Historique du 22e
régiment d'artillerie coloniale.
Ed. Rennes - 1921
EN LORRAINE
Occupation du secteur Forêt de Parroy-Domjevin.
Les journées des 15, 16 et 17 mai [1917],
furent passées dans les camps boueux de Blanzy-les-Fismes.
Le 18, le régiment se dirigeait par voie de terre sur Epernay,
où il devait s'embarquer pour une destination inconnue. Le
personnel supposait naturellement qu'il allait rejoindre la 15e
D.I.C. au repos dans la région d'Arcis sur-Aube; la division en
établissant son stationnement avait réservé les cantonnements de
son artillerie.
Le 18 mai, le 22e cantonnait sur les bords de la Marne, dans la
jolie petite ville de Verneuil.
Le 19, il devait occuper, à l'ouest d'Epernay, les cantonnements
de Mardeuil et de Vauciennes, en attendant l'embarquement
successif des batteries. Mais ces localités étaient encore
occupées par un régiment d'artillerie métropolitaine qui, arrivé
la veille, avait obtenu d'y faire séjour. Après un échange assez
long de conversations téléphoniques avec l'état-major de
l'armée, le 22e dut continuer sa route, traverser Epernay, et
aller cantonner au sud-ouest de cette ville dans la région de
Vinay. Les hommes acceptèrent gaiement ce contre-temps qui
augmentait pourtant considérablement l'étape et les fatigues de
la journée.
Les 20 et 21 mai, le régiment s'embarquait à Epernay dans neuf
trains et, contrairement aux suppositions de tous, débarquait en
pleine Lorraine à Lunéville et Einvaux quelques heures après.
Le 22 mai, le 22e était installé dans les cantonnements de
Rehainviller, Lamàth et Xermaménil, à 4 et 8 kilomètres au sud
de Lunéville.
Les habitants manifestèrent quelque appréhension en voyant
arriver des coloniaux; mais, après moins de deux jours de
contact, les canonniers du 22e avaient su se rendre utiles
partout, et inspirer à tous une telle confiance que la
population demanda, plus tard, leur retour.
Comme toujours, dès l'arrivée en cantonnement de repos, toutes
les dispositions furent prises pour remettre le matériel en
état, reprendre l'instruction du personnel. De cette façon, tous
les manquants étant remplacés au fur et à mesure, les batteries
étaient maintenues unités de tout premier ordre, toujours
prêtes, toujours aptes à remplir les missions les plus
difficiles, les plus pénibles prescrites par le commandement.
Dans les premiers jours de mai, la 15e D.I.C. occupait le
secteur de Lunéville, composé des deux sous-secteurs de la forêt
de Parroy et de Domjevin. Le 22e régiment d'artillerie, qui
venait de fournir un service particulièrement pénible, était
maintenu au repos pendant quelques jours, sauf le 1er groupe
qui, dès le 28 mai, prenait position dans le sous-secteur de
Domjevin superposant ses feux à ceux des batteries du 23e
R.A.C.C., régiment d'artillerie de corps du IIe C.A.C., mis
momentanément à la disposition de la 15e D.I.C.
Les deux autres groupes ne devaient, d'ailleurs, pas tarder à
entrer eux-mêmes en secteur et, le 12 juin, l'organisation était
la suivante :
Le colonel commandant l'A.D. 15/C avait son P. C. à Lunéville, à
côté de celui du général commandant la division.
Le lieutenant-colonel commandant le 22e R. A. C. C. avait son P.
C. à Croismare, à côté de celui du général commandant
l'infanterie.
Le groupe occupait le sous-secteur de la forêt de Parroy.
Les 1er et 3e groupes (ce dernier en réserve d'armée),
occupaient le sous-secteur de Domjevin.
Les P.C. des commandants de groupe étaient établis à quelques
mètres des P.C. des commandants des régiments chargés de la
défense des sous-secteurs.
Dans ce secteur présentant un front de 12 kilomètres, la densité
des troupes était trop faible pour qu'il pût être question
d'attaquer sérieusement l'ennemi. Mais la division ne pouvait
s'accommoder d'un calme absolu, elle voulait toujours être au
courant des intentions de l'ennemi, aussi les coups de main
destinés à faire des prisonniers étaient-ils fréquents.
L'entente la plus complète était toujours préalablement établie
entre fantassins et artilleurs, et le résultat escompté fut
presque toujours obtenu.
Des travaux considérables furent, en outre, entrepris dans ce
secteur. L'organisation défensive fut poursuivie. Le personnel
des batteries dut non seulement améliorer les positions
occupées, mais encore construire des positions bis et ter
ignorées de l'ennemi, grâce aux précautions prises. Ces
positions de rechange devenaient d'autant plus utiles que
l'ennemi connaissait toutes les anciennes positions, repérées
depuis longtemps et qu'une batterie soumise à un violent tir
d'obus à ypérite était inoccupable pendant plusieurs jours
jusqu'à désinfection complète. Tous ces travaux étaient menés
avec entrain.
La situation fut sans changement jusqu'au 7 juillet. A cette
date, un groupe du 23e R.A.C.C. remplaça, dans le sous-secteur
de Domjevin, le 1er groupe passant en réserve de corps d'armée
et cantonnant à Rehainviller.
Pendant que le 1er groupe reprenait l'instruction de son
personnel, les deux autres continuaient en secteur leurs
opérations et leurs travaux. La présence de troupes coloniales
dans le secteur et l'activité qu'elles déployaient devaient
préoccuper l'ennemi, aussi, dans la nuit du 3 au 4 août,
tenta-t-il, au nord-est de Veho, un important coup de main.
De 1 heure à 4 h. 30, les Allemands mettant en action de
nombreuses batteries de 77, de 105 et de 15 cm. tentèrent de
neutraliser nos batteries du sous-secteur sud, par un tir des
plus violents en obus explosifs et toxiques, pendant que leurs
troupes spéciales amenées la veille s'élançaient contre nos
lignes. Toujours vigilantes, nos batteries déclenchèrent
immédiatement leurs tirs de contre-préparation et de barrage.
Sans se préoccuper un seul instant du feu de l'ennemi nos
canonniers à leurs postes, le masque sur la figure, assuraient
leur service comme à la manœuvre et, exécutant ponctuellement
les divers commandements, procuraient à l'infanterie un appui
des plus précieux vérifié sur place par le nombre des cadavres
ennemis.
La 28e batterie, commandée par le capitaine Peyresaubes, secondé
par le lieutenant Hamel et le sous-lieutenant Guillaume, mérite
une mention toute particulière; soumise à un tir de destruction
intensif et précis, elle n'interrompit pas un seul instant son
feu malgré des pertes très sensibles qui, sans un hasard
extraordinaire, eussent été beaucoup plus sérieuses. Sans
compter les blessés légers et les intoxiqués soignés sur place,
la 28e batterie perdit trois de ses plus anciens et plus braves
soldats : les maréchaux des logis Gustin (Adrien) et Loisel
(Gustave), et le maître-pointeur Brunfaud (Louis); elle dut
évacuer trois canonniers très grièvement blessés : le 1er
canonnier Clément (Ernest) et les 2es canonniers Laduc (René) et
Mascarel (François).
Le courage et le dévouement de tous n'avaient pas été inutiles.
L'ennemi était contraint de rentrer dans ses lignes malgré les
moyens qu'il avait mis en œuvre.
Dès l'annonce de l'attaque, le 1er groupe du 22e R.A.C.C. était
immédiatement alerté à Rehainviller et se portait en avant pour
occuper des positions reconnues à l'avance. La rapidité de ce
déplacement démontrait une fois de plus les qualités
manœuvrières du régiment.
Pour développer l'instruction du personnel et tromper, si
possible, l'ennemi sur l'importance de l'artillerie et les
positions de batterie du secteur on prit les dispositions
suivantes : les batteries du 1er groupe, à tour de rôle, se
mettaient en batterie pendant la nuit en un point quelconque,
exécutaient dans la matinée quelques tirs observés et
méthodiques contre l'ennemi, camouflaient ensuite leur matériel
pour le reste de la journée et rentraient au cantonnement
pendant la nuit suivante.
L'ennemi cherchait à répondre à ces tirs, et l'agitation du
secteur augmentait. Le 1er groupe dut bientôt prendre position
avec mission de ne pas se dévoiler.
D'autre part, à tous les échelons du commandement, on
travaillait ardemment; on établissait, dans tous leurs détails,
les plans d'une offensive comportant plusieurs hypothèses.
Comme d'habitude la division espérait être appelée à participer
à l'attaque qu'elle préparait sur le papier, mais, le 28 août,
elle était relevée après avoir eu à supporter quelques nouveaux
bombardements sérieux et aperçu, dans le courant du mois d'août,
quelques officiers américains venant visiter nos lignes et faire
leur instruction.
Le 29 août, le 22e régiment d'artillerie coloniale occupait les
cantonnements suivants :
L'E.-M. du régiment et le 26 groupe à Xermaménil;
Le 3e groupe, à Lamath ;
Le 1er groupe, à Franconville et à la ferme de Relecourt.
Dans la VIIIe armée, où l'organisation des cantonnements était
l'objet des soins les plus attentifs du commandement, on devait
tout naturellement prescrire d'apporter des modifications aux
dispositions primitives, afin de procurer au personnel le
maximum de confort et à tous les animaux un abri convenable.
Après les déplacements opérés dans ce but, le 22e se trouva
cantonné ainsi qu'il suit :
E.-M. du régiment, à Xermaménil;
21e batterie, ferme de Bordes ;
E.-M. du 1er groupe et 22e batterie, Franconville;
23e batterie, Mortagne ;
2e groupe, Xermaménil ;
E.-M. du 3e groupe et 27e batterie, Lamath;
28e et 29e batteries, Clayeures.
Durant ce repos l'instruction des officiers et du personnel fut
poursuivie avec ardeur. La division continuait à compter à la
VIIIe armée; maintenue à proximité du secteur qu'elle venait
d'occuper, elle espérait toujours être appelée à prendre part à
l'offensive qu'elle avait étudiée dans tous ses détails et pour
laquelle elle avait exécuté d'importants travaux.
Les espérances de la division ne devaient pas être réalisées.
Les 19 et 20 septembre, le régiment s'embarquait à Bayon,
débarquait les 20 et 21 en gare de Rimaucourt [...] |