ADDITIONS.
NOTE SUPPLÉMENTAIRE
SUR UN AMAS DE MONNAIES LORRAINES DU TREIZIÈME SIÈCLE,
DÉTERRÉ A ANCERVILLER, PRÈS BLAMONT, DÉPARTEMENT DE LA MEURTHE.
Les trois hameaux d'Ancerviller, de Couvay et de Josain, réunis sous le seul nom d'Ancerviller, constituent une commune du canton de Blamont, arrondissement de Lunéville, département de la Meurthe. Dans le courant de mars 1840, des ouvriers, occupés à ouvrir une tranchée dans le jardin du sieur Masson, situé entre Couvay et Josain, rencontrèrent un vase de terre renfermant à peu près deux mille petites pièces d'argent, qu'ils commencèrent par se partager, sans y attacher une grande valeur. Des difficultés, au sujet de cette trouvaille, surgirent bientôt entre les ouvriers et le propriétaire du jardin; mais ces difficultés ne purent être levées, que lorsque bon nombre des pièces déterrées étaient déjà disséminées.
Je fus averti de cette précieuse découverte, par M. le docteur Lahalle, de Blamont, qui avec son obligeance accoutumée, s'empressait de faire parvenir à ma connaissance tous les détails d'un fait intéressant aussi vivement l'histoire numismatique du duché de Lorraine. En même temps, M. Chanal aîné, bijoutier à Lunéville, faisait l'acquisition de la majeure partie du trésor, et m'écrivait aussitôt pour m'offrir de me céder la totalité des pièces qu'il avait recueillies ; peu de jours après, je mettais en ordre près de seize cents deniers provenant de la découverte d'Ancerviller : les quelques centaines qui m'avaient échappé, étaient répandues à Blamont, à Lunéville, à Nancy et à Paris même.
La composition de ce petit trésor devait nécessairement jeter un assez grand jour sur l'histoire monétaire de Lorraine, et je regrette vivement que sa découverte n'ait eu lieu qu'après que l'impression de ce livre était trop avancée pour qu'il ne fût plus possible d'en profiter pour la rédaction de mon texte. Il ne me restait d'autre parti à prendre que celui de décrire à part toutes les variétés des deniers lorrains contenus dans le trésor d'Ancerviller, et d'en faire ainsi le sujet d'une sorte de supplément indispensable, pour compléter les documents qu'il m'avait été possible de réunir, avant la publication définitive de mes recherches.
Je vais donc passer en revue toutes les espèces distinctes ou simples variétés que contenait le nombre, déjà très-grand, des pièces qu'il m'a été possible d'examiner; toutes, à l'exception d'une seule, font aujourd'hui partie de ma collection ; leur poids varie entre 648 et 7 56 milligrammes ou 12 et 14 grains.
FERRI sous un cavalier au galop, se couvrant de son écu et brandissant une épée. - Écusson de Lorraine dont un grenetis forme le contour ; au-dessus, une croix ; à droite, NAN; à gauche, CEI (Pl. XXXV, Fig. 1). Quarante-sept exemplaires.
Mêmes types, sauf que sous le cavalier on lit FERI, et que la croisette que surmonte l'écu du revers, est accostée de deux points (PI. XXXV, Fig. 2). Quatre exemplaires.
Mêmes types; une petite croix surmonte la tête du cheval; au revers, on voit au-dessus de l'écu une étoile entre deux points (PI. XXXV, Fig. 3). Trois exemplaires.
Mêmes types; mais la tête du cheval est nue (PI. XXXV, Fig. 4). Dix-sept exemplaires.
Mêmes types ; au-dessus de l'écu, NE; à droite, NS; à gauche, EI (PI. XXXV, Fig. 5). Deux exemplaires.
Cavalier des deniers précédents; dessous, F, initiale du nom FERRI. - N. au-dessus de l'écusson; à droite,
EN.; à gauche, CI. (PL XXXV, Fig. 6). Cinq exemplaires.
Mêmes types, sauf que la lettre F placée sous le cheval est barrée (PI. XXXV, Fig. 7). Six exemplaires.
Cavalier sans légende. - Au-dessus de l'écusson, une croisette entre deux points; à droite, NEN; à gauche, CEI (PL XXXV, Fig. 8). Neuf exemplaires.
Mêmes types; au-dessus de l'écu, NA.; à droite, NC ; à gauche,
EI (PL XXXV, Fig. 9). Sept exemplaires.
Mêmes types; au-dessus de l'écu, .N.; à droite, .EN.; à gauche, .CI. (PL XXXV, Fig. 10). Soixante-sept exemplaires.
Mêmes types, sauf que le nom du revers est écrit NENSI (PL XXXV, Fig. n). Deux exemplaires.
Mêmes types ; à droite de l'écu, . NE . ; à gauche, . NC . ; au-dessus, . I. ; la bande de l'écu monte de gauche à droite (PL XXXV, Fig. 12). Deux exemplaires.
Cavalier. - Épée en pal, la pointe en haut; à gauche, une fleur de lys; à droite, une croisette; autour, N-EN-CI; la cinquième lettre est retournée (PL XXXV, Fig. 13). Six exemplaires.
Mêmes types; une fleur de lys sous le cavalier, et au revers, N-AN-CE-I (PL XXXV, Fig. 14). Cinq exemplaires.
Cavalier ; au revers, le nom de NANCEI commence au bas de la pièce à droite, et toutes les lettres en sont retournées (PL XXXV, Fig. 15). Un exemplaire.
Mêmes types; légende très-barbare (PL XXXV, Fig. 16). Un exemplaire.
Cavalier; au-dessous, une croisette. - Épée en pal, la pointe en bas; N-A-NC-EI (PL XXXV, Fig. 17). Appartenant à M. Rollin; un exemplaire.
Mêmes types ; au revers, la fleur de lys est à droite de l'épée et la croisette à gauche (PL XXXV, Fig. 18). Un exemplaire.
Mêmes types; épée la pointe en bas; N-A-N-CI (PL XXXV, Fig. 19). Un exemplaire.
Mêmes types ; épée la pointe en haut ; lys à gauche, croisette à droite ; N-AN-CE-I (PL XXXV, Fig. 20). Un exemplaire.
Cavalier; dessous, une fleur de lys. - NANCEI ; épée en pal, accostée d'une fleur de lys et d'une croisette (PI. XXXV, Fig. 21). Trois exemplaires.
Cavalier ; dessous, FERI. - Epée en pal ; à gauche, un croissant ; à droite, une étoile; à droite, NAN, CEI à gauche (PI. XXXV, Fig. 22). Quatre exemplaires.
Mêmes types; l'I final du nom FERI est placé au-dessus de la queue du cheval, et le mot NANCEI commence à gauche en has (PI. XXXV, Fig. 23). Treize exemplaires.
Mêmes types; l'I final du nom FERI est rejeté au-dessus des pieds de devant du cheval (PL XXXV, Fig. 24). Un exemplaire.
Mêmes types; I final au-dessus de la queue du cheval; le nom NENCEI commence à droite en haut, L'E est renversé (PL XXXV, Fig. 25). Un exemplaire.
Cavalier; sous le cheval, un croissant. - Epée en pal, NAN-CEI (PL XXXV, Fig. 26). Deux exemplaires.
Mêmes types, avec le nom du revers écrit NANSEI (PL XXXV, Fig. 27). Deux exemplaires.
Cavalier; dessous, une étoile entre deux points. - Epée en pal entre deux roses; NANCEI (PL XXXVI, Fig. 1). Cinq exemplaires.
Cavalier. - Épée en pal ; NAN-CEN (PL XXXVI, Fig. 2). Un exemplaire.
Cavalier. - Épée en pal; ME-RI-CORT (PL XXXVI, Fig. 3). Trente et un exemplaires.
Cavalier; dessous, une fleur de lys; au-dessus de la queue, F. - Bras armé; à gauche, un croissant; à droite, une étoile; NA-N-C-EI (PL XXXVI, Fig. 4). Un exemplaire.
Cavalier; dessous, FERI. - Bras armé; NAN-CEI (PL XXXVI, Fig. 5). Vingt-sept exemplaires.
Mêmes types; FERI rétrograde; au revers, N-AN-CE-I (PL XXXVI, Fig. 6). Un exemplaire.
Mêmes types; FERI; au revers, NA-NC-EI (PL XXXVI, Fig. 7). Trente deux exemplaires.
Mêmes types ; la légende du revers n'est pas coupée (PL XXXVI, Fig. 8). Trois exemplaires.
Mêmes types; l'I final du nom FERI est au-dessus de la queue du cheval; NA-N-CEI (PL XXXVI, Fig. 9). Quinze exemplaires.
Mêmes types; FEB . et NA-N-C-EI (PL XXXVI, Fig. 10). Un exemplaire.
Cavalier ; dessous, une étoile entre deux points. - NOVOCASTRI . ; croix pattée; la légende commence par une étoile entre deux points (PL XXXVI, Fig. n). Trente-deux exemplaires.
Mêmes types, avec la légende NOVC.ASTRI (PL XXXVI, Fig. 12). Onze exemplaires.
Mêmes types; NOVOCATRI; la légende commence par une étoile (PL XXXVI, Fig. 13). Trente-cinq exemplaires.
Mêmes types; NOVOCATRI (PL XXXVI, Fig. 14). Trois exemplaires. Mêmes types. - NOVOCATRO; la légende commence par une croisette (PL XXXVI, Fig. 15). Cinq exemplaires.
Mêmes types, avec NOVCATRO (PL XXXVI, Fig. 16). Dix-sept exemplaires.
Mêmes types, avec NOVOVOCAT. (PL XXXVI, Fig. 17). Trois exemplaires.
Mêmes types, avec NOVOATCRI. (PL XXXVI, Fig. 18). Huit exemplaires.
Cavalier; dessous, IA. - Épée en pal; NVEF-CHA. (PL XXXVI, Fig. 19). Quinze exemplaires.
Mêmes types; mais au revers, bras armé, accosté d'un croissant et d'une étoile (PL XXXVI, Fig. 20). Quatre-vingt-deux exemplaires.
Mêmes types; épée en pal; NVEF-CHAT. (PL XXXVI, Fîg. 21). Un exemplaire.
Cavalier; dessous, AI. - Épée en pat; NVEF-CHA . (PL XXXVI, Fig. 22). Sept exemplaires.
Mêmes types; NVEF-CHAT. (PL XXXVI, Fig. 23). Quatre exemplaires.
Cavalier ; dessous, . A . - Épée en pal, accostée de deux points ; NVEFC-HATEL. (PL XXXVI, Fig. 24). Cent exemplaires.
Mêmes types; NVEFC-HATL. (PL XXXVI, Fig. 25). Trois exemplaires.
Mêmes types; NVEF-OIAT. (PL XXXVI, Fig. 26). Quatre exemplaires.
Mêmes types; NVEF-CHA. (PL XXXVI, Fig. 27). Sept exemplaires.
Les autres monnaies comprises dans la trouvaille étaient :
[...]
Voyons actuellement quelles sont les inductions qu'il est permis de tirer de la composition de ce trésor.
Les ducs de Lorraine dont nous y retrouvons des monnaies sont : Simon II, Ferri II et Ferri III.
Le numéraire de Mathieu II, qui régna trente et un ans, entre Ferri II et Ferri III, manquerait totalement dans l'amas monétaire en question, tandis que celui de son prédécesseur et de son successeur y sont représentés : le premier par un très-petit nombre d'exemplaires, le second par la presque totalité; ce fait me semble indiquer un vice de classification. Peut-être faut-il restituer à Mathieu II une partie des deniers anonymes offrant le nom de Nancy et l'écusson de Lorraine ; peut-être encore, et cette fois avec probabilité, il faut lui restituer les deniers également anonymes, à l'épée en pal et sur lesquels on voit une fleur de lys et une croisette
; enfin ceux dont le droit offre un croissant au-dessous du cheval, et le revers, une épée accostée de deux roses ou isolée. La fabrication assez élégante de ces pièces, les rapproche singulièrement, en effet, des deniers indubitables de Mathieu II.
Sur un millier de pièces à l'épée ou au bras armé, celles que je viens de mentionner ne figurent que pour un dixième au plus, et le rapport de ces nombres vient à l'appui de l'hypothèse nouvelle que je soumets à l'appréciation des numismatistes. Il est bon de remarquer de plus, que ces pièces sont évidemment plus anciennes que les pièces nominales de Ferri III, comprises dans la trouvaille; car elles sont frottées, usées et semblent avoir eu cours assez long-temps, avant d'être enterrées.
Les deniers que je propose de restituer à Mathieu II, sont donc les suivants ; planche II, figures 24 (1), 29 et 30; planche XXXV, figures 13 à 21, 26 et 27 ; planche XXXVI, figures 1 et 2.
On pourrait alors admettre que Ferri III, pour distinguer sa monnaie nancéienne de celle de son père, y inscrivit souvent son nom, comme nous avons vu qu'il le fit sur les premiers deniers émis entre 1252 et 1260.
En résumé, toutes les autres classifications que j'ai proposées demeurent confirmées, ou, pour mieux dire, démontrées par la composition du trésor d'Ancerviller.
C'est sous le règne de Ferry III que ce trésor fut confié à la terre ; or Ferri III a régné de 1281 à 1303, voilà deux premières limites;
Mais d'un autre côté, l'évêque de Toul, Conrad Probus, a siégé de 1272 à 1294;
Les évêques de Trèves, Arnold II, d'Isembourg, de 1242 au 5 novembre 1259; Henri de Fenetrange, son successeur, de 1260 au 26 août 1286;
L'évêque de Metz, Jacques de Lorraine, de 1238 à 1260 ; Bouchard d'Avesnes, de 1282 à 1296 (2) ;
Enfin Henri IV, comte de Luxembourg, a régné de 1275 à 1288, et Henri V, de 1288 à 13o8.
Le seul denier offrant ce nom et provenant de la trouvaille d'Ancerviller a passé entre les mains de M. Rollin, il est à fleur de coin, c'est donc à Henri IV ou à Henri V qu'il appartient, mais plutôt au premier ; par conséquent c'est entre 1282 et 1296 et probablement vers 1286 que le trésor d'Ancerviller fut confié à la terre.
(1) Le N° 24 figure à tort à la suite des deniers portant le nom FERI, il est réellement anonyme, ainsi que les exemplaires bien conservés me l'ont fait reconnaître.
(2) L'absence de tonte monnaie des évêques Philippe, Guillaume, Laurent et Jean II, intercalés entre Jacques et Bouchard, prouve la non existence ou du moins l'extrême rareté des monnaies de ces prélats.
Planche XXXV
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Planche XXXVI
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