Gazette des Eaux
5 janvier 1882
L'EAU MINÉRALE DE NONHIGNY
(MEURTHE-ET-MOSELLE)
Nonhigny, commune du canton
de Blamont, possède une source minérale qui jouit d'une certaine
réputation. Nous allons relater ici ce que les auteurs en
disent.
Après Dom Calmet qui n'en parle pas, on trouve Buchoz qui, en
1768, l'appelle faussement Monhigny à la
page 96-97 de son Vallerius Lotharingiae. Le Dr Lottinger, qui est l'auteur de
l'article publié parle gendre de Marquet, prétend que l'eau
coule dans un très beau bassin entretenu proprement ; qu'on en
fait usage dans les environs et .qu'elle jouit d'une certaine
réputation. Il attribue à cette eau la même minéralisation qu'à
l'eau de Neuweyer. Il prétend qu'elle est salutaire dans des cas
rebelles de jaunisse, enfin qu'elle purge violemment.
En 1833, le Dr Saucerotte (Topographie médicale de Lunéville, 1
broch. in-8, Nancy, p. 4) donne l'eau de Nonhigny comme
ferrugineuse ayant une saveur astringente très marquée et
colorant en brun les objets sur lesquels elle coule. Il la
prescrit pour plusieurs maladies et principalement dans les cas
d'affections asthéniques; néanmoins elle n'a aucune action bien
sensible sur les personnes qui en boivent journellement.
Girault de Saint-Fargeau (Dictionnaire des communes de la
France, t. III, p. 64) dit qu'il y a deux sources minérales à
Nonhigny. Cette assertion est répétée par Gironcourt (dernière
statistique de la Meurthe, 1838, t. II, p. 310 311). Il prétend
que l'une sort d'une prairie à proximité du village, et est
reçue dans de vastes auges où les animaux viennent s'abreuver.
L'autre, dont les caractères sont plus nets, vient couler dans
un bassin en marbre. L'eau de ces magnifiques sources est
fortement chargée d'oxyde de fer et jouit de propriétés
purgatives très prononcées. Gironcourt renvoie pour d'autres
caractères et propriétés de ces eaux à un rapport de M. Gérard,
ancien curé de Nonhigny, qui a fait une étude particulière sur
les eaux de la Lorraine et de l'Alsace. Ce travail est inconnu
en ce moment ; cela est fort regrettable.
Guibal, dans son Mémoire sur les terrains du département de la
Meurthe, inférieurs au calcaire jurassique (br. in-8. Nancy, s.
d., 34 p.) dit que la magnésie semble être la base de la
minéralisation de l'eau de Nonhigny.
H. Lepage (Statistique de la Meurthe, t. H, p. 441) dit qu'il y
a, à Nonhigny, une fontaine d'eau minérale dont le pavé
intérieur et les tablettes latérales sont en marbre. La
tradition en fait remonter la construction jusqu'aux Templiers.
M. Gondrexon, maire de Nonhigny, auquel nous avons, en 1879,
demandé des renseignements sur les sources de la localité qu'il
administre, nous a répondu ce qui suit :
« ... Les renseignements donnés dans la statistique de M. Lepage
doivent être vrais, car de temps immémorial on ne se rappelle
pas avoir touché à la fontaine autrement que pour la vider, et
de cela il y a environ 65 ans (vers 1814). Il faut croire
qu'elle est bien ancienne pour quelle ait été montée
intérieurement en marbre, puisque rien dans les archives n'en
donne connaissance. Le pavé intérieur et les tablettes de la
source principale sont en marbre, les anciens l'ont vu vider et
affirment la vérité. Cette source au niveau du sol coule dans
deux grandes auges en bois et sert à l'alimentation des
habitants et du bétail; elle donne 5 litres et demi à la minute.
« Il existe une seconde source à 60 mètres en aval ; le fond est
aussi, dit-on, en marbre; mais les côtés sont en moellons
couverts d'une pierre et avec assez d'ouverture pour pouvoir y
puiser. Cette seconde source est meilleure que la première, plus
douce et plus purgative. Ces eaux sont réellement bonnes,
purgatives pour tout étranger qui n'y est point habitué.
« Plusieurs personnes du village n'en boivent point à cause de
son goût de fer qui est bien plus prononcé quand le temps veut
changer. Chaque source est à environ 120 mètres de la mairie...
» (Nonhigny, ce 28 janvier 1879.)
M. Braconnier, ingénieur des mines à Nancy, a, en 1879, fait
l'analyse de la source de Nonhigny. Elle débite, dit-il, de 6 à
7 litres par minute et présente, en raison de la couleur rouge
de ses dépôts et de son odeur d'hydrogène sulfuré, tous les
caractères des sources sulfatées calciques des Vosges.
Elle contient 2gr,506 de résidu fixe par litre, se répartissant
ainsi :
Chlorure de sodium |
0.006 |
Sulfate de chaux |
2,289 |
Carbonate de chaux |
0,117 |
Carbonate de fer |
0,020 |
Carbonate de magnésie |
0,074 |
Il y aurait, selon M.
Braconnier, grand intérêt il capter cette source minérale qui
pourrait rendre de grands services. Le captage, en réunissant
les filets qui se perdent près de la surface porterait sans
doute le débit par minute à plus de 15 litres. Le voisinage des
vallées pittoresques du grès vosgien donnerait un grand attrait
à une station de bains formée à Nonhigny. La formation de cette
source s'explique ainsi qu'il suit : Les eaux de pluie
s'infiltrent, à la cote de 290 mètres, au contact des grès
dolomitiques de la partie supérieure du grès bigarré et des
marnes bariolées gypseuses de la base de l'étage supérieur;
elles descendent dans cette zone, sous les argiles imperméables,
jusqu'à Nonhigny, où elles rencontrent une cassure qui leur
permet de remonter au jour à la cote 279 mètres. Dans leur
trajet souterrain, elles se saturent de sulfate de chaux, de
carbonate de chaux, de magnésie et de fer, toutes substances
abondantes dans la zone qu'elles ont suivie.
Comme on le voit, l'avis de l'ingénieur des mines de Nancy est
favorable à l'utilisation de l'eau de la source de Nonhigny.
P. GUYOT. |