Bulletin annoté des lois et
décrets
2 mars 1878. DÉCRET portant promulgation
du procès-verbal de délimitation entre la France et l'empire d'Allemagne,
signé le 26 avril 1877. (Promulg. Bull. des lois, du 13 avril 1878, n°
6807.)
ART. 1er. Un procès-verbal de délimitation entre la France et l'empire
d'Allemagne ayant été signé le 26 avril 1877, aux termes des articles 1er du
traité préliminaire de paix du 26 février 1871 et du traité définitif du 10
mai suivant, ledit procès-verbal, dont la teneur suit, est approuvé et sera
inséré au Bulletin des lois.
PROCÈS-VERBAL DE DELIMITATION ENTRE LA FRANCE ET L'EMPIRE D'ALLEMAGNE.
Aux termes des articles 1er du traité préliminaire de paix du 26 février
1871 et du traité définitif du 10 mai suivant entre la France et l'empire
d'Allemagne, les hautes puissances contractantes étant convenues de faire
régler par une commission internationale la position de la ligne frontière
ainsi que le partage des biens meubles et immeubles appartenant à des
communes coupées par la frontière, ont été nommes membres de cette
commission :
Ces commissaires, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs, ont clos le
procès-verbal ci-après, sous la réserve de l'approbation de leurs
gouvernements respectifs :
ART. 1er. La frontière entre la France et l'empire d'Allemagne a été
déterminée, abornée et mesurée, en exécution des stipulations:
- 1° De l'article 1er du traité préliminaire de paix du 26 février 1871 ; -
2° De l'article 1er du traité de paix définitif entre la France et l'empire
d'Allemagne, en date du 10 mai 1871; - 3° Du troisième des articles
additionnels du 10 mai 1871, lesquels font partie intégrante du traité de
paix en date du même jour; - 4° De l'article 10 de la convention
additionnelle au traité de paix entre la France et l'empire d'Allemagne, en
date du 12 octobre 1871 ; - 5° De la convention relative au tracé de la
frontière au travers de la commune d'Avricourt, conclue, les 24-27 août
1872, par les membres de la commission internationale de délimitation; - 6°
De la convention relative au tracé de la frontière au travers des communes
de Raon-lès-Leau et Raon-sur-Plaine, conclue, les 28-31 août 1872, par les
membres de la même commission.- A l'exception de son tracé sur les
territoires des communes françaises de Raon-lès-Leau et de Raon-sur-Plaine
et des communes allemandes de Serven et d'Avricourt, qui sont coupées par la
frontière, en exécution des conventions internationales ci-dessus
mentionnées, la limite des deux Etats se confond avec des limites de
communes; elle est décrite, en ce qui concerne ses directions principales,
dans la description générale de la frontière ci-jointe, qui est signée par
les membres de la commission, et en ce qui concerne les détails, dans le
registre d'abornement également joint au présent procès-verbal, lequel
registre est signé par les géomètres en chef français et allemand attachés à
la commission; ces deux pièces sont revêtues d'un timbre français et d'un
timbre allemand.- Le tracé de la frontière, conforme aux indications
contenues dans la description générale et dans le registre d'abornement, est
figuré par un liséré rouge sur la carte d'ensemble et sur la carte de détail
annexées au présent procès-verbal, lesquelles ont été rédigées
respectivement à l'échelle du 1/20000 et à celle du 1/1250 L'expédition
française et l'expédition allemande de ces cartes ont été signées par les
géomètres en chef français et allemand et elles ont été revêtues d'un timbre
français et d'un timbre allemand. - Les cartes françaises comprennent : la
carte à l'échelle du 1/20000 en seize feuilles; la carte à l'échelle de
1/1250 en cent une feuilles. - Les cartes allemandes comprennent : les
cartes à l'échelle du 1/20000 en vingt-deux feuilles ; la carte à l'échelle
du 1/1250 en sept cent vingt-sept feuilles.
Art. 2. Le gouvernement français et le gouvernement de l'empire d'Allemagne
prendront les mesures nécessaires pour que les chemins qui longent la
frontière franco-allemande continuent à être entretenus comme par le passé
par les autorités compétentes.
Art. 3. Les chemins qui longent la frontière franco-allemande et qui étaient
communs aux deux États dont l'énumération est donnée dans le tableau A ci
annexé, ont été, pour simplifier l'entretien, partagés en deux parties, dans
le sens de leur longueur, et attribués, avec leur largeur tout entière,
d'une part à la France, d'autre part, à l'Allemagne. Ces chemins sont
déclarés neutres au point de vue douanier ; ce qui doit être entendu en ce
sens qu'on pourra y circuler sans entraves avec des articles passibles ou
non de droits de douane et que, de plus, les agents de surveillance de la
frontière des deux États seront autorisés à les parcourir en armes.
Art. 4. La route de Paris à Bâle est rencontrée trois fois par la frontière
à de courts intervalles, entre les territoires de la commune française de
Foussemagne et de la commune allemande de Chavannes-sur l'Etang. Eu égard à
la difficulté de l'entretien qui résulte de cette circonstance, cette
portion de route a été, sans préjudice des droits de souveraineté, partagée
en deux parties à peu près égales, et le point de partage a été marqué par
une borne qui, située entre les bornes principales 3801 et 3802, sert en
même temps de borne intermédiaire et porte le n° 2. La partie de la route
qui touche au territoire français sera entretenue jusqu'à cette borne par
l'administration française, sans égard à la position de la frontière; la
partie qui touche au territoire allemand sera entretenue par
l'administration de l'Alsace-Lorraine.
Art. 5. Le chemin vicinal d'Avricourt à Foulcrey, qui traverse le territoire
français sur une longueur de sept cent trente-sept mètres, étant uniquement
destiné à desservir deux communes allemandes, l'administration de
l'Alsace-Lorraine prendra entièrement à sa charge l'entretien de la portion
de ce chemin situé sur le territoire de la commune française d'Igney. Par
contre, le gouvernement français s'engage à ne pas la supprimer sans le
consentement du gouvernement allemand ; en outre, cette portion de chemin
sera considérée comme neutre au point de vue de la douane, en sorte qu'elle,
pourra servir au transport d'objets soumis aux droits de douane ou d'octroi
et qu'elle pourra être parcourue par les agents de la douane ou de la
gendarmerie des deux Etats porteurs de leurs armes.
Art. 6. Les propriétaires de chemins d'exploitation traversant la frontière
pourront continuer à en faire usage pour l'exploitation de leurs biens, dans
les mêmes conditions que si ces chemins étaient situés en entier sur le
territoire de l'un ou de l'autre Etat.
Art. 7. Les frais d'entretien et de reconstruction des ponts indiqués à
l'article 8 ci-après, qui sont situés sur des cours d'eau frontières et font
partie de chemins publics, seront supportés par moitié par l'administration
française et par celle de l'Alsace-Lorraine Chacun des deux gouvernements
pourra d'ailleurs imputer tout ou partie des dépenses mises à sa charge à
ceux qui sont tenus de faire les travaux, mais sans qu'il puisse être jamais
recouru à la forme d'un péage.
Art. 8. L'administration française est chargée de l'exécution à frais
communs des travaux de construction et d'entretien des huit ponts énumérés
dans le tableau B ci-annexé. Sur la présentation des comptes annuels de
recettes et dépenses, l'administration allemande lui remboursera la moitié
des dépenses faites. - L'administration de l'Alsace-Lorraine est chargée,
dans les mêmes conditions, de la construction et de l'entretien des neuf
ponts énumérés au tableau C ci-annexé. Sur la présentation des comptes
annuels de recettes et dépenses, l'administration française lui remboursera
la moitié des frais effectués.
Art. 9. Le pont placé près de la borne 1618, sur l'ancienne route de Nancy à
Strasbourg, se trouvant presque entièrement en territoire allemand et étant
à peine effleuré par la frontière sera entretenu exclusivement par
l'Alsace-Lorraine.- Le passage inférieur du chemin de fer sur la route de
Baccarat à Dieuze, près de la borne 1560, étant presque entièrement en
territoire français et n'étant également qu'à peine touché par la frontière,
sera entretenu exclusivement par la France.
Art. 10. La mise en état et l'entretien des abords et des rampes d'accès
sera à la charge de chacune des deux administrations sur son territoire.
Art. 11. Chacun des deux gouvernements fera connaître au gouvernement du
pays voisin quelle sera la caisse chargée de la perception des sommes à
payer par les autorités de ce dernier pays pour la moitié des frais qui est
mise à sa charge.
Art. 12. Le gouvernement français et le gouvernement de l'empire d'Allemagne
traiteront les propriétés forestières des communes ou des établissements
étrangers comme les propriétés privées, mais ils donneront leur appui au
gouvernement du pays limitrophe pour l'exercice de la surveillance qui lui
incombe dans la gestion desdites propriétés.
Art. 13. Les autorités locales pourvoiront à la police des forêts et à leur
protection légale par l'intermédiaire de nationaux de l'Etat dans les
limites duquel se trouve chaque forêt.
Art. 14. Les propriétaires des forêts et les gouvernements chargés de leur
tutelle conserveront néanmoins la liberté de nommer des gardes forestiers
particuliers, qui devront remplir les conditions de nationalité et de
capacité imposées par les lois et les règlements de l'Etat sur le territoire
duquel la forêt est située ; ces gardes recevront leur commission des
autorités constituées du même Etat et seront assermentés. Leurs droits et
leurs devoirs seront les mêmes que ceux des gardes des forêts dont les
propriétaires ne sont pas étrangers. Les dépenses afférentes à ces gardes
incomberont aux propriétaires des forêts.
Art. 15. Si les communes ou établissements désirent que la garde de leurs
forêts soit confiée à un agent forestier appartenant au personnel de l'Etat
ou d'une commune du pays étranger, le gouvernement de ce pays ne refusera
pas son assentiment sans motifs graves et emploiera son influence pour
amener une entente entre le propriétaire des forêts et l'agent qui devra en
avoir la surveillance. Il en confiera généralement la garde à un agent
demeurant à proximité.
Art. 16. Le traitement dû à cet agent par le propriétaire de la forêt sera
fixé d'après le traitement net qu'il reçoit pour le reste de ses
cantonnements, au prorata de la surface à garder. Ce traitement sera versé
dans la caisse du gouvernement de même nationalité que l'agent; il sera fixé
en argent à l'exclusion de tous autres émoluments.
Art. 17. Les négociations sur les questions relatives aux forêts seront
confiées, dans chaque cas particulier, aux autorités compétentes,
c'est-à-dire aux préfets pour la France et aux présidents de département
pour l'Alsace-Lorraine, avec le concours des agents supérieurs des forêts.
Art. 18. Les forêts appartenant à des communes ou à des établissements
étrangers seront administrées et gérées d'après les règles tracées par la
législation du pays dont dépendent les communes ou établissements
propriétaires.
Art. 19. A cet effet, il sera permis aux employés chargés de la gestion de
pénétrer sur le territoire étranger et d'exécuter dans les forêts en
question toutes les opérations relatives à l'administration et à la culture
qui leur incombent.
Art. 20. L'exploitation des forêts proprement dite sera réglée par les
propriétaires ou par leurs tuteurs légaux. Elle ne sera soumise à d'autres
restrictions qu'à celles qui résultent des prescriptions relatives à la
police forestière.
Art. 21. Les habitants de la section détachée de la commune française de
Raon-sur-Plaine et cédées à l'empire d'Allemagne, et leurs ayants droit,
conserveront leurs droits antérieurs sur la forêt communale de Raon-sur-Plaine.
Art. 22. Ils continueront à être portés sur la liste des ayants droit à
l'usage des bois de Raon-sur-Plaine et à recevoir comme les autres
intéressés leurs parts respectives dans la distribution des bois.
Art. 23. Ils conserveront également leurs droits de dépaissance sur les
communaux de Raon sur-Plaine, dans le cas où il y aurait lieu de les
appliquer, ainsi que le droit de se servir des chemins communaux, sans
indemnité.
Art. 24. Dans le cas où, ultérieurement, par suite de mesures prises soit
par le gouvernement français, soit par l'autorité municipale de Raon-sur-Plaine,
l'exercice des droits d'usage appartenant, d'après ce qui précède, aux
habitants des sections détachées, serait rendu impossible, deviendrait plus
difficile ou serait restreint, il leur serait alloué par les soins des
autorités françaises une somme représentant la valeur intégrale du dommage
causé.
Art. 25. La commune de Sancy continuera à l'avenir à être autorisée à faire
enlever par des voitures, le long de la frontière et sur le territoire de la
commune allemande de Lommerange, le produit des coupes périodiques faites
dans les bois de la Haie-de-Ville et de la Haie-Chaperon qui lui
appartiennent, à la condition de payer une indemnité, à déterminer chaque
fois d'après le dommage causé par le passage des voitures.
Art. 26. Dans le cas où on n'arriverait pas à s'entendre à l'amiable sur le
montant de l'indemnité, même avec l'aide d'experts choisis par les
intéressés, ce montant serait déterminé par les voies de droit.
Art. 27. La conservation des bornes et autres signes déterminant la
frontière sera confiée à la vigilance des autorités locales, qui devront
constater, par des procès-verbaux qu'elles transmettront aux autorités
supérieures, les altérations que la limite aura pu éprouver.
Art. 28. Des commissaires français et allemands, désignés à l'avance par
leurs gouvernements respectifs, seront chargés de la surveillance de
l'abornement : ils constateront, dans chaque cas particulier, la nécessité
du remplacement des bornes endommagées ou de la remise en place des bornes
déplacées. La dépense des travaux à exécuter sera supportée également par
les deux parties.
Art. 29. La fourniture et la pose des bornes depuis la frontière du
Luxembourg jusqu'à la borne 2008, sur la route du Donon, seront à la charge
de l'autorité allemande ; l'autorité française pourvoira à la fourniture et
à la pose des bornes comprises entre la borne 2009 et lafrontière suisse.
Sur la présentation des comptes, la moitié des frais sera remboursée,
suivant le cas, soit au gouvernement français, soit au gouvernement
allemand.
Art. 30. Au cas où le texte de la description de la frontière ou du registre
d'abornement serait en certains points en désaccord avec les cartes jointes
au procès-verbal, ces cartes feront foi, et le texte sera considéré, en ces
points, fautif et erroné.
Art. 31. Le présent procès-verbal sortira son effet dès qu'il aura été
approuvé par les deux gouvernements et que l'échange des approbations aura
été effectué.
En foi de quoi, les membres de la commission susdésignés ont signé ledit
procès-verbal en deux exemplaires comprenant chacun un texte français et un
texte allemand, et y ont apposé leurs timbres respectifs.
Fait à Metz, le 26 avril 1877.
Signé général DOUTRELAINE.
Signé LAUSSEDAT.
Signé BOUVIER.
Signé STRANTZ.
Signé RHEIN,
Signé BRUCE.
(Suivent : 1° le tableau A des chemins situés au long de la frontière
franco-allemande et déclarés neutres au point de vue douanier, aux termes de
l'article 3 du procès-verbal de délimitation; - 2° le tableau B des ponts
situés sur des cours d'eau mitoyens dont la construction et l'entretien sont
à la charge de l'administration française, aux termes de l'article 8 du
procès-verbal de délimitation; - 3° le tableau C des ponts situés sur des
cours d'eau mitoyens dont la construction et l'entretien sont à la charge de
l'administration d'Alsace-Lorraine, aux termes de l'article 8 du
procès-verbal de délimitation.)
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