Est-Républicain
9 septembre 1924
L'inauguration du monument
de Repaix
Dimanche dernier, la petite
commune de Repaix, dans le canton de Blâmont, a inauguré le
monument érigé à la mémoire de ses enfants morts pour la France.
Le joli village, si joliment situé à flanc de coteau, avait
revêtu une ravissante parure de verdure et de fleurs, de
drapeaux et d'oriflammes, de sapins et de guirlandes. A toutes
les fenêtres des maisons flottaient les couleurs nationales. Sur
des banderoles blanches, on lisait ces inscriptions : « Honneur
à nos morts », « A nous le souvenir, à eux l'immortalité ».
Un service solennel fut célébré à 10 heures dans l'église de
Repaix, par M. l'abbé Gérard, curé de la paroisse. A la
cérémonie assistaient M. le maire ; M. Jacquet, adjoint, et le
conseil municipal ; MM. Georges Mazerand, Marin et de Warren,
députés. Pendant la cérémonie, les chants liturgiques furent
exécutés par les jeunes filles de la chorale paroissiale ; puis
M. Michel, de Blâmont, chanta la cantate célèbre de Bourgault-Ducoudray,
accompagné à l'harmonium par l'organiste de Blâmont, aveugle de
guerre.
Les trompettes de la société de préparation militaire de Blâmont
et l'excellente harmonie des établissement Lorraine-Diétrich se
firent également entendre à plusieurs reprises.
Après un sermon, prononcé par M. l'abbé Gérard, et l'absoute,
donnée par M. l'abbé Barbier, curé-doyen de Blâmont, un cortège
se forma pour se rendre au monument.
En outre des parlementaires et de la municipalité, plus haut
cités, on remarquait derrière l'Harmonie et les trompettes, MM.
Lucien Labourel, maire de Blâmont ; Gadel, maire d'Igney ; de
Grandseille, maire de Verdenal ; Aubry, maire de Gogney ; Eugène
de Turckheim, ancien maire de Lunéville ; le commandant Sérieyx
; le capitaine Jacquet, etc. Les sapeurs-pompiers de la commune
étaient commandés par le lieutenant Aubry.
Devant le monument
LES DISCOURS
Les autorités prennent place
dans la tribune officielle, puis l'Harmonie de la Société
Lorraine exécute un allègre pas redoublé. La foule entoure la
stèle sur laquelle on lit les noms des braves enfants de Repaix
morte pour la patrie : Charles Jacquet, adjudant ; Charles
Henry, sergent ; Henri Chatel, caporal ; Alfred Aubry, Joseph
Bonnetier, Auguste Claude et Louis Lartesant.
La chorale et les enfants des écoles, sous la direction de Mlle
Odinot, institutrice, ayant exécuté de façon parfaite une
cantate. M. le maire fait l'appel des morts, suivant le
cérémonial accoutumé. Les trompettes ferment le ban et la
musique joue la « Marseillaise ».
Le maire de Repaix prend le premier la parole. Il remercie les
parlementaires présents et la population de Repaix qui a honoré
de son mieux la mémoire de ses vaillants enfants.
M. Georges Mazerand parle ensuite. Du très beau discours du
dévoué député de Meurthe-et-Moselle, reproduisions ces passages
:
« Si tous les Français ont été dignes du drapeau qu'ils
défendaient, nos compatriotes, la plupart versés dans ces
régiments de fer, célèbres dès le temps de paix, ont dépassé les
limites que la moyenne ordinaire des forces humaines assignent à
l'endurance, à l'obstination magnifique, à la résignation
sublime.
« Ce sont les qualités de la race lorraine qu'ils ont mises en
oeuvre durant ces années infernales. Ce sont ces qualités aussi
qui ont multiplié à travers toute notre province les stèles, les
colonnes, les pyramides que recouvrent tant de noms familiers.
« Si cela avait été réalisable, on eût sans doute recherché
quelle proportion nos compatriotes représentent dans l'année
funèbre des 1,500,000 morts que. nous a coûtés la guerre ! Cette
statistique aurait été pleine d'enseignement...
M. Mazerand adresse aux glorieux morts de Repaix son salut
affectueux et fraternel, puis il conclut ;
« Que ces monuments, si modestes qu'ils soient, demeurent pour
nous et nos descendants le symbole des vertus admirables que
résument ces deux mots : « Courage et foi patriotique ». C'est
avec confiance que vous pourrez les léguer aux générations
futures qui y trouveront un motif de légitime orgueil et, s'il
le fallait, un impérieux exemple.
« Le passé répond de l'avenir. Si ce monument d'e gloire a coûté
bien des larmes, il raffermira les coeurs de nos successeurs, il
maintiendra notre grandeur ! » (Applaudissements.)
M. Edouard de Warren rappelle éloquemment les heures
inoubliables de la mobilisation, puis l'héroïsme et l'abnégation
manifestés par nos soldats au cours de la longue et terrible
guerre. Il parle ensuite des déceptions qui ont suivi notre
victoire et exprime le voeu que toujours nous gardions les
vertus françaises et la foi dans tes destinées de la patrie.
C'est M. Louis Marin, député, ancien ministre, qui clôture la
série des discours. Se reportant à la date du 7 septembre 1914,
il évoque le souvenir de la bataille épique de la Marne. Dix ans
se sont écoulés depuis cette époque. Que d'événements dans ces
dix années, que d'enthousiasmes suivis de déceptions et
d'amertume !
M. Marin s'indigne des déclarations faites par M. Macdonald,
prétendant qu'on ne pourra pas fixer avant 50 ans les
responsabilités de la guerre mondiale. Paroles imprudentes qui
ont eu pour conséquence de provoquer une motion de protestation
de l'Allemagne, toujours prête à se laver de ses propres
responsabilités.
C'est auprès des tombes et des monuments perpétuant le souvenir
et l'héroïsme de nos soldats que les hommes politiques doivent
trouvent l'aliment de leur énergie... Sans le sacrifice sublime
de nos morts, sans la vaillance de notre armée, sans la force de
notre organisation militaire, !a France n'aurait pu vaincre sur
la Marne et conserver Verdun... le concours des alliés eût été
inutile... la civilisation, le droit et la liberté eussent
infailliblement succombé.
La foule applaudit, puis la musique joue la « Marseillaise » et
les habitante se dispersent lentement, profondément remués par
cette simple et émouvante cérémonie. |