Compte-rendu de la
55e session, Nancy 1931
Association française pour l'avancement des sciences.
de METZ-NOBLAT
LA COOPÉRATIVE LORRAINE DE REBOISEMENT
La Coopérative lorraine de
Reboisement (C.L.R.) a été fondée en 1928 par un groupe de
membres de la Société lorraine des Amis des Arbres, désireux de
faire un effort de propagande en faveur du reboisement par une
action réelle et directe, et de donner ainsi une impulsion
nouvelle à une oeuvre dont l'intérêt s'avère plus grand de jour
en jour.
Si le taux de boisement de la région lorraine peut être
considéré comme normal, il n'en demeure pas moins que la surface
des terres incultes a quadruplé en Meurthe-et-Moselle depuis 40
ans (26.000 hectares en 1926) ; dans la Meuse, elle a augmenté
dans des proportions probablement plus grandes encore.
D'autre part, le bassin industriel est consommateur de bois en
quantités importantes (mines de fer, de charbon, papeterie,
etc.) et est obligé d'en demander une bonne part à
l'importation.
Ces deux sortes de raisons s'ajoutent pour donner une importance
particulière et spéciale au reboisement dans les départements où
s'exerce l'activité de la Société lorraine des Amis des Arbres,
savoir Meurthe-et-Moselle, Moselle, Meuse et Vosges.
La C.L.R. a pour objet statutaire :
1 ° L'achat de terrains et friches en vue de leur boisement ;
2° L'achat de terrains incomplètement ou mal boisés en vue de
leur restauration ;
3° Le reboisement de terrains au compte des propriétaires ou en
participation avec eux ;
4° Toutes opérations forestières et culturales à pratiquer sur
ces terrains.
Le capital initial a été fixé à 100.000 francs, divisé en 200
parts d'une valeur nominale de 500 francs.
Les Statuts ont été approuvés par le Ministre de l'Agriculture
le 2 mai 1928, ce qui permet à la Société de bénéficier des
exonérations fiscales prévues par l'art. 22 de la loi du
31décembre 1921.
Dès 1928, la C.L.R. a acquis des terrains à boiser dans la zone
rouge de Meurthe-et-Moselle, savoir :
53 hectares à Regniéville (canton deThiaucourt).
40 hectares à Leintrey et Reillon (canton de Blâmont).
Les opérations de boisement ont été entreprises dès l'hiver
1928-1929.
En 1929, le capital a été porté à 200.000 francs, par émission
de 200 parts nouvelles, au prix de 500 francs.
Cette augmentation a permis d'acquérir :
1) Une plantation de 10 hectares, âgée de 28 ans, assez
endommagée par la guerre, et située à Regnéville. Il a été fait
usage des dispositions de l'art. 15 de la loi du 16 avril 1930,
permettant de réduire des 3/4 les droits de mutation et
d'enregistrement.
La restauration de cette plantation a été commencée.
2) Un terrain de 22 hectares, situé à Cumières, dans la zone
rouge de Verdun, qui a été planté en peupliers.
Comme suite à ces acquisitions et aux travaux qu'elles
comportent, le Conseil d'administration de la C.L.R. a décidé,
en 1930, de procéder à l'émission d'une nouvelle tranche de 200
parts au prix de 525 francs l'une.
Cette émission est en cours : elle permettra de développer
l'action de la Société par de nouveaux achats.
Actuellement, la superficie plantée à neuf se monte à
65 hectares, ce qui a nécessité la mise en terre de 300.000
plants. Les essences employées ont été presqu'exclusivement les
résineux : pins et épicéas en mélange dans les argiles de Leintrey, pins noirs avec bandes d'aulne blanc dans les
calcaires de Regniéville.
La réussite a été très médiocre en 1929 (année très sèche) ;elle
a été bonne en 1930.
Les frais de plantation se sont montés à 40.000 francs, auxquels
il faut ajouter 10.000 francs pour restaurations de limites et
rétablissements de chemins dans les terrains sillonnés de
tranchées.
Ces dépenses ont été subventionnées à concurrence de 34 % par
l'Administration des Eaux et Forêts.
Quel est l'avenir de ce genre d'opérations ?
On peut admettre que, dans des conditions moyennes, la
production au bout de 30 à 35 ans se montera à 150-200 me. de
bois de mines ou d'industrie pour les résineux et 300 à 400 me.
pour les peupliers (rendement à l'hectare).
Il apparaît donc que, sauf bouleversement improbable du marché
du bois par l'emploi de matières premières de remplacement, le
taux de placement sera assez avantageux pour rémunérer
convenablement les capitaux investis. Les subventions et les
exonérations fiscales contribuent à améliorer sensiblement ce
taux de placement.
En contre-partie, il ne faut pas se dissimuler que les résultats
ne s'obtiennent pas tout seuls et sans aucun aléa.
Aux fonds consacrés aux achats et aux travaux de boisement, il
faut ajouter le temps et les soins de personnes qualifiées. Dans
un but de propagande, les fondateurs de la C.L.R. ont jusqu'ici
assumé bénévolement la direction des opérations ; il ne pourra
vraisemblablement pas toujours continuer à en être ainsi, et
lorsque le domaine viendra à s'agrandir, il faudra envisager une
organisation différente qui sera plus coûteuse.
D'autre part, certains risques sont à considérer : ceux d'échec
dans la plantation, dont il ne faut pas s'effrayer outre mesure
; ceux d'incendie, beaucoup plus graves, et auxquels il est
impossible de se soustraire totalement. Les assurances-incendie
forestières sont tellement onéreuses qu'elles sont prohibitives,
et les mutuelles qu'on a sérieusement étudiées ces dernières
années, n'ont pas encore fonctionné. La meilleure garantie
contre le feu est encore à rechercher dans un mode de plantation
approprié (bandes de feuillus dans les résineux, tranchées
pare-feux, etc.) et dans une surveillance aussi sévère que
possible.
Développement possible
On a vu que, dans notre région, la surface des terres délaissées
par l'agriculture augmentait rapidement.
Il ne s'en suit pas que le boisement en soit facile.
Le morcellement de la propriété s'oppose en effet à
l'acquisition de terrains suffisamment étendus pour qu'une
société comme la C.L.R. puisse s'y intéresser. Il est
pratiquement impossible de monter des opérations de boisement
sur des parcelles restreintes et isolées, sous peine de frais
généraux disproportionnés aux résultats.
Il faut donc trouver des modes d'action souples, parmi lesquels
la constitution de Syndicats communaux ou intercommunaux paraît
la meilleure.
Les grandes Sociétés pourraient servir de guides et d'appui à
ces syndicats, dont la vie propre serait assurée par les
associés résidant à proximité de leurs terrains et pouvant ainsi
s'occuper à bon compte des travaux de reboisement.
Pour la C.L.R, il semble que son activité peut sa tourner, le
cas échéant, vers des restaurations de forêts surexploitées,
encore que l'Etat semble vouloir prendre à son compte ce genre
d'opérations.
Mais il semble bien y avoir place, en matière de boisement, à
l'action particulière à côté de celle de l'Etat. La forme
collective, qui permet de centraliser les efforts, tout en
assurant la pérennité de la propriété forestière, est encouragée
par un certain nombre de dispositions législatives. La C.L.R. se
propose, en suivant cette voie, de montrer qu'elle conduit à des
résultats, et aussi que la propriété forestière peut être
mobilisable lorsqu'elle prend la forme collective.
En ce faisant, elle pense apporter son tribut à la cause
forestière, chère aux populations de notre région lorraine, mais
qui peut encore gagner du terrain là où l'agriculture en cède. |