On a vu dans de nombreux articles de presse la relation de
violation de frontières par les troupes allemandes avant même la
déclaration de guerre (3 août, 18 h). La relation d'une visite
de patrouille bavaroise s'approchant de Parux ce 3 août à 8
heures du matin, est sans doute à l'origine de la confusion du
Bulletin de Meurthe-et-Moselle (édition du 11 janvier
1915), que reprend Gabriel Hanotaux dans son
Histoire illustrée de la guerre de 14
: « Le lundi 3 août, à 8 heures du matin (avant la
déclaration de guerre), 200 à 300 Bavarois pénètrent dans Parux,
font évacuer les maisons et rassemblent les habitants dans
l'église, après avoir fusillé sans jugement et sous le faux
prétexte que des coups de feu avaient été tirés sur eux : MM.
Victor Petitfils (40 ans); son beau-frère, Jean Zan Zotera,
sujet italien (40 ans) ; J.-B. Petitfils (58 ans), et Joseph
Martin (35 ans). A 9 heures, après avoir méthodiquement déménagé
les meubles et autres objets de quelque valeur, les soldats
procèdent, à l'aide de pastilles incendiaires lancées sur les
toits, à la destruction des maisons, sans en évacuer le bétail,
puis font sortir les prisonniers de l'église. ».
Car ce n'est que le 10 août que les Bavaraois, entrés dans
Blâmont depuis le 8 août, feront mouvement vers le sud, brûlant
Parux et Nonhigny.
Le mensonge du 3
août 1914
René Puaux
Ed. Payot, paris, 1917
L'agression allemande
[...]
Région de Cirey-sur-Vezouze
A l'est de Lunéville, à la hauteur de Blamont, à Badonviller, la
frontière franco-allemande est en dents de scie. Dans l'une de
ces encoches est le village de Bertramboix, proche de
Cirey-sur-Vezouze. Les uhlans entourèrent Bertrambois dans la
matinée du 2 août. Un message de Rambervilliers, 2 août, 11
heures, l'annonce en ces termes:
Le général Legrand fait savoir que le receveur des douanes de
Bertramboix vient de télégraphier qu'il était environné de
uhlans et s'attend à une attaque.
Ce fut la seule et dernière nouvelle que Ton reçut de
Bertramboix. Les cavaliers ennemis furent aperçus devant Cirey.
Le lendemain matin 3 août, à 8 heures, des patrouilles
allemandes se dirigeaient sur Cirey-sur-Vezouze, cette fois
venant de la direction du sud. Elles atteignirent le village de
Parux à quelques kilomètres à l'est de Badonviller. Les
patrouilles appartenaient à un régiment bavarois.
Cette région avait déjà été visitée le 29 juillet par des
patrouilles allemandes qui furent vues dans les bois de Parux et
de Petitmont (1).
1. La vie en Lorraine, janvier 1915, p. 177.
Arracourt, Rechicourt, Coincourt, Xures, Xousse
(Nord-est de Lunéville.)
Dans cette région frontière, qui est coupée par le canal de la
Marne au Rhin, on ne compte pas moins de cinq violations de
frontière dont une le 30 juillet, trois dans la matinée du 3
août et une au début de l'après-midi du 3 août.
Le premier attentat en date du 30 juillet se passa à Xures. Il
lût annoncé à Paris par le télégramme suivant:
Préfet de Nancy à Intérieur Paris, 30 juillet 15 h. 20, reçu à
18 heures.
Suis informé que violation de notre territoire par des cavaliers
de l'armée allemande se serait produite à Xures au point où
le-canal de la Marne au Rhin entre en pays annexé. Vous
adresserai détails par prochain télégramme.
L'enquête faite par le capitaine de gendarmerie de Lunéville,
envoyé sur les lieux, fit connaître qu'en effet, le 30 juillet,
à 2 heures de l'après-midi, deux sous-officiers allemands des
chevau-légers de Dieuze avaient franchi la frontière et avaient
galopé de 2 à 300 mètres en territoire français. Cette
provocation, si grave à l'heure où elle se produisait, produisit
quelque émotion.
Un peloton du 17e Chasseurs à cheval français se rendit à Xures,
mais aucun incident nouveau ne se produisit et l'affaire fut
considérée comme une simple escapade.
Les violations de frontière du 3 août au matin prirent un
caractère plus sérieux.
1° Vaucourt-Xousse.
Le 3 août à 15 heures, le chef du bureau de renseignements du
20e C. A., le capitaine de la Salle, téléphonait de Nancy à l'Etat-Major
de l'Armée.
Bureaux de poste frontière signalent partout violations
territoire par patrouilles ( 10 à 20 hommes) dans région
Herbeviller Rechicourt.
Capitaine Laborde, 18° Chasseurs, téléphone de Marinvillers que
douaniers de Vaucourt annoncent qu'un peloton de cavalerie
allemande sort du bois de Tillot (territoire français),
cavaliers ennemis arrivent près de Xousse. Les cloches de Xousse
sonnent en volée, il fait vérifier et prend le contact.
A la même heure le commissaire spécial d'Avricourt télégraphiait
à Lunéville, 14 h. 50.
Les chefs de station Embermenil et Marinvillers signalent par
téléphone que d'après avis digne de foi, le village de Vaucourt
serait occupé par troupes allemandes. Envoie cyclistes.
2° Coincourt.
Sur l'affaire de Coincourt, nous avons le témoignage du maire d'Einville
qui enterra le 3 août 2 soldats allemands.
« Ces deux Allemands, dit-il, faisaient partie d'une patrouille
qui avait violé le territoire de la commune frontière de
Coincourt, le matin du 3 août. Cette patrouille avait tiré sur
les douaniers de Coincourt. Ceux-ci ont répondu à l'attaque et
ont abattu ces deux hommes. Les chevaux eux-mêmes ont été pris
et amenés à Einville avec les cadavres des deux soldats. Le 2e
bataillon de Chasseurs de Lunéville, commandant Boussat, était à
ce moment à Einville. Entre lui et moi, il fut entendu, puisque
la guerre n'était pas déclarée, que les honneurs seraient rendus
à ces deux Allemands. Et comme c'étaient des chevau-légers, il
commanda un piquet de dragons comme escorte au convoi, en plus
des chasseurs à pied. Lui, et moi, comme maire, nous avons suivi
le convoi, accompagnés d'un certain nombre d'officiers. Tous
deux, nous avons pris la parole, lui pour féliciter ces
Allemands d'êtres morts en braves après avoir exécuté les ordres
qu'ils avaient reçus, moi en exprimant l'espoir que nos jeunes
gens d'Einville sauraient remplir leur devoir si la guerre était
déchaînée. »
Suivent les deux actes de décès des deux soldats allemands :
Joseph Heck et Georges Haag. Voici ces deux extraits des
registres des actes de l'état-civil:
Le 3 août 1914, à 7 heures du soir, nous a été amené en voiture
et remis le cadavre de Joseph Heck, soldai au 3e chevau-légers
bavarois par le commandant Denis Boussat, âgé de 43 ans,
commandant le 2e bataillon de Chasseurs à pied de Lunéville, et
le médecin-major Joseph Haken, âgé de 35 ans, du
2e bataillon de Chasseurs à pied à Lunéville. Dans les vêtements
du défunt se trouvait une lettre du 28 juillet 1914 de
Messendorf.
Le 3 août 1914, à 7 heures du soir, nous a été amené en voiture
et remis par l'autorité militaire : le commandant Boussat Denis,
âgé de 43 ans, commandant le 2e bataillon de Chasseurs à pied, à
Lunéville et le médecin-major Joseph Haken, âgé de 35 ans, 2e
bataillon de Chasseurs à pied de Lunéville, le cadavre de
Georges Haag, soldat au 3° régiment de chevaux-légers bavarois,
né à Niéderdorf, le 26 novembre 1890, fils de Haag Barbara.
Dressé par nous, Paul Dieudonné, maire d'Einville, le 3 août
1914, et signé par mous et les remettant:
Boussat, Haken et Dieudonné.
Dans la première liste des pertes bavaroises ces deux hommes
sont indiqués comme disparus. Le nom da premier est orthographié
Jos. Heckl de Massendorf, Bezirkamt Schwabach et celui du second
: Haak, de Niderdorf, Bezirkamt Schwabach. Un troisième
chevau-léger, du même 2e escadron est également porté comme
disparu : c'est un nommé Karl Sonntgeim, de Stauffen, Bezirkamt
Sonthofen. Un sous-officier du 3e escadron Marzellus Theis, de
Roncourt, près de Metz est égale-
ment porté comme disparu. Ces deux derniers hommes durent
tomber, le premier vraisemblablement en même temps que ses
camarades à Coincourt, et le second dans un autre engagement le
même jour, à moins qu'ils aient été tués dans l'affaire de
Rechicourt.
3° Rechicourt-la-Petite.
Le télégramme que nous avons cité plus haut du 2e bureau du 20e
C. A. de Nancy, 3 août 15 heures, signalait la violation de
frontière dans la région de Rechicourt.
Le Bureau Central de Nancy télégraphiait à 15 h. 10 qu'un
télégramme de la receveuse des postes de Einville signalait que
10 cavaliers ennemis avaient franchi la frontière à Rechicourt.
Cette patrouille fut peu de temps après décimée dans une
rencontre et eut deux hommes tués (1) entre Rechicourt et Bures.
4° Arracourt.
Un peu au nord de Rechicourt-la-Petite se trouve le village de
Arracourt. Une patrouille du 14e Uhlans (XVI C. A.) y pénétra au
début de l'après-midi du 3 et laissa trois blessés prisonniers
(2). Cette patrouille était suivie de contingents assez
importants, une centaine de fantassins et une centaine de
cavaliers (3).
1. Télégramme du Bureau Central de Nancy, 3 août,
19 h. 30.
2. E. M. 20 C. A. Nancy, 3 août 18 heures.
3. Préfet Nancy à Intérieur Paris, 3 août, 15 h. 45. |