Bulletin de la Société de l'Histoire
de l'Art Français
Société de l'Histoire de l'Art Français
1925
Le miniaturiste lorrain Nicolas-François Dun
(1764-1832).
(Communication de M. Carlo Jeannerat.)
L'histoire du portrait en miniature, de même,
du reste, que les autres branches de l'Art, présente à chaque
instant une foule de problèmes qui attendent leur solution par
la découverte de pièces documentaires.
Tel a été jusqu'ici le cas Dun.
Les collectionneurs de petits portraits et de souvenirs
napoléoniens et les historiens de l'art Empire ont été souvent
intrigués par cette maigre signature posée sur des miniatures
que Henri Bouchot, dans la suite d'articles sur le
portrait-miniature en France publiés en 1892-1895, qualifie de «
petits riens mièvres, étroits, mesquins, défiant la loupe,
abominablement poncifs et pourléchés et cependant attachants
comme des pages de missel, brillants comme des émaux ».
Je me permets de ne pas partager complètement l'opinion
excessive exprimée par cette phrase légèrement rhétorique.
Il y a de médiocres miniatures signées Dun, et il y en a aussi
d'excellentes. Leur technique inégale ne trahit pas une origine
bien définie; le modelé des portraits manque souvent de solidité
et il a la superficialité de bien des miniatures anglaises ;
leur dessin, correct mais un peu sec, les rapproche de ceux
d'école italienne; les fonds sont le plus souvent à l'aquarelle,
à petits traits de pinceau, mais il ne manque pas ceux
complètement gouachés d'après les meilleures traditions
françaises.
Une particularité bien spécifique est le soin minutieux des
détails dont il meuble ses intérieurs, et la couleur rose tendre
dont sont fardés le plus souvent les modèles.
Les recherches que j'ai faites de ces œuvres m'ont permis d'en
repérer jusqu'ici le nombre respectable de soixante-dix-huit,
toutes signées et quelques-unes même datées.
Qui était-ce donc le mystérieux personnage qui se cachait sous
le nom insaisissable de Dun?
Sans vouloir approfondir l'origine ethnique et étymologique de
ce mot, il est curieux d'observer qu'il se trouve à avoir une
racine commune en France et en Angleterre, ce qui nous permet
d'expliquer la confusion que ce nom a donnée aux biographes qui
se sont occupés de cette recherche. Le mot celtique Dun (Dunum)
a la même signification « d'élévation », « d'éminence », que le
mot anglais Dun, et il se trouve comme préfixe à plusieurs noms
de villes sur la côte d'Ecosse et en France. Les villes de Dun
(dans le comté d'Angus en Écosse), Dunbar, Duncastel en
Angleterre, trouvent leurs correspondants en France dans les
villes de Dun (en Ariège), Dun-sur-Meuse, Dunsur-Auron ou
Dun-le-Roi, Verdun, etc.
Il existe aussi comme nom de famille tant en Angleterre qu'en
France. Il y a eu le jurisconsulte écossais Lord Dun, le
violoniste également écossais Finlay Dun qui, par une étrange
coïncidence, était justement « prima viola » au théâtre de San
Carlo à Naples à l'époque où notre Dun y exerçait la miniature;
on trouve enfin à Paris, au XVIIIe siècle, une famille Dun qui a
donné des musiciens, violonistes et compositeurs, et des
chanteurs à l'Opéra et aux théâtres de la cour.
Est-ce à cette dernière famille qu'il faudra un jour rattacher
notre miniaturiste? Peut-être. Si mes conclusions n'ont pu
arriver jusque-là, il y a de fortes présomptions en faveur de
cette hypothèse. Le fait que le père et le grand-père de notre
Dun étaient musiciens à la cour de Lorraine fait penser tout de
suite à une parenté avec les musiciens de Paris; mais la preuve
n'est pas encore faite.
Voyons ce que l'histoire avait raconté jusqu'ici sur le compte
de Dun miniaturiste.
Le dictionnaire des artistes de Nagler affirmait qu'il était
Flamand et qu'il avait travaillé à Naples : ainsi, Maze-Sencier
et Henri Bouchot s'appuyèrent sur son autorité. Le prince
Filangieri, dans le catalogue vaguement historique du musée
qu'il a laissé à la ville de Naples, avouait, en 1888, que cet
artiste, sur le compte duquel il ne pouvait pas donner de
détails, avait suivi les troupes françaises à Naples au début du
XIXe siècle, et il s'y était établi. D'autres compilateurs de
catalogues pensèrent que la signature Dun pouvait être une
abréviation pour Dumaine ou Dubourg, et quelques antiquaires se
crurent même autorisés par ces circonstances à la compléter
d'autorité : Dun est devenu trop souvent Dumont, ce qui n'est
pas du tout dépréciable.
A compliquer le problème, voilà que le dictionnaire des artistes
de Thieme et Becker a dédié à cet artiste une longue colonne en
faisant de Dun une seule personne avec l'Irlandais John Dunn,
qui avait fréquenté l'école de dessin de Dublin depuis 1768,
qu'on supposait s'être perfectionné à Paris et qui avait exposé
au début du XIXe siècle à Dublin où il résida de 1828 à 1841.
Quant au dictionnaire de Benezit, il a renchéri la dose, en
incorporant dans le même personnage un troisième Dun, un
paysagiste, qui exposa à la Royal Academy jusqu'en 1884,
c'est-à-dire quand notre Dun aurait eu l'âge de 122 ans.
Tout ça n'était pas clair; seulement de Naples, où cet artiste
avait travaillé pendant tout le premier quart du XIXe siècle,
pouvait venir la lumière; ce problème, dans lequel il était
question d'un miniaturiste et de l'Italie, me concernait
doublement. Je n'ai pas manqué à ma tâche, et je suis fier de
pouvoir partager avec les collègues de la Société de l'Histoire
de l'Art français la primeur de cette trouvaille, qui sera
développée prochainement dans un article de revue.
Dans mon dernier voyage, j'ai eu la chance remarquable de mettre
la main sur le registre de l'arrondissement où notre artiste est
mort, le 19 juillet 1832.
Avec ce point de départ, il n'était pas difficile de remonter à
son origine et les recherches continuées en Lorraine nous
permettent de tenir la clef de son secret.
Nicolas-François Dun, fils légitime du sieur François-Jacques
Dun et de demoiselle Anne-Françoise Lagrange, son épouse, est né
le 28 février 1764 à Lunéville et il y a été baptisé le 1er mars
suivant.
Son père, François-Jacques, ordinaire de la musique du roi
Stanislas Leczynski en qualité de second violon dans l'orchestre
de la cour, habitait déjà Lunéville en 1762 : en cette dernière
année il avait, en effet, épousé dans la paroisse de Couvay,
hameau qui fait partie maintenant de la commune d'Ancerviller
(Meurthe-et-Moselle), demoiselle Françoise Lagrange, fille
mineure du sieur Jean-Nicolas Lagrange et de demoiselle Jeanne Droüet.
Son grand-père, Jean-Jacques Dun, aussi ordinaire de la musique
du roi, avait comme femme Marguerite Barbiche, et le lieutenant
Charles Denis, dans son inventaire des registres de l'état civil
de Lunéville, publié en 1899, nous signale que cette dernière,
restée veuve, épousa en 1756 le sieur Jean Nicolas, procureur du
bailliage de Lunéville.
Nous avons donc les preuves que le miniaturiste Dun est Lorrain
de naissance, Lorrain par trois générations en ligne maternelle
et deux, au moins, du côté paternel ; il a donc droit d'être
cité parmi les artistes lorrains et d'être compris dans la
grande famille qui a donné à la France les plus grands
miniaturistes de la fin du XVIIIe siècle et de l'Empire : J.-B.
Augustin, Jean-Antoine Laurent, François Dumont, J.-B. Isabey,
ainsi que grande partie des apprentis de l'atelier d'Isabey, que
ce dernier allait embaucher à Nancy, tels que
Nicolas-Jacques-Léon Larue, dit Mansion, J.-B. Singry, J.-B.
Soyer, etc.
Il est né dans la même ville que les miniaturistes Jean
Girardet, François Dumont (son aîné de treize ans), le frère de
ce dernier, Tony Dumont, Mme Jeanne-Bernard Dabos et Jacques
Fleury.
Le nom de Dun ne figure pas dans l'Essai de répertoire des
artistes lorrains de A. Jacquot, mais au même titre on pourrait
reprocher à ce dernier l'oubli d'autres miniaturistes, tels que
Pierre Démange, Vincent Bertrand et son fils Louis, François
Badiot, le marquis de Boufflers, Charles Duval, Henri Michel,
Sophie Jadelot, Jean-Pierre Robelot, Faivre, et ce chevalier
Bernard de Guérard, Lorrain d'origine, qui alla travailler à la
cour d'Autriche et des Deux-Siciles, et mourut à Naples en 1836.
Il reste donc de l'ouvrage pour les historiens de l'art, et je
m'empresse d'ajouter que l'oubli de M. Jacquot a une excuse :
Nicolas Dun est parti de sa ville natale très jeune et ne paraît
plus y avoir fait retour. Vers 1790, nous le trouvons à Naples
et nous ignorons quel chemin il a suivi, quelles sont les études
qu'il a faites, à quel titre il s'est mis en voyage.
Quelle éducation artistique et quels rapports avait-il eus avec
les miniaturistes de Lunéville, avant son départ pour l'Italie ?
Il était âgé de cinq ans lorsque son concitoyen François Dumont,
resté orphelin, quitta Lunéville avec ses frères pour venir
travailler à Paris; ce n'est donc pas possible de trouver une
liaison entre l'art des deux miniaturistes, à moins que Dun
n'ait pu retrouver Dumont à Rome, en 1784, au moment où ce
dernier, après les premiers succès de Paris, ayant rêvé de se
dédier au grand art, se rendit en Italie pour un séjour de
quelques mois.
Il paraît aussi peu probable que Dun ait pu avoir comme maître
ce Jean Girardet dont Dumont avait été l'élève, car Girardet
mourut à Nancy en 1778 lorsque notre miniaturiste avait à peine
quatorze ans. Ajoutons enfin que Dun avait le même âge (à
quelques mois près) que ses collègues ès miniatures Jacques
Fleury, dont on ignore le maître, et Jeanne Bernard que Bellier
de la Chavignerie dit élève de Mme Guyard et qui épousa plus
tard le peintre toulousain Laurent Dabos.
Le temps qui s'est écoulé avant la vingt-sixième année de Dun
(c'est-à-dire 1790) reste donc assez mystérieux.
Est-ce que le retour de la Lorraine à la France à la mort du roi
Stanislas, en 1766, porta un changement ou un déplacement de la
famille du musicien de la cour ?
Le jeune Dun a-t-il été enrôlé, à l'âge de la conscription, et
incorporé dans quelque régiment faisant partie des corps
d'expédition, d'occupation ou d'observation dans le Midi ? Nous
ne possédons pas encore de documents ni d'indications
susceptibles de répondre à ces questions.
L'affirmation du prince Filangieri qu'il soit entré à Naples à
la suite des troupes françaises manque de précision et doit être
soumise à contrôle. Ce n'est guère avec le général Championnet
que notre artiste se porta à Naples, car nous retrouvons trace
de portraits exécutés dans cette ville une huitaine d'années
plus tôt.
L'activité de Dun, d'après les œuvres que j'ai pu examiner et
classifier, peut se diviser en trois périodes : celle qui va de
son arrivée à Naples jusqu'en 1808, celle de 1808 à 1815 (époque
Murat) et celle de 1815 à sa mort.
A la première époque, qui commence par la miniature
chronologiquement plus ancienne comme date, c'est-à-dire celle
d'un officier de marine de 1790, de la collection Bernard
Franck, appartient un groupement de portraits qui semble
clôturer cette période brillante qui a attiré les grandes
personnalités artistiques et littéraires en mal de classicisme à
la cour de Lady Hamilton, à Naples. Angélica Kauffmann, le
peintre et miniaturiste Henri-Frédéric Füger, le paysagiste
Hackert, Göthe, Tischbein et Mme Vigée-Lebrun s'étaient suivis
dans ce pèlerinage esthétique, attirés par le milieu suggestif
d'art créé par les fouilles d'Herculanum et par les « attitudes
» des tableaux vivants du beau modèle de Romney, cette Emma
Lyon, cette Miss Hart que Lord Hamilton avait ravie à son neveu
et avait épousée.
Dun paraît avoir été aussi convié à recueillir les fleurs, sinon
les miettes, du festin, car, dernier arrivé, il fit un médaillon
de Lady Hamilton destiné à son ami l'amiral Acton,et fit aussi
les miniatures de ce dernier, alors gouverneur de Gaëta, et de
son fils, cadet de marine, en 1810.
Le succès du miniaturiste dut lui attirer bientôt l'attention de
la cour, car les portraits de la reine Marie-Caroline de Bourbon
(sœur de Marie-Antoinette), que j'ai retrouvés, doivent dater
des premières années du XIXe siècle.
Certainement, les comptes de la maison de Bourbon pourront
prochainement nous donner des précisions sur les livraisons de
Dun à la cour de Naples, mais les archives royales ne sont pas
encore à la disposition du public.
Aux premières années du XIXe siècle doivent aussi se rapporter
les miniatures de la princesse de Bauffremont, née Paterno-Moncada
(aujourd'hui chez la princesse de Viggiano à Rome), de la
princesse Belmonte-Ventimiglia (qui a été exposée à Londres en
1865 au South-Kensington-Museum) et de la duchesse Harley
d'Oxford (dans une collection particulière à Milan).
On a pas de preuves que Dun ait travaillé pour Joseph Bonaparte
pendant les deux années de son royaume napolitain, mais on
trouve à Rome, chez le comte Primoli, le portrait d'Alexandrine
de Beauchamps, femme de Lucien Bonaparte. Peut-être a-t-il été
exécuté à Rome pendant un séjour de l'artiste qu'il est utile de
signaler. Le catalogue des artistes établis à Rome environ 1808,
publié par Guattani dans les Memorie enciclopediche romane,
porte en effet parmi les peintres de miniatures et de petits
portraits un Monsieur Deun qui, malgré une variante
d'orthographe, ne paraît pas douteux.
La période suivante, de 1808 à 1815 (époque Murat), est très
intéressante pour l'histoire de la miniature à Naples, parce
qu'elle voit consacré officiellement par une classe
d'enseignement particulier à l'École des arts du dessin l'essor
que cet art avait eu pendant le règne de Ferdinand IV (Ier des
Deux-Siciles).
Ce roi, appelé Re Nasone, dont la laideur est proverbiale,
peut-être à la recherche instinctive et inassouvie de l'artiste
idéal qui sut donner à son portrait un aspect séduisant, s'est
fait peindre en grand et en petit, par tous les artistes qui se
sont trouvés à Naples pendant les trois reprises de son règne,
et l'exemple du souverain a créé une telle vogue et donné un tel
développement à l'art de la miniature qu'on signale, pour la
seule ville de Naples, une trentaine et plus de spécialistes,
sans compter les étrangers de passage.
Cette floraison exceptionnelle a eu sa consécration, comme je
disais, par une classe de miniature instituée par le roi Joachim
Murat, à l'occasion de la réorganisation de l'Académie royale de
dessin, par le décret du 25 septembre 1809.
La propagande artistique de la maison impériale et des cours
napoléoniennes, dans un but d'opportunisme politique, retrouve
ici encore un témoignage frappant et nous procure une source peu
connue des recherches historiques.
Naples est, en effet, la seule ville (avec Saint-Pétersbourg) où
la miniature a été enseignée officiellement, pendant quelque
temps, à une école d'État. A professeur de cette classe fut
nommé Antonio Zuccarelli, qui sut défendre les intérêts de son
art jusqu'à la mort (1818).
On lui doit naturellement plusieurs portraits en miniature du
roi Joachim, qui ont été gravés. Mais en même temps qu'à ce
miniaturiste, qui avait rang officiel, la cour s'adressait aussi
à d'autres artistes pour les portraits des tabatières et des
cadeaux diplomatiques; c'est ainsi qu'on en trouve signés par
des noms français, tels que Ulysse Griffon, Jean Marras, Dun.
Dans les papiers d'archives provenant de Naples, survivants
d'une fâcheuse dispersion, qui appartiennent aujourd'hui au
prince Murat, on trouve dans les Comptes de la reine, 1814 (sa
cassette), des détails très intéressants sur les artistes
français qui ont livré des œuvres à la reine Caroline ou qui
étaient pensionnés par elle. A côté de paysages de Denouy, de
tableaux de Granet, de pierres gravées de Pickler et d'œuvres de
Mazois et de Montagny, on trouve signalés des portraits en
miniature par Dun. Ces portraits, espacés en plusieurs
commandes, représentent le roi, la reine et leurs enfants en
différents formats (une série est spécifiée comme étant destinée
à être placée sur une boîte rouge de S. M. la reine Caroline) et
on les retrouve aujourd'hui dispersés en différentes
collections; une série complète est chez le prince Murat à
Chambly; une autre chez la comtesse Badeni à Lemberg. Dans la
collection du prince Murat, on conserve aussi l'émouvant
souvenir de la montre que le roi portait sur lui quand il fut
fusillé, et celle-ci porte au dos, sur deux petits losanges, les
portraits du roi et de la reine, également signés par Dun.
Et dans la même collection on trouve un service de tasses en
porcelaine de la manufacture de Capodimonte décorées avec les
portraits des membres de la famille royale de Naples, également
d'après Dun.
Chez M. Brouvet, à Paris, se trouve un beau portrait, très
frais, très ressemblant, très stylé, de la reine Caroline. Il
est placé au-dessus d'un presse-papiers, en lave du Vésuve, sur
lequel est gravée la devise Chaque jour davantage, et il fut
donne par la reine à l'intendant de sa maison de Mercey.
Des portraits isolés de la reine sont aussi dans la collection
de M. Marmottan à Paris, chez la comtesse Isolani, une
descendante de Lœtitia Murat, à Bologne, et au Musée Filangieri,
à Naples, où la reine est représentée dans l'uniforme de son
régiment de hussards napolitains. Un autre exemplaire fut donné
par la reine Caroline a Mme Récamier en souvenir de son voyage à
Naples et passa en vente publique à sa succession (1893).
Des portraits du roi Joachim (qui le montrent dans les dernières
années de sa vie, quand il portait la moustache) se trouvent
dans la collection de M. Bernard Franck et chez le comte de
Neipperg, à Schvaigern (Wurtemberg).
Portraits, enfin, des jeunes princes et princesses, se trouvent
chez le prince Victor-Napoléon, le prince de la Moskowa, la
princesse Eugénie Murat, et un exemplaire du portrait du prince
Achille est passé à la vente Wellesley à Londres en 1921.
Au retour des Bourbons à Naples, Dun changea son fusil d'épaule
et continua à travailler pour la cour, à laquelle, nous avons
vu, il avait déjà livré quelques portraits de la reine
Marie-Caroline (morte en 1814). Ainsi, en 1816, il fit celui du
roi Ferdinand pr et celui de Lucia Migliaccio, veuve du prince
de Partanna, que le roi avait épousée morganatiquement en lui
donnant le titre de duchesse de Floridia. Cette dernière est
représentée avec sa fille cadette, Marianna, née en 1808, qui
épousa plus tard le comte Serra di Montesantangelo. (La
miniature appartient à M. Roseo, à Naples.)
En cette même année 1816, Dun fit le portrait de Léopold de
Bourbon, prince de Salerne, deuxième fils du roi Ferdinand, et
cette miniature est entrée avec les collections léguées par le
duc d'Aumale au Musée Condé, à Chantilly.
L'année suivante, notre artiste eut la commande des portraits du
comte Grégoire Wladimirowitch OrlofT et de sa femme, née Anna
Ivanowna Soltikoff. Le comte Orloff, neveu de l'ami de la grande
Catherine, faisait de longs séjours à Naples, amoureux de
l'Italie et passionné pour les découvertes de Pompéi, sur
lesquelles il avait écrit des mémoires avec la collaboration de
la comtesse, femme de lettres très cultivée qui inspira la lyre
du poète Lampredi, entre autres dans une ode dédiée à sa voix
harmonieuse :
« Sul labbro suo gentile - in puro e colto stile
« Sonar parea più bella - l'italica favella... »
Ces deux miniatures appartenaient jusqu'ici au prince Galitzine
à Marijno (gouv. de Nowgorod), mais le charmant portrait de la
princesse vient de passer dans la collection de M. David Weill.
En 1820, Dun fit la miniature de Mme Escalon, née comtesse d'Albon,
et peut-être à cette même époque appartient la miniature que
S.A.I. le grand-duc Nicolas Michaïlowitch possédait,
représentant le prince Dolgorouki.
Toute la vie artistique de notre miniaturiste se serait passée à
l'écart du mouvement et de la connaissance du public français,
si, tout à coup, en 1824, on n'était pas surpris de lire dans le
premier supplément du catalogue du Salon de Paris cette mention
:
N° 2195. Dun, à Naples. Portrait de S. A. R. Mgr le duc de
Calabre, miniature;
N° 2196. Ibid. Portrait de S. A. R. Mme la duchesse de Calabre,
miniature.
Et dans le catalogue du Salon de 1827 :
N° 1273. Leroux, Jean-Marie. Portrait de S. M. le roi de Naples,
d'après Dun;
N° 1274. Ibid. Portrait de S. M. la reine de Naples, d'après
Dun.
Je m'empresse de dire que ces deux dernières œuvres ne sont que
les gravures d'après les miniatures exposées trois ans
auparavant sous les noms de duc et duchesse de Calabre.; le roi
Ferdinand Ier étant mort entre-temps, le prince héritier, duc de
Calabre, était en effet devenu roi, en 1825, sous le nom de
François Ier. Le dictionnaire de Thieme, par contre, récidive
dans ses erreurs et prétend que les gravures représentent le roi
Joachim et la reine Caroline Murat.
Il ne faut pas déduire par cette participation de Dun au Salon
qu'il soit venu à Paris (du reste, le catalogue explique
clairement Dun à Naples) : les miniatures furent envoyées à
Paris pour être gravées ; elles furent exposées à cette occasion
et rentrèrent ensuite à Naples, au château de Capodimonte, où
elles se trouvent encore actuellement.
Ces deux miniatures sont très remarquables pour un miniaturiste
déjà âgé de plus que soixante ans; celle qui représente la reine
Marie-Isabelle présente en plus un intérêt particulier, parce
que le peintre a synthétisé dans un seul portrait toute la
famille royale sous l'espèce des miniatures que lui-même avait
livrées à la cour. Aux deux côtés du miroir qui se trouve
au-dessus de la table sur laquelle la reine appuie son bras
gauche, sont suspendues les miniatures des dix enfants nés avant
1824; il manque les deux derniers, nés plus tard, ainsi que la
princesse Marie-Caroline-Ferdinande, plus tard duchesse de
Berry, que le roi avait eue de son premier mariage avec
Marie-Clémentine d'Autriche.
En plus, la reine porte sur la poitrine, barrée par le grand
cordon de l'ordre royal espagnol de Marie-Louise, un médaillon
avec le portrait du roi son mari, et au bracelet celui avec le
portrait de son beau-père Ferdinand Ier.
On ne pourrait vraiment pas demander plus à l'artiste, qui nous
signale ainsi des portraits qu'on retrouve aujourd'hui très
dispersés : celui de la plus jeune princesse,
Marie-Caroline-Ferdinande, sœur homonyme et filleule de la
duchesse de Berry, appartient actuellement au duc Della Grazia.
La liste des œuvres de Dun continuerait encore, et je pourrais
en citer une douzaine qui sont passées dans les ventes ou qui se
trouvent dans des musées (par exemple la Wallace Collection à
Londres, le Musée de Gotha et le Musee Filangieri à Naples) et
dans des collections particulières, mais, malheureusement, les
personnages représentés cachent leur personnalité sous un
stricte anonyme.
Me voilà arrivé à la fin de mon travail de glaneur, et j'arrive
justement là d'où j'ai pris le premier essor pour essayer de
reconstruire à rebours et tirer de l'oubli la vie modeste et
méritante de ce Lorrain, de ce Français jusqu'ici complètement
inconnu.
Voici le document capital que j'ai retrouvé à Naples.
« Nicolas Dun, peintre portraitiste, originaire de Lunéville en
Lorraine, âgé de soixante-huit ans, mari de Marie-Anne-Claire
Mouton, de Toulon en France, est mort à Naples, Riviera di
Chiaia, 118, à dix-huit heures, le 19 juillet 1832. »
Essai chronologique des portraits en
miniature connus de N. Dun.
Officier de marine, 1790 Coll. Franck. Paris.
Officier de marine française, an V Coll. Blenck. Munich.
Dame avec écharpe tricolore, Musée Filangieri (n° 2664), Naples.
Catherine Paterno-Moncada, princesse de Bauffremont, Coll.
princesse de Viggiano. Rome.
Lady Hamilton, Coll. Miss Ouvry. Londres.
Mme Tallien (?),Coll. Simon von Metaxa, Vienne.
Dame inconnue, 1805 ?, Coll. James Simon. Berlin.
Alexandrine de Beauchamps, femme de Lucien Bonaparte, Coll.
comte G.-N. Promoli. Rome.
Princesse de Belmonte-Ventimiglia, 1810?, Coll. H. E. Acton.
Londres.
Lieutenant général JosephÉdouard Acton, gouverneur de Gaëta,
Coll. H. E. Acton. Londres.
Edouard Acton, cadet de marine, 1810 Coll. H. E. Acton. Londres.
Comtesse Harley d'Oxford, Coll. Avv. U. Monteverde. Milan.
La reine Marie-Caroline de Bourbon, Coll. comtesse Galante.
Naples.
La reine Marie-Caroline de Bourbon, Coll. C. Jeannerat. Paris.
Le roi Joachim Murat et la reineCaroline (sur une montre), Coll.
prince Murat. Paris.
La reine Caroline Murat, Coll. prince Murat. Paris.
La reine Caroline Murat, Coll. prince Murat. Paris.
Le prince Achille Murat, Coll. prince Murat. Paris.
Le prince Lucien Murat, Coll. prince Murat. Paris.
La princesse Laetitia Murat, Coll. prince Murat. Paris.
Le roi Joachim Murat, Coll. comtesse C. Badeni. Lemberg.
La reine Caroline Murat, Coll. comtesse C. Badeni. Lemberg.
Le prince Achille Murat, Coll. comtesse C. Badeni. Lemberg.
Le prince Lucien Murat, Coll. comtesse C. Badeni. Lemberg.
La princesse Laetitia Murat, Coll. comtesse C. Badeni. Lemberg.
La princesse Louise Murat, Coll. comtesse C. Badeni. Lemberg.
Le roi Joachim Murat, Coll. Bernard Franck. Paris.
Le roi Joachim Murat, Coll. comte de NeippergSchwaizern
(Wurtemberg).
La reine Caroline Murat, Coll. E. Brouvet. Paris.
La reine Caroline Murat, Coll. P. Marmottan. Paris.
La reine Caroline Murat, Coll. comtesse L. Isolani. Bologne.
La reine Caroline Murat, Musée Filangieri (n°2725). Naples.
La reine Caroline Murat, Vente Mme Récamier, 29 novembre 1893
(n° 6). Paris.
La reine Caroline Murat (?),Vente Ch. B., 21 février 1906 (n°
115). Paris.
Le prince Achille Murat, Coll. prince Victor Napoléon.
Bruxelles.
Le prince Lucien Murat, Coll. prince Victor Napoléon. Bruxelles.
La princesse Laetitia Murat, Coll. prince de la Moskova. Paris.
La princesse Louise Murat, Coll. prince de la Moskova. Paris.
La princesse Laetitia Murat, Coll. princesse Eugène Murat.
Paris.
Les princes Achille, Lucien et Louise sur la boîte à rouge de S.
M. la reine Caroline, 1814
Le prince Achille Murat, 1818? Vente Wellesley, 28 juin 1921 (n°
247). Londres.
Le roi Ferdinand Ier des Deux-Siciles, 1816 Coll. Dr A.
Figdor.Vienne.
La duchesse de Floridia et sa fille, Coll. Cornm. Roseo. Naples.
Léopold de Bourbon, prince de Salerne, 1816 Musée Condé (n°
167). Chantilly.
Le comte Grégoire Orloff, 1817 Coll. prince Galitzine. Marijno.
La comtesse Orloff, née Soltikoff, 1817 Coll. David Weill.
Paris.
Le prince Dolgorouki, Coll. grand-duc Nicolas Michaïlowitch.
Mme d'Escalon, née comtesse d'Albon. Coll. H.E. Acton. Londres.
La princesse Marie-Caroline-Ferdinande de Bourbon, 1823? Coll.
duc de la Grazia.
Les enfants du roi François Ier des Deux-Siciles,
Le roi François Ier des Deux-Siciles, 1824 Musée de Capodimonte.
Naples.
La reine Isabelle des Deux-Siciles, 1824 Musée de Capodimonte.
Naples.
Miniatures de date inconnue.
Dame inconnue, Wallace Collection (gall.XI,
case B, 141). Londres.
Dame inconnue, Coll. prince de la Moskova. Paris.
Dame inconnue, Coll. Paul Marmottan. Paris.
Dame inconnue, Coll. marquis P. Rusconi. Bologne.
Dame inconnue, Coll. F. Doistau. Paris.
Dame inconnue, Coll. Mme de Lloneux. Huy.
Dame inconnue, Vente Mimerel, 18 avril 1910 (n° 36). Paris.
Dame inconnue, Vente du 11 mars 1912 (n° 21). Paris.
Dame inconnue, Vente Warneck, 19 novembre 1924 (n° 56). Vienne.
Dame inconnue, Vente du 17 décembre 1924 (n° 157). Vienne.
Dame inconnue, Vente du 5 novembre 1925 (n° 241). Vienne.
Homme inconnu, Coll. prince N. Pàlffy. Vienne.
Homme inconnu, Coll. marquis P. Rusconi. Bologne.
Homme inconnu, Musée de Gotha.
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