Est-Républicain
29 septembre 1920
La résurrection de nos
villages
VERDENAL
Dimanche, il nous fut permis
d'assister à la touchante fête du retour à la vie d'un de nos
charmants villages lorrains : Verdenal, près de Blâmont.
Là où existaient, il y a un an encore, que ruines et décombres,
se dressent a nouveau et plus vivantes que jamais, avec leur
toiture rose et leur façade blanche, les fermes de nos
villageois.
Cette impression est vivement ressentie quand notre voiture,
débouchant de la forêt encore toute hérissée de ses « barbelés
», entre Domêvre-sur-Vezouse et Verdenal, nous découvrons le
village avec son clocher tout neuf, vrai jouet d'enfant posé là
dans le creux d'un vallon, avec ses animaux paissant dans les
vertes prairies et son fond de décor bleu de la ligne des
Vosges, toute voisine.
Le village a fait des frais de toilette ; tout est propre et
net, les habitants ont retrouvé leur figure des beaux jours de
fête d'avant-guerre Les plus beaux atours ont été sortis des
armoires, les cultivateurs sont venus des villages environnants.
Il y en a de Domêvre et de Chazelles.
Nous suivons la foule appelée à l'église par sa cloche de
fortune (les trois nouvelles ne sont pas arrivées à temps) et c'est encore une très forte sensation qui nous empoigne quand le
vénérable curé de Verdenal, revenu tout exprès dans le pays,
chante d'une voix émue la première messe.
Le sermon fut donne par M. l'abbé Aubry, curé de Saint-Léon, à
Nancy, et enfant de Verdenal.
M l'abbé Aubry trahit aussi son évidente émotion mais vite la
réaction se produisit et c'est d'une voix puissante qu'il
célébra avec son éloquence habituelle la renaissance du village.
La Coopérative de reconstruction, sous la présidence éclairée de
M. Marchand, professeur à l'école Turgot, à Paris, réunit
ensuite ses membres pour procéder au renouvellement de son
bureau. Après avoir remercié chaleureusement les personnes qui
avaient bien voulu assister à cette fêté, parmi lesquelles il
faut citer M. Bentz conseiller général, à qui la présidence de
la réunion fut offerte, M. Louis, le sympathique chef de
subdivision de Blâmont, etc...
M. Marchand lut quelques lettres d'excuses parmi lesquelles
celle de M. Préau, chef du service de la reconstruction à la
préfecture, et aborda enfin l'ordre du jour.
Ce fut d'abord un chaleureux éloge de l'architecte, M. Fernand
César, de Nancy, qui sût si bien guider et diriger les travaux,
et des entrepreneurs, MM. France Lanord et Bichaton, dont
l'éloge n'est plus à faire depuis longtemps, mais qui se
surpassèrent en efforts et en bonne volonté, ont apporté là
leurs plus puissants moyens d'action et de réalisation matériels
et financiers.
Après ce témoignage très mérité et les chaleureux remerciements
de toute l'assemblée à MM. César et France Lanord et Bichaton
pour le splendide résultat obtenu qui place Verdenal, d'après
l'avis même de la préfecture, à la tête de la reconstruction du
département, pour la façon complète (ou à si peu près) avec,
laquelle les maisons sont rendues au cultivateur, mais à coup
sûr la première pour la rapidité d'exécution. On visite quelques
fermés, puis un dîner tout intime réunit les invités. On parla
beaucoup des souffrances passées du pauvre pays, des misères
endurées, des deuils, de l'exil... puis du retour, à
l'armistice, dans le village mort... peut-être pour toujours...
Mais le champagne pétille. Adieu le sombre passé, le cauchemar.
La campagne est belle, les bêtes sont à l'étable. Le fourrage
monte jusque sous les tuiles neuves. Il va faire bon et chaud
dans les maisons cet hiver. Verdenal est vivant et bien vivant.,
grâce à la réunion de tous les éléments indispensables au succès
: le tact et l'intelligente initiative d'un président de
coopérative tel que M. Marchand et des hommes d'action et de
réalisation dont il sut s'entourer, tels leur architecte et
leurs entrepreneurs. |