Rapports et
délibérations - Conseil général du Département de la Meurthe et
Moselle
1872
ARCHIVES DÉPARTEMENTALES.
RAPPORT DE 1872.
Exécution de la circulaire
ministérielle du 6 mars 1843.
MONSIEUR LE PRÉFET,
J'ai énuméré très-sommairement, dans mon dernier rapport, les
divers fonds des archives ecclésiastiques dont le dépouillement
avait été opéré dans le courant de l'année 1871, me réservant de
donner quelques détails lorsque mes notes auraient été
transcrites sur les cahiers destinés à la rédaction de
l'inventaire. Cette transcription a eu lieu, et je vais essayer
de signaler ce qu'il y a de plus intéressant dans les papiers
des établissements religieux dont je me suis occupé.
Ainsi que je crois l'avoir déjà fait remarquer, les archives
ecclésiastiques ne contiennent pas seulement les annales des
monastères ; on. y trouve encore une foule de documents précieux
pour l'histoire locale, quelquefois même pour l'histoire
générale du pays.
Les fonds dépouillés l'an dernier concernent cinq ordres
religieux : les Minimes, les Prémontrés, les Chanoines
réguliers, les Antonistes et les Jésuites
[...]
3° CHANOINES RÉGULIERS.
Les Chanoines réguliers de l'ordre de Saint Augustin possédaient
trois abbayes, un hospice, un séminaire et un prieuré dans notre
département. Les abbayes étaient celles de Belchamp, à présent
ferme, commune de Méhoncourt ; celles de Domêvre et de
Saint-Remy de Lunéville.
[...]
Abbaye de Domêvre. - Sur la fin du VIIe siècle, Bodon-Leudin,
évêque de Toul, fonda, dans les environs de Badonviller, une
abbaye de religieuses qui s'appela, de son nom, Bodonis
Monasterium, dont on a fait, en français, Bon-Moutier. En 1010,
cette abbaye fut transférée à Saint-Sauveur, et habitée par des
Bénédictins, qui y demeurèrent jusque dans la seconde moitié du
XIIe siècle, puis furent remplacés par des Chanoines réguliers,
lesquels, après le second incendie de leur monastère, en 1565,
allèrent se fixer à Domêvre-sur-Vezouse (1570), où existait déjà
un prieuré. Domêvre hérita des biens dont l'évoque de Toul
Bertholde avait, dès l'an 1010, doté Saint-Sauveur, à
Burthecourt-aux-Chênes, Arracourt, Barbas, Barbezieux, Harboué,
Cirey et Blémerey ; il hérita, en outre, de la juridiction quasi
épiscopale dont les abbés jouissaient dans un certain nombre de
paroisses.
Les archives de l'abbaye de Domêvre eurent le même sort que
celle de Belchamp, c'est-à-dire qu'elles furent en partie
détruites par les flammes. Elles n'en forment pas moins encore
un fonds considérable, dans lequel on trouve beaucoup de
renseignements de toute nature, et en particulier sur les droits
seigneuriaux des abbés. Je ne puis que citer au hasard quelques
documents parmi tous ceux qui offrent de l'intérêt.
Un Etat de ce qui se passa de plus remarquable dans l'abbaye, de
1704 à 1744, rappelle, sous la date de 1708, « le rude hiver qui
commença la veille des Rois par une gelée, qui, la nuit, succéda
à une pluie qui l'avait précédée, et glaça les eaux et les
terres inondées avec tant de violence que les vignes furent
gelées jusqu'à la racine en plusieurs endroits ». - Plusieurs
mémoires racontent la destruction du village de Barbezieux,
situé dans le voisinage de Domêvre, qui fut brûlé par les gens
de guerre du duc de Bouillon, et n'est plus représenté
aujourd'hui que par une cense. - Une lettre écrite en 1752 nous
apprend que les Templiers eurent, entre Amenoncourt et
Autrepierre, une maison, dont on voyait encore les vestiges à
cette époque.
D'autres documents constatent la dépopulation de nos contrées au
XVIIe siècle, « En 1630 et les années suivantes, lisons-nous
dans un mémoire rédigé par les religieux, la Lorraine fut
attaquée de la peste. Cette cruelle maladie emporta la plus
grande partie de ses habitants ; il ne restait plus, en 1645,
qu'un seul ménage à Blémerey ; la cure de Reillon. et de ses
annexes se trouva abandonnée... » - Igney était alors à peu près
dans le même état, et le chapitre de Domêvre ne trouvait point
d'ecclésiastique qui voulût se charger de la cure, « tant à
cause du petit nombre d'habitants que de leur pauvreté ». - En
1681, le village d'Angomont était encore totalement ruiné ; il
en était de même d'une partie de ceux de Neuf-Maisons,
Neuviller-lès-Badonviller, Vacqueville, Gondrexon, Parux,
Saint-Sauveur, Vého, Val-et-Chatillon, Raon-lès-Leau et Repaix,
où les terres qu'y possédait l'abbaye étaient incultes et de nul
rapport.
Entre autres pièces ayant trait aux matières religieuses, je
citerai une ordonnance épiscopale rendue, en 1722, à la suite de
la visite de l'église de Saint-Georges, portant : « que ceux qui
sont adonnés à la débauche et qui s'y abandonnent les fêtes et
dimanches, même à la fête du patron, seront avertis au prône
que, s'ils ne se corrigent, ils seront privés de la
participation aux sacrements ». - Parmi les lettres adressées à
des abbés de Domêvre et à des généraux de la congrégation, il y
en a une, de 1739, par laquelle le prieur et supérieur du grand
Saint-Bernard en Valais demande au général de lui envoyer un
chanoine régulier pour enseigner la théologie à ses religieux. -
D'autres lettres, dont une du duc Léopold au pape, sont
relatives à la béatification du P. Fourier.
[...]
Nancy, le 3 juillet 1872.
L'Archiviste du département, H. LEPAGE. |