Annales de l'Est.
1888
Les revenus de la
Collégiale de Saint-Dié à la fin du Xème siècle
Le document que nous publions
se trouve aux archives municipales de Saint-Dié. Il est écrit
sur parchemin de forme rectangulaire et en fort beaux
caractères. L'écriture est celle qu'on employait pour les
chartes solennelles, à la fin du Xe et au début du XIe
siècle.
[...] Nous publions d'abord le texte du titre; [...]
De Virdunesio predio in maio V sol. et VI denar. census.
Falcium et noctium XVII denar. Ad festum sancti Martini V sol.
et VI denar. Conductus ont redemptio conductus frumenti IIII
denar. Unusquisque mansus IIII pulli et XX ova.
[...] La collégiale possédait un troisième groupe de propriétés,
situéesun peu plus au nord. Il se composait d'abord du fonds de
Verdenal (Virdunesio predio) qui est aujourd'hui un village du
canton de Blâmont (Meurthe-et-Moselle). Les tenanciers de ce
fonds acquittaient au mois de mai un cens de cinq sous et six
deniers qui représentent en monnaie moderne 23 fr. 10 c. Ils
payaient en outre un droit de 17 deniers, soit 5 fr. 95 c. pour
les faucilles et les nuits. Les faucilles, nous le savons déjà,
désignent la redevance représentative des travaux exigés jadis
au temps de la fenaison ou de la moisson; mais le mot noctes
demande à être expliqué. Les Gaulois et les Germains avaient
l'habitude de compter le temps par nuits et non par jours: «
Chez eux, écrit Tacite, la nuit semble amener le jour (1). »
Dans les lois barbares, les délais de procédure sont déterminés
non par jours, mais par nuits. De même, on disait : « Le
tenancier doit à son propriétaire tant de nuits de travaux, à la
moisson, tant de nuits à la fenaison, etc. » Donc, dans notre
texte, le mot noctes complète simplement le mot falces. La
redevance de 17 deniers est payée comme rachat des nuits
autrefois dues pour faucher l'herbe ou couper les épis (2). Le
11 novembre, à la Saint-Martin, les fermiers de Verdenal
payaient le second terme de leur cens, soit de nouveau 23 fr. 10
c. Ils étaient tenus de plus de charrier à Saint-Dié ou de
rentrer dans des greniers appartenant à la collégiale une
certaine quantité de blé; ils pouvaient se racheter de cette
obligation en payant 4 deniers (1 fr. 40 c.). Le domaine de
Verdenal se composait d'un certain nombre de manses; chaque
manse devait fournir 4 poulets et 20 œufs.
(1) Germania, XI. Cf. César, De bello gallico,
VI, 18.
(2) Riguel propose encore un autre sens. Certaines chartes
emploient le mot nocturna (cf. ce mot dans Du Cange) pour
designer le droit de pécher la nuit et la redevance qu'on paie
pour exercer ce droit; peut-être, dit Riguet, le mot noctes a
ici la même signification. Mais cette hypothèse ne nous parait
pas plausible. |