Voici quelques informations
pour apporter des précisions à la
biographie des frères Marmod :
-
Jean-Claude Marmod,:
- son père François Marmod avait épousé le 5 février 1754, à
Blâmont, Catherine Gaché
- Jean-Claude Marmod est né à Blâmont le 5 décembre 1757.
- L'acte de naissance n'indique que le prénom Jean Claude
(et non Jean-Claude Nicolas).
- Etonnement, l'acte de son mariage, à Blâmont le 8 juillet
1783 avec Marie Anne Demontzey, indique « Jean Claude
Nicolas Marmod, négociant ».
- L'acte de décès, le 28 septembre 1806 à Senones, indique
aussi « Jean Claude Nicolas Marmod, âgé de 49 ans, négociant
domicilié à Nancy.
-
Antoine Benoit Dieudonné
Marmod
- Né le 12 juin 1756 à Blâmont
- Marié à Blâmont le 27 février 1781 avec Catherine
Demontzey,
- Remarié le 19 décembre 1793, Nancy, avec Marie Anne
Fabert.
Nous n'avons pas trouvé trace
du décès d'Antoine Benoit Dieudonné ; il semble cependant
qu'après le décès de son frère, il ait continué l'activité
jusqu'en 1812. Cette année là, la manufacture Marmod aurait été
cédée à Berr-Isaac Berr, avec cessation d'activité entre 1819 et
1820.
Les rues de Nancy
du XVIe siècle à nos jours. Tableau
Charles Courbe
Nancy, 1886
Nous avons dit plus haut, que
la rue des Fabriques devait son nom notamment à la création de
la manufacture Marmod frères. C'est ici le cas de réparer une
omission et de rendre hommage à « ces généreux citoyens aussi
précieux à l'Etat et mille fois plus dignes d'être consignés
dans les fastes de l'histoire, que les noms et les faits de tant
de héros prétendus qui n'ont travaillé pour leur gloire, qu'en
faisant périr une multitude de leurs semblables. » Lionnois, t.
I, p. 614.) En même temps nous aurons à présenter le tableau de
l'industrie dans notre ville au commencement du siècle, en
empruntant les parties les plus saillantes à la Statistique du
préfet Marquis. Pour juger de l'importance des services rendus
par les frères Marmod, il faut mettre sous les yeux du lecteur
ce qu'en ont dit Lionnois, dans son Histoire, et le préfet
Marquis dans sa Statistique.
« Les sieurs Marmod sont Lorrains, originaires de Blâmont,
domiciliés à Nancy vers 1784. Voyant qu'en cette ville il n'y
avait pas de manufacture en siamoise et toile de coton, et que
la grande consommation qu'on y en faisait, transportait un
argent immense en Allemagne, d'où s'en faisait l'importation :
sur l'invitation du sieur Rolin, curé de Saint Nicolas, pour
occuper les jeunes gens indigents de sa paroisse, ils se
déterminèrent à faire monter quelques métiers de tisserands, et
une filature de coton par le moyen des mécaniques alors
inconnues en Lorraine.
« Cet établissement ainsi commencé fut successivement augmenté,
au point d'avoir entretenu, dans moins des trois premières
années, et dans les bâtiments qu'ils firent construire à cet
effet dans la rue Paille-Maille, plus de 400 jeunes gens de l'un
et de l'autre sexe; sans y comprendre encore un plus grand
nombre d'autres qu'ils occupaient dans la ville et les environs,
après avoir été instruits à ces ouvrages, aux frais des sieurs
Marmod.
« En 1787, la grande consommation qu'ils faisaient de coton
teint, la difficulté qu'ils éprouvaient quelquefois de s'en
procurer d'assez beau, et surtout le désir qu'ils avaient de
fournir de l'ouvrage à ceux qui imploraient leurs secours, leur
firent naître le projet de monter une teinturerie, en surmontant
en peu de temps les obstacles qui s'élevaient contre cet
établissement, principalement pour le rouge, auquel ils ne
purent parvenir qu'à force d'essais. Il ne leur suffisait pas
d'acquérir pour eux les connaissances nécessaires à ce travail;
il fallait de plus en enseigner la manipulation à des ouvriers
qui, n'y étant pas plus versés qu'eux, n'avaient ni le même
intérêt au succès, ni les mêmes lumières pour profiter des
résultats de chaque opération.
« Par cette découverte, qui réussit au-delà de toute espérance,
nos généreux citoyens, se trouvant trop resserrés dans leur
première teinturerie de Nancy, qui ne suffisait plus au
roulement de leur fabrication en toile, divisèrent cette
teinturerie, en conservant à Nancy celle des cotons rouils,
bleus foncés et bleus célestes, et en transférant à Jarville
celle des cotons rouges. » (Histoire, t. I, p. 614.)
Les frères Marmod ont été les premiers à construire sur les
anciens remparts de la Paille-Maille; leur exemple a été suivi,
et leur industrie a fait convertir en logements d'ouvriers des
derrières de maisons qui ne formaient que des écuries et des
remises.
En l'an IV, la partie de la rue des Fabriques comprise dans la
première section portait les nos 582 à 614 inclus. C'était au n°
613 que se trouvait leur établissement, dans lequel demeuraient:
Jean-Baptiste Monzey, négociant, 29 ans; leur beau-frère et
associé, Nicolas Marmod, 38 ans, et Marianne Dumonzey, sa femme,
27 ans. (1) Sans doute que l'autre frère habitait Jarville; nous
le retrouvons plus tard demeurant au n° 5 actuel de la rue des
Tiercelins où ils avaient un magasin, et un autre habitait
Domèvre, près Blâmont.
Nous avons dit ailleurs, qu'à cette époque la paroisse
Saint-Nicolas était la plus pauvre de toute la ville, surtout la
partie qu'on appelait la Paille-Maille. En établissant une
manufacture dans ce quartier, les frères Marmod rendaient à la
population le plus éminent des services. On en jugera par l
exposé que fait le préfet Marquis des débuts de leur industrie,
et de la persévérance de leurs efforts au milieu de difficultés
sans nombre, dont nous ne pouvons nous
faire aujourd'hui qu'une idée très imparfaite.
« Messieurs Marmod frères, dit le préfet dans son rapport,
désirant donner de l'occupation à une foule de jeunes gens
oisifs de la ville de Nancy, avaient conçu le projet d'y établir
une manufacture de coton, de rouenneries, etc.; et quoique sans
expérience dans cette partie, mais à l'aide seulement des plans
de machines qu'ils trouvèrent dans l'Encyclopédie, et des
conseils de quelques teinturiers, ils parvinrent à monter
successivement, de 1785 à 1789, quatre-vingt-deux métiers de
tisserands, cinquante mécaniques à filer de soixante-une broches
chacune; et deux teintureries, dont l'une à Nancy et l'autre à
Jarville.
« Ces ateliers occupaient 86 ouvriers principaux; 400 filles,
tant fileuses que dévideuses; et 30 autres personnes à la
teinturerie de Jarville.
« Les propriétaires entretenaient en même temps 40 autres
métiers en ville, et 30 à 40 dévidoirs; ils avaient encore à
Rothau, département du Bas-Rhin, 40 métiers de mouchoirs et
faisaient filer vingt milliers de coton à Fénétrange, où ils
avaient 18 métiers de tisserands.
(1) Les frères Marmod étaient : Antoine-Dieudonné-Benoît et
Jean-Claude-Nicolas. Jean-Baptiste Demontzey, beau-frère de ce
dernier, avait épousé Elisabeth-Marie-Anne Mathieu
« Les produits de la manufacture et de ses divers accessoires
furent pour la même année; savoir:
80 métiers en toiles 5/8, fond rouge, donnèrent 48,000 aunes, à
3 livres, ci 144,000 l.
38 métiers en 5/8, fond blanc, 11,400 aunes à 2 livres, ci
22,800
22 métiers en siamoises 13/16, fond blanc, 6000 aunes à 3
livres, ci 18,000
40 métiers en mouchoirs divers, 3000 douzaines à 18 livres, ci
54,000
180 métiers ont fabriqués en 1879 pour 238,800 l.
Les marchandises ci-dessus pouvaient contenir:
1,500 livres fil blanc et gris,
15,000 livres coton rouge,
7,350 livres coton de couleurs diverses.
« Indépendamment des cotons employés à cette fabrication, on en
vendit encore en 1789:
8,000 livres du rouge, numéros divers, à 7 livres, prix moyen,
ci 56,000 l.
8,000 livres bleu et rouille, à 4 liv. 10 s., ci 36,000
11,650 livres blanc écru, à 3 liv. 10 s., ci. 40,775
27,650 livres de cotons divers ont été vendus 132,775 l.
« Il faut observer que la plupart des ouvriers des deux sexes
n'étaient que des apprentis, qui, dans les années suivantes,
auraient fait bien plus d'ouvrage proportionnellement, si la
Révolution n'eut pas désorganisé la fabrique. Sur le montant
total de ces produits, la main d'œuvre absorbait seule une somme
de 150,000 livres qui se distribuait, savoir, pour le travail à
la journée à raison de 24 sous pour un bon ouvrier, de 15 sous
pour celui d'une capacité inférieure, et de 8 à 10 sous pour les
ouvrières.
« Les ouvrages de filature étaient payés à la livre; en sorte
qu'une bonne ouvrière pouvait gagner de 15 à 18 sous.
« Les bénéfices des fabriques furent d'environ 40,000 fr.; la
dépense d'entretien d'environ moitié, et le surplus de la vente
représentait la valeur des matières premières.
« On tire les cotons en laine, dits à longue soie, des ports du
Havre, de Nantes et d'Amsterdam; et ceux du Levant par Trieste
et par Marseille. Les premiers étaient employés pour toutes les
toiles de coton et mouchoirs à fond rouge, et ceux du Levant
pour les toiles bleues et les siamoises, ainsi que pour la
majeure partie de ceux que l'on vend en blanc écru, bleu,
rouille et rouge des Indes.
« Les cotons qui sont filés au petit rouet n'exigent aucune
préparation; ceux filés aux mécaniques ordinaires s'apprêtent
avec du savon dissous dans de l'eau tiède. MM. Marmod avaient
tenté de faire faire leurs toiles à navette volante; mais,
malgré les sacrifices qu'ils avaient faits pour y déterminer
leurs ouvriers, un seul a consenti à travailler de cette
manière; et quoiqu'il eût fait presque le double d'ouvrage
qu'avec la navette ordinaire, et qu il fût payé au même prix, il
en a discontinué l'usage par esprit de parti.
« En 1789, on vendait environ les deux tiers du produit des
filatures, des teintures et des toiles fabriquées, dans
l'Alsace, dans le pays messin et dans la Lorraine; l'autre tiers
aux foires de Francfort, en Suisse et en Allemagne; mais depuis
que les circonstances de la Révolution ont surenchéri le prix du
produit de ces fabriques, on ne peut plus soutenir la
concurrence à l'étranger, avec les cotonnades du pays de Berg;
et l'exportation est nulle.
« Les mêmes causes avaient réduit en l'an IX la fabrication à 20
métiers et à 15 mécaniques, qui occupent en tout 80 personnes;
la vente des toiles et des mouchoirs ne s'est portée qu'à 46,000
francs.
« La teinturerie de Jarville n'a occupé que 4 hommes et 12
filles, seulement pendant 4 mois de l'année. La vente de ces
cotons teints qui avaient été filés pour la plus grande partie
dans le département des Vosges, a été de 90,000 francs.
« Les ateliers de teinturerie sont distribués d'une manière fort
ingénieuse, et construits de façon à tirer le plus grand parti
du combustible. On y fait bouillir, pendant quatre heures une
chaudière contenant 250 setiers, avec trois seizièmes de stère
de bois. » (Statistique, p. 208.) Le gouvernement de l'Empire
fut fatal à l'industrie nancéienne. L'année 1811 est remarquable
par les nombreuses faillites qui sont déclarées dans notre
ville, à la suite du blocus continental; et les malheureuses
expéditions lointaines qu'entreprenait Napoléon étaient loin de
remédier au mal. Dans une de ses tournées départementales, en
juin 1811, le préfet Riouffe, baron, dore la pilule à tout le
monde : aux industriels, aux commerçants, au peuple; il ment
partout, et ses grandes phrases ne guérissent pas les grands
maux qui vont s'accroissant. En 1812, les plus fortes maisons de
Nancy: Marmod, Marin, Gloxin et tant d'autres tombent sous le
faix.
En juillet 1812, Berr-Isaac Berr, ex-fabricant de tabac et
membre du Conseil municipal de Nancy, se rendait acquéreur de la
fabrique Marmod de la rue des Fabriques, composée de maisons,
jardin, bâtiments, teinturerie, hangars et autres; ladite
fabrique, connue autrefois sous le nom de fabrique des sieurs
Marmod, située à Nancy, ville neuve, rue des Fabriques, n° 163,
ci-devant Paille-Maille, entre la veuve Catoire d'une part et
Chevreuil, représentant Thiébaut, d'autre.
En 1819 et 1820, les désastres de 1811 et 1812 se continuent sur
notre place: avec les Poupillier-Colbus, disparaissent les
Marcot, les Marmod et les Marin. |