Concernant le passage de
Saint Basle à Buriville, le texte du résumé donné par la Croix
de la Drôme, reproduit ci-dessous (« Il passe à Buriville, au diocèse
de Nancy, et fait jaillir en ce lieu une source miraculeuse »)
est une approximation de ce qu'écrit réellement E. Queutelot,
qui n'indique pas si la source était préexistante ou non au
passage de Saint Basle.
Saint Basle et le monastère de Verzy
E. Queutelot
Ed. Reims, 1892
Là où il s'arrêtait quelque temps, il s'établissait dans un
bois, non loin du village, y bâtissait une cellule et élevait un
calvaire. Près de chacune de ces stations, on voit une source,
soit qu'il se soit établi près d'une fontaine déjà existante,
soit qu'il en ait fait jaillir une par ses prières, comme il
avait fait à Verzy.
A Villeroncourt, on n'a jamais cessé d'apporter à la fontaine de
saint Basle les enfants malades ou chétifs, pour obtenir, par
son intercession, santé et vigueur.
Nous le voyons ensuite à Buriville, annexe d'Ogéviller, au
diocèse de Nancy. Là, une fontaine de saint Basle est aussi un
lieu de pèlerinage où les mères viennent prier pour obtenir la
guérison de leurs enfants atteints de convulsions. Cette source
est assez abondante pour former un ruisseau qui conserve le nom
de saint Basle et qui traverse le village de Buriville. |
Supplément à la Croix de la Drôme - 20 novembre
1892
SAINT BASLE, ERMITE EN CHAMPAGNE
Fête le 26 novembre
UNE VOCATION Childebert régnait en Austrasie, et Chilpéric était roi de
Neustrie. C'était vers l'année 582. Chilpéric chargea
l'archevêque de Reims, Gilles, d'une mission auprès du roi
d'Austrasie. Gilles était l'ami de Childebert et le soutenait
dans sa politique : ce qui lui valut plus tard les disgrâces du
souverain de Neustrie. C'était, du reste, un pieux évêque, qui
remplissait avec zèle et sagesse le ministère sacré de son
épiscopat : sa parole était tout évangélique; il ne l'épargnait
pas lorsque le besoin des âmes ou la gloire de Dieu la
réclamaient. Il partit pour l'Aquitaine et s'arrêta quelques
jours à Limoges. Dans ces âges de foi, l'arrivée d'un évêque
dans une ville soulevait tout le peuple et le portait à la
rencontre du ministre de Dieu pour recevoir ses bénédictions.
Les habitants de Limoges firent au successeur de saint Remi le
plus enthousiaste accueil : Gilles dut parler et leur raconter
les merveilles de la vie de son saint prédécesseur, les miracles
qui s'accomplissaient à son tombeau. Il rappela que Léonard, le
saint vénéré des Limousins, baptisé par saint Remi, avait vécu
pendant quelque temps sous sa direction, et de là était venu se
construire un ermitage à côté de Limoges, et qu'aussitôt après
la mort de saint Remi il avait élevé aux portes de la ville un
petit oratoire en son honneur.
Il y eut parmi ses auditeurs les plus attentifs un jeune homme
dont l'âme fut comme saisie et éclairée devant de si grands
exemples. Il lui sembla que la voix de Dieu se faisait entendre
et l'appelait à la sainteté.
Ce jeune homme se nommait Basle et appartenait à une famille
noble, illustre dans la contrée, mais qui se faisait encore plus
remarquer par ses vertus chrétiennes. Le père avait tenu à
donner l'hospitalité au pieux évêque et Dieu sans douté voulut
récompenser sa charité en se choisissant un serviteur parmi ses
enfants. Non seulement, en effet, Basle reçut la lumière en
écoutant la prédication de Gilles, mais surtout à la maison
paternelle, dans de saints entretiens, il sentit se développer
en lui la volonté de tout quitter pour n'appartenir qu'à Dieu.
II n'y avait encore rien dans son âme de bien dessiné, car il
est rare que Dieu, en jetant les premiers rayons de sa lumière
dans un coeur, exprime tout d'un coup ses desseins et trace
d'une façon précise et évidente la route de la vocation. Basle
sentit que Dieu le voulait à lui et pour lui seul; il reconnut
que le Seigneur ne souffrirait pas de partage dans ses pensées
et ses affections; il entrevit déjà tous ses sacrifices ;
combien il devrait déployer de force et de volonté pour suivre
les appels divins ; mais n'osant découvrir à personne les
projets de son coeur, il resta dans quelque incertitude et une
certaine obscurité; non pas tant vis-à-vis de la réalité de sa
vocation que sur les moyens qu'il emploierait, et le but
déterminé vers lequel tendraient ses pas et sa vie.
L'archevêque Gilles, après quelques jours de repos à Limoges,
continua sa route afin d'accomplir sa mission.
LE DÉPART
Ce choix divin était motivé et déjà préparé, Basle, dès son
enfance, avait manifesté un goût singulier pour les choses de
Dieu. Il avait toujours aimé à entendre les merveilleux récits
de la vie des Saints, leurs miracles, les grandes vertus qu'ils
avaient pratiquées, et plus d'une fois il avait aperçu au fond
de son coeur les secrets désirs de devenir un saint.
Pendant quelques années, obligé de porter les armes, il s'était
montré dans la milice, non seulement un parfait soldat, mais un
chrétien grave et recueilli qui, au milieu de beaucoup
d'entraînements et de faiblesses, sut se garder dans les
sentiments les plus purs et conserver intact un coeur qui ne
devait jamais appartenir qu'à Dieu.
A la maison paternelle, il fut l'exemple de tous dans la
pratique des vertus. Sa piété apparaissait dans toutes ses
actions par une modération et une douceur qui faisaient déjà
présager sa sainteté future. Il aimait les pauvres, il les
soulageait lui-même, leur disait des paroles d'encouragement et
de consolation; la meilleure part des revenus dont on lui
laissait la libre jouissance était employée à venir en aide à
leur misère; il ne gardait que peu de choses pour lui,
s'exerçant déjà à pratiquer l'abnégation et le dénument héroïque
qu'il montrera plus tard à un si haut degré. Du reste, sa
sévérité envers lui-même se manifestait surtout dans les
abstinences et les jeûnes qui lui étaient habituels. Nous le
verrons pendant quarante ans vivre dans une effrayante
austérité; il ne faut pas s'étonner si Dieu commence dès ce
moment à former en lui et comme à ébaucher l'anachorète, car le
procédé divin ordinaire est de préparer peu à peu ce qui doit
être réalisé.
Le jeune Basle aurait pu vivre dans les charmes d'une vie aisée
et facile : ses parents possédaient de grands biens; il aurait
pu prétendre aux dignités et aux charges honorifiques,
participer aux divertissements de la vanité, il préféra suivre
les attraits de la grâce qui parlait en lui, et commença, sous
ses impulsions, cette séparation austère de toutes choses
terrestres.
Il est naturel qu'il fût l'un des premiers à écouter les
prédications de Gilles, et que les exemples de saint Remi aient
été comme la lumière qu'il cherchait et qui dorénavant lui
indiquera la route. Quand l'évêque de Reims l'eut quitté, il
médita ses paroles, il les repassa dans son coeur; bientôt, une
pensée grandit au fond de son âme et s'éleva au-dessus de toutes
ses obscurités et de ses hésitations : celle d'aller se
sanctifier auprès du tombeau du grand archevêque de Reims, et de
puiser, comme à leur source, les vertus et la perfection. C'est
une résolution ferme; il rompt tout d'un coup les liens les plus
chers, il quitte sa famille, il obéit à la voix qui parle au
dedans, et, un bâton à la main, il va, avec cette assurance du
voyageur qui a longtemps cherché son chemin et qui le trouve.
L'ANGE GARDIEN
Il était sorti de Limoges et s'avançait dans la campagne,
lorsqu'un ange, envoyé de Dieu, lui apparaît et se fait le
compagnon de sa route pour le préserver et lui servir de guide.
Bientôt, le jeune Saint aperçoit plusieurs de ses amis que son
exemple entraîne et qui viennent le rejoindre afin de se
sanctifier à la même école. La tradition n'a conservé que le nom
d'un seul de ces pieux jeunes hommes qui l'accompagnèrent :
saint Sindulphe d'Aussonce.
Ils approchaient de Reims. Mais ce ne fut pas sans un motif
providentiel que l'ange les fit se détourner de leur chemin pour
visiter le monastère de Verzy. Basle en ignorait encore la
cause. II est frappé par cette solitude au milieu des bois et de
la verdure, près d'une fontaine, au pied de la montagne, et il
semble que l'ange les retient en ce lieu avec une persistance
mystérieuse. On prie plus facilement ici, et l'âme de notre
Saint est toute pleine de la pensée de s'arrêter et d'y
demeurer. Il se rappelle le but de son voyage et, de nouveau, il
dirige ses pas vers le tombeau de saint Remi.
Mais l'archevêque Gilles apprend l'arrivée du pieux voyageur; il
le connaît, il sait quelles sont ses vertus, il se rappelle
l'hospitalité qu'il a reçue dans sa maison paternelle, et, pour
lui témoigner les sentiments qu'il eu avait conservés, il va à
sa rencontre, avec la foule qui l'accompagne. Au premier aspect,
Gilles est surpris, car il s'attendait à trouver Basle avec une
escorte et des livrées conformes à son rang, au lieu qu'il
n'aperçoit qu'un jeune homme dont les vêtements sont pauvres et
sévères. Il l'interroge, mais sa joie éclate quand il sait le
motif de son voyage. Basle se prosterne devant le tombeau de
saint Remi; il prie pendant plusieurs jours, et la volonté
divine se manifeste encore plus apparente et plus décisive. Il
annonce à Gilles son intention de mener la vie cénobitique, dans
celle contrée où saint Remi a vécu et accompli ses prodiges, et
demande qu'il lui permette de se retirer au monastère de Verzy
pour s'exercer dans le silence à la pratique des vertus et à la
contemplation des choses divines. Gilles, encore plus heureux de
garder à côté de lui le saint jeune homme dont il prévoit les
destinées, veut lui-même le conduire et le présenter au
monastère de Verzy. Basle avait vingt-huit ans.
LE MOINE
Il y avait à Verzy douze religieux qui, sous la conduite de
l'abbé Diomère,se sanctifiaient dans la prière et les
macérations. Une partie de leur temps était consacrée à la
contemplation, l'autre à l'étude des saintes lettres et au chant
de l'office divin ; comme dans la plupart des monastères du
moyen Age, ils possédaient une école qui jouissait d'une grande
réputation. Le monastère, fondé par saint Remi, n'avait rien
perdu de sa ferveur primitive. Le postulant, amené par l'évêque
de Reims, est reçu avec joie et on le confie aussitôt à la
direction éclairée d'un saint et savant moine nommé Comart, qui
eut pour occupation constante de le former à l'obéissance, à
l'humilité et aux autres vertus monastiques.
Les progrès de Basle furent rapides, il avait trouvé sa voie. Il
abandonne complètement son âme au travail de la grâce. Il se
livre à tous les exercices de la vie cénobitique avec une ardeur
merveilleuse, passant de longues heures dans la contemplation
des mystères divins et dans l'oraison la plus fervente. Dieu est
l'objet de tous ses actes, de toutes ses lectures : il ne se
propose pas autre chose que de le voir, de l'atteindre, de lui
parler dans la prière. Et, parce qu'il sait que sou union avec
Dieu sera d'autant plus intime que lui-même sera plus détaché de
toutes choses terrestres, il s'exerce à mépriser toujours
davantage les faux biens de la terre; il s'acharne à dompter son
corps par les jeûnes les plus rigoureux, trouvant le moyen de
prélever sur la modeste portion qu'il reçoit à la table commune
pour le donner aux pauvres.
Il étudie les lettres avec ce goût et cette constance qui
triomphent des difficultés les plus ardues, et on le cite
bientôt comme le plus docte parmi ses frères. Enfin, tant de
vertu unie à tant de science tirent, malgré ses refus et les
répugnances suscitées par son humilité, qu'il mérita d'être
appelé au sacerdoce. Ce fut pour notre Saint le commencement
d'une vie nouvelle et comme une excitation à monter encore dans
la perfection, il se croit appelé à faire davantage et pense que
les austérités et le détachement qu'il pratique dans le cloître
sont insuffisants pour lui. Il veut une séparation plus
complète; il désire se mortifier avec une rigueur plus
effrayante; il demande à quitter la vie commune pour vivre seul,
isolé, abandonné, ne connaissant que-Dieu et sou âme. Telle
était la vie du solitaire des déserts et des premiers ermites.
Mais le Concile de Vienne ne veut pas que les moines s'éloignent
de la communauté, à moins qu'ils n'aient donné auparavant,
pendant de longues années, les preuves d'une vertu éminente et
d'une perfection assise et consommée. Quand notre Saint s'ouvrit
à son abbé de ses projets, celui-ci n'hésita point à lui laisser
toute liberté d'accomplir son héroïque dessein, lui permettant
de s'établir sur la montagne qui domine le monastère, à
l'endroit qu'il jugerait le plus favorable.
L'ERMITE
Dieu, qui inspirait cette pensée, voulut donner à Basle un
témoignage de sa volonté en lui envoyant encore l'ange qui
l'avait accompagné pour le conduire à la recherche d'une
retraite. L'ange le mène sur la montagne, dans le lieu le j plus
écarté et le plus silencieux, au sein des bois; Basle se
construit une petite cellule et un oratoire. Maintenant, seul
avec Dieu, séparé de tout, il laisse son âme se répandre en
remerciements et en louanges. Il prie avec flamme; il chante les
psaumes; il converse sans relâche avec le Dieu qu'il avait
toujours cherché et qu'il rencontre enfin dans le silence, dans
le désert, dans l'oubli des créatures et de toutes choses
mondaines, dans cette séparation radicale d'avec les hommes. Il
supporte toutes les privations; il jeûne; il se flagelle ; il
endure le froid rude des hivers, les chaleurs de l'été, mais son
âme retrouve une nouvelle vie et comme une liberté nouvelle,
débarrassé, non seulement des entraves et des fers qui
retiennent le commun des mortels, mais encore de ces derniers
liens du commerce avec ses frères qui lui semblaient un obstacle
pour posséder Dieu seul!
Sur le côté de la montagne qui regarde la ville de Reims, il
élève une croix de pierre et s'en fait comme le but quotidien
d'un pèlerinage ; il aime à s'agenouiller au pied de cette croix
et à y prier pendant de longues heures. De là il aperçoit la
basilique qui abrite le tombeau de saint Remi, celui qui, par
une force mystérieuse, l'a captivé, attiré et conduit depuis son
lointain pays jusqu'en cet endroit. Basle portait avec lui un
petit pupitre en bois sculpté, il y plaçait le livre des psaumes
qu'il chantait, ou bien les Saintes Ecritures qu'il méditait la
face inclinée jusqu'à terre. Ce pupitre fut conservé longtemps
dans la basilique du monastère, et le bois qu'on en détachait
avait la propriété de guérir et de soulager les infirmités.
Le solitaire savait mêler à ses pieux exercices les travaux de
ses mains, mais son âme ne cessait jamais de parler à Dieu. Il
planta autour de sa retraite de jeunes arbres fruitiers, qui
plus tard se chargèrent de fleurs et de fruits; son dessein
était de se cacher encore plus profondément au regard des
indiscrets qui commençaient à venir le visiter, attirés par
cette auréole ou ce parfum mystérieux que Dieu met autour de ses
saints et qu'ils ne peuvent jamais dérober complètement. Du
reste, Dieu ne veut pas que la sainteté de ses serviteurs soit
inconnue, et au moment qu'il a fixé, malgré leurs répugnances,
lui-même les découvre et les manifeste.
PRODIGES
Le comte Attila qui possédait une partie de la Champagne avait
établi sa demeure sur la colline opposée. On l'avait surnommé le
Chasseur, parce que la plupart de ses loisirs étaient employés
aux exercices de la chasse dans ses forêts et ses immenses
domaines.
Un jour il lance un énorme sanglier; sa meute le poursuit avec
vigueur, elle est emportée sur la montagne du saint ermite. Le
sanglier se dirige vers la croix de pierre. Basle est en prière
et parait ne point entendre les cris et les aboiements, ni
s'apercevoir du danger qu'il court. Le féroce animal, dans sa
course, va droit à l'homme de Dieu ; mais, déposant toute sa
férocité, il semble reconnaître, dans une clairvoyance
merveilleuse, le Saint que les hommes ignorent; il tombe à ses
pieds qu'il lèche; les chiens, qui arrivent ardents et furieux,
s'arrêtent tout à coup comme écartés par une puissance
invisible; Attila et ses gens, contemplant ce spectacle, en
reconnaissent la signification. Dès lors ils eurent pour le
saint solitaire le respect et la vénération qu'ils ne lui
avaient pas témoignés jusque-là. Le comte donna à Basle une
partie de la forêt qui couvrait la montagne, et pendant
longtemps après la mort du Saint, ce fut l'habitude, parmi les
chasseurs, de ne point poursuivre le gibier qui s'engageait de
ce côté, afin de respecter ce lieu, devenu comme un lieu d'asile
pour les pauvres bêtes aux abois.
Un autre prodige attira encore l'attention sur notre Saint Basle,
au sommet de la montagne, n'avait pas d'eau, sinon celle qu'il
recueillait du ciel. C'était une de ses plus grandes
mortifications. Dans une année de sécheresse, il essaie
vainement de s'en procurer en creusant le sol; alors,
s'adressant à celui qui jadis, à la prière de Moïse, fit jaillir
l'eau du rocher, il prie avec force, et bientôt un petit
ruisseau s'élance de terre et descend la pente de la montagne.
L'eau est miraculeuse, elle guérit le s infirmités; on l'apprend
et les malades arrivent pour demander la santé et pour retrouver
par sa vertu leurs forces perdues.
Enfin un miracle éclatant manifesta au loin la renommée du
serviteur de Dieu. Annégisèle avait douze ans et était aveugle
depuis sa naissance. Il pense que le Saint lui rendra la vue. Il
vient le trouver. Basle ferme sa porte. Annégisèle frappe en
demandant de voir. Toute la nuit il reste, suppliant le Saint
d'avoir pitié de lui. Le matin, au lever du soleil, Basle ouvre
sa cellule, et en même temps les yeux du petit aveugle sont
ouverts. La montagne retentit des cris de joie et du bruit de ce
miracle. Les moines de la vallée sortent de leur couvent en
procession, la croix en tête, des cierges à la main, ils montent
à l'ermitage en chantant des psaumes et en rendant grâces à Dieu
d'avoir manifesté par un tel prodige la sainteté de son
serviteur. Dès l'instant. il ne fut plus possible au saint
ermite de se dérober aux foules nombreuses qui venaient à lui
pour implorer quelque faveur : il vit que c'était le bon plaisir
de Dieu, et, loin de fuir, il prêcha.
L'APOTRE
Maintenant saint Basle. saisi de l'esprit évangélique, ne se
contente plus de parler à ses visiteurs, il descend de sa
montagne et va porter aux populations, avides de vérité, les
trésors qu'il a amassés dans ses contemplations sublimes. Il
parle de Dieu avec des accents que l'on n'a point entendus; sa
parole est vive, elle porte la lumière dans les âmes et remue
profondément; du reste, la vue de cette homme habitué à
converser avec la divinité est elle-même la meilleure
prédication, toute sa personne manifeste la piété et la
pénitence. Il console, il reprend, il commande, il encourage :
partout, sur ses pas, la religion refleurit et les pécheurs se
corrigent. Il va quelquefois jusqu'à Aussonce visiter saint
Sindulphe, un des jeunes hommes qui, dès le premier instant, se
rangèrent à sa suite. Les deux serviteurs de Dieu s'encouragent
mutuellement; leur conversation n'a pour objet que l'amour divin
qui les pénètre, la gloire et les félicité s éternelles.
Mais saint Basle porte plus loin son zèle et sa parole. Une
épidémie sévit en Lorraine et s'attaque de préférence aux
enfants; la plupart sont emportés. La renommée du solitaire de
Verzy est allée jusque-là ; les populations désolées le
sollicitent de venir au milieu du fléau pour l'arrêter. Basle se
rend à cette demande et traverse les diocèses de Toul et de
Nancy opérant partout des guérisons et des conversions.
Ce fut la marche d'un thaumaturge; le peuple l'entourait et lui
faisait escorte; on conserve encore dans plusieurs endroits le
souvenir de son passage. A Villeraucourt, au diocèse de Verdun,
où il séjourna pendant quelques semaines, la tradition montre la
place de la cabane qu'il habita, la fontaine où il puisait
l'eau, ainsi que le calvaire devant lequel il venait prier. Il
conservait dans son voyage sa vie érémitique. II choisissait
ordinairement un bois solitaire à quelque distance du village,
se construisait une cellule près d'une fontaine et élevait une
croix.
Il passe à Buriville, au diocèse de Nancy, et fait jaillir en ce
lieu une source miraculeuse qui devint le but d'un pèlerinage et
qui guérit les petits enfants atteints de convulsions.
Dans les Vosges, il apparaît près d'Avrainville, demeure dans un
bois qui porte son nom où l'on montrait une large pierre sur
laquelle étaient marqués les genoux du Saint en prière. Il
ramena beaucoup de pécheurs à Dieu dans cette contrée et
convertit une bande de voleurs qui étaient la terreur des
habitants. Ceux-ci, pour témoigner à saint Basle toute leur
reconnaissance et pour l'engager à se fixer parmi eux, lui
construisirent une cellule en pierre.
On le rencontre encore à Lignéville, dans les Vosges; il plante
son bâton en terre et une fontaine apparaît au même instant.
Depuis, on a bâti à côté une chapelle qui est un lieu de
pèlerinage. SA MORT
Il revient à sa montagne de Verzy, et, pendant plusieurs années,
se livre à tous les exercices de la vie érémitique. Mais il
n'est plus solitaire; chaque jour on lui amène quelque malade à
guérir, quelque infirmité à soulager. Les historiens disent qu'à
sa prière les aveugles voyaient et les démolis étaient chassés
des corps possédés. Dieu lui fit connaître que le terme de sa
vie approchait.
Il envoya un messager à Limoges pour avertir de sa mort
prochaine et ramener son neveu Balsème. Il annonça au jeune
homme que Dieu lui avait révélé de le choisir pour continuer sa
vie de pénitence et de solitude et pour habiter sa petite
cellule sur la montagne, et, s'il est fidèle à cette vocation.
Dieu le comblera de ses grâces et de faveurs nombreuses. Balsème,
ravi d'entendre ces paroles, se mit aussitôt sous la direction
de son oncle et commença à imiter ses vertus.
Enfin, saint Basle sachant que l'heure de sa mort était venue,
fait à sou neveu ses suprêmes recommandations, puis il se relire
dans sa cellule et rend sans douleur son âme à Dieu. Balsème la
vit entourée d'anges qui la portaient au milieu des cantiques de
joie céleste, jusqu'au trône de la divine Majesté. Saint Basle
avait soixante-cinq ans. Son corps fut enseveli à côté de sa
cellule, au sommet de la montagne, et bientôt les miracles
devinrent si éclatants sur sa tombe que saint Nivard, évêque de
Reims, bâtit une église et un monastère en cet endroit où saint
Basle avait donné au monde le spectacle de vertus si hautes et
d'une mortification si extraordinaire. Son culte est populaire
dans le diocèse de Reims et en Lorraine ; sa fête se célèbre le
20 novembre.
SOURCE CONSULTÉE
E. QUEUTELOT. - Saint Basle et le monastère de Verzy. Reims
1892. |