphomanie, Piroux faisait sans cesse, et sur toutes
les questions possibles, des mémoires qui du reste
n'étaient pas toujours dépourvus de valeur.
L'autre mémoire (cité t. II, p. 603) est aussi l'oeuvre
d'un magistrat, Philippe Bauquel, lieutenant général au
bailliage de Vic, et daté de mars 1764 : Mémoire sur
l'état et les prérogatives du bailliage de l'évêché de
Metz à Vic. D'après l'analyse qu'en donne la
Statistique, on y trouvait, au moins depuis le XVIe
siècle, l'histoire de ce bailliage si important, et sa
perte est tout à fait regrettable (12).
Nous classons parmi les sources manuscrites les notes
qui ont été remises à Lepage par les bureaux de la
Préfecture, l'Inspection académique, les ingénieurs des
Ponts et Chaussées et des Mines, l'Administration
forestière, par des maires, entre autres ceux de
Lunéville, de Nitting et de Raon-lès-Leau, par Limont,
greffier, du tribunal de Vic (t. II, p. 626, 635). Une
contribution exceptionnelle est due à un ancien
sous-préfet de Sarrebourg, Arthur-Édouard Boyé, qui a
fourni la notice sur cette ville (t. II, p. 537), et
semble-t-il, des notes sur d'autres communes de cet
arrondissement, de sorte que ces communes sont souvent
traitées avec plus dé détails que celles des autres
arrondissements (13).
En dehors des fonctionnaires, Lepage a encore trouvé
d'utiles concours qu'il a soin d'indiquer : Bataille de
Toul (t. II, p. 301), Victor Zienkowicz (t. II., p. 313,
671), le Dr Marchal de Lorquin (t. II, p. 636-640),
Cardot, ancien professeur à l'École d'agriculture de
Roville (t. II, p. 497). Et, enfin, plusieurs curés de
campagne lui ont fourni des notes sur leurs paroisses ou
sur des maisons religieuses : l'abbé Garo, curé de Sexey-aux-Forges
(t. II, p. 683, 708), l'abbé Guillaume, curé de Blénod-les-Toul,
qui deviendra trésorier de la Société d'archéologie
lorraine et aumônier de la chapelle ducale (t. ll, p.
77, 384), l'abbé Marchal, curé d'Heillecourt, qui sera
bibliothécaire de la même Société (t. II, p. 248), les
curés de MorviIIe-lès- Vic (t. II, p. 375, 659), de
Mailly (t. II, p. 337) de Xouaxange (t. II, p.486).
Dans la préface de sa Statistique, Lepage a énuméré
quelques-uns des ouvrages imprimés dont il s'est servi :
livres de dom Calmet, de Benoît Picart, de Maillet, de
Stemer, de Durival, de Roussel, de Bilistein, plus les
statistiques antérieures de Marquis, de Michel et de
l'abbé Grosse: Il faut ajouter ceux-ci, qu'il cite en
divers endroits : ouvrages du-Moyen Âge, Chroniques de
Richer de Senones et de Jean de Bayon; ouvrages du XVIe
et du XVIIe siècles, Volcyr de Serrouville, Singularités
du parc d'honneur, Aulbéry, Vie de saint Sigisbert;
ouvrages du XVIIIe siècle, Hugo, Sacrae antiquitatis
monumenta, Lemoine, Diplomatique pratiqué, dom
Pelletier, Nobiliaire de Lorraine ; ouvrages du XIXe
siècle, Noël, mémoires sur l'histoire de la Lorraine et
Recherches sur le comté de Dabo ; enfin un périodique
qui s'imprimait à Metz, la Revue d'Austrasie.
A côté de ces ouvrages, tous d'un caractère général,
Lepage connaît et emploie les monographies, à vrai dire
peu nombreuses encore, qui avaient été composées sur
divers lieux du département, par exemple celles de
Marchal sur Lunéville, de l'abbé Guillaume sur Blénod et
Maizières-lès-Toul, de Dupré sur Marsal et Moyenvic, de
Beaupré sur Maxéville, de Pacquotte sur les eaux
minérales de Pont-à-Mousson, d'Huart sur Phlin, de
Mansuy sur Scarponne, de Thiéry (qu'il écrit à tort
Thierry), sur Toul. Il n'oublie même pas le roman
historique de Docteur sur Pierre-Percée. Et il renvoie
aussi, malgré la faiblesse de cet ouvrage, à la
Biographie de l'ancienne province de Lorraine, publiée
en 1829 par ce même Louis Antoine Michel qui avait écrit
une non moins faible Statistique de la Meurthe (14).
Par circulaire du 30 novembre 1838, le ministre de
l'Instruction publique d'alors, M. de Salvandy, avait
envoyé aux curés et à d'autres un questionnaire
archéologique pour être renseigné sur les antiquités de
toutes sortes. Lepage a connu ce questionnaire, ainsi
que certaines des réponses qu'il a provoquées, et en a
fait bon usage (15).
Il est encore deux ouvrages, alors tout récents, que
Lepage a utilisés (t. II, p. 634, art. Clairlieu), et
que nous avons eu quelque peine à identifier, parce
qu'il ne nomme pas leurs auteurs et abrège fort leurs
titres. Le Guide du voyageur en France doit être
l'ouvrage d'Eusèbe Girault, Guide pittoresque, portatif
et complet du voyageur en France, 4e édition, Paris, F.
Didot, 1842, in-12, et la Notice sur les anciennes
imprimeries pourrait être le livre de H. Ternaux-Compans,
Notice des imprimeries qui existent ou ont existé en
Europe et hors d'Europe, Paris, 1842, in-8.
On le voit, Lepage qui était encore très jeune -
vingt-neuf ans quand le livre paraît - et ne devait donc
pas avoir une grande expérience du travail d'érudition,
à fait des recherches méritoires et étendues pour la
Statistique. Il s'est renseigné aussi complètement que
faire se pouvait à une époque où les archives n'étaient
pas inventoriées, pas même classées, et n'étaient qu'à
peine entr'ouvertes au public, et où Nancy n'avait
qu'une seule bibliothèque, celle de la ville qui
comptait alors au plus 26.000 volumes.
III
Avec tous ces
matériaux et grâce à ces collaborations, Lepage a réussi
à composer un ouvrage d'un type tout à fait nouveau et
qui dépasse de beaucoup les médiocres compilations de
Michel et de Grosse. Il forme deux volumes, le premier
disposé dans l'ordre méthodique contient des
dissertations et des tableaux sur toutes les questions
visant l'ensemble du département; le second est un
dictionnaire alphabétique, non seulement des communes et
des hameaux, mais aussi des rivières et même de simples
ruisseaux avec indication de la longueur de leurs cours
et des villes et villages qu'ils arrosent. Lepage n'y a
pas donné place aux forêts, si nombreuses et si vastes
dans la Meurthe, parce qu'il les avait énumérées, un peu
brièvement à vrai dire dans son premier volume (p.
100-102). A la fin du second, volume sont 75 pages de
Supplément et 22 pages de Notes additionnelles formés;
de documents trouvés après l'impression du corps de
l'ouvrage, de renseignements arrivés trop tard, enfin de
corrections assez nombreuses.
Les notices sur les communes font une part équitable au
présent et au passé, aux données géographiques (16) et
statistiques et aux renseignements historiques.
Certaines de ces notices sont fort longues : Lunéville 8
pages, Pont-à-Mousson 10, Toul 18, Nancy 43; et Noël
jugera ainsi cette dernière : « L'article Nancy est ce
que nous avons de mieux sur l'histoire de cette ville»
(17).
Remarquons-le en passant : lorsqu'il aborde l'histoire,
Lepage n'est pas peu gêné, parlant à un public mal
préparé à l'entendre. Dans la toute première notice,
celle sur Abaucourt, il croit devoir expliquer ce que
sont un voué, des plaids annaux, les haute, moyenne et
basse justices. C'est qu'on était déjà assez loin de
1789 pour avoir perdu tout souvenir de ces Institutions
que la Révolution avait fait disparaître, et, d'autre
part, la renaissance des études historiques, qui fut la
gloire du XIXe siècle, n'était pas encore assez avancée,
au moins en province, pour que les personnes, même
lettrées, eussent appris par les livres le sens de ces
termes périmés.
La Statistique décrit sommairement les antiquités
romaines qui ont été découvertes en divers endroits du
département (18); elle décrit aussi les monuments du
Moyen Age qui ont subsisté, par exemple la cathédrale de
Toul-les églises de Munster, de Pont-à-Mousson, de
Saint-Nicolas-de-Port. Elle relate, les fouilles qui ont
mis au jour des objets préhistoriques, gallo-romains, et
du Moyen Age, les nombreuses trouvailles de monnaies
opérées à diverses époques.
Enfin Lepage a soin - et en cela il était en avance sur
son temps - de relever tous ces faits que l'on englobe
maintenant sous le nom un peu vague, mais compréhensif,
de folklore : légendes pieuses ou profanes, traditions
populaires, usages curieux conservés dans certains
villages, superstitions locales provenant parfois des
Celtes, ou même de peuples plus anciens (19). Il ne
cherche pas à les expliquer il les constate, ce qui est
déjà beaucoup, et nombre de ses lecteurs d'alors ont du
trouver surprenant qu'il s'intéressât à ces vétilles
dont nous connaissons à présent la valeur. Au folklore, nous rattachons ces indications de mares ou d'étangs
dont les paysans des alentours étaient obligés, nous
assure-t-on de venu battre l'eau pendant la nuit pour
empêcher les grenouilles de coasser. Nous, savons
maintenant qu'il n'y à là qu'une tradition mal comprise
(20). La Statistique signale: des étangs de ce genre à
Albestroff, Fontenoy-sur-Moselle, Laxou, Thézey-Saint-Martin.
Ainsi, la Statistique est vraiment un livre de science
où l'on trouve beaucoup à apprendre. Est-ce a dire
qu'elle soit au-dessus de tout reproche ? Assurément
non. On y rencontre des erreurs qui s'expliquent par la
jeunesse de Lepage et par le fait que c'est là son
premier ouvrage d'érudition, qu'il n'a pas encore
l'expérience de ce genre de travail et les connaissances
de toutes sortes nécessaires à cette tâche. Il ne sait
pas très bien l'histoire générale et (t. II, p. 455)
place sous le règne de Maximilien Ier (1493-1519) la
fondation de Phalsbourg (21) qui se fit sous Maximilien
II (1564-1576), parle (p. 537) du duc Eymar, quand il
s'agit de Bernard de Saxe-Weimar.
Il ne sait pas non plus très bien l'histoire de la
Lorraine qu'il possédera plus tard à fond; page 362, il
parle d'un don fait en 1580 par la duchesse Claude de
France qui était morte dès 1575 ; page 285, il place
dans le premier siégé de Nancy, donc en 1475, un fait de
guerre qui eut lieu pendant le troisième, en 1476-1477;
(22); page 565, il narre un voyage du duc François Ier à
Toul en 1538, et ce prince n'est devenu duc qu'en 1544 ;
page 600, il dit que l'église de Vézelise fut commencée
en 1430 par Ferry, comte de Vaudémont, et il y eut deux
comtes de ce nom : Ferry Ier de 1393 à 1415; Ferry II de
1457 à 1471; page 608, il relate un don fait en 1229 par
Berthe, fille du duc Ferry III, lequel ne naîtra qu'en
1240; page 665, il mentionne dès 1197 le duc Ferry Ier
qui ne régna qu'en 1205. Une erreur singulière est
relative à Frotaire, évêque de Toul de 814 à 849, que
Lepage qualifie évêque de Tours; si cette erreur ne
s'était produite qu'une fois, on croirait à une faute
d'impression, mais on ne la relève pas moins de quatre
fois (p. 12, 32, 43, 76).
Quand il écrit la Statistique, Lepage est également
assez novice en archéologie, et il nous apprend que le
portail de l'église de Laloeuf est d'architecture
mauresque (t. II, p. 479), que l'église de Hesse est en
style roman du VIIIe siècle (p. 638). Notons, pour
l'excuser, qu'alors les ouvrages d'archéologie étaient
rares et très faibles. L'Abécédaire d'Arcisse de Caumont
ne paraîtra qu'en 1850.
II est encore plus étranger à la philologie, science
alors peu répandue en France, et il nous propose des
étymologies de noms de lieu fort surprenantes, par
exemple celle de Bédon, dont on ne voit pas si elle est
latine où chinoise (p. 56), celle de Blénod qui serait
dérivée de Belen (p. 75, 76), alors que le nom de ce
dieu gaulois donne régulièrement Beaune (23), celles de
Drouville (Druidum villa, p. 168) et de Saizerais (Caesarae
arces, p. 528). Il ne sait pas l'allemand, ce qui lui
cause quelque gêne quand il parle de communes de langue
allemande.
Enfin les références qu'il fournit sont souvent bien
vagues et il est difficile, voire quelquefois
impossible, d'identifier les ouvrages cités. Ainsi, au
Supplément, traitant de Mailly (p. 656), il allègue « une
vieille chronique », sans en donner le titre, sans
avancer aucune date; on voit seulement que le fait s'est
passé au temps des Croisades, qui ont duré deux siècles
et donné lieu à quantité de récits. Comment, dans ces
conditions, savoir de quelle chronique il s'agit ?
Traitant (p. 556) du commerce du vin de Thiaucourt, il
cite « Pérard, cartulaire de l'année 1157 ». Nous
n'avons rien trouvé sur cet auteur et sur cet ouvrage
(24).
De plus, par un scrupule excessif de courtoisie, quand
Lepage critique un livre dont l'auteur vit encore, il ne
nomme pas, cet auteur, de peur de le contrister. C'est
pour cela qu'il signale si incomplètement le Guide du
voyageur en France et la Notice sur les anciennes
imprimeries, ces deux ouvrages dont il a été question
plus haut. Quand il trouve en défaut la Statistique de
Grosse, il la désigne toujours ainsi : « la Statistique
de 1838 », ce qui n'est vrai qu'à moitié, puisque le
premier volume de cet ouvrage est daté de 1836.
Constatant (p. 694) que Thiéry a Ignoré un document
important, il n'écrit pas son nom, mais « l'historien
récent de la ville de Toul ». II y a là une timidité
fâcheuse, parce qu'elle ne facilite pas l'emploi de ce
livre, et dont Lepage ne se corrigera jamais, nous
l'avons constaté à propos de son étude sur
l'emprisonnement du duc Ferry III, écrite en 1876,
trente-trois ans plus tard (25).
IV
La Statistique de la
Meurthe a été publiée en neuf, livraisons dont le prix
total était de 12 francs (26). Compte tenu de la valeur
de l'argent, c'était un prix très bas, calculé de façon
que beaucoup de communes et de particuliers pussent
l'acquérir (27). Ces livraisons ont dû paraître à la fin
de 1843 et au commencement de 1844, car non seulement la
préface - qui s'écrit en général à la dernière heure -
est datée du mois d'août 1843, mais dans le corps de
l'Ouvrage sont mentionnés divers événements du premier
semestre de cette année : ainsi, le Dr Simonin relate un
phénomène météorologique du 4 mai 1843 (t. I, p. 111).
Lepage, lui-même signale une trouvaille de monnaies à
Novéant-sur-Moselle en avril 1843 (t. II, p. 355), des
fouilles à Ochey dans le même mois (p. 445), des
ordonnances du 15 février 1843 créant des cures à
Régnieville et à Velle-sur-Moselle (p., 482, 596). Dans
le Supplément (p. 665) est relatée la découverte de
monnaies à Pagny-sur-Moselle en janvier 1844. Nous
relevons ces faits parce, qu'ils ne servent pas
seulement à établir la date exacte de l'impression, mais
aussi parce qu'ils font ressortir avec quel soin les
auteurs, jusqu'au dernier moment, modifient leur
rédaction pour la tenir au courant.
Le préfet de la Meurthe s'intéressa efficacement à
l'ouvrage qui était publié sous ses auspices et dont il
avait eu peut-être la première idée, et, dans, une
circulaire, aux maires, datée du 17 octobre 1842, il
annonce que la Statistique paraîtra par livraisons dans
le cours de 1843 que, c'est un travail fort savant et
que les communes sont autorisées à en faire l'
acquisition (28). D'autre part, le Conseil général, dans
sa séance du 23 août 1843, prit là délibération suivante
:
Le Conseil général, reconnaissant, le mérite de la
Statistique historique et administrative du département
de la Meurthe publiée par. M. Henri Lepage; appréciant
aussi l'utilité de cet ouvrage qui a nécessité de
nombreuses et laborieuses recherchés, et à l'exécution
duquel plusieurs des hommes les plus distingués du pays
ont concouru, recommande cet-ouvrage avec beaucoup
d'intérêt à MM. les maires du département qui pourront y
puiser des renseignements intéressants et utiles pour
leurs communes. Le Conseil général arrêté en outre que
M. le préfet est autorisé à souscrire, au compte du
département, pour dix exemplaires de la Statistique de
M. Lepage (29).
Bien mesquine souscription pour un ouvrage qui
intéressait si directement le département, mais celui-ci
avait alors des finances fort gênées, et était contraint
à là plus stricte économie, voire à une vraie
parcimonie.
Lepage avait vingt-neuf ans quand parût sa Statistique
de la Meurthe, il était en pleine force de travail, car
presque en même temps il publiait un ouvrage bien
différent : Fleurs lorraines, nouvelles et romans
historiques (30). C'était une belle preuve d'activité et
de souplesse d'esprit. Mais, renonçant dès lors aux
écrits d'imagination, il se voue aux recherches érudites
et, dès 1845, en collaboration avec Charles Charton,
chef de bureau à la préfecture d'Epinal, rédacteur de
l'Annuaire des Vosges, il publie une Statistique des
Vosges faite sur le même plan que celle de la Meurthe,
mais avec les améliorations, indiquées par l'expérience
acquise (31). Puis, toujours sous l'impulsion du préfet
Arnault, il crée l'Almanach de la Meurthe qui deviendra
ensuite l'Annuaire de la Meurthe, et dont le premier
volume, portant le millésime de 1846, a dû paraître en
novembre, ou décembre 1845 publication périodique qui
pouvait servir à continuer, à compléter, à mettre sans
cesse à jour, la Statistique (32). Enfin, le 8 janvier
1846, la place d'archiviste de la Meurthe étant devenue
vacante, Arnault le nomme à ce poste où il fera une si
belle carrière, récompensé bien due à un homme qui avait
déjà rendu tant de services à ce département.
(1) P. 138, Marquis parle du Concordat,
qui a été signé le 26 messidor an IX (15 juillet 1801 )
; p. 121, il donne la situation de l'instruction
publique en l'an IX.
(2) Nancy, 1822, in-16 de XII-587 pages.
(3) Tome I, 1835, p. 75.
(4) Tome II, 1837, p. 11-21.
(5) Dans l'Annuaire de cette Ecole, son nom ne figure,
ni parmi les futurs ingénieurs de l'Etat, ni parmi les
élèves externes; il a peut-être suivi les cours comme
auditeur libre. Ce qui prouve qu'il avait dû faire des
études scientifiques assez poussées, c'est qu'en 1840 il
quitta Nancy pour devenir maître de forges à Thunimont
dans les Vosges, canton de Bains. Il y mourra en 1853.
(6) Lunéville, librairie Creuzat, 2 in-8 de XVI-CXIV-218
p. et do 608 p. Le premier volume est daté d'octobre
1836, le second de 1838.
(7) Cette carte, qui mesure en dedans du cadre
61centimètres sur 40, est toute en noir. Le relief est
marqué par des hachures, les forêts par un pointillé;
les cotes dés principaux sommets y sont inscrites. Dans
un angle figure le plan de Nancy au 20000e.
(8) Ce rapport est publié aussi, sous une forme un peu
différente, dans l'Annuaire de la Meurthe de 1842, p.
9-31.
(9) L'Encyclopédie départementale des Bouches-du-Rhône
aura 16 volumes in-4, dont 13 sont parus en 1933.
(10) Nous ne savons ce que sont devenus les deux
premiers de ces recueils; le troisième était le
manuscrit 3314 de la Collection Noël et se trouve
maintenant dans la bibliothèque de la Société
d'archéologie lorraine, ms 15.
(11) Georges HOTTENGER, La vie, les aventures et les
oeuvres d'Auguste Piroux (1749-1805). Nancy, 1928, in-8.
(12) Voir notre étude sur le bailliage de Vic dans les
Mém. de la Soc. d'archéol. lorr., 1908, p. 282, n. 2.
(13) Arthur-Edouard Boyé est l'aïeul de notre secrétaire
perpétuel, que nous remercions d'avoir bien voulu nous
donner ces renseignements. II fut sous-préfet de
Sarrebourg de 1830 à 1840 et mourut en 1854 sous-préfet
de Commercy, officier de la Légion d'honneur.
(14) Tome II, p. 606, ce que dit Lepage sur Duclos, né à
Vic en 1747 (et non 747), et sur les deux Rambervillers
est résumé de Michel.
(15) Il en parlé dans sa préface, p. VII. La circulaire
et le questionnaire en 39 articles sont insérés dans
l'ouvrage de Xavier CHARMES, Le Comité des travaux
historiques et scientifiques, t. II, p. 81-90 (Documents
inédits de l'histoire de France).
(16) Pour quelques villes, Nancy et Lunéville par
exemple Lepage indique avec précision la longitude et la
latitude ; on regrettera qu'il ne donne nulle part
l'altitude, qui est au moins aussi utile.
(17) Catalogue des collections lorraines, n° 3335.
(18) Voir, entre autres, les articles Suivants : dans la
Statistique même, Drouville, Savonnières, Scarpone,
Jaillon, Marsal, Tarquimpol, Veischem; dans le
Supplément, Assenoncourt, Marsal, Norroy ; dans les
Notes additionnelles, Haigneville.
(19) Ces faits de folklore se trouvent : dans la
Statistique même, à Abreschwiller, Aviots, Azoudange,
Clayeures, Damelevières, Domgermain, Frouard, Gare-Ie-Coup,
Goviller, Haye-des-Féés, Hazelbourg, Hottée-du-Diable,
Hultenhausen, Hunskirich, Laneuvelotte, Langatte,
Lay-Saint-Remy, Labeuville, Lixheim, Lorquin, Lupcourt,
Maxéville, Menne (Sainte), Ognéville, Praye,. Sionviller,
Trondes, Veckersviller, Verdenal, Villers-lès-Nancy,
Villers-sous-Prény, Xermaménil; dans le Supplément, à
Abreschwiller, Arraye-et-Han, Buriville, Prévocourt.
(20) Voir la brochure de M. TRÉVÈDY, Le droit de
grenouillage, Saint-Brieuc, 1899, in-8, que nous avons
résumée dans le Bull. de la Soc. d'archéol. lorr., 1902
p. 32-35.
(21) La même, erreur est dans.dom CALMET, Notice de la
Lorraine, t. II, p. 198 ; c'est là sans doute que Lepage
a pris cette indication sans la vérifier.
(22) Fait rapporté par la Chronique de Lorraine, §175.
(23) Aug. LORGNON, Les noms de lieu de la France, § 464.
(24) Il y a bien Etienne PÉRAUD, Recueil de pièces pouf
l'histoire de Bourgogne, Paris, 1664, in-folio, mais ce
volume ne traite ni de Thiaucourt, ni de son vin.
(25) Voir nos États généraux de Lorraine, p. 263; n. 4.
(26) Otto LORENZ, Catalogue général de la librairie
française, t. III p. 247.
(27) Ces neuf livraisons se groupent en deux volumes
grand in-8, le premier, de VIII-366 p., imprimé, tantôt
en longues lignes, tantôt sur deux ou même trois
colonnes; le second, de 725 p., imprimé uniformément,
sur deux colonnes, où la pagination du Supplément et des
Notes additionnelles continue celle du volume. Les deux
volumes sont datés de 1843; ils ont été imprimés à
Nancy, le premier chez J. Troup, passage du Casino, le
second chez Amédée Lepage (le frère d'Henri), 12, rue
Ville-Vieille; l'éditeur est le libraire Peiffer, 16,
trottoir Stanislas (aujourd'hui rue Héré).
(28) Recueil des actes administratifs de la Préfecture,
1842, p. 217; aucune, indication de prix.
(29) Procès-verbal des délibérations du Conseil général,
session de 1S43, p. 16.
(30) Nancy, 1843, 2 in-8: Une seconde édition a été
donnée en 1887-1888.
(31) Imprimée à Épinal, chez Gley, elle est, comme celle
de la Meurthe, publiée à Nancy chez Peiffer, en deux
volumes in-8, avec carte du département par Henri Hogard,
chef du service vicinal des Vosges. Elle paraît en
vingt-deux livraisons, et coûte 15 francs.
(32) Nous avons étudié ce périodique dans l'Annuaire de
Lorraine (de Crépin-Leblond) de 1914. |