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19 septembre 1926
- Renaissance de Mignéville
 


Est-Républicain
20 septembre 1926

Mignéville a célébré sa Reconstitution et fêté son vénérable Centenaire M. Joseph Zalewsky

Hier, la jolie commune de Mignéville a célébré la fête de sa reconstitution et rendu un magnifique hommage à son vénérable centenaire, M. Joseph Zalesky.
Le centenaire n'est, pas un inconnu pour nos lecteurs. C'est nous, les premiers, qui l'avons interwievé il y a un an.
La semaine dernière encore, nous lui consacrions un long article.
Favorisée par un soleil splendide, la double solennité avait attiré une foule considérable. Chacun fut unanime à admirer la décoration ravissante du village, pavoisé d'une profusion de drapeaux et de bannières, orné d'arcs de triomphe somptueux et de sapins reliés entre eux par des guirlandes multicolores et des grappes de glycines.
Le matin, l' «  Industrielle », fanfare des établissements Mazerand : la municipalité et les pompiers, commandés par M. Charles Zalesky, petit-fils du centenaire, allèrent chercher le vénérable vieillard pour l'emmener à la messe. Tout guilleret, le bon grand'père se joignit au cortège. Sur sa «  capote » étaient épinglées sa médaille d'honneur du travail et sa croix de chevalier du Mérite agricole.
Une place d'honneur avait été réservée à M. Zalesky devant le choeur, ce qui permit à une grand'mère de dire «  on crôrô ïn mérié... »
Au cours de la messe en musique, M. l'abbé Aubert., curé de Mignéville, prononça un émouvant sermon. Le service religieux terminé, on se rendit en cortège devant le monument, élevé à la mémoire des enfants de Mignéville morts pour la France, que l'on fleurit de gerbes de fleurs. Puis la cérémonie officielle commença. Au nombre des personnalités ayant pris place à la tribune dressée devant le groupe scolaire, on remarquait, aux côtés du centenaire, MM. Magre, préfet de Meurthe-et-Moselle : Louis Michel, sénateur : Georges Mazerand. député ; Liengey, maire de Mignéville ; Hellé, adjoint ; Michaut, conseiller général : Edouard Fenal, conseiller général ; Adam, conseiller d'arrondissement ; E. Bergé, conseiller d'arrondissement. : Fournier, maire de Badonviller ; Diedler, adjoint ; Coulon, inspecteur primaire ; le jeune maître portraitiste Jean Scherbeck ; Derque, conseiller d'arrondissement ; Gaston Chesnel ; Voissement, maire de Domèvre ; Bolland, maire de l.achapelle : Jeanjean, maire de Brouville ; Marchal, maire de Vaxainville ; Zabel, maire de Pettonville ; Arnould, maire de Reherrey ; Serment, maire de Montigny ; Colin, maire d'Ancerviller ; Gilbert, architecte ; Divoux, maire de Vacqueville ; Gorey. maire de Veney ; George, maire de Reclonville ; Lhote, instituteur de Mignéville ; I.aquenaire, maire d'Azerailles ; Thouvenel, maire de Gélacourt ; Cuny, maire de Bertrichamps; Lafontaine. inspecteur des coopératives de reconstitution ; Collinet, Cuissard, Morel, Parmentier, Barbier, Chanot, etc...

LES DISCOURS
LA CEREMONIE
A l'arrivée de M. le préfet et de M. le sénateur Michel, l' «  Industrielle » exécute la Marseillaise. Des compliments sont échangés. Une jeune fille offre une gerbe de fleurs au centenaire, par une de ses arrière-petites filles qui, très émue, donne à l'ancêtre «  cette preuve de tendre attachement et de filiale affection ».
Ouvrant un vieux registre, M. Lhote, instituteur, donne lecture de l'acte de naissance de M. Zaleski et. M. le préfet lui remet un superbe bronze, faucheur en tenue de travail, qui symbolise la vie de labeur du vieillard.
Très touché, le papa Zalesky remercie le préfet : «  Merci bien, Mossieu, vous êtes bien honnête ».

M. LIENGEY, MAIRE
La chorale de jeunes filles des établissements Mazerand interprète avec beaucoup de charme un très joli chant de circonstance, accompagné par la musique, et M. Liengey, maire, prend la parole :
Les fonctions que. je remplis me fournissent un plaisir bien doux : c'est celui de retracer devant toute cette assemblée votre longue vie de labeur, de travail et j'ajouterai de peines.
Vous êtes issu d'une famille polonaise, puisque votre grand-père Philippe Zalesky est venu en France avec Stanislas, roi détrôné de Pologne. Il eut deux fils, dont votre père qui a exercé le métier de maçon.
De son mariage, votre cher père eut quatre enfants, dont trois fils et une fille. Le second de ses fils a fait la campagne de Crimée, il y a trouvé la mort en accomplissant vaillamment son devoir. Vous l'aîné, né le 3 septembre 1826, vous êtes resté attaché à la terre.
Je ne croirai pas vous offenser en disant que la richesse n'habitait pas le foyer paternel. Les temps étaient durs.
Aussi, dès l'âge de 9 ans, vous entrez comme domestique de culture chez M. Fenal, famille dont nous nous plaisons à reconnaître la parfaite honorabilité, puis chez M. Masson, son gendre. Vous voyez les membres de ces deux familles s'endormir successivement dans le sommeil de la tombe, et vous continuez le métier d'agriculteur chez M. Liengey. Entre temps, vous épousez, le 27 décembre 1848, Marguerite Claudon.
De votre union naissent trois enfants : un garçon et deux filles. Votre fils, devenu grand, part au régiment, fait la campagne de 1870 en qualité de grenadier de la garde impériale et rentre chez vous comme grand blessé.
Lorsqu'il fut rétabli, après bien des soins empressés, il fit de la culture. Ce fut une occasion pour vous de l'aider et par votre travail et par vos conseils.
Vous avez l'immense douleur de fermer les yeux à votre compagne et la mort n'épargne même pas vos enfants.
Heureusement qu'il vous restait des petits-enfants qui ont su par leur attention et leur tendresse adoucir l'amertume de la séparation et par la vaillance d'un de ces petits-fils, Georges Zaleski, qui a gagné pendant la guerre de 1914 à 1918 les galons de lieutenant d'infanterie, et dont vous êtes fier avec juste raison.
L'implacable destin qui fauchait impitoyablement les jeunes existences n'a pu vous abattre.
Vous avez donc vu à deux reprises, en 1870 et en 1914, l'ennemi héréditaire envahir notre village, et que de fois vous avez serré les poings en assistant, impuissant, au sacrifice de nos braves soldats. De votre mieux, vous avez supporté toutes ces dures épreuves trouvant une consolation dans le travail de la terre.
Cette douce terre de France, qu'elle ne nous abandonne jamais! Vos 90 années d'attachement à la glèbe peuvent donner un exemple aux jeunes générations d'aujourd'hui qui, hélas, désertent les campagnes. Qu'elles méditent votre vie et elles, reconnaîtront la beauté et la grandeur du travail des champs.
Pour un si fidèle attachement à la terre, le gouvernement de la République, par l'intermédiaire de M. le préfet, vous a accordé la médaille d'honneur agricole destinée aux bons et loyaux serviteurs, puis le Comice agricole de Lunéville, à son tour, vous remettait, l'année dernière au concours agricole de Cirey, une prime en numéraire de 250 francs, et enfin le gouvernement. vous faisait chevalier du mérite agricole, récompensé justement méritée, n'est-il pas vrai, après une carrière si bien remplie.
Permettez-moi donc, cher monsieur Zaleski, en présence de M. le préfet qui a bien voulu nous donner une marque de sa particulière estime en assistant, à notre fête, et devant tout ce public qui vous admire, de vous féliciter chaleureusement et de vous souhaiter encore une longue existence. »
M. Liengey conclut en disant que le souvenir remis par M. le préfet à M. Zalesky perpétuera dans sa famille «  le souvenir de celui qui est resté fidèle à son village et à la terre qu'il n'a jamais cessé d'aimer ».
(Applaudissements.)

M. ADRIEN MICHAUT
Dans un long discours, nourri d'une sûre documentation, le dévoué conseiller général de Baccarat évoque la vie de Migneville dans le passé. Cette vie est celle de la plupart des village lorrains, détruits pendant la guerre


Photo L'EST REPUBLICAIN.
M. Joseph ZALEWSKY

de trente ans, ravagés par les massacres, la famine, la peste. Pour la première fois, après la guerre de 1914, les ruines furent relevées grâce à l'effort unanime de la nation.
M. Michaut rend hommage au courage des habitants et, en même temps à la si précieuse collaboration des pouvoirs publics dans l'oeuvre de la reconstitution.
Et puis c'est l'historique de Mignéville pendant les quatre années de la tourmente, l'invasion, le recul ennemi, les bombardements, les victimes et l'exode des infortunés allant mourir loin de leur cher village.
M. Michaut termine en ces termes :
«  Je souhaite à tous les habitants de Migneville autant d'années qu'en porte si allègrement leur vénérable doyer M. Zalesky, dont la longue existent est un bel exemple de fidélité à la terre et au travail rural.
«  Vous avez montré dans vos épreuves que ces fidélités étaient vôtres. Elles furent l'honneur de cette courageuse population et, après la grande guerre, la croix de guerre qui lui fut décernée en est le durable témoignage. » (Applaudissements.)

M. GEORGES MAZERAND
Le sympathique député de Meurthe-et-Moselle rend hommage aux habitants de Mignéville revenus à la terre au lendemain de l'armistice. Il parle des améliorations apportées dans la reconstitution du village et en expose l'intéressant détail.
«  Il nous reste, dit-il, l'immense fierté de l'oeuvre de relèvement dont nos anciens adversaires éprouvent une admiration un peu jalouse. Ils avaient voulu nous abaisser, ruiner nos industries : ils nous trouvent mieux outillés, plus aptes que jamais à servir d'exemple aux nations civilisées.
«  Ainsi se trouve réalisée cette justice immanente invoquée par le grand patriote Gambetta, aux heures les plus sombres de notre histoire nationale.
«  Tarda-t-elle trop longtemps à se manifester ? Non, messieurs, puisque beaucoup de ceux qui ont pleuré sur notre défaite de 1870 ont vécu assez pour voir la revanche se réaliser. Mignéville compte même parmi ses habitants un merveilleux vieillard, un centenaire, dont la vie est la plus magnifique preuve de la fidélité et de la ténacité des Lorrains ! »
S'adressant à M. Zalesky, M. Mazerand conclut :
«  Au cours d'une vie de labeur, exceptionnellement longue, n'êtes-vous pas demeuré attaché à deux entreprises auxquelles vous aurez seulement appartenu en quatre-vingt-dix années de travail ? Souffrez, cher Monsieur Zalesky, que je vous félicite de tout mon coeur et que je vous souhaite ardemment de conserver la santé et la robustesse qui font l'admiration de vos concitoyens empressés à entourer de leurs bons soins votre vieillesse ! Ce n'est pas la médaille d'or du travail qu'il aurait fallu vous décerner, mais la médaille «  de diamant ».... La République n'est pas assez riche ! aussi bien avez-vous acquis une sérénité dédaigneuse des vains honneurs et de toute récompense autre que l'universelle affection de vos concitoyens. (Applaudissements.)

M. LE SÉNATEUR MICHEL
M. le sénateur Michel, dont la voix claironnante résonne au loin, adresse ses compliments les plus chaleureux à la municipalité et aux habitants de Mignéville pour la splendide décoration du village, qui semble un nid délicieux enfoui dans la verdure des sapins vosgiens. Puis, remarquant un charmant essaim de jeunes filles, s'accrochant à la grille de la maison commune, il les compare aux fruits les plus savoureux du verger lorrain.
Il s'adresse aux jeunes gens de Mignéville : «  Voilà vos jeunes filles, gardez-les, épousez-les, ne les laissez pas partir à la ville et déserter la vieille terre natale. »
Avec infiniment d'esprit, notre dévoué sénateur montre, dans trop de communes, les jeunes gens quittant la campagne et, alors, de ce fait les vieux étant obligés de travailler double, pour remplacer les manquants, de s'obstiner à la culture de la terre, témoin le vénérable centenaire que l'on fête aujourd'hui. Et M. Louis Michel d'exalter éloquemment la ténacité de l'ancêtre, il brosse ensuite un vivant tableau de la vie des champs, vie saine, vie bonne, grâce à quoi l'on vit vieux. «  Si vous voulez devenir centenaire, restez à la campagne, à Mignéville, vous y avez la bonne place. Restez-y attachés de toute votre volonté, de toute la tendresse de votre coeur. »
L'allocution de M. Michel est couverte d'applaudissements.

M. LE PRÉFET
Pour que le souvenir de cette fête s'inscrivit au fronton des annales de Mignéville, pour qu'il durât dans tous les coeurs, il était nécessaire que le représentant du gouvernement de la République vint solennellement apporter aux habitants du village le témoignage de sa sympathie.
M. le préfet préside la cérémonie. A ce titre, il n'a que peu de chose à dire puisque, aussi bien tout a été dit, et excellemment, par M. Liengey, par MM. Michaud, Mazerand et Louis Michel.
«  Je n'ai qu'un rôle à remplir, déclare M. le préfet, c'est de vous féliciter du courage et de l'endurance des enfants de Mignéville, qui en dépit des deuils, des dévastations, ont toujours conservé une foi entière dans les destinées de la patrie. »
M. le préfet expose l'oeuvre admirable de la restauration de nos villages dévastés.
Au cours des siècles, la Lorraine fut bien souvent victime des invasions. Mais jamais encore, les gouvernements n'avaient aidé les sinistrés à relever leurs ruines. Cette fois, tous les Français ont participé à cette oeuvre de résurrection. C'est le miracle de la fraternité et de l'unité française.
En termes magnifiques, M. André Magre exalte la vertu de notre tradition des Marches de l'Est et s'incline devant le centenaire : «  Mon cher grand-père, s'écrit-t-il, vous êtes le symbole de l'éternité de la terre lorraine. »
Aux acclamations enthousiastes de la foule, M. le préfet, donne alors l'accolade au vénérable aïeul, au doyen de la commune de Mignéville, «  de Mignéville qui a bien mérité de la patrie française ».

LE BANQUET
La musique joue et la foule lentement se disperse, tandis que les personnalités visitent le village ressuscité.
A midi, un banquet installé dans la grande salle de la mairie-école réunit autour du papa Zalesky cent trente convives. C'est, le maître Emile Godard de Lunéville. qui le servait. Il se surpassa. La loyauté savoureuse de ses vins, la chère fine et rare lui valurent de la part des convives, et en particulier de M. le préfet, les plus flatteurs et mérités compliments.
Pendant le banquet, extrêmement cordial et gai, la musique et la chorale des jeunes filles donnèrent un intéressant concert, frénétiquement applaudi.

LES TOASTS
Au champagne, M. Liengey se lève : il exprima les excuses d'un certain nombre de personnalités empêchées d'assister à la fête et remercie chaleureusement ses invités de l'honneur qu'ils ont fait à Mignéville en se déplaçant pour fêter sa reconstitution et son centenaire.
M. Coulon, inspecteur primaire, dans une improvisation nette et fleurie d'esprit, expose le rôle de l'école publique et montra la nécessité d'une bonne fréquentation scolaire ainsi que de l'enseignement post-scolaire.
M. Coulon félicite ensuite MM. Gilbert et Ogé, architectes ; Bancon, entrepreneur, de la réalisation si heureuse que nous admirons aujourd'hui. Il remercie également les parlementaires et les services préfectoraux du précieux et indispensable concours qu'ils ont apporté à l'oeuvre de la reconstitution des écoles.
Fernand Rousselot se lève à son tour et adresse ce compliment au centenaire, compliment salué par les acclamations que l'on devine.

Compliment de Fernand Rousselot au grand-père Zalesky

Mon cher Monsieur Zalesky,
Quand j'eus l'honneur et le plaisir de vous voir la première fois, c'était un beau jour, lumineux et doux, de l'été dernier. Votre grand, ami M. Liengey, m'accompagnait,. Nous vous trouvâmes dans votre grange, en train de confectionner des liens de paille et, aussitôt, nous fîmes le couarail.
Vous aviez nonante-neuf ans. Avec cette terrible indiscrétion qui, caractérise les hommes de ma profession, je m'empressai d'annoncer au public que la bonne commune de Mignéville possédait un brave homme, né sous la règne de Charles X. qui avait connu les Trois Glorieuses, le parapluie de Louis-Philippe, la révolution de 48, a l'occasion de laquelle il. avait planté à Mignéville un arbre de la Liberté ; les crinolines du second Empire ; la guerre de 70 ; et puis Mac-Mahon, Jules Grévy ; le cheval noir du général Boulanger ; Sadi Carnot, d'autres encore; la guerre de 1914 enfin, pour arriver, toujours vaillant, toujours vigoureux aux petits jeunes gens qui ont aujourd'hui la charge de nos destinées.
A ce moment, m'étant rendu compte de votre robuste allégresse, j'exprimai non l'espoir, mais bien la certitude de, vous voir franchir sans accroc le cap de la centaine.
C'est maintenant chose faite. Vous avez cent ans. Vous avez même la suprême coquetterie de l'avouer.
Avouer son âge, cela n'est point, banal, mon cher monsieur Zalesky. Vous ne me croyez pas ?
Eh bien, demandez pour voir aux sympathiques parlementaires, assis à vos côtés, de vous confier le total de leurs printemps révolus. Vous sentirez leur embarras.
Moi-même, s'il vous plaisait de m'interroger, je vous répondrais que j'ai eu trente-et-onze ans et, que, depuis quelques années, je les garde et je m'y tiens avee une énergie farouche...
Ces cent ans, annoncés par toute la presse, marquent dans votre existence une étape émouvante. Mais ce n'est qu'une étape. Voici votre, troisième jeunesse qui commence.
Vous n'êtes pas un découragé, vous, comme le patriarche de Paulus, qui chantait :
Amis, je viens d'avoir cent ans.
Ma carrière est finie,
Mais mon coeur plein de vie...
Si votre coeur ingénu bat comme celui du père La Victoire, votre carrière n'est pas terminée.
Vous n'avez pas, en effet, renoncé au travail, qui est la loi de la vie, L'hiver, par les froids les plus rigoureux, n'allez-vous pas boquillonner au bois, emportant pour la journée une petite botiatte de vin, une dagône de lard et, une câye de pain dans votre séchat ?
N'allez-vous pas à la belle saison, bêcher aux lisettes, aux pommes de terre ? Ne faites-vous pas les mais ? N'aidez-vous pas à rentrer les blés et les aouênes dans les banons ?
Derrière vous s'allonge un long, un merveilleux passé de courageux labeur.
Devant vous, c'est l'avenir, un avenir de calme bonheur au milieu de la tendresse rayonnante de vos petits-enfants qui vous adorent.
Tous les espoirs vous sont permis. Si vous en doutiez, je me permettrais de vous rappeler quelques augustes exemples, dont, l'un, tiré des Saintes Ecritures, me plaît tout particulièrement :
«  Lorsque Booz épousa Ruth, le jeune Moabite, il venait d'entrer dans sa cent seizième année... »
Oui, monsieur Zalesky, Booz s'est replacé à cent seize ans. Ne croyez pas, pourtant, qu'en vous citant ce cas un peu exceptionnel, je veuille influencer vos décisions futures. Je me contente simplement de découvrir à vos yeux le champ des riantes hypothèses...
Victor Hugo ne nous a-t-il pas affirmé, à son tour :
Les femmes regardaient Booz plus qu'un jeune
Car le jeune homme homme est beau, mais le vieillard est grand...
Le vieillard qui revient vers la source première
Entre aux jours éternels et sort des jours changeants
Et l'on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens
Mais, dans l'oeil du vieillard, on voit de la lumière.
La réconfortante aventure de Booz n'est-elle pas le commentaire éloquent, de cette parabole :
«  Sur la montagne de Génésareth, il y a deux figuiers : l'un est vieux, l'autre est jeune. Mais tous deux portent les mêmes fruits. »
Pour les hommes d'un âge certain comme vous, monsieur Zalesky, aussi bien que pour les hommes d'un certain âge comme les personnalités qui vous entourent, je ne sais pas de parabole plus encouragante.
Ad multos annos ! C'est à cet avenir de sérénité que l'affection de vos petits enfants et la vénération de vos concitoyens vous réservent que je veux boire, monsieur Zalesky ; à ce clair bonheur aussi, que le Bon Dieu des braves gens de Lorraine doit à vos cent ans de travail acharné, de dévouement sans défaillance et d'admirable fidélité.

M. Georges Mazerand dit le rôle joué par la maison commune dans les villages et se félicite de se trouver aujourd'hui dans ce bel et spacieux édifice où l'on ne saurait que faire de la bonne administration. Notre député regrette l'absence des dames à cette fête familiale et leur porte un toast applaudi.
Très applaudi encore, M. Louis Michel, qui, passant, avec aisance «  du grave au doux, du plaisant au sévère », donne aux cultivateurs d'excellents conseils, puisés à la source de l'expérience. Les agriculteurs doivent faire l'effort nécessaire au redressement national.
Et c'est en adoptant, résolument les méthodes culturales nouvelles qu'ils arriveront à doubler, sinon tripler le rendement de leurs récoltes. En Lorraine, on fait un emploi trop parcimonieux des engrais chimiques.
M. Louis Michel fait un vigoureux appel à l'intelligente volonté dés cultivateurs et boit aux progrès future qu'ils réaliseront s'ils veulent accomplir l'effort demandé.
M. le préfet termine la série des toasts et c'est un véritable régal de délicatesse et d'humour que nous ne pouvons, à notre vif regret, reproduire, la place nous étant limitée.
Pour tous, il a un mot aimable, un trait spirituel, une attention affectueuse. Il boit plus particulièrement à M. Liengey, le digne maire de Mignéville, animateur de cette inoubliable cérémonie, à Mignéville reconstitué, et enfin au héros de la fête, le grand-père Zalesky, qu'il compte bien retrouver en bonne santé et. encore rajeuni quand, dans dix ans, on donnera une nouvelle fête en son honneur.
Un brillant concert, a terminé, sous un azur incomparable et un soleil qui semblait avoir rassemblé ses suprêmes ardeurs, cette admirable solennité, qui fut, à certains moments, chargée de la plus poignante émotion.

 

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